La mangrove : dynamique d’un écosystème complexe Exemple de la mangrove casamançaise du Sénégal BERTHUIN Tiffany & FRANCOIS Pierrick – Juillet 2009 Sommaire 1. Approches globales 1.1 Géographie 1.2 Une économie dépendante du milieu 1.3 La déforestation mangrovique en Casamance 2. Etude écologique d’un intertidale particulier écosystème 2.1 Définition 2.2 Composantes pédologiques et topographiques 2.2.1 Pédologie stricte 2.2.2 Le potentiel Hydrogène 2.2.3 La salinité 2.2.4 La topographie 2.3 Formations végétales 2.4 Faunes liées à cet écosystème 2.4.1 Notion de réseau trophique 2.4.2 Téléostéens, Mollusques et Décapodes 2.4.3 Ornithologie casamançaise 2.4.4 Hexapodes 2.4.5 Etude d’un cas de parasitisme des palétuviers 3. Conclusion Annexe 1 1. Approches globales 1.1 Géographie L’Afrique de l’Ouest occupe une surface d’environ 6 140 000 km2, soit quasiment un cinquième du continent africain. La grande majorité de la région est composée de plaines dont l’altitude est inférieure à 350 mètres, même si quelques sommets bordent la côte. La partie septentrionale est occupée par le Sahel, zone de transition aride à semi-aride entre le désert du Sahara et l’Afrique intertropicale. L’Afrique de l’Ouest comprend approximativement les pays au nord du golfe de Guinée jusqu’au Sénégal, ainsi que les états de l’arrière-pays sahélien. Officiellement nommé République du Sénégal, le Sénégal est un pays côtier situé à l’extrémité ouest du continent africain ; il est compris entre les latitudes 12º30’N - 16º30’N et 11º30’ - 17º30’ de longitudes ouest. Le Sénégal est limité au nord par la République islamique de Mauritanie, au sud par les Républiques de Guinée et de Guinée Bissau, à l’est par le Mali et à l’ouest par l’océan Atlantique (cf. annexe I). 1.2 Une économie fortement liée au milieu naturel De part sa latitude et son réseau hydrographique national relativement dense (cf. annexe II), le pays dispose de zones humides importantes tant sur le plan National, avec notamment les fleuves Sénégal et Casamance, qu’International avec, bien sûr, l’Océan Atlantique (cf. annexe III et IV). Ces zones humides, participent largement au développement socio-économique du Sénégal de part les énormes ressources halieutiques dont elles disposent. Parmi les secteurs économiques les plus productifs on peut citer la pêche ; cette dernière bénéficie de conditions naturelles favorables avec un littoral long de 700 km reliant du nord au sud, la région de Saint-Louis à celle de la Casamance. Les pêches les plus productives et par conséquent les plus pratiquées au Sénégal concernent l’ensemble de l’ichtyofaune, les crustacés avec essentiellement les nombreuses espèces de crevettes présentes et la conchyliculture sauvage. L’espace maritime national couvre une superficie d’environ 198 000 km². La pêche artisanale et industrielle est le pilier de 2 l’économie nationale. En effet, celle-ci fournit près de 112,802 milliards de francs CFA (soit environ 170 millions d’euros) à l’économie nationale ; elle devance ainsi le tourisme, les produits dérivés du traitement du phosphate et la culture de l’arachide. En Casamance où la zone littorale s’étend sur 86 km la pêche artisanale joue un rôle important dans la dynamique socio-économique, notamment en termes d’emploi et d’alimentation des marchés locaux en protéines animales. Les faibles moyens de l’ensemble des acteurs de la pêche au Sénégal ont poussés les membres du SRPSZ, Service Régional des Pêches et de la Surveillance de Ziguinchor, à faire des recherches sur les zones de pêche les plus couramment utilisées. D’après leur rapport paru en 2004, 95 % de la pêche en Casamance s’effectue sur le littoral Atlantique, c'est-à-dire à moins de 20 kilomètres des côtes, et dans le réseau hydrographique du fleuve Casamance. Comment peut-on expliquer une si large exclusivité des zones de pêches ? Evidemment les faibles moyens en matériels, filets, pirogues ou bateaux etc. des pêcheurs autochtones peuvent nous laisser imaginer qu’il est impossible voire dangereux de s’aventurer plus au large dans l’Atlantique. Cependant, divers témoignages allant tous dans la même direction, nous on spécifié qu’il était inutile de s’écarter abondamment du littoral pour pêcher. En effet, la production serait meilleure aux abords de la côte et dans le fleuve qu’en plein océan. Nous dégageons deux grandes explications pour expliquer ces observations : - D’abord, comme nous l’avons dit, les techniques de pêches africaines ne permettent pas de réaliser de nombreuses prises au large, de part, la profondeur, des importants mouvements de masse d’eau et de part les composantes physico-chimiques des eaux profondes marines (températures, salinité …) qui poussent les espèces biologiques à un mode de vie différent des espèces biologiques côtières. - Ensuite, la quasi-totalité de la côte maritime casamançaise ainsi que les rives du fleuve Casamance sont colonisés par la mangrove ce qui constitue une zone de reproduction et de croissance pour de nombreuses espèces de poissons, de crevettes et de coquillages. D’après une équipe de chercheurs de l’Université de Montpellier, le rôle de la mangrove sur le littoral Sénégalais auraient encore une influence sur la vie marine à une distance de 30 kilomètres au large des côtes. Peut-être faut-il y voir un début d’explication aux observations de terrains effectuées par nos pécheurs autochtones. 3 1.3 La déforestation mangrovique en Casamance La mangrove constitue une zone de reproduction et de croissance pour de nombreuses espèces de poissons, de crevettes et de coquillages. Cependant, face à la pauvreté, les pêcheurs ont tendance à pratiquer une exploitation peu soucieuse des générations futures et de l’écologie du milieu. S’il est certain que les choix politiques internationaux s’accordent sur la nécessité de replacer l’Homme au cœur des activités de conservation de la nature, les options de développement dans les pays en voie de développement menacent la survie des zones humides et des ressources qu’elles abritent. A partir de la fin des années 1960, le déficit pluviométrique observé dans toute la zone sahélienne a contribué à la fragilisation voire à la dégradation de la mangrove. De plus, dans un souci d’accroitre la production de la pêche, les pêcheurs n’hésitent pas à réaliser des coupes abusives dans la mangrove pour pouvoir pêcher encore davantage et encore plus loin dans les eaux. De même la conchyliculture pousse les ramasseurs à couper les racines des arbres pour y extirper les coquillages qui se développent sur les racines. Enfin, la mangrove est également dégradée car elle est nécessaire aux autochtones en tant que matière première du charbon de bois utile au fumage des produits halieutiques et à la consommation de ceux-ci. La déforestation est telle qu’en 30 ans et selon certaines estimations, la Casamance a perdu juste un peu moins de la moitié de sa mangrove, soit près de 75 000 hectares. Au Sénégal, les mangroves occupaient en 1990 un peu moins de 300.000 ha. Les mangroves occupent actuellement l'estuaire de la Casamance, elles s'étendent de la frontière de Guinée-Bissau au sud jusqu'à Diouloulou au nord et occupent une bande importante sur la rive nord du fleuve qui s'amenuise après Ziguinchor pour n'apparaître que sur des îlots ou en minces rideaux le long des rives jusqu’en amont de Sédhiou. Sur la rive sud du fleuve Casamance, les mangroves sont moins étendues (cf. annexe V). En Basse-Casamance, les données récentes de la superficie de mangroves sont lacunaires et des valeurs de 60.000 à 150.000 ha sont citées, ce qui peut s’expliquer par la définition donnée aux mangroves, c'est-à-dire si les tannes sont considérées comme en faisant partie ou non. 4 Données brutes : Année Hectares 1973 142000 1979 110150 1983 97750 1987 85500 1995 79950 2005 74500 Tableau évaluant la superficie mangrovique Casamançaise en hectares. Nom bres d'hectares Evolution de la superficie de la zone mangrovique en Casamance entre 1973 et 2005 160000 140000 120000 100000 80000 60000 Hectares 40000 20000 0 1973 1979 1983 1987 1995 2005 Années Ces données ont été reconstituées en essayant de ne comptabiliser que les zones végétalisées et donc en omettant les tannes que nous avons considérer comme faisant parties des zones de déforestation. 5 Les retombés écologiques dû à la rapide dégradation de cet écosystème sont nombreuses et de plus en plus préoccupante. Il est désormais urgent de comprendre les conséquences de l’ensemble des actions anthropiques néfastes à la mangrove et aux ressources de celle-ci. L’importance est autant écologique qu’économique car assuré la gestion du milieu assurera une production pour les années à venir et tendra ainsi vers une stabilisation plus importante de l’économie locale. 2. Etude écologique intertidale particulier d’un écosystème 2.1 Définition La Mangrove est un écosystème défini comme étant l’ensemble des formations végétales, arborescentes ou buissonnantes, qui colonisent la zone de balancement des marées des régions littorales intertropicales (cf. Annexe VI) Les mangroves sont les écosystèmes les plus productifs en biomasse de notre planète. Le milieu mangrovique est caractérisé par des conditions physicochimiques très variables dans le temps. Ces variations sont dues au phénomène de fluctuation du niveau d’eau, au mélange des eaux continentales et marines, aux apports nutritifs etc. Les mangroves diffèrent également des autres écosystèmes forestiers par le fait qu’elles reçoivent de grands apports de matières et d’énergie en provenance du milieu terrestre comme du milieu marin. Elles montrent un fort degré de diversité structurelle et fonctionnelle, ce qui les situe parmi les écosystèmes les plus complexes. D’un point de vue écologique, les mangroves fournissent la matière organique à la base des chaînes alimentaires des cordons littoraux et des eaux côtières peu profondes. La mangrove, outre son importance socio-économique, rend plusieurs "services" dont les plus importants sont : - De servir de support de nidification, de sites alimentaires, d’abris pour de nombreuses espèces d’oiseaux ; - La protection et la stabilisation des écosystèmes du littoral ; - D’être à la base des chaînes trophique grâce à son importante productivité primaire et la quantité de détritus produite ; - La modération des effets des tempêtes et des cyclones côtiers ; 6 - Le maintien d’une qualité de l’eau en retenant les charges alluviales et en filtrant et retenant les charges polluantes ; - De servir d’aires de croissances et de nutrition à de nombreuses espèces de poissons, de crustacés et de mollusques qui profitent de la richesse halieutique et de la caractérisation spéciale du milieu. 2.2 Composante pédologique et topographique 2.2.1 Pédologie stricte La pédologie est une discipline qui s'appuie sur l'étude des réactions réciproques entre les différentes phases (liquide, gazeuse, solide) composant le sol. Plus simplement, la pédologie représente l’étude des sols et des composantes de ceux-ci. De façon logique, la pédologie est étroitement liée aux conditions climatiques. La plupart des sols des zones de mangrove sont de types vaseux. Il s’agit donc d’un substrat meuble et instable. La vase est composée de sédiments apportés par la rivière au fur et a mesure du temps et de matière organique. La vase des mangroves est relativement noire à cause d’un taux important de matière organique dissoute dans le sol. Cette matière organique vient des déchets de feuilles de palétuviers et des alluvions acheminées par l’océan. Ces dépôts de vases comportent une slikke de ce que les locaux appellent le potopoto qui est de la vase molle découverte à marée basse et colonisée par la mangrove. En arrière de celle-ci, se retrouve souvent le schorre, c’est à dire les dépôts vaseux mieux égouttés, soit stériles, soit couverts d’une végétation herbacée de petite taille. Ces structures pédologiques s’expliquent par l’alternance exondation/inondation due au flux et reflux des marées, entraînant des périodes prolongées de dessiccation et d’immersion. Schéma d’une zone au sédiment vaseux 7 Les mangroves du Sénégal sont avant tout caractérisées par le rôle prépondérant que jouent la salinité et la teneur en souffre de leur sol dans la pédogenèse. Ces sols de mangroves présentent la caractéristique d’avoir un important taux de souffre sous forme de pyrite et sont appelés « sols sulfatés acides ». Ce sont des sols saturé en pyrite, théoriquement très acides et pauvres en oxygène. 2.2.2 Le potentiel Hydrogène Le pH normal des mangroves est proche de la neutralité avec des variations saisonnières. De manière simplifiée, nous pouvons dire que le pH est sous l’influence de l’alternance saisonnière d’engorgement et de dessiccation qui modifie le potentiel d’oxydo-réduction. En période engorgée, la réduction affecte le fer des particules et des grains de quartz SiO2 ainsi que le souffre des sulfates. Les produits de la réduction, les sulfures de fer et la pyrite Fe2S, s’accumulent au niveau racinaire des Rhizophora et atteignent des concentrations de 5 à 6%. En saison sèche lorsque le niveau de la nappe baisse, une partie des sulfures est oxydée en acide sulfurique faisant baisser le pH parfois de manière importante : jusqu’à une valeur de 3 à 2 lorsque le sol est très sec. Cette acidification augmente de la mangrove externe en direction des tannes qui sont les zones les plus acides de l’écosystème Dans nos mesures, nous avons tenté de mesurer l’acidité du milieu à l’aide d’un simple papier pH. Lors de l’expérience le but était de mesurer le pH de l’eau en fonction de l’âge des palétuviers de la parcelle d’études. Les résultats sont exprimés dans ce tableau : Année de plantation 2006 2007 2008 pH 7 7,5 7 Avec ces mesures l’on s’aperçoit que le pH de l’eau n’évolue pas avec les années. Cette affirmation a d’ailleurs était confirmer par les tests statistiques effectuées, qui ont tous invalidés l’hypothèse que la plantation de palétuviers influençait l’acidification du milieu. Cependant, en prenant le recul nécessaire concernant nos mesures, il apparait comme évident qu’une erreur à été faites lors de cette expérimentation. En effet, au lieu de mesurer le taux d’acidité de l’eau environnante des plants de palétuviers c’est le pH du sol de la parcelle de replantation qu’il fallait mesurer. Il est évident que les palétuviers ne peuvent influencer, ou alors de façon mineure et négligeable pour la précision de nos 8 mesures, l’acidité de l’eau, puisque celle-ci va et vient suivant les mouvements des marées de l’Atlantique, qui remonte le fleuve Casamance. Effectivement, il est établi que les sols de mangrove s’acidifient considérablement au séchage, alors que dans l’état naturel et original, le pH de ces sols s’établit autour de 6,5 ou 7. Dès lors, on en revient à nos premières affirmations qui corrélaient la pédologie et les conditions climatiques. Ici ce sont l’acidité des sols qui sont liées aux changements climatiques. La sécheresse qui sévit depuis maintenant plusieurs décennies en Afrique de l’Ouest, a provoqués une acidification brutale d’importante superficie de terres. De nombreux travaux et observations montrent que la sécheresse conduit petit à petit à la tannification ce qui implique une perte de la richesse spécifique végétale et à une hyperacidité du milieu. Mais comment expliquer le phénomène de tannification ? L’augmentation constant des températures de l’air ambiant et de déficit récurent en pluviométrie entraînent la libération d’aluminium par les argiles qui peut repasser dans l’eau libre et mouvante et se fixer sur les sols, abaissant davantage leur pH et pouvant exercer une action toxique non négligeable. L'acidité et la toxicité alumino-ferreuse constituent les principales contraintes des sols sulfatés acides qui peuvent de la sorte devenir stérile et aboutir à la tannification. Si l’on considère un cycle annuel et saisonnier, les diminutions des durées des périodes pluvieuses et par voie de fait l’augmentation des saisons sèches entraine une baisse du niveau de la nappe phréatique, une partie des sulfures est oxydée en acide sulfurique faisant baisser le pH parfois de manière importante, parfois jusqu’à une valeur de 3. Cette acidification, est très faiblement neutralisée car le milieu contient peu de bases. De façon générale, après ces dernières décennies « sèches », il apparaît donc aujourd’hui que l’acidité, si elle est toujours potentielle dans les mangroves et spectaculaire, est aujourd’hui masquée par une salinité extrême qui affecte tous les niveaux des bassins fluvio-marins avec parmi les conséquences les plus visibles : - au niveau des vasières : un rétrécissement de la mangrove à Rhizophora sur les bras principaux et sa disparition presque totale sur les bras secondaires comme à Koubalan. Son remplacement par une mangrove à Avicennia mieux adaptée à l’excès de sel bien qu’elle soit parfois elle aussi atteinte de mortalité massive. -au niveau des tannes : une augmentation considérable des surfaces hypersalées, hyperacides et stériles appelés "tannes vives" qui se développe aux dépends de la mangrove. -au niveau des rizières de mangroves : l’abaissement de la nappe d’eau douce et sa contamination par les nappes salées ont comme première 9 conséquence une salinisation et un abandon de la riziculture. L’intrusion du front salin atteint parfois même la palmeraie qui présente alors une forte mortalité. Les conséquences sont alors dramatiques pour les populations qui voient leurs zones de cultures diminuée par l’effet de la salinisation. 2.2.3 La salinité Le premier facteur qui détermine la salinité est le bilan évaporation – précipitation. Ainsi, les effets de la très forte évaporation au niveau des anticyclones subtropicaux apparaissent nettement dans la distribution de salinité de surface. Inversement, les précipitations abondantes de la région équatoriale font que la salinité est plus faible au voisinage de l'équateur. La salinité dans les sols de mangroves est donc des phénomènes naturels résultants des caractéristiques climatiques saisonnières. En Casamance, pendant la saison sèche, l’eau de la mangrove à Avicennia, très superficiellement drainée, s’évapore, augmentant ainsi la concentration en sel. Dans les tannes, c’est l’évaporation des eaux des nappes, alimentées souterrainement par la pulsation des marées, qui concentre le sel avec des teneurs bien plus élevées encore. Lors de la saison des pluies, l’eau dissout le sel accumulé provoquant une circulation inverse. De plus, les importantes précipitations de l’hivernage diluent le sel et font chuter considérablement les concentrations. Les problèmes de sécheresse actuelle modifient ce schéma provoquant une sursalinisation pouvant se manifester par des dépôts solides ou l’on atteint des concentrations de sels en excès. 2.2.4 La topographie La rivière au Nord est la Casamance avec ses multiples bolongs et affluents. Celle du Sud en Guinée-Bissau et le Rio Cacheu. Photographie satellitaire de la Casamance et de la Guinée-Bissau Source : Google Earth 10 La Casamance étant une région relativement plate d’un point de vue de l’altitude, sa principale caractéristique topographique se retrouve dans son réseau hydrodynamique très important (cf. Annexe VIII et IX). En plus d’être vaste, le réseau de la Casamance est tout aussi important et intéressant de part la zone estuarienne à l’Ouest et de ce fait de part les impacts que va avoir l’océan Atlantique sur la rivière et sur les mangroves. Nous avons parlé précédemment de l’alternance exondation/inondation. Celle-ci est un résultat direct des effets des marées sur les côtes Atlantiques. La Casamance suit un cycle de marée semi-diurne. C'est-à-dire un cycle où l’on retrouve deux basses mers et deux pleines mers avec un intervalle théorique de 12 heures entre deux pleines mers. L’estuaire de la Casamance, bien que n’entrant de façon exacte dans aucune classification estuarienne précise, s’apparenterai à un estuaire de type synchrone à l’Ouest puis légèrement hyposynchrone dans certain bolongs plus à l’Est. D’ordre général l’onde de marée converge dans la rivière mais subit très peu de frottement habituellement dû aux berges et au fond. Par conséquent le marnage, qui est la différence entre la hauteur d’eau lors de la basse mer et celle lors de la haute mer est sensiblement la même que ce soit à hauteur de l’embouchure que plus loin à l’Est. Les différences entre les marnages de l’embouchure et de Ziguinchor par exemple ne sont dues qu’au faible frottement qui ralentisse l’onde de marée. Etant situé assez proche de l’Equateur les marées en Casamance sont très faibles et n’excédent pas un marnage de 1m40 à l’embouchure sauf dans le cas de marée de vive-eau très fortes ou de marées de vive-eau d’équinoxe. Nous avons pût observer à Tobor un marnage d’environ 90cm, adéquate au développement des mangroves et des palétuviers. L’alternance exondation/inondation étant nécessaire à la mangrove, on imagine mal un marnage comme en France supérieur à 5mètres ou les palétuviers subiraient une trop forte inondation. Même si les palétuviers sont adaptés a des conditions particulières de marées, les racines peuvent êtres immergées mais pas les feuilles. On s’aperçoit ainsi que les effets d’un estuaire impact fortement les écosystèmes en amont de celui-ci. 2.3 Formations végétales C’est un biotope très dense mais qui comporte cependant une faible diversité végétale. Effectivement, en comparaison aux autres types de végétations tropicales, la mangrove compte peu d’espèces végétales et toutes sont adaptées à ce milieu ultra-sélectif. Il existe 1.150 espèces végétales en Casamance et seulement 7 sont recensés dans les mangroves d’Afrique de l’Ouest. Parmi ces 7 espèces, celles qui ont un véritable effet écologique et qui participent activement à la stabilité du milieu sont les palétuviers. Les palétuviers sont des arbres ou arbustes tropicaux capables de prospérer le long des rivages marins dans la zone de balancement des marées (cf. Annexe X et 11 XI). Ils supportent l'ennoiement régulier de leur base dans l'eau salée, vivent en colonies et forment de véritables forêts amphibies. Les autres espèces présentes appartiennent notamment aux familles des Combrétacées et des Aizoaceae. Parmi les 7 espèces présentent dans la mangrove Casamançaise, deux ont principalement retenu notre attention, étant comme nous l’avons dit des espèces clés de voûte du milieu : - Rhizophora mangle, ou palétuvier rouge. Appartenant à la classe des Magnoliospida, à la sous-classe des Rosidae, à la famille des Rhizophoraceae et au genre Rhizophora le palétuvier rouge est un arbre tropical sempervirent qui pousse dans l'estran et qui peut mesurer jusqu'à 30 m en hauteur. Comme tous les palétuviers, il joue un rôle important de nurserie et de fixation des littoraux vaseux ou vaso-sableux. Ils possèdent des racines échasses, appelés rhizophores : celles-ci permettent non seulement un bon ancrage dans le substrat, mais donnent également une certaines souplesse qui permet de résister aux mouvements de flux et de reflux des marées. Jeune plant de Rhizophora mangle - Avicennia africana, ou palétuvier blanc. Appartenant à la classe des Magnoliospida, à la sous-classe des Asteridae, à la famille des Verbenaceae et au genre Avicennia, le palétuvier blanc se caractérise entre autres par sa tolérance aux fortes salinités (plus que les Rhizophora) et la présence de pneumatophores au niveau des racines. 12 Contrairement aux Rhizophora, qui se développent sur le substrat vaseux à l’intérieur des eaux, l’Avicennia occupe les hautes terres et n’est en contact avec les eaux que pendant les heures de marées montantes. Jeune plant d’Avicennia africana L’adaptation des palétuviers aux conditions écologiques, notamment morpho-sédimentologiques et hydro-climatiques commande la zonation observée dans le réseau hydrographique de la Casamance. Il existe une zonation caractéristique de la végétation liée à la topographie, à la fréquence des submersions, soit par les marées, soit par les pluies et donc, par voie de fait, à la salinité. Il existe différents types de séquences, propres à chaque région et qui peuvent évoluer dans le temps avec les conditions climatiques. Les différences entre les besoins nutritifs et les différences entre les adaptations évolutives chez les différentes espèces de palétuviers sont apparus au cours du temps. Ces différences dues biotope environnementale souvent hostile ont poussé les arbres à une spéciation parapatrique. C’est à dire que des populations, d’espèce identiques ou non (ici les espèces sont différentes avec d’une part Avicennia africana et d’autres part Rhizophora mangle, on parle de population interspécifique), en divergence ne sont pas totalement isolées géographiquement mais possèdent une zone de contact étroite (cf. Annexe VII). Les migrations entre populations sont cependant limitées puisque ces dernières se perpétuent dans des conditions environnementales différentes (salinité par exemple). Le schéma que nous avons pu observer sur place et qui est, à priori, unanimement 13 adopté dans l’ensemble de la Casamance est, de la terre vers le fleuve, le suivant : - Prairie très légèrement herbacées et buissonnantes - Avicennia africana de petites tailles et très distants les uns des autres - Avicennia africana de taille plus importante mais restant éparpillés - Avicennia africana regroupés, populations parfois dense. - Rhizophora mangle regroupés de façon dense si absences de tannes - Rhizophora racemosa (Non observé de près, dû à leur éloignement du rivage). Coupe schématique de la mangrove Casamançaise On observe sur ce schéma : - Une étroite bande de Rhizophora racemosa ; - Une bande très large de Rhizophora mangle plus petit en taille que Rh. Racemosa ; - Une bande plus ou moins large dans laquelle se retrouvent associés Rh. Mangle et surtout Avicennia africana; - Une bande plus étroite d’Avicennia africana avec un tapis de Sesuvium portulacastrum, famille des Aizoaceae, s’éclaircissant vers le tanne. 14 Cependant, les zones de tannes sont de plus présentes. Un tanne désigne la partie d’un marais maritime la moins fréquemment submergée et aux sols généralement hypersalés, nus ou peu végétalisés, se développant aux dépens d'une mangrove. Photographie représentant les terre salée d'un tanne Actuellement et suite aux problèmes de sécheresses des trois dernières décennies, cette séquence-type à tendance à ce raréfier C’est la bande à Rhizophora sp., plus sensible qu’Avicennia à la salinité, qui a été la plus atteinte. Reste à leur place une zone de tanne inondée ou une mangrove dégradée. En effet après la déforestation, la salinité n’a cessé d’augmenter des suites du manque d’arbres pour capter et puiser le sel. Le paradoxe est venu qu’une population d’arbre halophyte, Rhizophora sp, puisse décliner à cause d’un taux de salinité trop élevé. Les mangroves de la Casamance sont donc maintenant composées en grande partie de seulement deux espèces: Rhizophora mangle et Avicennia africana. La première, parfois absente, constitue des peuplements à peu près purs en bordure des marigots. Dès que l'on atteint des sols moins humides et plus sablonneux l’Avicennia constitue l'essentiel des mangroves. Elle envahit aussi les rizières abandonnées soumises à l'influence des marées. Des arbustes buissonneux, caractéristiques des sols salés, notamment Conocarpus erectus et Sesuvium portulacastrum, se trouvent aux lisières des terres fermes qui font suite aux mangroves. 15 C’est ainsi que la plupart des mangroves autour de Ziguinchor se présentent avec une étroite bande de Rhizophora, parfois non continue, derrière laquelle s’étend une très large bande d’Avicennia et les tannes. Durant nos travaux nous avons réalisé des mesures de jeunes palétuviers de façon à estimer la croissance de ceux-ci. Des plants de 2008, 2007 et 2006 ont été mesuré concernant les rhizophoras et des plants de 2006 concernant les avicennias. Nous avons mesuré 100 plants à chaque fois puis réaliser la moyenne de chaque taille. Les résultats sont concentrés dans le tableau qui suit : Rhizophora Année de plantation 2006 2007 2008 Moyenne 40,3728155 42,945098 46,2454545 Moyenne de la taille des Rhizophora en fonction de l’année de plantation A la vu des résultats présent dans ce tableau, on obtient un ordre d’idée de ce que peut être la croissance d’un palétuvier dans les trois premières années de croissance. On s’aperçoit qu’entre la première et la seconde année, les Rhizophora grandissent d’environ 2,5cm tandis qu’entre la deuxième et la troisième année ils croissent d’environ 3,3 cm. Nous avons vu précédemment que l’espèce Rhizophora mangle pouvait mesurer jusqu’à 30m de hauteur. Nous savons que la croissance d’un arbre suit une courbe à tendance exponentielle, c'est-à-dire que celui-ci va pousser davantage chaque année jusqu’à atteindre une taille dîtes « adulte », cependant les résultats du tableau peuvent nous laisser imaginer qu’à raison de 6 cm en 3 ans, et en modélisant une courbe de croissance exponentielle, il faudrait environ 25 ans pour ces arbres atteignent une taille de 30 mètres. 16 Taille (en cm) Moyenne taille Rhizophora 47 46 45 44 43 42 41 40 39 38 37 Moyenne 2006 2007 2008 Année de plantation Graphique montrant la croissance sur les trois premières années Le tableau qui suit nous permet de comparer les résultats des mesures entre les Rhizophoras et les Avicennias tout deux planter en 2006. Le fait qu’il soit planté la même année nous permet d’établir s’il existe des différences entre les croissances des deux genres de palétuviers. Moyenne (cm) Rhizophora Avicennia 46,2454545 56,29 Tableau comparatif des deux espèces considérées Avec ces résultats on s’aperçoit qu’en 3 ans le palétuvier du Genre Avicennia à poussé de 10 cm de plus que le Genre Rhizophora. On peut donc conclure que la croissance de l’Avicennia est en moyenne plus rapide que le Rhizophora, au moins sur les trois premières années de sa vie. 2.4 Faunes liées à cet écosystème 2.4.1 Notion de réseau trophique La mangrove est un milieu hyper-productif. La productivité primaire des arbres de mangroves par unité de surface est estimée à sept fois supérieure à 17 celle du phytoplancton côtier, ceux-ci étant parmi les systèmes végétaux les plus productifs. Cette importante productivité primaire est essentiellement liée à un turn-over élevé de la matière organique fournie par la litière. Les productions algales issues des processus de minéralisation de la litière ou des apports nutritifs d’origine océanique et continentale sont très importantes et représentent la base de tout un réseau trophique complexe. La chaîne commence donc avec la production d'hydrates de carbone et de carbone par les palétuviers, par le procédé de la photosynthèse. La litière de feuilles mortes est ensuite fragmentée par les amphipodes et les crabes qui s’en nourrissent. Le processus se poursuit avec la décomposition bactérienne et fongique des détritus foliaires et l’utilisation et la réutilisation des particules détritiques (sous forme de matières fécales), par toute une gamme de détritivores commençant par de minuscules invertébrés (meiofaune) et finissant par des espèces telles que vers, mollusques, crevettes et crabes, lesquels servent à leur tour de proie aux carnivores de niveau inférieur. La chaîne alimentaire se termine avec les carnivores de niveau supérieur tels que les gros poissons, les oiseaux de proie, les chats sauvages ou l’Homme. Néanmoins d'autres sources d'énergie et de carbone pour les organismes consommateurs des écosystèmes de mangrove a élargi le précédent modèle trophique de base de façon à y inclure les apports du phytoplancton, des algues benthiques et des herbes marines, ainsi que des épiphytes des racines. Par exemple, le phytoplancton peut être une source d'énergie importante dans les mangroves comprenant de vastes plans d'eau relativement claire et profonde. Exemple schématique d’un réseau trophique type d’un écosystème mangrovique 18 2.4.2 Téléostéens, Mollusques et Décapodes Nous avons vu en introduction le rôle plus qu’essentielle des mangroves dans le maintien des ressources naturelles d’un pays mais également dans l’utilité de celle-ci dans l’économie que ce soit à une micro échelle (pour un pécheur par exemple) ou à une macro échelle (au niveau National). Les mangroves sont les écosystèmes les plus performants en termes de nurseries. Le nombre d’espèces marines appartenant aux groupes des Téléostéens trouvant refuges dans les mangroves avant de migrer vers l’Océan sont indénombrables. Très peu de travaux ont étudié les poissons mais il semblerait que la Casamance à elle seul compterait environ 170 espèces différentes de poissons. Les mangroves sont des niches écologiques formidables pour des millions d’alevins se développant dans les mangroves. Le Périophtalme est le poisson caractéristique des mangroves. Le Genre Periophthalmus regroupe des espèces de poissons de la famille des Gobiidés appelées Périophthalmes, aussi appelés Poissons grenouilles, et qui sont capables de vivre provisoirement à l'air libre, sur la vase ou les branches de la mangrove où ils se nourrissent d'insectes et de petits invertébrés. Périophtalme appartenant, a priori, à l’espèce Periophtalmus variatus Cet habitat constitue donc une importante zone de frai pour beaucoup d’espèces de poissons et offre de nombreuses ressources alimentaires aux alevins, constituant ainsi une véritable nurserie. La mangrove assure également une protection contre les prédateurs et amorti les perturbations physiques liées à l’activité hydrodynamique des marées. Au niveau de la faune ichtyologique, les eaux saumâtres tropicales sont essentiellement composées par des espèces euryhalines à affinité marine mais aussi, dans une moindre mesure, par des 19 espèces dulcicoles qui pénètrent dans les eaux peu salées. Les poissons marins tropicaux sont moins sensibles aux variations de salinité que les espèces dulcicoles généralement très sensibles. L’importance de l’écosystème mangrove pour les espèces marines tropicales est incontestable puisque plus de 80% de celles-ci séjournent à un moment de leur vie dans les estuaires de ce milieu Paradoxalement pour de telles zones humides, l’herpétofaune est peu représentée. Alors que des reptiles tels que les crocodiles, tortues, serpents, varans,… sont ou étaient présents, les amphibiens eux sont inexistants. Ce dernier groupe est d’ailleurs très peu représenté au Sénégal puisque seule deux espèces d’Anoures sont connues. De même que pour les poissons, les Crevettes par exemple, appartenant à l’ordre des Décapodes représentent une base nutritive pour de nombreuses espèces animales prédatrices mais également pour l’Homme. Crevette appartenant aux sous-ordre des Dendrobranchiata Par ailleurs on trouve dans les mangroves des milliers de petits crabes tropicaux. Ces derniers sont, comme les crevettes, des Décapodes qui appartiennent aux Genre Uca sp. Ils sont plus connus sous le nom de Genre des « Crabes Violonistes ». Il est appelé ainsi à cause de l'énorme pince du mâle. Celle-ci est longue de 10 centimètres alors que son autre pince ne mesure que 2,5 cm. La femelle ne possède pas cette pince démesurée qui sert aux mâles à se livrer bataille devant elle pour la parade. La particularité de ces crabes est qu’ils creusent des terriers dans le sol des mangroves dans lesquels ils peuvent rentrer à l’approche d’un danger quelconque. La prolifération de ces crabes dans l’estuaire de la Casamance devient problématique et mériterait une étude complémentaire débouchant sur des actions de gestion et de limitation de la prolifération de cette espèce. En effet, il semblerait que ce crabe s’attaque aux racines et aux troncs des jeunes palétuviers, et a priori, surtout au Genre 20 Avicennia. Un nombre trop important de crabe aurait donc tendance à nuire et à dégrader la mangrove en inhibant la prolifération des jeunes Avicennias. Uca sp, en Casamance Le milieu mangrove se caractérise par une forte hétérogénéité spatiale grâce aux importants entrelacs formés par leurs racines échasses et pneumatophores, ce qui constitue un habitat de choix à de nombreux mollusques parmi lesquels Crassostrea gasar, Brachidontes niger, Chihamalus rhizophorae, Tympanotonus fuscatus,… Les mollusques et les crustacés comme le crabe Uca sp. sont, en termes de biomasse, les animaux les plus importants. Les mollusques par leur diversité et leur biomasse représentent une énorme source de nourriture pour les populations locales. 2.4.3 Ornithologie casamançaise Les oiseaux que l’on peut rencontrer au Sénégal représentent environ 630 espèces dont un peu moins du tiers sont des oiseaux migrateurs européens. Une si grande diversité (il n’y a que 500 espèces en France) s’explique par des conditions écologiques assez particulières : - il y a la bande côtière que suivent tous les oiseaux de mer et les limicoles ; - il y a, au nord, le fleuve Sénégal qui est la première zone offrant des plans d’eaux en nombre et en surface suffisants pour les canards et les échassiers ainsi que des berges arborées où les insectivores migrateurs trouvent leurs proies, après la longue traversée du désert mauritanien ; - il y a les zones intermédiaires soudano-sahéliennes, du désert du Ferlo jusqu’en Casamance, qui offrent des possibilités de nourriture et d’abris variant en fonction de la saison sèche et de la saison des pluies. 21 Beaucoup d’espèces vont se déplacer tout au long de l’année et l’observateur doit en être averti. De nombreuses espèces d’oiseaux exploitent le milieu mangrovique même si elles ne s’y nourrissent pas toujours. Il semblerait que la moitié des espèces seulement trouvent leur nourriture dans les mangroves et deviennent ainsi des consommateurs secondaires de notre réseau trophique. Parmi ceux-ci, bien sûr, nous pouvons citer les échassiers appartenant à la Classe des Aves. Ces espèces se nourrissent essentiellement de poisson ou de microfaune vivant dans les mangroves. Ces écosystèmes étant des niches écologiques efficaces, comme nous l’avons précédemment vu pour les poissons et autre animaux aquatiques, les oiseaux trouvent assez de ressources biotiques pour y séjourner. Dans le cas où les oiseaux ne se nourrissent pas dans la mangrove, celle-ci est alors utilisée comme support pour la nidification, comme abri ou encore comme perchoir pour la nuit ou lors des marées hautes. La liste complète des espèces d'oiseaux des mangroves de Casamance comprend entre 100 et 150 espèces en comptant les nombreuses espèces de migrateurs. Les oiseaux localisés en Casamance ont été très peu étudiés mais beaucoup observé. C’est pourquoi voici quelques photos témoignant de la richesse spécifique ornithologiques de la région. Le Martin-pêcheur pie ou Alcyon pie, Ceryle rudis est une espèce d'oiseau de la famille des Alcedinidae. L'alcyon pie vit dans divers habitats humides et peut être vu aussi bien le long des fossés bordant les routes ou au bord des mares des villages qu'autour des grands réservoirs et des lacs. Il fréquente également les rivières lentes, les fleuves, les rizières, les zones inondées et les marais. Dans certaines parties de son aire de répartition, comme l'Afrique de l'Ouest, l'alcyon pie habite les estuaires envasés, les lagunes côtières et les mangroves. Il est commun le long des rivages sableux ou rocheux où il pêche en plongeant dans les vagues. L'alcyon pie est un authentique martinpêcheur qui se nourrit donc de poissons qu'il capture en plongeant dans l'eau. Il préfère les petits cichlides et les barbeaux, mesurant en moyenne 6 centimètres et pesant 4 grammes, mais il peut capturer des poissons de 25 g. Il mange 22 environ 44 grammes de nourriture par jour mais en attrape davantage lorsqu'il nourrit ses jeunes. Le Pélican blanc, Pelecanus onocrotalus, est un membre de la famille des pélicans. Il se nourrit exclusivement de poissons. Il fait preuve d'un appétit vorace et sa consommation quotidienne varie entre 1 kg et 1,5 kg. Le Balbuzard pêcheur, Pandion haliaetus est une espèce de rapace diurne de taille moyenne ; c’est un piscivore spécialisé et cosmopolite. Ce rapace, singulier sur le plan morphologique, est assez différent des autres rapaces. Pour cette raison, son classement sur l'arbre phylogénétique est très discuté : plusieurs hypothèses ont été émises, mais l'hypothèse la plus répandue rapproche cette espèce des Accipitridae, famille formée entre autres par les aigles, les buses et les vautours. Ce balbuzard se nourrit de poissons capturés à la surface de l'eau : ils pèsent généralement entre 150 et 350 grammes mais ils peuvent atteindre exceptionnellement jusqu'à 1 kg. Après quelques années d'un déclin accusé, il semble que la population, au moins à quelques endroits, ait commencé une récupération. Dans le passé, la chasse et la destruction des nids étaient ses menaces principales. Actuellement, des spécimens sont encore abattus mais la disparition des habitats et la pollution par organochlorés sont ses problèmes, les plus graves et cela, dans le monde entier. 23 Le Courlis cendré, Numenius arquata, est un limicole appartenant à la grande famille des scolopacidés. C'est le plus grand limicole de son genre, avec une longueur de 50-57 centimètres et une envergure de 1 m. Le courlis cendré se nourrit à découvert dans les limons et vasières. Son long bec particulièrement adapté à la capture de vers et de mollusques sonde profondément la vase. A l'extrémité, des cellules très sensibles au toucher lui permettent de localiser ses proies. Merci à Laurent Jouanneau pour ses photographies Ces quelques exemple d’oiseaux, choisit parmi tant d’autres témoignent de la corrélation existante entre ces espèces et la mangrove de part la nourriture. On retrouve ces oiseaux dans les écosystèmes où la ressource alimentaire et la plus élevé, c'est-à-dire dans les mangroves où se trouve toute l’ichtyofaune nécessaire à leur survie. 2.4.4 Hexapodes Les hexapodes sont plus communément connus sous le nom nonscientifique des insectes. Pour les populations locales, la mangrove sert de niche écologique aux moustiques responsable du paludisme. Le paludisme aussi appelé malaria est une maladie infectieuse due à un parasite du genre Plasmodium, propagée par la piqûre de certaines espèces de moustiques anophèles. Les anophèles sont des moustiques de l'ordre des Diptera, de la famille des Culicidae, sous famille des Anophelinae appartenant au genre Anopheles et qui sont responsables de la transmission du paludisme aux animaux homéothermes. Les larves de l'anophèle vivent dans des eaux très variées selon les espèces. Les larves viennent respirer à la surface de l'eau. Comme nous l’avons dit, de nombreuses personnes pensent que le moustique se développe au sein de la mangrove. Ce dogme à entrainer les populations à accentuer la déforestation, celle-ci ayant le but de limiter la propagation des moustiques. Cependant, il est établit désormais qu’aucun moustique ne se développe dans les mangroves. Les œufs de moustiques et les larves ne peuvent 24 croitre que dans une mare d’eau douce. L’eau salée ou saumâtre des mangroves ne permet pas aux moustiques de vitre. L’utilisation de piège Barber à d’ailleurs confirmer qu’il n’y avait pas de moustique dans les mangroves puisque aucun hexapode de l'ordre des Diptera n’a été capturé. On peut ajouter un appât au fond de ce piège, pour attirer certains types d'insectes, ou encore un liquide, pour tuer les insectes qui y tombent. S Schéma d’un piège Barber utilisé pour capturer divers hexapodes L’utilisation d’assiette colorée comme piège, servant à attirer les hexapodes volant par leurs couleurs vives n’a pas relevé la présence de moustiques. De plus on peut même dire qu’un insecte n’a été capturé dans le milieu mangrovique. Les nombreuses espèces de Diptera, Coléoptèra ou autres hexapodes que nous avons observés ou prélevés, l’on été dans les zones de forêts subtropicale et non pas dans les mangroves. 2.4.5 Etude d’un cas de parasitisme des palétuviers Nous savions que de nombreux jeunes plants de palétuvier était atteint et parasité par une espèce jusqu’alors non-identifié. En effet une toile se formait autour des jeunes arbres, en resserrant les feuilles de ceux-ci et en bloquant ainsi le développement des bourgeons par lesquelles se fait la croissance de la plante. A long terme, cette pression de la toile autour des feuilles peut aller jusqu’à la mort de l’individu parasité. En effet, les feuilles ne pouvant s’ouvrir, c’est l’ensemble des mécanismes photosynthétiques qui ne peuvent opérer normalement. Les processus de photosynthèses étant nécessaires à la croissance et à la survie de la plante, l’inhibition de ceux-ci augmente les taux de létalités dans les populations de palétuviers. Pour endiguer ce problème, les responsables sylvicoles des parcelles de mangrove doivent nettoyer deux fois par an, un par un, chaque jeune plant parasité en ôtant les toiles et ainsi en libérant les feuilles. On imagine facilement que ce travail fastidieux fait perdre beaucoup de temps aux responsables locaux qui visent à protéger le milieu. C’est pourquoi nous avons essayé de déterminer la source du problème, d’un évaluer l’importance et 25 l’impact exacte et enfin de tenter de trouver des solutions de façon à limiter le taux de parasitisme des palétuviers et par conséquent à réduire la main d’œuvre. Tout d’abord, lorsque nous avons réalisé nos différentes mesures de plants de jeunes palétuviers, nous avons systématiquement noté si la propagule était parasitée ou non. De la sorte nous avons obtenu sur 100 plants, divers pourcentage résumé dans ce tableau et exprimé dans le graphique suivant : Espèce Rhizophora Année de plantation 2006 2007 2008 Pourcentage atteint de toiles 81 90 96 d’arbre Tableau comparatif du pourcentage de Rhizophora parasité Pourcentage de toile 100 Pourcentage 95 90 Pourcentage de toile 85 80 75 70 2006 2007 2008 Année de plantation Ces données nous permettent de voir que plus les arbres ont été plantés récemment, plus le taux de parasitisme est élevé. Cela s’explique assez facilement par le fait qu’après un certain nombre d’années, l’arbre développe des tiges et des pédoncules assez forts et solides qui lui permettre de s’ouvrir même en présence d’une toile. Ce problème touche donc principalement les jeunes plants en développement qui n’ont pas la force de s’ouvrir après avoir été bloqué par une toile. On se rend compte également, à la vue de ces résultats que l’on obtient un taux de parasitisme proche de 100% dans la parcelle des palétuviers plantés depuis l’été 2008. Ce problème n’est donc pas négligeable et l’on estime que sans les actions de responsables qui enlèvent les toiles deux fois 26 par an, le taux de létalité avoisinerait les 20%, soit un cinquième des replantations annuelles. En enlevant les toiles des palétuviers sur lesquels nous travaillions, nous avons finit par identifier clairement les espèces responsables de ce processus. En effet nous avons identifié au moins 6 espèces différentes d’aranéides, les aranéides étant le nom d'ordre ou de sous-classe attribué aux araignées. En réalité, ces araignées créé une toile autour des feuilles des palétuviers, non pas pour y capturer des insectes comme source éventuelle de nourriture mais plutôt comme créer à l’aide des feuilles repliés sur elles-mêmes, une sorte de cocon ou seront pondus de nombreux œufs et où les juvéniles pourront se développer. Les palétuviers que nous avons traités lors de ces travaux ayant un pied toute l’année immergés dans l’eau, nous nous sommes demandé comment ces araignées pouvaient coloniser la tête des plants. En réalité, nous n’avons pas réussit à identifier les espèces d’aranéides en présence mais nous nous sommes aperçu en nettoyant les jeunes arbres, que lorsque les araignées étaient propulsé dans l’eau, ou plutôt à la surface de celle-ci, elles parvenaient parfaitement à ce déplacer. C’est de là que vient la clé de cette colonisation. Le sujet n’est évidemment pas ici de parler de l’histoire des espèces et de leur colonisations à l’échelle mondiale mais au sein de cet écosystème propre, on peut établir clairement que ces araignées flottent et se déplacent à la surface de l’eau soit en se déplaçant par elles-mêmes à l’aide de leurs pattes, soit au gré du courant et du clapot. Elles se déplacent jusqu’à trouver un tronc de palétuviers sur lequel elles vont parvenir à monter puis finir par le coloniser et le parasité quand le plant est jeune. On voit bien la toile bloquant les feuilles et l’araignée située à gauche. Photographie d’un plant parasité 27 Même après avoir prélevé les araignées, nous n’avons pu déterminer avec précision les espèces présentes, responsables du parasitisme des palétuviers. Cependant l’observation des caractéristiques morphologiques et leurs capacités à s’adapter aux milieux aquatiques nous fait penser que ces aranéides appartiennent à la famille des Pisauridae. La famille des Pisauridae rassemble de grandes araignées à longues pattes. Les deux pattes antérieures sont généralement tenues rapprochées l'une de l'autre lors du repos. La famille est très similaire aux Lycosidae, mais s'en distingue par sa taille plus modeste. Cette photographie n’est qu’une illustration du Genre Dolomédes. Cette espèce est Européenne et non, Africaine. Nous n’avions malheureusement aucune illustration des espèces prélevées en Afrique. Photographie d’une araignée appartenant au Genre Dolomédes Le mâle des Pisauridae capture une proie qu'il offre, enveloppée dans de la soie, à sa femelle en guise de dot de mariage, dit-on, et plus prosaïquement sans doute pour ne pas lui servir de proie. Les femelles font de grands cocons qu'elles transportent dans les chélicères ou sous le sternum. Dans cette famille on distingue deux Genres distincts, les Dolomédes et les Pisauras. Les araignées trouvées dans les palétuviers appartiendraient aux Genres des Dolomédes. Les Dolomédes sont des araignées aranéomorphes, qui possèdent donc des chélicères modifiées, et de grande taille. Elles se nourrissent de petits insectes aquatiques (comme les gerris) mais aussi de demoiselles de mouches bleues, de têtards et d'alevins qu'elles attirent à la surface en faisant vibrer l'eau de leurs pattes antérieures. Les Dolomédes femelles tissent, lors de l'éclosion des 28 nouveau-nés, une toile de "nurserie" dans laquelle elles déposent leur sac d'œufs. Cette "nurserie" est souvent associée à des feuilles qui en forment la voûte ou les faces. Les bébés-araignées y stationneront jusqu'à leur deuxième mue. Bien qu’ayant identifié la source du problème qui oblige les travailleurs locaux à nettoyer les jeunes plants, il apparait comme délicat de développer une solution qui leurs permettent de ne plus avoir à faire ce fastidieux travail. Bien sûr l’utilisation d’insecticides ou d’autres produits seraient une possibilité. Les technologies modernes en matières de luttes contres le parasitisme végétale pourraient limiter fortement le développement de ces araignées. Cependant l’utilisation de produit pour lutter contre celle-ci pose plusieurs problèmes. D’abord le problème est d’ordre économique. La reforestation étant une activité issue du monde associatif, ils n’ont pas les moyens pour investir dans des produits chimiques, insecticides ou pesticides pour endiguer le développement des toiles sur les palétuviers. Le second problème lié à l’utilisation de produit est évidemment d’ordre écologique. Les mangroves étant des écosystèmes fragiles, on peut remettre en question l’intérêt à long terme de l’utilisation des produits chimiques. Ces produits étant des polluants important et difficilement dégradable, leur présence dans l’environnement ne peut être souhaitée. Enfin le dernier problème lié à l’utilisation d’insecticide est d’ordre social. Pour en avoir parlé avec les responsables locaux, le temps qu’ils passent avec de nombreux bénévoles des villages concernés par la reforestation à enlever les toiles d’araignées est en réalité utile. En effet, même si l’opération parait longue, les responsables considèrent cela comme nécessaire car cela permet de fournir de l’activité aux jeunes bénévoles qui sont souvent aux chômages et qui manque d’activités et surtout car cela permet de faire des journées importantes de sensibilisation quand aux problèmes liés à la déforestation. 3.Conclusion Au fur et à mesure que l'on connaîtra davantage les relations et les interactions trophiques, les forestiers parviendront à mieux gérer leurs ressources sans porter atteinte à l'environnement. Pour gérer les mangroves, il est donc essentiel d'adopter une approche intégrée et de garantir la survie de l'écosystème tout entier. Il est impératif de conserver ou de promouvoir la biodiversité en sélectionnant les essences qui doivent être coupées et régénérées et en protégeant les habitats de divers animaux marins et terrestres, mais aussi de maintenir la fonction de protection des mangroves, en bordure des fleuves et des côtes. 29 La végétation des bords de fleuve ne devrait donc jamais être coupée sans discernement, car l'érosion des rives augmente la turbidité de l'eau et a un effet négatif sur la faune aquatique, en particulier les larves de crevettes, les mollusques et la reproduction d'importantes espèces estuariennes. Les zones ayant une fonction de protection devraient aussi être mises hors exploitation dans la mangrove, en vue de conserver les espèces de la faune et de la flore sauvages qui présentent un intérêt particulier. Lorsqu'il est nécessaire de convertir des zones de mangrove pour répondre à la demande de terres pour l'agriculture ou l'aquaculture, les sites devraient être évalués attentivement au préalable, en vue d'endommager le moins possible l'écosystème de mangrove dans son ensemble. Pour finir, n’oublions pas que la mangrove est un écosystème fragile dont l’intérêt économique, social et environnemental est au cœur du Sénégal et de nombreux autres pays. C’est, en partie, de la protection et de la gestion de cet écosystème si particulier que dépend l’équilibre du pays. Le Sénégal possède une biodiversité parmi les plus riches de la planète qu’il faut à tous pris gérer et protéger pour que les générations prochaines puissent jouir de la diversité écologique du pays. A l’échelle globale et pour conclure, inspirons nous de ces quelques mots d’Antoine de Saint Exupéry datant des années 1940 et encore si important aujourd’hui : « On n'hérite pas la terre de nos ancêtres, on l'emprunte à nos enfants ». 30 Annexe Annexe I Carte politique de l’Afrique de l’Ouest 31 Annexe II Carte du réseau hydrographique Sénégalais 32 Annexe III Carte générale de la République du Sénégal 33 Annexe IV Carte géographique de la Casamance 34 Annexe V Carte du couvert végétale en Casamance en 2002 35 Annexe VI Carte de la répartition mondiale des zones mangroviques 36 Annexe VII Représentation schématique des trois principaux types de spéciation Dans notre cas, nous nous intéressons particulièrement à la représentions parapatrique car c’est celle qui se rapproche le plus de notre modèle. Même si nous ne connaissons pas exactement l’évolution phylogénétique des palétuviers, il semblerait que l’on se trouve bien dans ce schéma. La population verte représenterait les Rhyzophora et la population bleue, les Avicennia. On observe bien une zone de léger contact avec deux populations proches géographiquement mais pas superposables entièrement. 37 Annexe VIII Image satellitaire de l’estuaire de la Casamance 38 Annexe IX Image satellitaire de la rivière Casamance et le l’important réseau hydrographique autour de Ziguinchor 39 Annexe X Image satellitaire de la ville de Ziguinchor Sur cette photographie on aperçoit la ville de Ziguinchor mais également les deux ponts qui permettent de passer sur la rive Nord de la Casamance et de se rendre à Tobor ou la zone mangrovique est très importante. 40 Annexe XI Image satellitaire de la Nationale 04 menant à Tobor Ici on aperçoit la Nationale 04 qui permet de se rendre à Tobor puis à Baila. Ces notamment le long de cette route qu’a lieu une grosse partie de la replantation. Le long de la route on aperçoit la mangrove (le carré vert en montre une faible partie) puis à droite, un bras de la Casamance (carré jaune) qui est sujet aux marées et dont le niveau va fluctuer notamment à gauche jusqu’à la Nationale 04. Enfin on peut apercevoir une tanne (le carré rouge en montre une de belle taille). 41