Un fonds souverain pour porter le développement du pays et faire face à la crise
Les perturbations actuelles de l'économie mondiale provoquées par la dette publique des Etats Unis et des
risques de récession économique, fait peser sur l'Algérie des appréhensions en relation avec le risque d'une
éventuelle baisse des revenus du pays. Quelles sont vos prévisions ?
Il est très difficile de prévoir ce qui peut arriver. La marge de manoeuvre des Etats, déjà endettés, est très limitée.
Les marchés anticipent, à juste titre, me semble-t-il, une récession aux Etats-Unis. Aujourd'hui, l'économie mondiale
a deux régimes de croissance : l'OCDE qui est devenue l'homme malade de l'économie mondiale, les pays
émergents, au premier rang desquels la Chine et l'Inde qui gardent encore, malgré les tensions inflationnistes en
Chine, un fort potentiel de croissance et tirent vers le haut les prix des commodités, dont le pétrole, compliquant la
sortie de crise pour les premiers. Il y a un risque réel de collapsus pour les plus éminents pays OCDE avec pour
conséquence de graves dommages pour l'économie mondiale. Dans ces conditions, il incombe à un pays comme le
nôtre de reconsidérer totalement et en profondeur sa place dans l'économie mondiale. Nous ne pouvons plus fonder
notre croissance sur nos revenus pétroliers. Il me semble nécessaire de considérer objectivement et sereinement
nos vulnérabilités, mais aussi nos possibilités et traiter de manière offensive les turbulences à venir. Nous devons
absolument déconnecter notre croissance des évolutions erratiques du marché pétrolier. A mon avis, l'Etat doit
consacrer une partie des réserves de changes (il n'est bien entendu pas question de vendre maintenant les bons du
Trésor américain) à la création de deux fonds souverains : un fonds qui financerait la création de capacités
productives et d'emplois en Algérie en veillant à orienter l'activité industrielle vers les logiques de la nouvelle
économie, à financer l'université et les PME innovantes, un fonds souverain pour faire des acquisitions d'actifs en
international. La crise qui vient va mettre à mal bien des entreprises de qualité qui seront des proies à ne pas rater. Il
faut s'y préparer dès maintenant. Il faut réagir offensivement aux turbulences qui s'annoncent. C'est le meilleur
moyen de les contenir et de protéger l'économie nationale.
Puisque le prix du pétrole est actuellement fortement corrélé aux cours du marché des actions, selon vous,
quel point pourrait atteindre une glissade des cours du pétrole ?
Nous avons vu en 2008 le prix du pétrole passer de 147 dollars en juillet à 35 en décembre. Aujourd'hui, les produits
dérivés agissent plus que les fondamentaux sur les prix du pétrole. Les spéculateurs ont en portefeuille des actifs
financiers et pétroliers et arbitrent en fonction de leurs anticipations. En l'espèce, il est clair que la demande
mondiale sera impactée par un nouveau cycle récessif. L'OPEC vient de corriger à la baisse ses prévisions de
demande pour 2011 et 2012. En fait, le prix du pétrole est travaillé par des tendances parfois contraires, parfois
convergentes ; une tendance haussière de long terme qui est tirée par une anticipation d'épuisement des ressources
et de retour vers le pétrole OPEC, une tendance de court terme qui est influée par la crise économique, mais aussi
par le dynamisme des pays émergents. Dans ces conditions, le marché échappe totalement aux fondamentaux. Les
prix ont perdu 30% de leur valeur en trois mois et 10% en une semaine. Ils fluctuent autour d'un pivot de 90-100
dollars, ce qui est relativement élevé par rapport au niveau de la décennie passée. Je pense que ce niveau est un
optimum. Au-delà, il contient aujourd'hui un fort potentiel récessionniste, mais aussi de destruction de demande, en
deçà, il ne rémunère plus le renouvellement des réserves. Mais le rôle de la spéculation parasite les tendances
naturelles et compromet l'ajustement autour d'un optimum. Ainsi, l'industrie pétrolière est la première pénalisée par la
crise, car celle-ci est porteuse d'imprévisibilité au moment où cette industrie est à la recherche d'un nouveau
paradigme où les prix devront agir pour le renouvellement des réserves tout en accompagnant harmonieusement le
retour à la croissance. La demande mondiale a augmenté de 2,8% entre 2008 et 2011, retrouvant à peu près son
rythme historique. Dans le même temps, la part de l'OCDE est passée de 55,4% à 52,3%. La part des pays
émergents se renforce et passe de 29,8% à 31,1%. Mais il faut souligner que le poids de la demande OCDE reste
prépondérant, même si les pays émergents tirent la croissance de la demande et convoitent de plus en plus
ouvertement les sources d'approvisionnement de l'OCDE. Un effondrement de la demande OCDE, comme cela s'est
passé en 2008, ne peut pas ne pas impacter les prix. Les Etats-Unis, à eux seuls, représentent le quart de la
demande mondiale et l'Europe occidentale 16%. Or, la demande américaine a connu ces quatre dernières semaines
une baisse de 2,9% sur un an. Les statistiques économiques n'inclinent pas à l'optimisme.
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