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Le cycle des affaires et les baromètres 3
science, encore fallait-il que la conjoncture économique puisse disposer d'une
information statistique de qualité et surtout que soient développées des méthodes
appropriées à son objet. Comme le dira clairement Charles J. Bullock, en présentant
le premier numéro de ce qui deviendra la revue officielle du Comité de Harvard,
Review of Economic Statistics,, il s'agissait : 1. de développer des méthodes
statistiques qui faciliteront la manipulation et la compréhension des séries statistiques,
permettront de mieux suivre à tout moment l'activité économique, et bien entendu, ce
qui était l'objectif premier, de prévoir ; 2. d'étudier la fiabilité des séries en rapport
avec la méthode ; 3. de coopérer avec les agences, privées ou publiques, pour
améliorer la qualité de la production de statistiques ; et, 4. d'appliquer les méthodes
statistiques nouvelles aux séries de manière à les corriger et à pouvoir les utiliser aux
fins de l'analyse économique8.
Ceci doit bien entendu être nuancé, mais, sous l'effort conjugué des statisticiens de
l'économie et des économistes empiristes, on verra ainsi, entre les années 1910 et
1920, la recherche sur le cycle économique quitter progressivement le terrain de la
théorie pour se déplacer vers celui de l'observation systématique des faits, avec la
conviction qu'il était possible, sur la base d'une information statistique collectée et
traitée de manière rigoureuse par des organismes mis sur pied à cet effet et disposant
des moyens appropriés9, premièrement, de mettre à jour les enchaînements qui
rythment l'activité économique ; deuxièmement, de découvrir les lois relatives à la
succession des fluctuations économiques, et, sur la base d'une batterie d'indicateurs
représentatifs du mouvement des affaires, de dresser des diagnostics et de faire des
"prévisions intelligentes, rationnelles" (BIT, 1924 : 6) ; troisièmement d'informer et de
guider les hommes d'affaires, afin de leur permettre d'éviter les erreurs de diagnostic
et ainsi de faire plus de bénéfices ; et enfin, quatrièmement. à défaut de pouvoir
toujours empêcher l'apparition des crises financières, d'alerter suffisamment tôt les
gouvernements pour pouvoir influer sur le cours des événements. Après tout, "s'il est
possible que les hommes d'affaires influent presque inconsciemment sur la situation à
venir ou que de petits groupes de spéculateurs provoquent délibérément l'apparition
de conditions qui leur soient favorable, on estime qu'il doit être également possible
d'influer sur l'avenir dans l'intérêt de la communauté dans son ensemble" (BIT, 1924 :
9)10.
Cette approche sera commune à tous les instituts et centres de recherche sur la
conjoncture, privés ou publics, universitaires ou d'affaires. Et ceux-ci se multiplieront,
très rapidement après la première guerre mondiale. Avec le sentiment généralisé
qu'une impulsion nouvelle venait d'être donnée à la recherche sur le cycle et qu'il était
désormais possible d'en comprendre la dynamique et d'en prévoir les
développements. Véritables observatoires de la conjoncture, ces instituts devaient