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solange chavel Introduction
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Les deux champs sont souvent abordés de manière distincte. Et il y a à
cela une justification à la fois historique et philosophique : la philosophie
politique s’est constituée, à partir des guerres de religion et de la naissance
de la philosophie politique libérale, en réaction au fait du pluralisme des
conceptions du bien. Pour maintenir un espace commun pacifié, l’effort
s’est porté sur la constitution d’un consensus sur les principes politiques
en dépit de la diversité des conceptions morales. D’un côté, on aurait
donc le citoyen et une raison publique et politique, de l’autre, l’individu
dont les convictions relèveraient du domaine privé et dépendraient de
conceptions morales substantielles. Or, s’il y a effectivement de bonnes
raisons de penser cette distinction entre l’homme et le citoyen, il est
également problématique de considérer la distinction entre philosophie
politique et philosophie morale de manière trop rigide. Si elle est conçue
de manière trop stricte, cette distinction a pour effet de mettre hors
champ des problèmes pourtant cruciaux.
Comment mettre en place, par exemple, une critique sociale et un
examen attentif des conditions de vie permises par une société, si l’on ne
dispose pas d’une conception minimale de la vie bonne : autrement dit,
si on ne laisse pas une place à une discussion de type moral ? Pour que
les exigences politiques de justice aient du sens et une portée, il faut bien
permettre que s’engage une discussion ayant pour objet de déterminer
ce que sont l’aliénation ou l’épanouissement humains, une vie bonne
et les conditions de sa possibilité. Le travail de Martha Nussbaum,
notamment à travers la mise en place du concept de « capabilité »,
travaille précisément à comprendre quelle conception de l’homme et de
la vie bonne doit appuyer la réflexion politique sur la justice.
Il faut également souligner que le privé et le public, qu’on a pu avoir
tendance à considérer comme des catégories bien définies, sont au
contraire sujets à discussion. Une grande partie du travail de Martha
Nussbaum a précisément consisté à montrer que le « privé » n’est pas
donné et qu’il est toujours constitué. Son travail sur les émotions est,
dans cette perspective, tout à fait exemplaire. Il présente deux facettes :
d’une part, il souligne que les émotions que nous manifestons ou que
nous attribuons aux hommes ont des implications importantes sur la
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