Ponge n'est pas idéaliste, mais matérialiste, il ne s'intéresse pour sa part qu'au « rapport
de l'homme au monde ».
II. La poétisation d'un objet banal et quotidien
En écrivant ce poème, Francis Ponge montre un intérêt pour un objet quotidien, qui semble
à priori totalement dépourvu en raison de sa fonction purement utilitaire, et a priori très
peu poétique, le Poêle. En quoi ce court texte sur un objet inattendu est-il un véritable
poème ?
a) Abolition de la frontière entre inanimé et vivant
- L'auteur insiste sur l'utilisation de cet objet par la personnification « l'animation des
poêles » en période hivernale, rappelée par l’allégorie « la clémence du temps ».
- Par la comparaison « à l'égal » (L.5) d'une divinité naturelle « les troncs d'arbres» (L5),
les Poêles sont considérés comme une divinité matérielle, source de bien-être.
- Le verbe « adorons » (analysé précédemment) personnifie également l'objet aux yeux
du poète.
- Le verbe « rougissent » (L.8), analysé précédemment, propose que l'humain soit rendu
ici comme une chose, il est réifié, il passe d'un état à un autre.
Ainsi, le lecteur considère l'objet comme un être Humain, en lui attribuant des
caractères propres au vivant, en ayant des réactions à son égard, et en éprouvant
même des sentiments pour ces choses qui sont dès lors personnifiées et animées.
b) Poésie et humour : une redéfinition inattendue des rapports de l’homme à
ses outils domestiques.
Cependant, les jeux de lettres relèvent de l'arbitraire de la langue et de l'irrationnel.
Ponge s'évertue, dans Le Parti pris des choses, à accroître cette part irrationnelle au moyen
de calembours, d'allitérations, de permutations de lettres, d'analogies gratuites,
d'associations d'idées audacieuses (à propos des poêles, il parle d’ « un tison sadique agir au
fond du kaléidoscope », à propos de l'orange, il évoque la « lanterne vénitienne des
saveurs»), tout en restant, en apparence, sur une description "à froid". Cette tension
extrême des textes diffuse un humour très subtil, lequel couvre d'apparences débonnaires
ou futiles un message bien plus tragique et subversif : le "compte tenu des mots" s'avérant
impérieux pour tout discours (pas seulement pour les textes du Parti pris), et la forme de ces
mots relevant en partie de l'arbitraire linguistique, alors il existe nécessairement une part
irrationnelle dans tout discours. Dans une telle perspective, truffer une description en
apparence objective et rigoureuse d'éléments irrationnels ressemble, à bien des égards, à un