L’ e x c ep t io n
Images en Dermatologie • Vol. VII • n
o
2 • mars-avril 2014
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Cas clinique
Devant ce tableau de purpura hémorragique associé à une dysfonction rénale, et dans
le contexte environnemental (Finlande), le diagnostic d’hantavirose au virus Puumala
était rapidement suspecté (
Nephropathia epidemica
). Une séroconversion IgM et IgG
contre le virus Puumala confi rmait le diagnostic.
Les symptômes respiratoires et l’état général s’amélioraient rapidement. Le purpura
se résolvait totalement en 1 à 2 mois. Le patient ne présentait aucune complication
au long cours.
Discussion
Le virus Puumala est un hantavirus (virus enveloppé à ARN) de la famille des
Bunya-
viridae
. Il fait partie des quelques rares hantavirus rencontrés en Europe
(tableauI)
,
responsables d’une fi èvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR). On dénombre
actuellement 22espèces d’hantavirus, mais ce nombre est appelé à augmenter au fur
et à mesure de notre connaissance des rongeurs, vecteurs de ces virus. On estime à
150 000 le nombre de cas annuels de FHSR associés aux hantavirus
(1)
.
La forme modérée de la FHSR, aussi appelée néphropathie épidémique (
Nephropathia
epidemica
), est associée au virus Puumala, du nom de la ville de l’est de la Finlande où
a été identifi ée la première fois la souche virale. Ce dernier est ainsi fréquent en Scandi-
navie et en Finlande. Le rongeur vecteur est le campagnol roussâtre (
Myodes glareolus
ou Clethrionomys glareolus
). En Finlande, cette infection est d’ailleurs dénommée la
“fi èvre des campagnols” (
myyräkuume
). Cependant, ce campagnol est présent sur toute
l’Europe (France incluse), sauf sur le pourtour méditerranéen, la péninsule ibérique et
la Grèce
(fi gure 5, p.65)
. Le rongeur est asymptomatique et peut excréter pendant des
mois le virus dans ses urines, sa salive et ses déjections. L’infection survient le plus
souvent en milieu rural, par inhalation des matières fécales par aérosolisation de la
poussière dans un milieu clos (hangars, étables, etc.). Le virus est dans une impasse
chez l’homme qui est un hôte accidentel. Il n’existe pas de transmission interhumaine.
Dans les pays nordiques, les infections surviennent le plus souvent en automne et au
début de l’hiver, au moment où la population de rongeurs est la plus importante, suivant
des cycles de 3 à 4ans, en raison des prédateurs. Les zones forestières constituent
un terrain favorable pour les populations de campagnols, et donc la transmission du
virus. Dans les zones tempérées, les populations de rongeur sont plus stables et les
forêts plus éparses. On note ainsi des épidémies plus localisées, mais également
plutôt au printemps ou en été, pour des raisons de pics reproductifs différents. Ces
différences de pics épidémiques peuvent aussi s’expliquer par des affi nités spécifi ques
à chaque espèce de rongeurs (préférence pour les champs lors de la moisson, des
zones cultivées ou des parcs urbains, etc.).
Légendes
Figure 1. Purpura diffus annulaire des
membres inférieurs.
Figures 2-4. Analyse histologique d’une
biopsie de peau (hématoxyline-éosine) :
dans le derme, on retrouve une extravasation
de globules rouges. L’infi ltration cellulaire
se constitue surtout de lymphocytes et de
granulocytes neutrophiles.
Tableau I. Hantavirus en Europe (d’après Vapalahti et al. [1]).
Virus Rongeur vecteur Pathologie
Puumala Clethrionomys glareolus
(campagnol roussâtre) FHSR
(modérée, néphropathie épidémique)
Dobrava Apodemus fl avicollis
(mulot à collier) FHSR (sévère)
Saaremaa Apodemus agrarius (mulot
des champs, souris des champs) FHSR (modérée)
Tula Microtus arvalis
(Campagnol commun) Pas d’association pathologique
Séoul Rattus norvegicus (rat gris),
Rattus rattus (rat noir) FHSR (épidémies uniquement
en laboratoires dans les années 1980)
FHSR : fi èvre hémorragique avec syndrome rénal.