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LE VERBE DANS LES MODALITES D'ENONCE
AMIDOU SANOGO,
Université Félix Houphouët-
Boigny
de Cocody-Abidjan, Côte d’Ivoire
sanogo.amidou@univ-fhb.edu.ci
Résumé :
S'il est vrai que l’expression de la pensée ne se conçoit pas sans le verbe, force est de constater
qu’en français, certaines réalisations de discours se passent de cette catégorie grammaticale. Et
pourtant, l'importance du verbe dans la prédicationdépend de l'organisation des autres éléments
de la phrase autour de lui.Dès lors, quelles sont les propriétés morphosyntaxiques qui font du
verbe un constituant indispensable à la phrase? Comment se manifestent les relations du verbe
avec les autres constituants dans les différents types de phrase? Notre objectif est de démontrer
la prépondérance du verbe dans l'énoncé et sa réalisation concrète selon les modalités
d'énonciation.L'étude part de l'hypothèse que les propriétés verbales traitées en termes de
« valence » et de « dépendance » dominent les relations syntagmatiques dans la phrase. A partir
des données de la grammaire générative et transformationnelle et de la théorie dépendentielle,
l’étude aborde la description du syntagme verbaldans les types énonciatifs de phrase.
Mots-clés : Verbe, paradigmatique, valence, dépendentielle, contraintes.
Summary:
While it is true that the expression of thought is inconceivable without the verb, it is clear that in
French, some speech achievements do without this grammatical category. Yet the importance of
language in preaching depends on the organization of other elements of the sentence around.
Then, what are the morphosyntactic properties that make the verb an essential component to the
sentence? how the verb manifestsits relationship with the other components in various types of
sentence? Our goal is to demonstrate the importance of the verb in the language and its concrete
realization with the terms of enunciation. The study assumes that verbal properties discussed in
terms of "valency" and "dependency" dominate the syntagmatic relationships in the sentence.
From the data of transformational grammar and dependency grammar, the study discusses the
description of the verb phrase in the sentence enunciation types.
Keywords: Word, paradigmatic valence, dépendentielle, constraints.
Introduction
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Le système verbal revêt une importance déjà signalée par Port-Royal (1669). En effet,
Arnaud et Lancelot qualifient le verbe comme l’expression privilégiée de la pensée.
Lalaire L. (1989 :14) revient sur la prépondérance qu’accorde cette institution à la
catégorie du verbe : « Mais le verbe apparaît déjà l’élément essentiel de la phrase : c’est
lui qui permet l’expression d’un jugement. » On en déduit que toute phrase, par le
truchement verbe, reflète une pensée et constitue, par ricochet, une proposition, terme
emprunté à la logique. A la suite de la linguistique cartésienne, la grammaire générative
et transformationnelle a pu formaliser ainsi les opérations de l’esprit par la formulation
de la phrase noyau (P SN + SV) où la structure de la proposition se ramène
au sujet (ou thème), et au verbe (ou prédicat). Mais il ne s’agit que de la structure sous-
jacente qui fonde toute interprétation sémantique dans le discours. En structure de
surface, l’expression de la pensée se conçoit difficilement sans le verbe. Or, en français,
certaines réalisations de discours
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se passent du verbe au point d’en faire une catégorie
facultative dans l’acte de communication. Ceci suppose que l’organisation abstraite, en
structure profonde, ne transparaît pas toujours à l’énoncé effectif en structure
superficielle. Les transformations linguistiques appliquées aux modalités d’énonciation
y sont pour une large part. Dès lors, quelles sont les propriétés morphosyntaxiques qui
font du verbe un constituant indispensable à la phrase? Comment se manifestent les
relations du verbe avec les autres constituants dans les différents types de phrase?
Sémantiquement, le verbe se traduit comme un prédicat qui affecte le sujet qui peut être
un pronom ou un GN en position de thème. Comment expliquer la relation de
dépendance du sujet /GN et d’autres arguments dans l’énoncé verbal ? Notre objectif
est, non seulement, de décrire les propriétés linguistiques qui font du verbe l’unique
constituant obligatoire de la phrase de base (P) qui se réalise selon différentes modalités
d’énonciation. Notre hypothèse est que les propriétés verbales traitées en termes de
« valence » et de « dépendance » dominent les relations syntagmatiques dans la phrase.
Sous l’inspiration de la grammaire générative et transformationnelle et de la théorie
dépendentielle, l’étude s’organise en description du SV dans les types énonciatifs de
phrase et en analyse paradigmatique et syntagmatique.
1. La structuration du syntagme verbal
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Il s’agit des énoncés averbaux
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La dénomination « syntagme verbal » fait prévaloir l’idée de construction,
d’agencement ou d’arrangement autour de l'élément qu'est le verbe. Il désigne, ainsi,
l’unité des mots autour de la catégorie du verbe et leurs diverses fonctions en dépendent
(compléments d’objet, compléments circonstanciels ou SP de verbe, etc.). Au-delà de
l’interdépendance et de la hiérarchisation des constituants, le syntagme verbal se
caractérise davantage par les mécanismes et les règles de combinaison des unités
linguistiques. Toutes choses qui sont gages de cohésion entre les constituants. Mais
l’activité linguistique ne saurait se résumer à des règles ni à des schémas qui ne tiennent
pas toujours compte des manifestations du langage liées aux modalités d’énonciation.
Ces dernières fondent la distinction entre les types de phrase liés aux notions d’acte de
langage (Austin J.L.). La description concerne les types énonciatifs qui regroupent les
trois types obligatoires de base dans la grammaire structurale : le déclaratif,
l’interrogatif et l’impératif
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.
2. La réécriture syntagmatique du verbe selon les modalités
d’énonciation
Le syntagme verbal désigne, dans la chaîne phrastique, une sous-structure
positionnelledont la réécriture obéit à un principe d’analyse selon des propriétés.Ainsi,
selon le principe qu’à la position d'un syntagme donné, n'importe quel signifiant de la
même classe, ou paradigme,convient,RiegelM., Pellat J-C. et Rioul R. ( 2005 : 215)
soutiennent ceci : « On peut substituer un seul élément à la suite [verbe + complément
(s)] mais pas à la suite [sujet + verbe] : Jean écrit une lettre à ses parents Jean
divague, mais Jean écrit une lettre à ses parents ??? une lettre à ses parents. »
L’opération de substitution vise à mesurer l’applicabilité de la notion verbale aux
actants dans le sens valenciel du terme (Tesnière). Comme le dit Schmidely J. (1983), le
verbe est une notion « conçue pour être attribuée aux notions-entités : nous avons dans
ce cas affaire à une application». Le verbe est ainsi une notion non autonome par
opposition au substantif, entité indépendante à laquelle on applique la notion verbale.
La mesure de l’application de la notion verbale s’opère, suivant le modèle
distributionnel, par segmentation de la phrase en unités définissables en syntagmes.
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ChezRiegelM., Pellat J-C. et RioulR. (2005 : 387) et J. Le Galliot (1975: 14) la phrase exclamative ne
figure pasdans les types obligatoires.
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Nous soumettons, ci-devant, ce principe à l’épreuve des modalités de phrase en rapport
avec l’énonciation.
3. Description du SV dans l’énoncé déclaratif
L’énoncé déclaratif est la parole directe. L’intonation qui l’accompagne n’est pas
particulièrement perceptible. On peut la reconnaître dans la réponse à une
interrogation partielle du genre :
Question : Qu’est-ce que les élèves chantent ?
Réponse attendue : Les élèves chantent l’Abidjanaise.
SN + SV
La substitution du SV composé du verbe et de SNCOD par un seul (autre) verbe
donne le résultat suivant :
[substitution de V] Les élèves chantent / jouent/ bavardent… (A)
Cette propriété est valable à toutes les personnes du verbe :je chante / tu chantes/ il
chante/nous chantons/vous chantez.
La commutation dans l’énoncé déclaratif est rendu possible dans (A) par les
affinités catégorielles et fonctionnelles entre les unités verbales d’une part, et par
la primauté réelle du verbe dans le SV, d’autre part. Laquelle primauté apparaît
dans l’analyse des relations paradigmatiques et syntagmatiques.
4. Description du SV dans l’énoncé interrogatif
La précédente description a pris prétexte sur la réponse à une interrogation
virtuelle. L’énoncé déclaratif conséquent pourrait avoir des affinités avec la
modalité interrogative. Dans le type interrogatif, ce sont les énoncés relevant
d’une interrogation directe qui intéressent l’étude. Celle-ci comprend, d’abord,
l’interrogation totale nécessitant une réponse par oui ou par non, ou tout autre
énoncé susceptible de répondre à l’énoncé interrogatif ; ensuite, elle intègre
l’interrogation partielle portant sur un segment de l’énoncé. L’opération de
substitution dans l’interrogation totale, ci-dessous, a pour résultat
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:
- Les élèves chantent–ils l’Abidjanaise ?
SN + SV
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Les autres cas de transformation (changement de schéma intonatif ; opérateur interrogatif) aboutissent
au même résultat de commutation.
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[Substitution de SV] Les élèves chantent-ils ?
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SN + SV
Dans ces exemples, le SV comporte un pronom de rappel (ils) intimement lié au
verbe par un signe de ponctuation, le trait d’union, qui est signe de liaison entre le
prédicat verbal et l’indice personnel. Le pronom ne reprend pas seulement le SN
sujet dans le verbe ; il est d’ordre prosodique puisqu’il accentue l’intonation
montante qui caractérise l’interrogation. En structure profonde, il est la marque de
l’inversion interrogative (invers. Inter.) dans la réécriture proposée par Jean Le
Galliot (1975 : 22) :
Inton.inter.+invers.inter.+ SN1 + V les élèves chantent-ils + inton.inter.
les élèves chantent
Les autres personnes verbales
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aboutissent à la même observation avec une simple
inversion :
[Inton. Inter.] + invers.inter + SN1 + V + chantons-nous + inton.inter.
nous chantons
Par ailleurs, l’interrogation offre la possibilité de remplacer, par anticipation,
leGV par le verbe vicaire « faire» :
[Inton. Inter.] Les élèves chantent l’Abidjanaise.
[Inton. Inter. + Q+ faire + invers.inter. ] Que font les élèves ?
Réponse attendue : Les élèves chantent (l’hymne national).
Dans la modalité interrogative, le verbe seul peut commuter avec le SV. Les deux
types de phrase revisités ont en commun la présence d’un indice de sujet qui ne
peut être entraîné dans la substitution. A première vue, le principe de la
substitution de V à la suite V+ SN est tout à fait satisfaisant puisque les deux
segments appartiennent à la même catégorie syntagmatique. Les propriétés
observées dans le modèle assertif se retrouvent dans l’interrogatif et, peut-être,
dans l’impératif. Mais le verbe impératif ne présente pas théoriquement la même
configuration que ceux des modalités précédentes.
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Nous passons volontairement sous silence la réponse attendue qui ne présente pas d’intérêt pour l’étude,
contrairement au cas précédent.
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Nous illustrons cet aspect avec l’indice personnel pluriel « nous ».
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