Arrivé, Gadet et Galmiche (1986) notent en effet que « [d]ans une langue telle que
le français, il n’est possible de donner une définition à la fois simple et rigoureuse
du mot qu’au niveau de la manifestation graphique, où le mot est le segment de
discours compris entre deux espaces blancs. » Il s’agit donc d’une unité pratique,
associée surtout à l’écriture, qui représente, en français d’aujourd’hui, les unités
linguistiques suivantes :
• un morphème libre (table, arbre, vite, zut) ;
• un morphème lié, syntaxiquement non libre (il, le, de, à) ;
• un lexème accompagné des affixes (prendrons, anticonstitutionnellement) ;
• un composé (tournesol, œil-de-bœuf, fil de fer) ;
• un syntagme (un je-ne-sais quoi, un m’as-tu vu) ;
• un segment dépourvu de signifié autonome (fur dans au fur à mesure, lurette
dans depuis belle lurette).
Les clitiques, comme les affixes, peuvent alors être définis comme des
morphèmes liés, syntaxiquement non libres. Cependant, les pronoms personnels
clitiques en français se distinguent des affixes par le fait qu’ils assument une
fonction syntaxique (voir infra (ii) propriété syntaxique).
(i) Propriété phonologique
Selon le premier critère d’ordre phonologique, les mots qui n’ont pas d’accent
propre et qui s’appuient sur un autre mot pour former un groupe accentuel sont
appelés « clitiques ». Le terme clitique provient d’ailleurs étymologiquement du
grec klinein (‘incliner’), et reflète la nécessité d’un appui. Sont ainsi généralement
considérés comme clitiques en français, les pronoms atones (je, tu, il, le, la, les,
lui, me, te, y, en, etc.) et le morphème négatif ne, mais aussi d’autres catégories
grammaticales monosyllabiques tels que les déterminants (un, le, ce, etc.),
certaines prépositions (de, à, en). Ce sont des unités normalement non
accentuables, sauf en cas d’accent d’insistance : IL m’a tout dit ; NE bouge pas ;
Je veux CE livre.
À l’impératif positif, les pronoms postposés au verbe sont accentuables parce
qu’ils reçoivent alors, en tant que dernière syllabe, l’accent du groupe rythmique.
Dans prends-le, le pronom le reçoit l’accent en tant que dernière syllabe du
groupe rythmique prends-le, et le schwa de ce pronom est prononcé. Il est à noter
cependant que dans qui suis-je, le pronom sujet postposé je n’est pas accentué et
le schwa de ce pronom n’est pas prononcé.
Les pronoms atones et le morphème négatif ne ne peuvent être employés qu’avec
une forme verbale. La nécessité d’un support verbal ainsi que le caractère non
accentuable de ces formes expliquent pourquoi elles ne peuvent constituer à elles
seules la réponse à une interrogation partielle : Qui est venu ? *Je / Moi.