Revue de presse Comité Consultatif National d’Ethique du 1

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Comité Consultatif National d’Ethique
pour les sciences de la vie et de la santé
Revue de presse
du 1er au 19 avril 2017
N° 330
35, rue Saint-Dominique – 75700 Paris
01.42.75.66.44
DIFFUSION RESTREINTE
SOMMAIRE n° 330
du 1er au 19 avril 2017
I-
ÉTHIQUE
Don d’organes après euthanasie : nouvelles directives en place aux Pays-Bas 1
Institut Européen de Bioéthique, 30/03/17
Belgique : autour de l’avortement, c’est la liberté d’expression
qui est menacée
Institut Européen de Bioéthique, 30/03/17
1/2
Les soins palliatifs en périnatalité restent en tension éthique
dans la recherche d’un modèle
Hospimedia, 31/03/17
2/4
Un rapport néerlandais favorable à la création d’embryons humains
pour la recherche
Bioedge, 01/04/17
4
L’Italie épinglée sur les IVG par le Comité des droits de l’homme de l’ONU
Le Quotidien du Médecin, 05/04/17
4/5
Dispositifs médicaux : le Parlement en faveur de critères plus stricts
Le Parlement Européen, 05/04/17
5/6
Petit pas vers la mise en vente de cellules-souches ?
Le Devoir, 10/04/17
6/7
Les médicaments anti-Alzheimer vont continuer à être remboursés
La Croix, 13/04/17
7/8
Suède : la croisade anti-IVG d’une sage-femme
Libération, 14/04/17
8/9
GPA : « Le désir d’enfant ne légitime pas un prétendu droit à l’enfant »
Causeur, 23/03/17
9/10
II-
SOCIÉTÉ
Une association alerte face à « l’épidémie » de têtes plates
chez les nourrissons
Le Monde, 21/03/17
11
Trisomie 21 non dépistée : un couple s’attaque au CHU de Limoges
Le Populaire du Centre, 01/04/17
12
Grippe aviaire, une sortie de crise se dessine
La Croix, 04/04/17
12/13
Alcoolisme : un risque d’intoxication sous baclofène
Le Monde Science et Techno, 05/04/17
13/15
Du glyphosate retrouvé dans les urines de 30 personnalités,
d’Emily Loizeau à Charline Vanhoenacker
Huffington Post avec AFP, 06/04/17
15/16
Hôpitaux : face aux dérives de la T2A, le Dr Véran mise sur le financement
à l’épisode de soins et au parcours
Le Quotidien du Médecin, 05/04/17
16/17
Indépendance : trois syndicats de biologistes assignent le groupe Cerba,
qui réplique avec fermeté
Le Quotidien du Médecin, 05/04/17
17/18
Paris : les riverains de la salle de shoot veulent aller en justice
Le Parisien, 05/04/17
18/19
« La douleur chronique déchire la vie »
Le Temps, 03/04/17
19/22
Bioéthique : qu’est-ce que la fondation Lejeune qui agace les chercheurs ?
L’Express, 30/03/17
22/24
Dispositifs médicaux : Statice toujours en pole position
Les Echos, 15/03/17
24
Cette femme a accouché pendant son coma et s’est réveillée trois mois
plus tard
Huffington Post, 10/04/17
Quel candidat fera le moins pour la santé publique ?
Allo Docteurs avec AFP, 11/04/17
Deux ministres se rendent à Grande-Synthe, où un camp de migrants
a été réduit en cendres
Libération avec AFP, 11/04/17
La fondation Lejeune lance une Master-class en éthique biomédicale
Famille Chrétienne, 07/04/17
25/26
26
27
28
Son médicament contre le cancer déremboursé, elle lance un appel aux dons 28
Le Télégramme, 12/04/17
Belgique : le débat sur l’avortement refait surface
Famille Chrétienne, 07/04/17
Royaume-Uni : des médecins autorisés à laisser un bébé mourir
« dans la dignité »
L’Express avec AFP, 11/04/17
29/31
31
Un protocole autour de trois grands principes
Le Quotidien du Médecin, 13/04/17
31/32
Etats-Unis : Trump restreint le financement de l’avortement
Le Parisien avec AFP, 14/04/17
32/33
Un test génomique sur Internet contesté
Le Monde Science et Techno, 19/04/17
33/34
Les enjeux de la présidentielle, de meilleures conditions de fin de vie
La Croix, 19/04/17
34/36
III – RECHERCHE
Cancer : l’intérêt de dresser le portrait génétique de la tumeur démontré
Sciences et Avenir avec AFP, 03/04/17
37
Des avancées en vue dans la maladie de Parkinson
Le Quotidien du Médecin, 10/04/17
37/39
Ebola : deux vaccins vont être testés en Guinée et au Liberia
La Croix, 11/04/17
39/40
La timide révolution des thérapies ciblées anti-cancers
Le Monde Science et Techno, 12/04/17
40/42
Des nouveaux venus chez les virus géants
Le Monde Science et Techno, 12/04/17
42/43
Des greffes cellulaires pour traiter les infarctus
Le Figaro Santé, 12/04/17
43/44
Un colorant au feu orange E171
Libération, 14/04/17
44/46
Le rôle complexe des cellules-souches cancéreuses
Le Figaro, 15/04/17
46/47
Un implant cérébral contre les tics
Sciences et Avenir, 13/04/17
47/48
Imbroglio sur la validation d’un nouvel essai clinique
Le Figaro, 19/04/17
48/49
IV - PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES
André Grimaldi : « La maladie chronique conduit à réaménager sa vie »
Libération, 04/04/17
50/52
Le dilemme de Magdalena Zernicka-Goetz, mère et cultivatrice d’embryons
Le Monde Science et Techno, 05/04/17
52/54
Prix des médicaments innovants contre le cancer : le système doit évoluer,
ou périr
The Conservation, 04/04/17
54/57
L’homme augmenté, fantasme d’un monde qui rêve d’abolir la mort…
de quelques privilégiés
Le Figaro, 05/04/17
57/59
Dépakine : au moins 14 000 victimes, selon une estimation non-officielle
Allo Docteurs avec AFP, 06/04/17
59
Scandale de la Dépakine : les années de combat d’une épileptique
Le Figaro, 10/04/17
60
Anne Bert : celle qui veut mourir vous salue
Libération, 12/04/17
60/62
« Marisol Touraine prend une grosse responsabilité en ne déremboursant
pas les médicaments anti-Alzheimer »
La Croix, 12/04/17
62/63
L’hôpital, l’intelligence artificielle et le patient
Le Monde Economie, 14/04/17
64/65
Augmentation des IST : le cri d’alerte des gynécologues
65/66
Elle, 12/04/17
On naît femme, on ne le devient pas
Causeur, 04/04/17
66/69
GPA : lettre ouverte à Emmanuel Macron
Le Figaro, 19/04/17
69/70
ÉTHIQUE
Don d’organes après euthanasie : nouvelles
directives en place aux Pays-Bas
Institut Européen de Bioéthique du 30 mars 2017
Depuis 2012, année de dépénalisation de l’euthanasie aux Pays-Bas, 23 personnes ont autorisé
les médecins à prélever leurs organes après leur mort provoquée par euthanasie.
Malgré le caractère marginal de cette pratique, il fallait en organiser les modalités selon des règles
« éthiques » bien strictes. À la demande de la ministre de la santé Edith Schippers, professionnels
de la santé, associations de patients, éthiciens et proches de patients ont donc contribué à
l’élaboration de ces directives organisant le don d’organes après euthanasie (Richtlijn
orgaandonatie na euthanasie). C’est la Fondation néerlandaise de transplantation (Nederlandse
Transplantatie Stichting, NTS) qui a financé le travail de rédaction et de consultation des diverses
associations et parties prenantes. Elle vient de remettre officiellement le fruit de ce travail à la
ministre. Les directives insistent sur l’autonomie du patient dans sa décision de donner ses organes.
Elle doit émaner spontanément du patient sans lui être suggérée. A noter que le respect de cette
condition est difficilement vérifiable. Le patient doit également répondre à toutes les conditions de
l’euthanasie qui seront vérifiées par un médecin extérieur, appelé le « médecin-SCEN » spécialiste
de l’euthanasie.
Ensuite, afin que les organes soient prélevés dans de bonnes conditions, le décès par euthanasie,
même si la mort est provoquée par le médecin de famille, devra avoir lieu à l’hôpital. Un médecin
hospitalier, n’ayant pas de lien avec le service de prélèvement des organes, devra vérifier la
conformité de la procédure d’euthanasie avec la possibilité d’un prélèvement rapide. Un médecin
légiste devra être sur place pour constater la cause de la mort et établir l’acte de décès
immédiatement. Le corps sera ensuite conduit en salle d’opération ou l’équipe de prélèvement aura
besoin de deux à quatre heures pour effectuer son travail. Plusieurs éthiciens ont souligné que ce
transfert rapide risque d’empêcher les proches de faire leurs adieux et de retarder le deuil. Les
directives validées sont contraignantes pour l’ensemble des médecins et hôpitaux des Pays-Bas.
Tout est donc désormais mis en place pour faciliter le prélèvement d’organes sur des personnes
décédées par euthanasie.
Le nombre d’euthanasies aux Pays-Bas s’élève à 5 500 pour 2016. Même si les malades du cancer
ne peuvent donner leurs organes (70 % des personnes euthanasiées), les personnes atteintes de
sclérose en plaques, de la maladie de Charcot ou d’autres maladies neurologiques sont par exemple
directement concernées par les nouvelles directives. Le Dr Gert van Dijk, qui a participé à
l’élaboration des textes, estime que grâce à ces nouvelles directives, le nombre d’organes
disponibles post-mortem aux Pays-Bas devrait être doublé.
Belgique : autour de l’avortement, c’est la
liberté d’expression qui est menacée
1
Institut Européen de Bioéthique du 30 mars 2017
A l’heure où plusieurs lobbies ont entamé récemment une campagne visant à sortir l’avortement du
code pénal, la conjonction de deux événements, à savoir un cours de philosophie dispensé à
l’Université Catholique de Louvain par le professeur Stéphane Mercier - où ce dernier déployait un
argumentaire qualifiant l’avortement de meurtre - et une interview radio de la porte-parole de la
Marche pour la Vie, Constance du Bus, a permis de faire surgir, au-delà du débat souvent brimé sur
l’avortement, celui relatif à la liberté d’expression.
Dans le cas Mercier, l’on constate une atteinte à la liberté académique et une remise en cause de la
faculté d’un enseignant à ouvrir une réflexion philosophique chez ses étudiants. Plusieurs
professeurs, dont Jean Bricmont et Michel Ghins de l’UCL, ont exprimé leurs craintes par rapport à
cette liberté académique menacée. En effet, l’UCL a décidé de suspendre les cours de philosophie
assurés par Stéphane Mercier et a entamé une procédure disciplinaire à son encontre. Ce premier
événement a sans doute contribué au succès de la Marche pour la Vie, au cours de laquelle plus de
2 000 personnes ont défilé en silence ce dimanche 26 mars 2017.
De son côté, Constance du Bus a évoqué la légalité du recours à l’avortement au-delà de la 12ème
semaine de grossesse et même jusqu’au terme, puisqu’aucune limite n’est précisée pour les
avortements dits thérapeutiques. Effectivement, le texte dépénalisant l’IVG stipule qu’au-delà du
délai de douze semaines : « l’interruption volontaire de grossesse ne pourra être pratiquée que
lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou lorsqu’il est certain
que l’enfant à naître sera atteint d’une affection d’une particulière gravité et reconnue comme
incurable au moment du diagnostic ». Provoquant des réactions virulentes, mademoiselle du Bus a
dénoncé des motifs d’avortement tardif pouvant paraître abusifs tels que la surdité et la
polydactylie. Bien que ces malformations soient handicapantes, constituent-elles une raison
suffisante pour mettre fin à la vie de l’enfant à naître ? Or ces motifs sont explicitement évoqués
dans des rapports officiels de la commission avortement mentionnant la surdité congénitale (2007,
p.42) et la polydactylie (2011, p.50) parmi les motifs d’avortement tardif déclarés.
Alors que d’aucuns s’efforcent d’étouffer toute voix discordante sur la question de l’avortement, et
où un débat serein semble bien difficile, n’est-il pas temps de se poser des questions sur l’évolution
de sa pratique, sur les mesures qui pourraient être mises en place pour le prévenir et sur ses
conséquences ?
Les soins palliatifs en périnatalité restent en
tension éthique dans la recherche d'un modèle
Hospimedia du 31 mars 2017 par Jérôme Robillard
La loi ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour la fin de vie des nouveau-nés. Les
équipes soignantes dans ce domaine ne bénéficient pas d'un cadre défini pour leur pratique,
même si le travail en équipe et l'anticipation sont reconnus. La décision du Conseil d'État sur
la fillette cérébrolésée a conduit à créer davantage de confusions.
Si chaque situation médicale est spécifique, son caractère est particulièrement accentué dans le
domaine de la fin de vie des nouveau-nés. La loi Claeys-Leonetti sur les soins palliatifs et la fin de
vie ne prévoit aucune particularité pour la périnatalité — ces situations concernent à la fois
l'anténatal et le postnatal. Sauf des situations d’urgences, en salle de naissance notamment, les
praticiens peuvent être amenés à décider d’arrêter la nutrition artificielle, avec ou sans sédation
profonde.
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« L'arrêt seul de la nutrition pose beaucoup de difficultés, surtout quand elle dure et que l'enfant ne
dort pas. Pour certains, l'arrêt devrait s'accompagner d'une sédation profonde mais ce n'est pas la
position de tout le monde. Nous sommes tous en train de chercher la solution, avec une tension
éthique sous-jacente », détaille Pierre Bétremieux, pédiatre au CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine), à
l'occasion d'une journée sur la démarche palliative en périnatalité organisée, le 30 mars à Aix-enProvence (Bouches-du-Rhône), par le réseau de périnatalité Méditerranée. Une situation « saine »
selon lui car « nous ne sommes pas dans l'application d'un protocole ». Laurence Fayol, pédiatre à
l'hôpital la Conception de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), invite pour sa part
à rédiger des protocoles « en équipe, même si toutes les situations ne rentreront pas ». Un exemple
possible de travail en équipe est de mener des entretiens communs pédiatre, obstétricien et sagefemme pour les parents dont le futur enfant est susceptible de recevoir des soins palliatifs. Laurence
Fayol souligne également le besoin d'adapter les soins palliatifs à toutes les situations en périnatalité
et à s'appuyer sur les ressources disponibles, comme les équipes régionales de ressources sur les
soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP). Ces dernières ont notamment pour mission de sensibiliser
les équipes aux spécificités de cette prise en charge et de former les professionnels et les bénévoles.
En pratique, les équipes soignantes sont amenées à anticiper les situations en rédigeant un projet
d'accompagnement en soins palliatifs en dépit de nombreuses inconnues comme la durée de vie
spontanée, la réaction des parents face à un nouveau-né malformé ou, comme cela arrive
régulièrement, la mort in-utero. « Elle est toujours possible mais c’est compliqué pour tout le
monde, les parents comme les soignants. Mais plus personne n'a besoin de prendre de décision
dans ces cas-là », souligne Pierre Bétremieux.
Une décision « utilitariste » du Conseil d'État dans l'affaire Marwa
Du fait de la loi, l’arrêt des traitements relève d'une décision médicale, après le recueil de l'avis des
parents. Une exception en pédiatrie où toutes les autres décisions sont prises avec l'accord des
parents. La décision du Conseil d'État dans le cadre de l'affaire Marwa, une fillette hospitalisée à
Marseille pour laquelle les parents s'opposent à l'arrêt des traitements, a semé la confusion. « Cette
décision est un petit tremblement de terre. Pour Vincent Lambert, le Conseil d’État décide qu'il est
possible d'arrêter les traitements mais, quand il s'agit d'un enfant, la voix des parents devient
prioritaire. La définition de l'obstination déraisonnable est beaucoup plus trouble », estime Pierre
Le Coz, professeur à la faculté de médecine de Marseille.
Le contresens de la loi
« La loi Claeys-Leonetti fait contresens sur la notion de culpabilité », souligne Pierre Bétremieux,
du CHU de Rennes. « Lorsqu’elle a été écrite, les parlementaires ont décidé de mettre le poids de
la décision sur les médecins pour éviter une culpabilité sans fin des parents. Tout ça est très
naïf », balaie-t-il. Les participants, professionnels comme membres d’associations, de la journée
sur la démarche palliative en périnatalité sont unanimes : tous les parents ressentent de la
culpabilité. Le rôle des soignants étant néanmoins de ne pas la susciter ou la renforcer. « L'absence
de culpabilité traduit une absence d'investissement de la grossesse », résume Pierre Bétremieux. Ce
dernier insiste sur la codécision entre parents et médecins, d'autant plus que l'origine de la
culpabilité ne provient pas de la prise de décision. Pierre Le Coz juge que le Conseil d'État a pris
une « décision utilitariste mais qui n’est pas assumée comme telle ». Il explique : « S'il avait donné
raison à l’équipe médicale, cela aurait donné lieu à des émotions extrêmes. Il a pris la décision qui
engendrera le moins de troubles mais il l'a justifiée par des décisions, cela entraîne des confusions.
Chacun son pré carré et les vaches seront bien gardées. » Cette confusion juridique s'ajoute à ce
que les soignants, comme Camille Péronel, obstétricienne à la maternité du CH de
La Ciotat (Bouches-du-Rhône), soulignent la prédominance d'un « risque médico-légal », qu'elle
qualifie « d'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes ».
L’une des particularités des soins palliatifs en périnatalité est que ce domaine touche aux limites de
la médecine, notamment dans la prise en charge de la prématurité. « Nos connaissances ont des
limites, il ne faut pas s’excuser de ne pas tout savoir », assure Pierre Bétremieux.
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Outre le fait de sortir d’une position de médecin paternaliste qui exclut les parents de la décision,
cette incertitude « fait le lit de l’espoir pour les parents », comme celui d’une erreur de diagnostic
prénatal, assez rare, ou d’une pathologie moins grave que perçue qui permet d’initier, sans
acharnement, un traitement curatif.
Un manque d’évaluation des pratiques
Pour avoir un recul sur leurs pratiques, les praticiens en périnatalité ne disposent d'aucune étude qui
compare le suivi psychologique des parents en deuil après une interruption médicale de grossesse et
après des soins palliatifs. Pierre Bétremieux, a déposé une demande. Elle a été refusée par le comité
d'éthique de l'établissement qui ne souhaitait pas faire revivre le deuil aux parents. Un projet
similaire a également été retoqué à Lille (Nord). « Le comité d'éthique n'avait rien lu sur la
question, ça m'a sidérée. Nous ne pouvons pas faire l'économie de cette étude. Nous avons
l'impression que ça ne fonctionne pas mal mais, en vrai, nous ne savons rien des complications
psychiques. J’espère que nous ne sommes pas des apprentis-sorciers victimes de mode », rapporte
le praticien de Rennes. Isabelle de Mézerac, la présidente de l'association Soins palliatifs et
accompagnement en maternité (Spama), qui souligne le « risque de simplification » d’une telle
étude. « Notre expérience nous montre que bien d'autres éléments et circonstances interviennent
dans le deuil. Dans des situations similaires, les évolutions dans le deuil sont différentes »,
explique-t-elle.
Un rapport néerlandais favorable à la création
d’embryons humains pour la recherche
Bioedge du 1er avril 2017 par Xavier Symons
Le Conseil de la santé néerlandais recommande que les scientifiques soient autorisés à créer des
embryons humains à des fins de recherche, ce qui ouvrirait la voie aux manipulations génétiques de
ces embryons, par les techniques « d’édition du génome ».
Le rapport du Conseil de la santé, présenté mardi au ministre de la santé Edith Schippers, demande
au gouvernement d’abandonner la réglementation en vigueur qui permet aux chercheurs d’utiliser
les « embryons surnuméraires » issus de fécondation in vitro. Le Conseil suggère une mise à jour
du « cadre juridique et moral », permettant la création d’embryons pour la recherche, selon « de
strictes conditions ». Modifier ainsi la réglementation, permettrait aux chercheurs « d’éditer le
génome » des embryons, manipulations qui sont moins aisées sur les embryons surnuméraires.
Cette revendication a soulevé la critique : il s’agit d’une « pente glissante », ce serait « utiliser la
vie humaine comme un outil de recherche ».
L’Italie épinglée sur les IVG par le Comité des
droits de l’homme de l’ONU
Le Quotidien du Médecin du 5 avril 2017 par Ariel F. Dumont
En 2016, l’Italie était épinglée par le Conseil de l’Europe qui lui reprochait de ne pas
appliquer pleinement la loi adoptée en 1978 sur l’avortement.
4
Un an plus tard, rebelote, le Comité des droits de l’homme de l’ONU vient d’infliger un carton
rouge à la péninsule pour les mêmes motifs. Pour cette instance, la situation italienne « est
inquiétante en raison du nombre toujours plus élevé de médecins objecteurs de conscience ». Dans
son rapport, le comité onusien souligne également la recrudescence en Italie d’avortements
clandestins, un phénomène inquiétant en raison des risques parfois mortels encourus par les
femmes. « L’État doit intervenir au plus vite en adoptant les mesures nécessaires pour garantir le
droit à l’avortement en toute légalité », estime le Comité des droits de l’homme.
Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de la Santé italien, plus de 70 % des
gynécologues sont objecteurs de conscience. Toujours selon le ministère, le nombre d’IVG a
diminué de moitié durant les vingt dernières années en raison de l’augmentation du nombre de
praticiens qui refusent l’avortement. En 1983, le ministère de la Santé a recensé
233 986 interruptions volontaires de grossesses contre 131 216 en 2014. Dans ce rapport, l’Italie est
également accusée de ne pas respecter la parité des droits entre couples hétérosexuels et
homosexuels en termes d’adoption et de fécondation artificielle. Deux points essentiels du débat en
cours depuis deux ans au Parlement italien, les partis proches des mouvances catholiques refusant le
débat.
« L’Italie doit permettre aux couples gays d’adopter des enfants y compris les enfants biologiques
de leurs partenaires et garantir aux enfants vivant dans des familles homosexuelles, des droits
identiques à ceux garantis aux enfants vivants dans des familles hétérosexuelles », estime le conseil
onusien. Cette instance souligne aussi les lacunes importantes du dispositif sur les unions civiles
adopté par le Parlement en 2016, le refus de l’accès « aux techniques de fécondation in vitro pour
les couples gays discriminant les homosexuels ». Or ces recommandations risquent de rester lettre
morte. En mars dernier, la décision historique prise par un juge florentin qui a reconnu un couple
homosexuel comme les parents de deux enfants adoptés a fait sursauter une partie de la classe
politique ancrée sur une position de refus. D’ici à la fin de l’année, l’Italie devra présenter un
rapport sur les IVG au Conseil de l’Europe. Avant, elle devra répondre au Comité des droits de
l’homme de l’ONU.
Dispositifs médicaux: le Parlement en faveur
de critères plus stricts
Communiqué de presse du Parlement européen - Santé publique –
du 5 avril 2017
Des projets législatifs pour une surveillance et des procédures de certification renforcées des
dispositifs médicaux tels que les implants mammaires et les prothèses de hanches ont reçu le
soutien du Parlement mercredi. Les députés ont également approuvé une législation pour une
meilleure information et des critères éthiques plus stricts envers les dispositifs médicaux de
diagnostic tels que les tests de grossesse ou ADN.
Les deux dossiers font l’objet d’un accord avec le Conseil des ministres. « Le scandale des
prothèses de hanche " métal sur métal" a montré les faiblesses du système actuel. Nous avons donc
introduit des normes plus strictes pour les organismes qui certifient ces produits, en particulier
pour les dispositifs à haut risque, comme les implants, les remplacements articulaires ou les
pompes à insuline, qui seront soumises à des expertises complémentaires avant d’être autorisées »
a déclaré la rapporteure Glenis Willmott (S&D, UK).
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« Nous avons également défini un système de surveillance post-autorisation beaucoup plus strict,
afin que les problèmes impliquant des dispositifs déjà sur le marché soient identifiés et pris en
compte le plus rapidement possible. Après le scandale PIP, de nombreuses femmes ne savaient tout
simplement pas si elles avaient reçu des implants défaillants. Nous avons introduit un système
d’identification afin de savoir quel patient a reçu tel dispositif, ce qui permettra de tracer les
patients s’il y a un problème. Les patients recevront également une carte d’implant, qu’ils pourront
utiliser pour se renseigner sur une base de données en accès public », a ajouté Mme Willmott.
Tirer les leçons des scandales des prothèses mammaires et de hanche
L’accord avec le Conseil prévoit :
 Des inspections aléatoires des fabricants après que les dispositifs ont été mis sur le marché ;
 Des contrôles plus stricts des organismes de certification, qui devront employer des personnes
qualifiées dans le domaine médical ;
 Une procédure de vérification supplémentaire pour les dispositifs à haut risque, comme les
implants et les tests VIH. Non seulement un organisme notifié, mais un comité d’experts devra
examiner le produit ;
 Une "carte d’implant" pour les patients, permettant de tracer les produits ;
 Il reviendra aux fabricants de prouver que leurs dispositifs sont sûrs (comme pour les
médicaments).
« L’examen des produits avant leur mise sur le marché était une priorité pour le Parlement. Les
dispositifs médicaux à haut risque devront désormais être soumis à une évaluation complémentaire
par un panel d’experts », a conclu la rapporteure. Une législation séparée inclut dans ces nouvelles
règles les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, c’est-à-dire les dispositifs qui ne sont pas en
contact direct avec le patient, mais permettent d’établir un diagnostic, comme les tests VIH ou
ADN. « Nous devons aux citoyens européens d’apprendre des scandales passés, comme celui
relatif aux implants mammaires », a déclaré le rapporteur Peter Liese (PPE, DE). « Des problèmes
ont été rencontrés avec d’autres types de produits, comme des endoprothèses cérébrales et un test
VIH. Le nouveau règlement est bon pour les patients, met hors circuit les producteurs malhonnêtes
et ainsi renforce ceux qui font leur travail », a-t-il ajouté.
Des critères éthiques pour les tests ADN
La législation oblige également les États membres de l’UE à informer les patients sur les
conséquences des tests ADN. « Les tests ADN peuvent avoir des conséquences graves dans la vie
d’un patient. Ils ne doivent pas être menés sans information et accompagnement appropriés. Les
États membres ont souligné que cela relevait de leur responsabilité, et qu’ils n’accepteraient une
réglementation européenne que jusqu’à un certain point. Il est toutefois important que cette
obligation leur soit faite, et nous serons très vigilants sur ce point », a déclaré M. Liese.
Procédure législative ordinaire, accord en deuxième lecture
Petit pas vers la mise en vente de cellules
souches ?
Le Devoir du 10 avril 2017
6
Petit pas par petit pas, les cellules souches semblent entrer dans l’espace public. Mais que change le
fait d’avoir pour la première fois, depuis la semaine dernière, des cellules souches transplantées
d’une tierce personne ?
Il avait fallu près d’un quart de siècle d’expériences sur des cellules souches avant qu’on ne tente,
en 2014, l’injection chez une femme de ses propres cellules souches — il s’agissait des cellules de
sa peau, « reprogrammées » pour être injectées dans son œil. Et ce n’est que la semaine dernière
qu’on a pour la première fois expérimenté chez un patient l’injection de cellules souches qui ne sont
pas les siennes. Cette nouvelle étape est pourtant fondamentale pour que ce traitement puisse se
généraliser et devenir accessible à tous : il faudrait pour cela voir naître des « banques de cellules
souches », similaires aux banques de sang d’aujourd’hui, mais qu’il faudra d’abord expérimenter à
plus grande échelle. Pour l’instant, la nouvelle expérience, menée le 28 mars, vise à traiter chez un
homme dans la soixantaine un cas de dégénérescence maculaire — une maladie de l’œil qui conduit
progressivement à la perte de la vision centrale. Les premières informations sont « prometteuses »,
selon une conférence de presse tenue le lendemain à l’Institut de recherche Riken, au Japon — le
même où avait été menée l’expérience de 2014. Des cellules souches pourraient, en théorie,
régénérer le tissu de la rétine, et c’était également l’objectif des expériences de 2014. La lenteur
avec laquelle le dossier progresse depuis 25 ans n’empêche pas le biologiste Shinya Yamanaka,
Prix Nobel de médecine 2012 pour son travail sur la reprogrammation des cellules souches, de
travailler en ce moment même à ce que le Japon devienne le premier pays à créer une banque de
cellules souches.
Les
médicaments
anti-Alzheimer
continuer à être remboursés
vont
La Croix du 13 avril 2017 par Pierre Bienvault
Le déremboursement des molécules contre la maladie d’Alzheimer peut « entraîner une perte
de chance pour les patients » selon le ministère de la santé. Mardi 11 avril, Marisol Touraine a
confirmé sa volonté de ne pas toucher, dans l’immédiat, au remboursement de ces molécules
pourtant jugées insuffisantes par la Haute autorité de santé (HAS)
Les défenseurs des médicaments contre la maladie d’Alzheimer peuvent être tranquilles. Leur
déremboursement n’est clairement pas à l’ordre du jour. Dans un communiqué, rendu public mardi
11 avril, Marisol Touraine, ministre de la santé, confirme sa volonté de ne pas toucher, du moins
dans l’immédiat, à ces médicaments pourtant jugés insuffisants par la Haute autorité de santé
(HAS). Le ministère de la santé précise dans ce communiqué que leur déremboursement peut
« entraîner une perte de chance pour les patients ». Bref, à quelques jours de la présidentielle, le
dossier est bel et bien plié.
Un débat entre médecins généralistes et spécialistes
Cela fait plusieurs années que les médicaments contre la maladie d’Alzheimer suscitent un débat
dans le monde la santé. Globalement, les généralistes voient plutôt d’un mauvais œil la prescription
de ces molécules qui, estiment-ils, ne servent pas à grand-chose et ne sont pas dénués d’effets
secondaires. Mais les médecins spécialistes, en particulier les neurologues et les gériatres, sont eux
plutôt favorables à la délivrance de ces traitements estimant qu’ils peuvent apporter un bénéfice à
certains patients, tout en les inscrivant dans une prise en charge globale. En octobre 2016, la HAS a
jugé que ces médicaments avaient un « intérêt médical insuffisant ». Ce qui, en principe, aurait dû
conduire Marisol Touraine à prononcer leur déremboursement. Mais la ministre a d’abord annoncé
que, dans l’immédiat, ces produits allaient continuer à être remboursés.
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« Je veux mettre en place un protocole de soins élaboré par les scientifiques en lien avec les
associations », a-t-elle affirmé en octobre. Tant que ça ne sera pas fait, la question du
déremboursement ne peut et ne doit pas se poser », a-t-elle ajouté. La ministre a alors demandé un
rapport à Michel Clanet, professeur de neurologie au CHU de Toulouse et président du comité de
suivi du Plan maladies neurodégénératives 2014-2019. Et ce rapport ne plaide pas vraiment pour la
fin de la prise en charge de ces molécules par l’assurance-maladie. « Le déremboursement de ces
médicaments sera probablement à l’origine d’une perte de chance pour certains patients, en
particulier ceux qui sont atteints d’une démence à corps de Lewy* avec troubles comportementaux
», souligne le rapport.
Une économie potentielle de 90 millions d’euros
Selon ce document, si le déremboursement devait malgré tout être instauré, l’économie potentielle
pour la « Sécu » serait de 90 millions d’euros. Un chiffre estimé à partir des ventes réalisées en
2015. Au passage, le rapport note que ces médicaments sont un peu en perte de vitesse. En 2015, ils
étaient prescrits à 26 % des patients ayant une maladie d’Alzheimer ou des syndromes apparentés
contre 31 % deux ans plus tôt. Ce qui a entraîné une baisse des dépenses pour l’assurance-maladie
surtout avec l’arrivée des génériques. En 2015, elle a remboursé ces produits à hauteur de 90,3
millions d’euros contre 205,7 millions en 2012. En s’appuyant sur le rapport, Marisol Touraine
annonce certaines mesures pour mieux accompagner les malades. À partir du 1er novembre seront
mises en place des consultations de médecine générale pour informer les patients et définir un
traitement face à une maladie neurodégénérative. Les médecins toucheront 60 euros pour ces
consultations. « À cette même date, les médecins généralistes pourront réaliser jusqu’à trois "visites
longues" annuelles au domicile des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer à un tarif de 70
euros », indique le ministère. Tout en précisant que ce n’est qu’au terme de la mise en œuvre de ces
mesures que la question du maintien ou non du remboursement des médicaments « pourra se poser
». Bref aux calendes grecques
*Une forme de démence neurodégénérative
Suède : la croisade anti-IVG d’une sagefemme
Libération du 14 avril 2017 par Lou Marillier
Une sage-femme suédoise, Ellinor Grimmark, a porté plainte pour discrimination car elle ne
trouvait plus d’emploi en raison de son refus de pratiquer l’avortement pour des raisons religieuses.
Le tribunal du travail suédois a décidé mercredi en appel qu’elle n’avait pas, contrairement à ce
qu’assure sa défense, été victime de discrimination. « Il n’y a qu’un seul point de vue acceptable en
Suède, on ne peut pas s’y opposer », a déploré mercredi Grimmark, après le jugement. Sa première
plainte pour discrimination remonte à 2014.
Tous les hôpitaux de sa région avaient alors décliné sa candidature. Le médiateur suédois contre la
discrimination et le tribunal d’instance ont rejeté sa plainte, décisions auxquelles vient de s’ajouter
celle du tribunal du travail.
Mais ce dernier revers ne marque pas la fin de la bataille menée par Ellinor Grimmark, qui travaille
et habite désormais avec sa famille en Norvège, où la liberté de conscience dans le cadre de l’IVG
existe. « Ce n’est plus vraiment pour moi désormais, mais pour le reste des sages-femmes qui
veulent travailler sans pratiquer l’IVG », explique Grimmark. Son avocate, Ruth Nordström,
s’apprête à porter le cas devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) :
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« Nous trouvons que les lois de protection contre la discrimination ne sont pas suffisantes pour
protéger la liberté de conscience en Suède », explique-t-elle. A leurs côtés se tient le puissant lobby
chrétien américain ADF, anti-avortement et anti-LGBT, qui n’en est pas à sa première collaboration
avec le cabinet de Ruth Nordström. Elle-même est une associée au sein de l’association, et
opposante assumée à l’IVG, a rappelé l’émission de radio suédoise Ekot. Aujourd’hui, elle assure
cependant que le cas de Grimmark ne s’inscrit pas dans un effort pour modifier la loi suédoise sur
l’avortement, qui y est autorisé depuis 1975, mais au contraire dans l’objectif de la faire respecter.
En effet, la loi s’adressait en premier lieu aux médecins - bien qu’elle se soit étendue dans la
pratique aux sages-femmes - et n’a donc pas de base légale, selon elle, pour « forcer une sagefemme à pratiquer un avortement ».
L’ADF inscrit cependant la situation d’Ellinor Grimmark dans une campagne internationale dont
l’un des objectifs est d’influencer les lois sur l’avortement, souligne Ekot. Le soutien du groupe
auprès d’Ellinor Grimmark n’est par ailleurs pas seulement juridique mais également financier,
assure la sage-femme, qui reçoit également des parrainages de particuliers. « Ce n’est pas juste une
sage-femme qui cherche à trouver du travail, accuse Mia Ahlberg, présidente de l’Association
suédoise des sages-femmes. C’est une sage-femme avec une énorme organisation derrière elle, qui
essaye de rendre le droit à l’avortement moins accessible aux femmes. »
GPA : « Le désir d’enfant ne légitime pas un
prétendu droit à l’enfant »
Causeur du 23 mars 2017 par Daoud Boughezala
Aujourd’hui, à Rome, l’association féministe italienne "Se non ora quando-Libere" organise
les deuxièmes assises pour l’abolition de la gestation pour autrui (GPA), notamment en
présence de Sylviane Agacinski. L’occasion pour Francesca Marinaro*, responsable politique
et associative engagée à gauche, de justifier son refus de la GPA à l’heure où certains justifient
par la demande d'enfant le recours au marché mondial des mères porteuses.
Les assises pour l’abolition de la gestation pour autrui (GPA) se sont réunies une première fois
à Paris le 2 février 2016. En un peu plus d’un an, votre combat a-t-il évolué ?
Oui, depuis la réunion de Paris, nous avons progressé dans la bonne direction. D’une part, au cours
de la discussion du rapport annuel sur la situation des droits de l’homme dans le monde, le
Parlement européen s’est exprimé contre la GPA en votant des amendements sur le sujet. Une large
majorité des députés européens a considéré cette pratique comme une atteinte aux droits des
hommes et des femmes. D’autre part, les fortes pressions économiques exercées sur les Etats
membres du Conseil de l’Europe pour leur faire légaliser le recours aux mères porteuses ont échoué.
N’agitez-vous pas un chiffon rouge alors qu’aucun des candidats à la présidentielle française
n’entend légaliser la GPA ?
Cette première bataille gagnée par les signataires des assises de Paris ne signifie pas que nous avons
gagné la guerre. Même dans les pays qui interdisent la GPA comme la France et l’Italie, les gens se
rendent dans des Etats où elle est légale (Russie, Ukraine) et y ont recours en violation de leur
législation nationale. Cette question doit être abordée par le Conseil de l’Europe dont une majorité
de pays s’oppose à la GPA en vertu des principes communs à toutes les conventions de protection
des droits de l’homme, de la femme et des enfants. Pour ne citer que la Convention de protection
des droits de l’enfant, son paragraphe 7 attribue explicitement la maternité de l’enfant à la femme
qui l’a porté et mis au monde et précise que cette filiation doit être reconnue dans tous les actes
administratifs relatifs à la naissance.
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Or, nos juridictions saisies sur ces questions ont souvent tendance à oublier la mère porteuse au
nom de « l’intérêt majeur de l’enfant ». Mais l’intérêt de l’enfant est de connaître sa mère ! Il
faudrait reconnaître la dignité de la femme, sans laquelle on ne saurait reconnaître pleinement la
dignité de l’enfant.
Pendant les débats sur le mariage et l’adoption « pour tous » en 2013, certaines associations
homosexuelles ont fait valoir leur droit à l’enfant. Que pensez-vous de cet argument
égalitariste ?
Cette problématique ne concerne pas seulement les homosexuels. La majorité des gens qui ont
recours à la GPA sont hétérosexuels. D’une manière générale, le concept de droit subjectif est en
train de dévier au point de changer de nature. Le droit ne doit pas répondre à un désir. Ici, le
prétendu droit à l’enfant répond au désir d’enfant, ce qui est assez dangereux. Se concentrer sur le
seul désir peut amener très loin, d’autant que c’est quelque chose de changeant et d’évolutif par
nature qui ne saurait légitimer un prétendu droit à l’enfant. Aujourd’hui, on voit une production
énorme de droits potentiellement très dangereuse pour le bien commun. Produire une telle quantité
de législation sur les droits individuels s’avère préjudiciable à la liberté de chacun. Paradoxalement,
l’inflation des droits limite la liberté ! La demande d’enfants ne concerne qu’une minorité
d’individus et fait fi de l’intérêt commun. Pour mériter d’être reconnu, un droit doit tenir compte
des autres. Aujourd’hui, le dévoiement individualiste du droit profite de l’évolution des nouvelles
technologies pour mettre sur le marché la reproduction humaine. C’est un fait nouveau dans
l’histoire. S’instaure ainsi une nouvelle division du travail entre pays producteurs et pays
consommateurs de mères porteuses.
Justement, la ténébreuse affaire Paradiso et Campanelli a défrayé la chronique politicojudiciaire en Italie, cette histoire d’un couple transalpin stérile qui a payé une agence de
mères porteuses en Russie près de 50 000 euros. Si, en février 2011, leur enfant a été
enregistré dans le registre d’état civil de Moscou, à leur retour en Italie, la justice les a
poursuivis pour recours illégal à la GPA. Mais coup de théâtre : un test ADN établit que
Campanelli n’est pas le père de l’enfant, l’agence russe ayant utilisé le sperme d’un autre
donneur. Résultat : les services sociaux retirent au couple la garde de l’enfant et le font
adopter par une autre famille italienne en 2013. Saisie, la Cour européenne des droits de
l’homme a d’abord donné raison au couple Paradiso et Campanelli avant de se raviser en
janvier 2017. Comment expliquez-vous ce revirement ?
Dans cette histoire, il y a eu une sorte de vol de l’enfant et un abus au niveau de ses documents
d’état civil. C’est là-dessus que les cours italiennes puis la CEDH se sont prononcées. Cette
violation de toutes les règles sur l’adoption a été soulignée par toutes les juridictions italiennes. Il
existe un mouvement d’opinion transnational, de plus en plus organisé, contre la GPA. Par le passé,
lorsque la CDEH condamnait la France pour son refus d’inscrire les enfants nés de GPA à l’étranger
sur ses registres d’état civil, le juge européen ne prenait pas en compte tous les aspects de la
question. Or, le problème de la GPA doit être soulevé sur deux plans : l’utilisation du corps de la
femme et le droit de l’enfant à connaître la mère qui l’a mise au monde. Ce dernier enjeu apparaît
encore de manière très floue dans les arrêts de la CEDH. Soumise à d’intenses pressions, celle-ci
devrait approfondir sa réflexion sur les différentes implications de la GPA, qui ne remet pas
seulement en cause la dignité de la femme et de l’enfant. C’est un véritable enjeu de vivre-ensemble
entre hommes et femmes, qui se joue aussi entre Etats. Suivant l’adage, ma liberté s’arrête là où
commence celle des autres !
*Eurodéputée communiste de 1984 à 1989, Francesca Marinaro a été élue sénatrice du Parti
démocrate en 2008. Engagée au sein de l’association féministe « Se non ora quando Libere »,
(sinon maintenant, quand ce sera gratuit), elle a organisé le 21 mars 2017 les deuxièmes
assises pour l’abolition de la GPA à Rome.
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SOCIÉTÉ
Une association alerte face à « l'épidémie » de
têtes plates chez les nourrissons
Le Parisien du 4 avril 2017 par Florence Méréo
Coucher les nourrissons sur le dos peut provoquer des déformations du crâne. Une
association saisit ce mardi la Haute Autorité de santé sur ce problème de plus en plus
fréquent.
Prôner une position exclusivement sur le dos pour le coucher de bébé est-il « un sujet de
maltraitance qui ne dit pas son nom » ? Oui, affirme le lien, une importante association de défense
des patients qui saisit la Haute Autorité de santé (HAS) pour la journée mondiale contre les
déformations crâniennes. Son but, nous annonce-t-elle : alerter face à la recrudescence des
plagiocéphalies — les têtes plates des nourrissons. En clair, il s'agit d'un aplatissement de tout ou
partie de l'arrière du crâne du nouveau-né à cause d'un appui trop permanent, notamment contre le
matelas.
Au bas mot, 20 % des bébés seraient concernés, particulièrement les petits garçons. Mais selon une
étude canadienne, un petit bout sur deux aurait la tête plate. « Les consultations explosent, les
parents s'inquiètent, mais rien ne bouge. C'est donc à nous, usagers, de nous emparer du sujet. Les
conséquences en termes de santé publique sont graves », lance Claude Rambaud, vice-présidente du
lien et coprésidente du CISS (collectif interassociatif sur la santé), regroupant 43 associations
d'usagers de la santé.
Graves ? « Evidemment ! Répond le docteur Thierry Marck*. Nous ne sommes pas juste dans le
domaine esthétique. » Depuis trois ans, ce pédiatre du sud de paris s'est spécialisé en
plagiocéphalie. « Une épidémie, tranche-t-il, fort de ses 3 000 consultations. Le crâne d'un nouveauné est très malléable. Une installation unique sur le dos va faire pression, le lui déformer, modifier
les équilibres. On retrouve des enfants avec des problèmes vertébraux, de scoliose, de déformation
de la mâchoire. » « Les problèmes de mâchoire entraînent des problèmes de succion, de dentition,
d'alimentation. On note aussi des retards dans l'apprentissage de la marche, de la parole », renchérit
l'ostéopathe Frédéric Zenouda.
Mais alors, comment positionner son bébé ? Depuis 1994 et l'immense campagne nationale pour
lutter contre la mort subite du nourrisson, le faire dormir sur le ventre est banni. Cela, personne ne
le remet en cause. « Le couac est qu'on a dit : tout le monde sur le dos ! On a transformé les bébés
en scarabées les pattes en l'air, incapables de développer leur sens moteur », décrit Anaïs de
Tinguy-Simon. Cette chercheuse en sophrologie, militante « antiposition dorsale » depuis la fin des
années 1990, vient de prendre sa retraite mais continue à donner de la voix : « ça me fait trop de
peine de voir les conséquences. En le changeant de position régulièrement, en le mettant sur le
côté, on s'évite tout cela. » « Si l'on fait cela de la naissance au premier mois, il n'y aura pas de
problème », appuie Thierry Marck. L'autre phénomène « aggravant », insiste ce dernier, ce sont ces
objets a la mode vendus aux parents, comme les accessoires qu'il faut ab-so-lu-ment à bébé. « Les
matelas cocoonant, les cales-bébé dorsaux, les cales-tête... sont à proscrire. Ils font l'inverse de ce
qu'ils prônent en causant des têtes plates. »
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Trisomie 21 non dépistée : un couple s'attaque
au CHU de Limoges
Le Populaire du Centre du 1er avril 2017
Le tribunal administratif de Limoges a étudié jeudi une affaire particulièrement délicate...
Alors qu’elle était enceinte de son troisième enfant, Céline a subi, comme toutes les futures
mamans, un dépistage de la trisomie 21 par prise de sang à 14 semaines d’aménorrhée. Les
résultats ont révélé un risque élevé de trisomie, de l’ordre de 1/150.
Depuis 2007, la Haute autorité de santé recommande que la clarté nucale déterminée par une
échographie soit intégrée dans les données de l’appréciation des risques, en plus de l’âge de la mère
et des marqueurs sériques. Une pratique devenue obligatoire en 2009. Le laboratoire en charge de
l’analyse, a fait son calcul en intégrant toutes ces données. Au regard des résultats, la gynécologue
de Céline l’a orientée vers le CHU de Limoges pour faire une amniocentèse. Le médecin en charge
de son dossier a procédé au recalcul des données, comme il en a l’habitude. Il est parvenu au
résultat de 1/857, soit un risque beaucoup moins élevé. Il a estimé que l’amniocentèse n’était pas
nécessaire. Céline est rentrée chez elle, rassurée. Elle a accouché le 10 septembre 2010. Un
caryotype a été réalisé une semaine plus tard. Il a révélé que sa petite fille était atteinte de trisomie
21.
Après des tractations infructueuses avec le CHU qui a estimé qu’aucune faute n’avait été commise,
le couple s’est retourné vers la justice. Une expertise a été ordonnée. Le rapport a été déposé au
greffe le 25 septembre 2013. Il s’avère que le médecin a commis une erreur de calcul. Il a intégré
les données concernant la clarté nucale alors que celles-ci étaient déjà prises en compte dans le
calcul effectué par le laboratoire, faussant ainsi le résultat. Le médecin incriminé a reconnu son
erreur. Une faute « d’autant plus avérée que le compte rendu du laboratoire mentionne
expressément la mesure de clarté nucale […] », a estimé dans ses conclusions le rapporteur public à
l’audience de jeudi.
Celui-ci considère que la faute est caractérisée. Il a proposé au tribunal de condamner le CHU de
Limoges à verser 50 000 € à la maman et 30 000 € au papa, pour « leur préjudice moral tiré de
l’impréparation à la naissance d’un enfant handicapé auquel s’ajoute pour la requérante, une perte
de chance de pouvoir recourir à une interruption médicale de grossesse. Ils se prévalent également
de troubles dans leurs conditions d’existence en raison de l’incidence de cette situation sur leur vie
familiale et sociale ». L’état de la petite nécessitant deux séances de kiné, une séance de
psychomotricité par semaine et une séance chez l’orthoptiste tous les quinze jours, la maman n’a
pas pu reprendre le travail. Si l’avocat de l’établissement de santé, Me Jean Valière-Vialeix, assure
que « le CHU comprend la douleur des parents, il demande que le tribunal considère qu’il ne s’agit
pas d’une faute caractérisée mais d’une faute simple, compte tenu du débat sur la méthodologie
d’analyse et de la difficulté du calcul ». Le tribunal rendra sa décision dans une quinzaine de jours.
Grippe aviaire, une sortie de crise se dessine
La Croix du 4 avril 2017 par Antoine d’Abbundo
Les autorités imposeront un vide sanitaire, du 17 avril au 28 mai, dans les communes du SudOuest touchées par le virus H5N8. Mais est-ce pour autant le bout du tunnel pour la filière ?
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Après l’abattage de 4 millions de palmipèdes pour enrayer l’épidémie de grippe aviaire qui s’est
abattue sur le Sud-Ouest depuis novembre 2016, le ministère de l’agriculture a annoncé, dimanche,
l’instauration d’une période de « vide sanitaire » de six semaines, préalable à la reprise de l’activité
dans les élevages de canards gras de la région. La mesure s’appliquera du 17 avril au 28 mai et
concerne les 1 134 communes des cinq départements touchés par le virus H5N8, à savoir le Gers,
les Landes, les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne.
Entre ces deux dates, l’ensemble des installations – parcours de plein air, bâtiments, véhicules –
devront être désinfectées et les déjections animales évacuées. Mais la reprise de l’élevage ne pourra
s’effectuer que « dans des conditions strictes de dépistage des animaux et du respect des mesures
de biosécurité », précise le ministère. « Cette mesure est une bonne nouvelle qui permet enfin
d’entrevoir le bout du tunnel », se réjouit Christophe Barrailh, éleveur gaveur à Aire-sur-Adour
(Landes) et président du Cifog, le comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras. La mise en
place de ce vide sanitaire laisse en effet espérer aux exploitants – dont certains ont cessé toute
activité depuis décembre – le redémarrage de leur production dès le 29 mai, ainsi que le dépôt des
dossiers d’indemnisation.
Car la situation économique de nombreux éleveurs est inquiétante. « Alors que 30 % des indemnités
promises en 2016 à la suite de l’épidémie de H5N1 restent à verser, viennent s’ajouter les
conséquences d’une nouvelle crise qui se traduira par une baisse de production de 30 à 35 %. Cela
crée des situations de trésorerie dramatiques qui rendent urgente l’aide annoncée par l’État »,
précise Christophe Barrailh. Mais pour Sylvie Colas, éleveuse dans le Gers et porte-parole de la
Confédération paysanne, ces mesures ne suffiront pas à assurer durablement l’avenir de la filière.
« Le vrai problème est celui du mode de production intensif qu’ont imposé les industriels aux
exploitants. Cela conduit à une densité d’élevages problématique, à une fragmentation des tâches
qui oblige à multiplier les transports et à une baisse des marges des exploitants qui n’ont d’autres
choix que d’intensifier la production », explique-t-elle. Une course au « toujours plus de canards »
qui peut s’avérer redoutable en cas de crise sanitaire.
Alcoolisme : un risque d’intoxication sous
baclofène
Le Monde Science et Techno du 5 avril 2017 par Sandrine Cabut
Une demande d’autorisation de mise sur le marché vient d’être déposée. Un nombre croissant
d’intoxications volontaires est constaté avec ce médicament, utilisé par 100 000 personnes en
France.
Parallèlement aux interrogations sur ses bénéfices chez les patients alcoolodépendants, c’est la
question des risques du baclofène qui est aujourd’hui posée. Ce médicament est à l’origine d’un
nombre croissant d’intoxications potentiellement sévères, le plus souvent volontaires, selon deux
études de toxicovigilance récemment publiées, l’une nationale, l’autre régionale. En six ans, neuf
décès ont été recensés par les neuf centres antipoison français, sans que la responsabilité du
baclofène soit toujours formellement établie. La situation actuelle du baclofène est inédite, et le
sujet d’une sensibilité extrême. Voilà un médicament que prennent environ 100 000 patients en
France pour réduire leur consommation d’alcool ou rester abstinents, alors même qu’il n’a pas
d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. Une demande d’AMM pour
l’alcoolodépendance vient juste d’être déposée, le 31 mars, auprès de l’Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de santé (ANSM) par un laboratoire, Ethypharm.
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La molécule est déjà commercialisée depuis 1974 pour le traitement des contractures musculaires
involontaires. L’engouement a commencé en 2008, après la publication d’un livre dans lequel le
cardiologue Olivier Ameisen (décédé depuis) racontait comment le baclofène l’avait libéré de son
addiction à l’alcool. Il agit en particulier sur le « craving » (envie irrésistible de boire). Les
prescriptions se sont multipliées, portées par des associations de malades et de médecins, tandis
qu’une partie de la communauté médicale restait sceptique sur un médicament supposé miracle
mais non validé par des essais cliniques.
En mars 2014, l’ANSM a instauré un dispositif de recommandation temporaire d’utilisation (RTU)
pour encadrer les prescriptions hors AMM. Mais le portail Internet a été faiblement utilisé par les
prescripteurs qui le jugeaient trop contraignant et trop restrictif (environ 7 000 déclarations). La
RTU vient d’être prolongée jusque mars 2018, sous une forme assouplie. L’étude nationale de
toxicovigilance, publiée en février dans la revue Clinical Toxicology, a recensé rétrospectivement
les cas d’intoxication au baclofène traités par les neuf centres antipoison français entre 2008 et
2013, c’est-à-dire avant la RTU. 294 ont été identifiés, 220 volontaires, et 74 involontaires. Il
s’agissait le plus souvent d’hommes, âgés en moyenne de 41,7 ans. Environ un sur deux avait un
trouble psychiatrique. Dans sept cas sur dix, l’intoxication au baclofène s’est accompagnée d’une
prise d’alcool et/ou de benzodiazépines. La dose supposée ingérée dans le cadre des tentatives de
suicide était nettement plus élevée (480 mg en moyenne) que lors d’une intoxication involontaire :
192 mg – la posologie maximale autorisée par la RTU est 300 mg/j. L’intoxication a été classée
sévère chez 60 % des patients. « Ce premier travail, qui est quasi exhaustif, a posé des fondations,
mais il faut affiner, souligne le professeur Nicolas Franchitto, chef du service d’addictologie
clinique et du centre antipoison du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse. Depuis, nous
avons conduit une étude prospective entre 2014 et 2016, dont les données sont en cours
d’analyse. »
Un stock de trente boîtes
Les résultats d’une étude régionale, publiée le 19 mars en ligne dans la revue Basic and Clinical
Pharmacology and Toxicology, vont dans le même sens. Le docteur David Boels, responsable du
centre antipoison d’Angers, et ses collègues ont recensé les dossiers d’intoxication volontaire au
baclofène traités par ce centre antipoison, qui couvre un bassin de 12 millions d’habitants, de
janvier 2008 à mars 2014. Le nombre de cas (111 au total) a été croissant au cours du temps. Près
de la moitié étaient sévères, et quatre fatals. Les symptômes les plus fréquents étaient neurologiques
(notamment coma), devant des troubles cardiaques. L’existence de troubles psychiatriques
multipliait par trois le risque d’intoxication sévère. « Dans l’alcoolodépendance, la dose
quotidienne de baclofène peut atteindre 300 mg, soit une boîte de trente comprimés à 10 mg. Les
patients ont donc potentiellement un stock de trente boîtes pour le mois. C’est trop. Vu le risque
d’intoxication grave, il faudrait réfléchir à fractionner la délivrance de ce produit », estime David
Boels. « La prescription pourrait être limitée à une durée de sept jours, comme pour la méthadone
ou le Subutex », propose le professeur Franchitto. Il insiste aussi sur l’importance d’une évaluation
rigoureuse du profil médical et psychiatrique qui soit pluriprofessionnelle. « Ces études confirment
la potentialité de suicide avec le baclofène, mais il faut la mettre en balance avec les bénéfices
potentiels de ce médicament, qui permet à environ la moitié des patients traités de repasser sous le
seuil de la zone à risque pour leur santé », commente le professeur Michel Reynaud, président du
fonds Actions Addictions, investigateur d’Alpadir, un des essais contrôlés avec le baclofène. Les
alcoolodépendants, soit plus de 2 millions de personnes en France, sont une population à haut risque
suicidaire, ajoute Michel Reynaud.
Effets indésirables recherchés
Pour mieux connaître et maîtriser les effets indésirables du baclofène chez les patients
alcoolodépendants, Benjamin Rolland, psychiatre et addictologue au CHU de Lille, a mis sur pied
un protocole prospectif, et proactif.
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« Des données de pharmacovigilance et de toxicovigilance sont disponibles, mais elles sont souvent
délicates à interpréter. Le baclofène est en effet volontiers associé à d’autres médicaments ou de
l’alcool, ce qui complique l’imputabilité en cas d’événement indésirable », justifie-t-il. Lancée il y a
un an, dans la région des Hauts-de-France, son étude, appelée Baclophone, consiste en un suivi
téléphonique mensuel des patients. Des effets indésirables sont recherchés systématiquement, et
leur contexte est précisé. L’étude, qui a déjà inclus 130 personnes, sera nationale à partir de mai.
Quid des bénéfices ? Les résultats définitifs de deux essais cliniques français importants, l’un
conduit en milieu hospitalier (Alpadir), l’autre en médecine libérale (Bacloville), portant chacun sur
environ 300 patients traités par baclofène ou placebo, ne sont pas encore publiés. Mais les données
d’efficacité présentées dans des congrès, en septembre 2016 puis mi-mars, continuent à diviser :
spectaculaires ou du moins concluantes selon certains, elles sont jugées peu convaincantes par
d’autres. L’essai Alpadir a, en tout cas, échoué sur son critère principal d’évaluation : l’abstinence
complète pendant vingt semaines.
L’ANSM, qui vient de recevoir la demande d’AMM du laboratoire Etypharm, va accéder à
l’intégralité des informations sur ces deux essais. L’Agence disposera aussi bientôt des résultats
d’une vaste étude de sécurité, à partir des bases de données de l’Assurance-maladie. « Ce seront des
documents essentiels pour analyser le rapport bénéfice/risque du baclofène et accorder ou non
l’AMM. Jusqu’ici, les données étaient très parcellaires, estime Dominique Martin, son directeur
général. Actuellement, nous sommes très préoccupés par la pression autour de ce médicament, qui
a conduit à son utilisation massive hors AMM. D’autant que nous avons été alertés sur son profil
de sécurité. » La décision de l’ANSM, attendue a priori d’ici mars 2018, apaisera-t-elle le climat de
plus en plus tendu autour du baclofène ? Dans ses dernières recommandations sur la prise en charge
de l’alcoolodépendance, fin 2014, la Société française d’alcoologie (SFA) a recommandé cette
molécule seulement en deuxième intention. Cette société savante et plusieurs de ses membres sont
accusés par des « pro-baclofène » de conflit d’intérêts avec Lundbeck, un laboratoire danois qui
commercialise un autre médicament contre l’alcoolodépendance, le nalméfène (Selincro).
Selon un article de La Tribune du 20 mars, la SFA a ainsi reçu 70 000 euros de Lundbeck en 2013.
Le professeur Mickael Naasila (Amiens), président de la SFA depuis 2015 et auteur d’un
communiqué tempérant l’enthousiasme sur les résultats du baclofène en septembre 2016, se voit,
lui, reprocher quelque 15 000 euros de prestations payées par le laboratoire danois, qui sont
détaillées dans sa déclaration publique d’intérêts. « Les liens d’intérêts de la SFA sont transparents
et concernent plusieurs laboratoires dont Ethypharm, qui lui a accordé 33 000 euros en 2014 »,
précise Mickael Naassila. Le document de recommandation de la SFA mentionne un « soutien
institutionnel » de quatre laboratoires : Lundbeck, D & A Pharma, Merck Serono et Ethypharm.
Du glyphosate retrouvé dans les urines de 30
personnalités, d'Emily Loizeau à Charline
Vanhoenacker
Huffington Post avec AFP du 6 avril 2017
100 % des échantillons analysés par l'ONG Générations futures contiennent ce composé du
RoundUp.
L'ONG Générations Futures récidive. Après avoir trouvé des perturbateurs endocriniens dans les
cheveux de six écologistes dont Nicolas Hulot en février dernier, elle montre ce jeudi 6 avril que
des résidus de glyphosate sont présents dans les urines d'un échantillon de 30 personnes.
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L'association a fait analyser les urines matinales de personnes des deux sexes, âgées de 8 à 60 ans,
habitant en ville ou à la campagne, à l'alimentation variable (biologique ou non, végétarienne ou
non). Parmi elles figurent des personnalités comme l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho, la
chanteuse Emily Loizeau, l'animatrice de radio Charline Vanhoenacker ou encore l'humoriste Alex
Visorek.
« 100 % des échantillons analysés contenaient du glyphosate à une concentration supérieure à la
valeur minimale de quantification du test », soit 0,075 ng/ml, indique Générations Futures dans un
communiqué. La concentration moyenne trouvée est de 1,25 ng/ml d'urine, précise-t-elle. La valeur
la plus faible est de 0,09 ng/ml, la plus élevée de 2,89 ng/ml. Dans la quasi-totalité des cas (29 sur
30), la concentration est supérieure à la concentration maximale admissible pour un pesticide dans
l'eau distribuée (0,1 ng/ml). Le glyphosate entre dans la composition d'herbicides comme le
RoundUp de Monsanto, le plus vendu au monde. « Malheureusement ces analyses confirment ce
que nous craignions après avoir consulté d'autres études réalisées ailleurs en Europe et dans le
monde : nous sommes toutes et tous contaminés par le glyphosate », déclare le porte-parole de
Générations Futures, cité dans le communiqué.
L'association souhaite que « les autorités européennes prennent conscience de l'urgence à agir et
interdisent enfin cette molécule considérée comme probablement cancérogène pour l'homme par le
Centre International de Recherche sur le Cancer » (CIRC), une branche de l'Organisation mondiale
de la santé (OMS), ajoute-t-il. Le glyphosate a fait l'objet d'une longue bataille autour du
renouvellement de sa licence dans l'Union européenne (UE) en 2016. Bruxelles a prolongé
temporairement fin juin l'autorisation de la substance, en attendant la publication d'un nouvel avis
scientifique au plus tard fin 2017, tout en restreignant ses conditions d'utilisation. En mars, à la
différence du CIRC, les experts de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont estimé
que le glyphosate ne devait pas être classé comme cancérogène. Une « initiative citoyenne
européenne » (Ice) visant à interdire le glyphosate a recueilli environ 630 000 signatures dans l'UE,
dont 38 850 en France, indique par ailleurs Générations Futures, l'une des quelque 60 organisations
mobilisées.
Une initiative citoyenne doit recueillir en une année au moins un million de signatures au total dans
sept pays de l'UE, avec un nombre minimum dans chaque pays. La Commission doit réagir dans les
trois mois. Elle peut décider de donner suite et déclencher une procédure législative, ou non. Dans
tous les cas elle doit motiver sa décision.
Hôpitaux : face aux dérives de la T2A, le
Dr Véran mise sur le financement à l'épisode
de soins et au parcours
Le Quotidien du Médecin du 5 avril 2017 par Anne Bayle-Iniguez
Le Dr Olivier Véran, ex-député PS, a remis à Marisol Touraine le second volet de son rapport
sur l'évolution des modes de financement des établissements de santé. Il s'est penché en
particulier sur les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) et sur la santé
mentale.
Le neurologue du CHU de Grenoble, aujourd'hui référent santé d'Emmanuel Macron, dresse le
constat suivant :
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13 ans après la création de la tarification à l'activité (T2A), « les tarifs semblent être devenus une
variable d'ajustement dans une régulation prix/volume qui répond avant tout à l'objectif de
respecter l'ONDAM » (objectif national de dépenses maladie). Cette situation crée « des tensions au
sein des établissements et au sein des équipes », constate le médecin. Les remontées de terrain et les
travaux des experts montrent que « le financement au parcours de soins d'un malade dans la
globalité plutôt que soin par soin, à l'acte en médecine de ville, à l'activité en établissement, est un
enjeu, sinon consensuel, largement partagé », écrit le Dr Véran.
Concernant les activités MCO, le rapport Véran propose de créer un nouveau mode de financement
fondé sur trois enveloppes. La T2A reste légitime pour des séjours hospitaliers « ponctuels » et
« simples », c'est-à-dire sans prise en charge médicale ou paramédicale antérieure ou postérieure.
Cela peut être le cas pour une pneumopathie, une hépatite, une appendicectomie, une arthroscopie
du genou, une cholécystectomie, etc. Le deuxième niveau de financement concerne les soins plus
lourds ou chirurgicaux impliquant des médecins et soignants de ville autant que les hospitaliers. Le
neurologue cite l'AVC, la prothèse totale de la hanche ou du genou, les valvulopathies, la maladie
rénale chronique, le pontage coronarien, etc. Ce forfait « à l'épisode » couvrirait sur une période
définie selon la pathologie ou la procédure les bilans, consultations, séjours initiaux en médecine ou
chirurgie, honoraires médicaux, soins de suite et éventuelles réadmissions. Troisième étage : un
financement « au parcours » spécifique aux pathologies chroniques viendrait compléter le
dispositif. Là encore, un forfait global pour tous les acteurs de soins inclus dans la prise en charge
serait calculé pour une période et une pathologie donnée. Actes, consultations, médicaments,
produits de santé, hospitalisations, éducation thérapeutique, coordination, transports, y seraient pris
en compte.
Ce triple système, à tester dans des territoires volontaires, « favoris[e] la coordination des acteurs,
rédui[t] le taux de complications et de réhospitalisation, d'admission en urgence, et ten[d] à
améliorer l'efficience et la qualité ses soins », souligne le Dr Véran. Dans « un souci de simplicité »,
le médecin suggère que l’établissement « assure le reversement des actes réalisés aux
professionnels extérieurs choisis par le patient ». Cette idée a fait bondir le Syndicat des médecins
libéraux (SML), qui voit dans ce rapport la dernière étape de « la marche du gouvernement vers
l’étatisation de la médecine libérale ». Une seconde partie du rapport s'intéresse au financement de
la santé mentale, une prise en charge qui a concerné 2,1 millions de patients en 2014 – dont 20 %
suivis d'hospitalisations. Le financement de la psychiatrie se fait principalement à la faveur d'une
dotation annuelle (DAF), attribuée aux secteurs public et privé non lucratif. Les services de
psychiatrie dans des établissements MCO sont soumis à la T2A. Les cliniques sont rémunérées sur
la base de tarifs journaliers.
Dans ce maelstrom, la mission Véran ne préconise pas de révolution mais de pondérer la dotation
globale. Il s'agira d'assortir cette enveloppe « d'une part modulable au gré de certains indicateurs, à
déterminer ». Et plus ces derniers seront nombreux, moins ils pourront être orientés à des fins
lucratives, analyse-t-il. Les critères choisis pourraient être relatifs « d’une part à l'activité et d’autre
part aux besoins épidémiologiques de la population » afin de réduire les inégalités. Remis en
juin 2016 à Marisol Touraine, le premier volet du rapport Véran portait sur les hôpitaux de
proximité, les soins de suite et de réadaptation mais aussi la création de prestations intermédiaires
(entre la consultation et l’hospitalisation de jour), un chapitre dont la traduction est
aujourd'hui vivement critiquée par la FHF.
Indépendance : trois syndicats de biologistes
assignent le groupe Cerba, qui réplique avec
fermeté
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Le Quotidien du Médecin du 5 avril 2017 par Marie Foult
Trois syndicats de biologistes libéraux – le Syndicat des biologistes (SDB), le Syndicat des
jeunes biologistes médicaux (SJBM) et le Syndicat des laboratoires de biologie clinique
(SLBC) – ont annoncé avoir assigné le 29 mars le groupe Cerba Healthcare, un des leaders
européens du secteur, devant le tribunal de grande instance de Pontoise (Val-d'Oise).
La loi dispose que les biologistes médicaux doivent détenir plus de 50 % des droits de vote et du
capital des laboratoires médicaux. Des entités extérieures ne peuvent pas détenir plus de 25 % du
capital et des droits de vote d'une SEL. Or, selon les trois syndicats, cette législation n'est pas
respectée. Ils invoquent un document de Cerba, rédigé en anglais et présenté dans le cadre d'une
opération de refinancement au Luxembourg, expliquant à des investisseurs potentiels que cette
société « contrôle de fait » les décisions majeures de ses laboratoires en France, rapportent les trois
syndicats. « Avec l'assignation, nous posons cette question au juge : est-ce qu'une construction
financière telle que celle de Cerba Healthcare permet de préserver l'indépendance des biologistes
médicaux et leur majorité de vote ? Nous verrons la réponse », explique François Blanchecotte,
président du SDB. « La loi n'est pas suffisamment explicite, complète le Dr Lionel Barrand,
président du SJBM. Mais ce qui est sûr c'est que les biologistes ne contrôlent plus grand-chose
dans les laboratoires du groupe. »
Le groupe Cerba récuse totalement ces « accusations injustifiées ». « Nous avons toujours veillé à
exercer nos activités dans le plus strict respect des réglementations en vigueur, tout en garantissant
l'indépendance des biologistes médicaux qui exercent en son sein (...), se défend l'entreprise. Cette
action en justice est d'autant moins compréhensible que le secteur de la biologie est extrêmement
réglementé en France », ajoute Cerba déterminé « à faire respecter par tous les moyens sa
réputation ». Les trois syndicats n'en démordent pas. « Nous sommes portés par nos adhérents,
souligne le Dr Lionel Barrand. Et ne serait-ce que pour clarifier la loi, nous irons jusqu'au bout de
cette procédure. »
Paris : les riverains de la salle de shoot veulent
aller en justice
Le Parisien du 5 avril 2017 par Cécile Beaulieu
Injections en pleine rue, bagarres, insécurité, deal sous les yeux des passants, prostitution, cris
et attroupement jusque tard dans la nuit... Les riverains de la salle de shoot installée depuis 6
mois dans l’enceinte de l’hôpital Lariboisière (Xème), rue Ambroise-paré, sont au bord de la
crise de nerf.
En dépit d’un bilan très positif dressé par la Ville de Paris et l’association Gaïa, gestionnaire des
lieux, habitants et commerçants dénoncent un « enfer » devenu quotidien. Outre le « cahier de
doléances » remis à Anne Hidalgo, la maire de Paris, l’édile (PS) du Xème, Rémi Féraud, et le préfet
de police, Michel Cadot, ils comptent organiser prochainement un sit-in devant la mairie
d’arrondissement, lancer une procédure judiciaire à l’encontre des pouvoirs publics et surtout,
réclament à cor et à cri le déménagement de la salle, dans un lieu éloigné des habitations et des
commerces, « à l’exemple de ce qui a été fait à Strasbourg, où la salle de consommation est installée
dans une zone inhabitée », plaident les riverains.
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Face au torrent de protestations émanant du quartier, deux vœux présentés par le groupe UDIMoDem ont été votés par les élus en séance de conseil de Paris le 29 mars dernier, actant
l’ouverture d’une réflexion sur l’extension des horaires de la salle (actuellement de 13 h 30 à 20 h
30) et de l’ouverture d’un second lieu d’injection supervisé dans la métropole. Mais les habitants,
qui sont désormais plus de 800 au sein du collectif « Stop salle de shoot », estiment qu’il s’agit de
« mesurettes totalement inadaptées à l’ampleur du problème ». « On sacrifie ce quartier et on
méprise ceux qui y vivent, s’indigne un membre du collectif : jamais il n’y a eu autant de
toxicomanes dans nos rues. Les consommateurs affluent de partout, accompagnés de chiens qui
aboient sans arrêt, se piquent sous nos yeux, dans les voitures dont ils forcent les serrures, dans les
halls d’immeubles, alors qu’il était annoncé que les gens attendant l’entrée dans la salle se
regrouperaient dans la cour du bâtiment. Le soir, poursuit-il, les trafiquants viennent en voiture
approvisionner les toxicomanes, qui sont constitués en clans, et se battent entre eux : deux scènes
d’une violence incroyable ont déjà eu lieu les 26 février et 28 mars. Attend-on qu’il y ait un mort ?
« Bien décidés à ne rien lâcher, les riverains notent, photographient et filment sans relâche ce qui
fait leur quotidien. Une imposante collecte qui sera remise à leur avocat en fin de semaine, afin
d’alimenter la future procédure judiciaire.
Deal et prostitution sont apparus rue Ambroise-Paré
Chaque soir, le même scénario se répète, rue Ambroise-Paré (Xème), face à la salle de consommation
à moindre risque (SCMR) : des berlines sombres s’arrêtent le long du trottoir, avec à leur bord des
dealeurs, qui négocient avec les toxicomanes leur consommation quotidienne. Dans cette zone de
« tolérance » policière, aux abords de la salle, les transactions s’opèrent désormais depuis quelque
temps « tranquillement » selon les riverains qui y assistent depuis leurs fenêtres. « Les vendeurs
arrivent en VTC, s’indigne l’un d’entre eux. Ce périmètre a créé une zone de non-droit pour le deal
et la consommation, dans l’espace public. Cette salle a coûté 900 000 € et l’on se drogue plus à
l’extérieur qu’entre ses murs ! Nous voulons, dans l’attente du déménagement que les riverains
exigent, une présence policière renforcée dans le secteur ». Quelques mètres plus loin, dans le
parking souterrain, un autre phénomène a fait son apparition : la prostitution. « Des consommatrices
s’y livrent pour pouvoir payer leurs produits, détaille un autre habitant, à tel point que chacun sait
maintenant, qu’il faut éviter le quatrième sous-sol. Le lieu abritait déjà des toxicomanes et du deal,
et il faut désormais faire avec un nouveau phénomène qui accentue plus encore le stress des
riverains et des usagers de ce parking. Le collectif de riverains demande qu’une hotline dédiée aux
signalements soit mise à sa disposition pour que les forces de police puissent intervenir
immédiatement. »
La Ville défend un « bilan positif »
D’une même voix, la Ville, l’Agence régionale de Santé et l’association Gaïa, qui gère la salle de
consommation, défendent « la pertinence et l’efficacité du dispositif », farouchement contesté par
les habitants du quartier, avançant « 60 % de seringues en moins sur l’espace public ». « La salle
remplit son rôle de réduction des risques pour les usagers : depuis son ouverture, elle a enregistré
24 200 passages pour 550 consommateurs inscrits, avec une moyenne journalière de 180 passages.
Le dispositif est complété par des tests de dépistage qui ont été réalisés sur une population
fortement exposée au VIH ou à l’hépatite C. 89 usagers en grande précarité, enfin, ont fait l’objet
d’un accompagnement social ». La Ville assure rester attentive aux riverains comme aux besoins
des usagers.
« La douleur chronique déchire la vie »
Le Temps du 3 avril 2017 par Sahli Khadidja
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Un cinquième de la population en souffre, à des intensités diverses. Quand elle s’installe, la
douleur rebelle chamboule toute l’existence. Comment se libérer de son emprise ? Le
sociologue David Le Breton a mené l’enquête.
« Quand la douleur qui me vrille le crâne s’arrête une heure ou deux dans la journée, c’est comme si
j’étais au paradis. […] Si vous n’avez aucune douleur, ni aucune maladie, vous êtes au paradis.
Avant, je ne le savais pas. » Elise, 19 ans, atteinte de violentes céphalées, a recours à une image
courante chez les douloureux chroniques pour évoquer leur calvaire. L’enfer, rien de moins. Son
témoignage, parmi d’autres, est recensé dans le dernier ouvrage du sociologue et anthropologue
français David Le Breton, Tenir. Douleur chronique et réinvention de soi (Ed. Métailié). Une
enquête fouillée sur le chemin de croix qui s’impose à environ 20 % de la population européenne. A
des degrés divers, bien sûr, mais qui représente toujours un défi existentiel.
Car contrairement à la sensation pénible qui attire l’attention sur un danger (une brûlure sur une
plaque chauffante, par exemple) ou qui sert d’outil au diagnostic médical, la douleur chronique est
inutile. Persistant au-delà de trois mois, rebelle aux traitements antalgiques, elle détériore les
capacités fonctionnelles et émotionnelles des patients, selon sa définition officielle. D’alliée au
service de la santé, elle devient l’ennemie à combattre. Si la bataille est âpre et longue, échouant
souvent à éradiquer le mal, les armes existent. Au fil de ses recherches, en France et en Suisse,
David Le Breton partage son intime conviction : seule une alliance forte entre médecins et malades
a des chances de l’emporter. Les premiers devant s’adapter à la singularité irréductible de leurs
patients, et ces derniers mobiliser toute leur énergie sans jamais se résigner. Explications.
Pourquoi la douleur chronique « déchire toute l’existence », comme vous l’écrivez d’entrée de
jeu dans votre ouvrage?
Parce qu’elle n’est pas cantonnée au corps, elle a d’innombrables conséquences sur le plan
individuel, relationnel et social. Elle perturbe en profondeur la famille, lorsque la personne
souffrante ne peut plus s’occuper de ses enfants comme avant, par exemple, déléguant cette tâche à
son conjoint. La vie sexuelle du couple peut aussi en pâtir. Les proches doivent faire preuve de plus
d’écoute, de patience, tenir compte des capacités diminuées du malade pour toute une série
d’activités. Au point de réorganiser leur emploi du temps. La gestion du temps du malade est
également bouleversée. Toute sortie devient souvent problématique et dépend de la disponibilité
d’autrui. Sa vie est aussi ponctuée de rendez-vous médicaux et de recherches tous azimuts pour
trouver le soulagement.
Vous soulignez à cet égard la place qu’occupent les thérapies alternatives à la médecine
conventionnelle dans le parcours de ces patients.
La douleur chronique signifie en fait l’échec de la médecine hospitalière ou spécialisée. Elle
favorise donc le recours à différents thérapeutes, avec toujours l’espoir d’en venir à bout.
Mais l’espoir est mis à rude épreuve après autant de tentatives infructueuses…
Oui, en réalité c’est surtout l’incertitude qui prédomine chez les patients. Ils oscillent entre espoir et
résignation. Et c’est compréhensible, car la douleur persistante provoque un ébranlement identitaire:
leur vie est mutilée, dépersonnalisée, lorsque ce qui faisait le goût de vivre disparaît. Les proches
disent souvent de celui qui souffre : « on ne le reconnaît plus. »
Vous rappelez d’ailleurs que le mot « douleur » appartient à la même famille que le mot
« deuil » pour signifier que ce séisme est « une mise en deuil de soi ».
C’est une vraie souffrance en effet. Contrairement à la douleur passagère, la douleur chronique
représente une expérience inédite. Et face à elle, le sentiment d’impuissance est un facteur
aggravant.
L’impuissance naît d’abord de la difficulté à relater son expérience au médecin et à son
entourage. Comment l’expliquer ?
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La douleur met en échec le langage. Pour parler d’elle, on utilise des métaphores communes :
« c’est comme une brûlure, un piolet enfoncé dans le crâne…». Mais ces images ne sont
jamais fidèles au ressenti. L’échelle de 1 à 10 utilisée pour évaluer subjectivement l’intensité de la
douleur ne cerne pas non plus avec précision l’expérience du patient. Impossible à objectiver,
invisible, la douleur est difficilement intelligible par les autres. Surtout si aucune cause organique
ne vient l’étayer. Ce qui arrive très souvent. En somme, la douleur s’éprouve mais ne se prouve pas.
Vous citez ce constat terrible de René Leriche, un pionnier de la recherche dans ce domaine
en France : « Il n’y a qu’une douleur qu’il soit facile de supporter, c’est celle des autres »
Il pointait le risque réel de sous-estimer la douleur d’autrui. Les patients se heurtent en effet souvent
à une suspicion et à des jugements de valeur dénonçant leur supposée sensiblerie ou leur
pusillanimité. L’exemple paroxystique, c’est un patient plié en deux dans le cabinet d’un médecin
examinant ses radios et qui s’entend dire : « Vous n’avez rien ! » La suspicion peut aussi gagner
l’entourage du malade, ou son milieu professionnel. Ce qui engendre des risques supplémentaires,
comme la perte d’un emploi. A ses confrères, René Leriche disait qu’il valait mieux croire et
soigner un patient que douter de sa sincérité et le laisser souffrir.
Vous dénoncez par ailleurs les médecins qui, confrontés à l’énigme de la douleur, décrètent :
« c’est psychologique »
C’est la pire des choses à faire ! Les douloureux chroniques le vivent comme un désaveu
violent. Les témoignages que j’ai recueillis fustigent aussi le manque d’écoute, le fait
d’interrompre leur récit brutalement sans même, parfois, soutenir leur regard. L’attitude de ces
médecins contribue à enkyster la douleur.
Une partie de votre ouvrage, passionnante, traite de ces douleurs qui en cachent d’autres, plus
inavouables ou terrifiantes
On ne devrait pas les négliger, en effet. On sait désormais que les abus sexuels, les maltraitances ou
le manque d’amour subis dans l’enfance provoquent des séquelles. Ces douleurs enfouies se
réveillent parfois à la faveur d’une autre situation difficile à vivre et s’installent dans la chronicité.
Le paradoxe c’est qu’une douleur peut conjurer une autre souffrance, indicible. On observe cela
chez les adolescents qui se scarifient, phénomène que j’ai aussi étudié. Ils se font mal au corps pour
avoir moins mal à leur vie.
Vous relatez aussi le cas de ces personnes qui redoutent de retourner au travail, faute de
pouvoir faire reconnaître leur incapacité
Oui, l’addiction à la douleur est à l’œuvre chez certaines d’entre elles. Notamment lorsque
leur emploi était déjà vécu comme pénible, voire dangereux. A leur insu, elles investissent la
douleur, l’amplifient car elle leur donne un statut. D’où les conflits avec la médecine du travail
quand elle n’atteste pas leur incapacité. Ces personnes se retrouvent alors piégées dans une
immense souffrance.
Une bonne prise en charge, détaillez-vous, implique une redéfinition du rôle du médecin et de
celui du patient. En quoi consiste cette « médecine de l’extrême singularité » que vous appelez
de vos vœux ?
Il ne faut plus voir le malade comme un corps mais comme un sujet souffrant. Le médecin
doit prendre en compte l’histoire du patient et la façon dont la douleur s’inscrit dans son parcours. Il
faut réaliser que la médecine n’est pas une science exacte mais un art. A fortiori en matière de
douleur rebelle. Le praticien doit bien sûr maîtriser un maximum de connaissances médicales, mais
il ne pas peut pas tout savoir. Il doit aussi s’appuyer sur son savoir-faire, c’est-à-dire son
expérience. Son savoir-être est également capital : sa qualité de présence, d’écoute, son implication.
L’humilité – face à l’échec – et la curiosité doivent le pousser à explorer de nouvelles pistes. Les
centres hospitaliers dédiés à la douleur ont d’ailleurs recours à une pluralité d’intervenants. C’est
souvent essentiel pour cerner le problème et augmenter les chances de le résoudre.
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Et du côté du patient ?
Un vrai pacte devrait le lier à son médecin. Croire que la médecine peut opérer seule est un leurre. Il
faut une volonté conjuguée des deux parties pour trouver une solution. Le patient ne doit donc
jamais se considérer comme une victime. Or la douleur peut le piéger dans ce rôle. On sait par
exemple que plus on pense à sa douleur, plus on a mal. Il faut impérativement sortir de ce cercle
vicieux. En la matière, il n’y a pas de solution unique. Il s’agit donc de trouver la pratique qui
convient à chacun : yoga, méditation, jardinage, discipline artistique, par exemple. Tout ce qui
redonnera le goût de vivre est bon à prendre. Le rôle du patient consiste à aider les soins à être
efficaces.
Vous relevez à ce sujet l’importance du sens attribué au mal. Comme pour mieux y faire face
Il est devenu difficile aujourd’hui d’envelopper sa souffrance dans des croyances religieuses,
comme la rédemption ou la promesse d’un au-delà radieux. Si la médecine ne peut formuler de
diagnostic, et donc, identifier les causes au mal, l’individu parvient souvent, à travers une narration
intime, à relier sa souffrance à son enfance, ses relations conjugales, ou à un licenciement par
exemple. C’est une manière d’échapper au chaos, à l’incompréhension, qui sont dévastateurs. Cela
permet de reprendre sa vie en mains, de ne plus la subir. Ce qui implique parfois des ruptures
(familiales ou autres), des bifurcations. Le sens est le premier bouclier à l’adversité du monde. Et le
sésame d’une réinvention de soi.
Quand la douleur devient maladie
Environ 20 % de la population souffrent de douleur chronique, en Suisse comme en Europe. Cette
proportion devrait augmenter dans les années à venir à cause du vieillissement de la population. La
douleur rebelle frappe autant les hommes que les femmes. Ses principales causes : arthrose, dos,
cancer (avec ses atteintes liées au traitement), traumatismes (suite à des accidents), chirurgie
(séquelles post-opératoires), migraines. La dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil et la
fatigabilité sont souvent associés aux douleurs chroniques. L’approche multidisciplinaire avec une
perspective biopsychosociale est celle des centres dédiés à la lutte contre la douleur, comme ceux
du CHUV, à Lausanne, ou des HUG, à Genève. Outre la pharmacologie, d’autres voies sont
proposées aux patients, comme l’acupuncture, l’hypnose, ou encore la méditation.
Bioéthique : qu'est-ce que la fondation
Lejeune, qui agace les chercheurs ?
L’Express du 30 mars 2017 par Victor Garcia
Cette fondation reconnue d'utilité publique multiplie les actions en justice contre les
recherches sur les embryons, provoquant la colère de 146 scientifiques, qui ont publié une
tribune dans Le Monde. En creux, l'affrontement de deux visions de la société, progressiste et
conservatrice, sur fond de valeurs catholiques.
Sur le papier, la fondation Jérôme Lejeune défend une noble cause. Elle « poursuit l'œuvre du
Professeur Jérôme Lejeune », généticien de renom, en cherchant des traitements pour les maladies
avec déficience intellectuelle et génétiques, notamment la trisomie 21, et en soignant les patients.
Raison pour laquelle elle a été reconnue d'utilité publique, dès sa création en 1996, ce qui lui permet
de collecter des dons et des legs défiscalisés destinés à remplir une mission d'intérêt général.
22
Et dans ce domaine, elle se vante de « défendre les plus fragiles, notamment via 8 500 consultations
de patients handicapés mentaux par an » et d'être « quasiment le seul "mécène" des recherches sur
les pistes thérapeutiques concernant la trisomie 21 en Europe », selon son président Jean-Marie Le
Méné, interrogé par L'Express.
« Guérilla juridique sur la forme »
Alors pourquoi 146 médecins et chercheurs dénoncent les prises de position de « la Fondation
Jérôme-Lejeune » dans une tribune publiée dans Le Monde ce jeudi 30 mars ? Parce qu'elle a lancé
une quarantaine de procédures judiciaires pour bloquer ou annuler « des autorisations de recherche
sur l'embryon et les cellules-souches embryonnaires (...) qui présentent pourtant un intérêt
scientifique et médical indéniable pour la société », dénoncent les scientifiques. « La fondation
Lejeune cherche à bloquer la recherche en menant une guérilla juridique sur la forme, et non sur le
fond », explique l'un des chercheurs dans le quotidien, ce qui retarde de plusieurs mois de
nombreux projets. Il faut donc que les pouvoirs publics « reconsidèrent la reconnaissance d'utilité
publique attribuée à cette fondation lors de sa création en 1996 », plaident les signataires.
Argument massue des scientifiques : leurs recherches portent sur des embryons conçus dans le
cadre de fécondations in vitro et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Comprendre, des
embryons qui doivent de toute manière être détruits, mais qui ont été donnés par les parents aux
scientifiques.
Rien qu'un débat idéologique progressistes-conservateurs ?
« On nous fait un mauvais procès, balaye Jean-Marie Le Méné. Tout ceci est un débat
démocratique, qui se déroule à armes égales et jamais aucun tribunal de la République n'a rejeté la
recevabilité de nos recours ». Et s'il reconnaît que ces passes d'armes juridiques sont « bien-sûr un
combat idéologique, avec d'un côté des progressistes et de l'autre des conservateurs, chacun
opposant leurs visions de la société », il rappelle que ces actions « sont tout à fait conformes à nos
statuts », dont la troisième mission de la fondation - en plus de mener des recherches et de soigner -,
est de « défendre la vie ». Une expression plus large, plus floue diront ses détracteurs, qui consiste
aussi bien à appeler aux dons - tout en critiquant leur utilisation - pour le Téléthon qu'à s'opposer
farouchement à l'avortement, notamment en diffusant des manuels expliquant qu'un enfant né d'un
viol est « innocent » et qu'il ne mérite pas « la peine de mort », à l'euthanasie ou encore la gestation
pour autrui (GPA).
Si les termes « catholiques conservateurs » et « affrontement idéologique sur fond de religion » ne
sont pas employés dans la tribune des scientifiques, ils sont très clairement sous-entendus. Jérôme
Lejeune était un catholique fervent, ami du Pape Jean-Paul II et publiquement opposé à
l'avortement. Or la fondation Lejeune est « chargée de poursuivre l'œuvre scientifique et morale de
Jérôme Lejeune et de reprendre ses combats », rappelle Jean-Marie Le Méné. Même s'il préfère se
qualifier « d'adversaire résolu de l'instrumentalisation de l'être humain » plutôt que d'anti-IVG.
Oui, Jérôme Lejeune était croyant, « mais il agissait uniquement de manière scientifique, assure-t-il.
On peut très bien séparer les deux ».
Amitiés avec la Manif pour tous
Jean-Marie Le Méné réfute aussi tout lien avec la Manif pour tous, « si ce n'est des liens d'amitié »
« Notre fondation est absolument laïque, elle ne dépend d'aucune autorité religieuse », martèle-t-il.
Et Ludivine de la Rochère, présidente de la Manif pour tous, qui a travaillé un temps pour eux ?
« Elle n'y travaille plus, et n'était pas encore présidente de ce mouvement à cette époque ». Les
manuels anti-avortement ? « Ils ont été élaboré avec des scientifiques, des philosophes et médecins
et il n'y a rien de scientifiquement faux. Ils datent de 2006 et ont été faits à une époque où l'un des
sujets du bac proposait deux textes favorables à l'avortement, ce qui nous avait ému ». Quant à
l'argument massue des scientifiques concernant les embryons, Jean-Marie Le Méné le « comprend
très bien », mais le balaye tout de même. « Ce n'est pas ça que l'on juge, mais la légalité ou non des
recherches. Nous nous basons sur la loi ».
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En attendant, la fondation n'a réussi à arrêter qu'un seul projet de recherche, en décembre 2014,
pour une simple erreur dans la rédaction de l'autorisation de recherche. « On utilise les voies de
droits à notre disposition », commente le président de la fondation, conscient de devoir cette
victoire à un « vice de forme ». Pas si loin de la fameuse guérilla sur la forme dénoncée par les
chercheurs, finalement. « Quand ce n'est pas attaquable, nous ne faisons pas de recours, nous ne
sommes pas des machines à recours, se défend Jean-Marie Le Méné. Mais ces lois [sur la
bioéthique] nous intéressent, et intéressent aussi nos donateurs ».
Dispositifs médicaux : Statice toujours en pole
position
Les Echos du 15 mars 2017 par Monique Clemens
Fondée par deux anciens de Lip, la société de R&D et de production d'implants et de
dispositifs mini-invasifs vient d'investir dans une machine d'électrofilage.
Chez Statice, l'industrie 4.0, « on y est », assure son président. Le travail à la main côtoie les
machines « tout-numérique », notamment pour la transformation de la matière. En février 2016, la
société spécialisée dans les implants et les dispositifs mini-invasifs avait investi dans une machine
d'électrofilage (électrospinning) permettant de réaliser de l'ingénierie tissulaire et, par exemple, de
reconstituer des organes. « Avant, nous utilisions du silicone médical ; aujourd'hui, nous avons des
matériaux plus pointus : des polymères techniques, transformés par moulage ou électrofilage, et
dont le maillage aléatoire permet aux cellules souches de bien s'accrocher, explique Benoît Studlé,
président de Statice. Le corps accepte mieux ce type de matériaux. »
Statice avait été créé en 1978 par Charles Naly et Serge Piranda, deux ex-ingénieurs de Lip,
l'entreprise horlogère dont la lutte sociale venait de faire vibrer toute la France. Ce sont sans doute
eux qui, les premiers, avaient senti le potentiel de diversification des microtechniques horlogères
dans le médical. En 1991, Serge Piranda avait d'ailleurs lancé Statice Santé, une filiale spécialisée
dans les dispositifs médicaux qui, depuis, joue un rôle de chef de file de la filière locale. Trente ans
après la création, les fondateurs ont transmis la société à trois de leurs cadres, qui l'ont réorganisée
en 2012 : plus de filiale santé désormais mais une R & D commune, microtechniques et
biomatériaux, au sein de Statice Innovation, d'une part, et toute la production réunie au sein de
Statice Manufacturing, d'autre part. Ainsi structurée, la société vend du service et sait produire,
essentiellement pour des start-up (les deux tiers de ses clients). « Les deux activités sont rares dans
une même société et s'enrichissent mutuellement : ainsi, on connaît les comportements des procédés
en production », ajoute Benoît Studlé. Aujourd'hui, Statice emploie 100 personnes, dont 30 en R &
D et 70 à la production, et a réalisé, en 2016, un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros, dont 18 %
à l'export. « Nous sommes à 10 millions depuis trois ans, mais nous devrions faire 2 % de mieux en
2017. Quant à l'export, nous visons un tiers d'ici à cinq ans. Nous avons une bonne cote en France,
nous devons maintenant nous faire connaître à l'extérieur avec nos implants polymères
implantables, par exemple. » Labellisé SRC (société de recherche sous contrat), Statice est impliqué
dans une centaine de projets par an, et, parmi eux, quelques-uns très prometteurs : le projet de
pancréas artificiel Mailpan, mené depuis 1998 avec la société alsacienne Defymed et le Centre de
transfert de technologie du Mans (CTTM), qui en est au stade des essais cliniques ; le projet retenu
par le FUI et baptisé « Fassil », en collaboration avec Lyonbiopôle, Alsace BioValley et le pôle
Microtechniques, qui vise un prototype d'imprimante 3D pour du silicone médical implantable ; ou
encore le projet européen Esotrac, qui vient de démarrer et a pour objectif d'intégrer, dans des
cathéters, deux technologies complémentaires, ultrasons et opto-acoustique.
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Cette femme a accouché pendant son coma et
s'est réveillée trois mois plus tard
Huffington Post du 10 avril 2017 par Annabel Benhaiem
La puissance émotionnelle de son entourage, couplée aux soins médicaux, ont créé les
conditions de ce que certains veulent appeler un « miracle ».
Son frère est en joie. Amelia Bannan revient doucement parmi les vivants. L'histoire incroyable de
cette policière argentine qui a accouché d'un enfant pendant son coma émeut le monde
hispanophone depuis plusieurs mois. Le 7 avril, son frère écrivait sur Facebook qu'elle venait de
prononcer ses premiers mots depuis l'accident qui l'avait plongée dans une profonde léthargie. Son
post a suscité près de 6000 interactions. « Ses premières réponses aux questions qu'on lui a posées
étaient... OUI... NON... », a-t-il publié sur son compte. « Depuis 15h, elle n'arrête pas de bouger, de
dire des choses que peu comprennent... Je vous dis qu'à partir d'aujourd'hui, nos vies vont
complètement changer... »
Dans le coma depuis un accident de la route survenu le 1er novembre, Amelia Bannan a accouché à
34 semaines, le 24 décembre, d'un petit garçon, prénommé Santino et pesant 1,890 kg. Pourtant, elle
était toujours dans ce que les médecins appellent communément un « état végétatif ». Amelia était
enceinte de cinq semaines au moment de l'accident de voiture, rapporte le journal argentin Clarin.
Des cinq passagers, elle a été la seule à être blessée. Le traumatisme crânien qu'elle a subi a entraîné
la formation d'un caillot de sang dans le cerveau. Cela pourrait expliquer les difficultés de cette
jeune femme à reprendre la main sur son corps. En 2015, une histoire similaire s'était déroulée aux
États-Unis. Une jeune femme avait accouché alors qu'elle était dans le coma depuis plusieurs jours.
En 2014, le cas d'une Canadienne maintenue en vie pour que le fœtus atteigne un âge raisonnable
avait suscité une vive émotion, d'autant que la jeune femme était cliniquement morte. Le HuffPost a
demandé à l'un des spécialistes de neurologie et d'imagerie cérébrale, le Dr Steven Laureys,
directeur du « Coma Science Group », à l'université de Liège, comment l'histoire d'Amelia a pu se
mettre en marche.
« La plasticité du cerveau et sa capacité à récupérer est phénoménale et toujours un défi pour nous,
chercheurs. Après quatre mois, comme dans le cas de cette jeune femme, c'est tout à fait possible de
revenir à la vie. Classiquement, le coma ne dure pas plus de quelques semaines, ensuite, la
personne rentre dans une phase que je préfère appeler "éveil non répondant", au lieu de "coma ou
état végétatif". » « Souvent, la récupération est tardive parce qu'elle n'est pas perçue par les
équipes médicales. En France, tout est mis sur les soins intensifs, ensuite, si les patients ne se
réveillent pas, ils sont négligés par la structure d'accueil. »
« Depuis la naissance de Santino, sa famille a toujours créé un contact entre Amelia et son bébé. Ils
le rapprochaient de son visage et de sa poitrine. Souvent, ils les filmaient. Puis, ils postaient les
vidéos sur la page Facebook du frère d'Amelia. Ceci afin de témoigner du fait que la jeune femme
embrasse le nourrisson, même si elle n'est pas en mesure de parler, ni d'exprimer qu'elle comprend
bien qu'il s'agit de son fils ». « Beaucoup de choses nous échappent sur les capacités de
reconstruction du cerveau après un traumatisme crânien, insiste le Dr Laureys. Ce que l'on sait,
c'est que la stimulation émotionnelle, comme une naissance, est très puissante. Dans notre centre
de recherche, nous préconisons de présenter aux patients leur propre prénom écrit. Nous avons
remarqué que cela provoquait un changement d'activité cérébrale. » « Dans le cas de cette jeune
femme, cela me semble évident qu'avoir été confrontée à son bébé l'a stimulée. Il est très important
que les patients aient leurs proches près d'eux. Nous avons observé qu'une blague ou une chanson
favorite peuvent déclencher le réveil. »
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Si les médias argentins sont prompts à établir un lien direct entre le réveil d'Amelia et la présence
de son bébé, le Dr Laureys se montre prudent : « Attention, je ne veux pas susciter de faux espoirs,
cela ne marche pas pour tout le monde, précise le médecin. Je fais simplement part de ce que j'ai
observé jusque-là. Cette partie de la médecine reste très difficile à étudier scientifiquement. Ce qui
l'a sauvée avant tout, ce sont les médecins, les soins intensifs qui lui ont été prodigués, et le fait que
son bébé ait été conservé en vie. »
Quel candidat fera le moins pour la santé
publique ?
Allo Docteurs avec AFP du 11 avril 2017 par la Rédaction
Sept personnalités avaient envoyé à la quasi-totalité des candidats à l'élection présidentielle
2017 vingt questions destinées à évaluer leur volonté d'agir « contre des facteurs de risque
évitables à l'origine de 100 000 morts prématurées par an ». Selon les résultats présentés ce 11
avril, Jean-Luc Mélenchon est le mieux noté, devant Benoît Hamon, Marine Le Pen,
Emmanuel Macron et François Fillon.
Il y a plusieurs mois, les intentions de sept candidats à la présidentielle en matière de santé publique
et de sécurité routière ont été sondées au travers de questions formulées par des experts réputés : le
Dr Irène Frachon (la pneumologue qui a alerté sur le scandale du Mediator), Chantal Perrichon
(présidente de la Ligue contre la violence routière), le Pr Claude Got (spécialiste des questions de
sécurité sanitaire et routière), Catherine Hill (épidémiologiste) et les professeurs Serge Hercberg
(spécialiste de la nutrition), Gérard Dubois et Albert Hirsch (Alliance contre le tabac). Sur la
prévention, il a été demandé qui était prêt à augmenter fortement le prix du paquet de cigarettes, à
favoriser l'activité physique dans la vie quotidienne par des financements et pour lutter contre
l'obésité, à agir contre les aliments trop gras, trop sucrés, trop salés par l'intermédiaire d'une
réglementation de la publicité et des taxes. La lutte contre la promotion inappropriée des
médicaments (avec interdiction des visiteurs médicaux et en faisant en sorte que la formation
continue des médecins soit indépendante des laboratoires) ou l'augmentation du nombre de radars
mobiles faisaient aussi partie des mesures proposées par les experts.
Les résultats de l'enquête ont été dévoilés ce 11 avril. Jean-Luc Mélenchonn qui a répondu "oui" à
l'ensemble des mesures préconisées par ces experts, y compris celles pouvant fâcher des électeurs,
décroche un 20. Benoît Hamon obtient un 15, Nathalie Arthaud un 13, Jacques Cheminade un 12,
Marine Le Pen un 8, Emmanuel Macron un 7 et François Fillon un 2. Les autres candidats n'ont pas
répondu (Nicolas Dupont-Aignan n'avait pas été contacté). Emmanuel Macron accepte d'augmenter
le prix du paquet de cigarettes à 10 euros dès 2017, François Fillon refuse et Benoît Hamon propose
« d'augmenter les taxes de 10 % par an » (sans répondre positivement). À l'exception de M.
Mélenchon, aucun ne se déclare franchement pour un paquet à 20 euros à la fin de son quinquennat.
Quant au remplacement de la mention "à consommer avec modération" par la quantité d'alcool pur
en grammes et le nombre de calories dans chaque contenant, il est accepté par trois candidats (MM.
Hamon, Macron et Mélenchon), et considéré comme « à étudier » par M. Fillon. Taxer les aliments
proportionnellement notamment à leur teneur en gras, sucre et sel est accepté par Benoit Hamon et
refusé par François Fillon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Deux mesures font consensus
auprès de tous les candidats : la mise en place en France du logo à 5 couleurs 5C/NutriScore sur la
face avant des emballages (permettant de comparer la qualité nutritionnelle des aliments), et la
création de dispositifs financiers favorisant l’accès à la pratique d’activité physique dans la vie
quotidienne. Sur cette dernière mesure, les experts observent que celle-ci « est caractéristique d’un
acte qui ne fait peur à aucun électeur, donc à aucun candidat ».
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Deux ministres se rendent à Grande-Synthe,
où un camp de migrants a été réduit en
cendres
Libération avec AFP du 11 avril 2017
Le camp de migrants de Grande-Synthe, dans le Nord, qui se voulait un abri exemplaire pour
les migrants rêvant de passer en Angleterre, a vécu : après des bagarres, un violent incendie a
ravagé l’essentiel de ses 300 chalets lundi soir, selon les autorités.
Les ministres de l’Intérieur et du Logement, Matthias Fekl et Emmanuelle Cosse, se rendent ce
mardi après-midi sur le camp de migrants de Grande-Synthe, détruit dans sa quasi-totalité par un
incendie lundi soir. « Une réunion entre les services de l’État et la mairie se tient » mardi matin
« pour décider des dispositifs d’urgence à mettre en œuvre », visant notamment à accélérer
« l’accueil des migrants » dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO), informent les ministres
dans le communiqué. « Trois unités de forces mobiles sont déployées en renfort dans la région afin
de prévenir les troubles à l’ordre public », ont-ils ajouté.
Le camp de migrants de Grande-Synthe, dans le Nord, qui se voulait un abri exemplaire pour les
migrants rêvant de passer en Angleterre, a été détruit presque intégralement dans un violent
incendie qui a ravagé l’essentiel de ses 300 chalets lundi soir. Vers minuit lundi, le camp dit de La
Linière, voulu par le maire écologiste de la commune Damien Carême pour en finir avec le camp
voisin du Basroch offrant le visage désolé d’un cloaque, a été réduit à un « amas de cendres » et « il
sera impossible de remettre des cabanons à la place de ceux qui existaient auparavant », a déclaré
à la presse le préfet du Nord, accouru sur place depuis Lille. Ouvert en mars 2016, cet ensemble
construit par Médecins sans frontières (MSF) et la ville comptait 1 500 migrants, principalement
des Kurdes irakiens, hébergés au sec dans des abris en dur et non plus sous des tentes. Ce camp,
réputé pour être tenu par des passeurs kurdes irakiens, avait été le théâtre de plusieurs incidents
sérieux ces derniers mois, nécessitant de faire appel à la police. Lundi, le sinistre, extrêmement
violent, s’est déclaré « en fin d’après-midi, vers 18 heures », selon Olivier Caremelle, directeur de
cabinet du maire (EELV) Damien Carême, joint par l’AFP. Il n’était pas encore éteint vers 2H00
mardi. Selon le Centre opérationnel d’incendie et de secours (Codis) du Nord, l’incendie a fait une
dizaine de blessés au moins. Aucun bilan complet et précis n’est encore disponible.
Relogés dans des hébergements d’urgence
Les migrants ont été évacués du camp et seront relogés dans des hébergements d’urgence, a assuré
le préfet, précisant que la ville de Grande-Synthe avait d’ores et déjà mis à disposition deux
gymnases. Une rixe entre Afghans et Kurdes, qui a d’abord fait dans l’après-midi six blessés à
l’arme blanche, est à l’origine de l’incendie, selon le préfet du Nord Michel Lalande. Selon
plusieurs témoignages, la discorde est venue de l’augmentation du nombre d’Afghans, arrivés après
le démantèlement de la « Jungle » de Calais, à 40 km de là. Les Afghans étaient mécontents d’être
parqués dans les cuisines collectives tandis que les Kurdes dormaient dans des chalets dont le
nombre n’a pas été accru. Il y a moins d’un mois, la convention renouvelant pour six mois le
soutien de l’Etat avait été signée à Grande-Synthe par Damien Carême et la ministre (écologiste) du
Logement Emmanuelle Cosse, avec pour ambition d’améliorer les conditions d’accueil et de
sécurité. Entretemps, notamment du fait du démantèlement de la « Jungle » de Calais, la population
du camp, qui était retombée à 700 de par la volonté de la municipalité, avait à nouveau grossi. Tout
en rappelant que le site n’avait « pas vocation à rester définitivement », la mairie se disait fière de
ce « camp humanitaire dont la fonction première est l’hospitalité ».
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La fondation Lejeune lance une Master-class
en éthique biomédicale
Famille Chrétienne du 7 avril 2017par Charles-Henri d'Andigné
Le tout nouveau Centre de Bioéthique Jérôme Lejeune propose une Master-class en éthique
biomédicale à destination des médecins et étudiants en médecine, des chercheurs, des universitaires
et des enseignants (philosophie, biologie, etc.). Cette Master-class est un cours d’expertise délivré à
un nombre restreint d’étudiants pour un enseignement de haut niveau personnalisé. Elle s’adresse à
un public de niveau études supérieures.
La Master-class Science et éthique propose 3 modules de formation sur l’actualité bioéthique :
1 – Faut-il avoir un enfant parfait ?
(DPN, DPI, FIV à 3 parents). Les mardis 11 avril, 18 avril, 25 avril 2017, par Mgr Suaudeau*.
2 – Corriger ou augmenter l’espèce humaine ?
(CRISPR-Cas9, thérapie germinale, intelligence artificielle, transhumanisme). Les mardis 9 mai, 16
mai, 23 mai 2017, par Mgr Suaudeau*
3 – Fin de vie
(Critères de la mort, Vincent Lambert, accompagnement en fin de vie). Les mardis 6 juin, 13 juin,
20 juin 2017.
*Mgr Jacques Suaudeau est médecin, chirurgien, ancien chercheur au National Institute of
Health (USA), puis directeur scientifique de l'Académie Pontificale pour la Vie. Il est membre
des Comités d’éthique du Conseil de l’Europe et de l’Unesco.
Son
médicament
contre
le
cancer
déremboursé, elle lance un appel aux dons
Le Télégramme du 12 avril 2017
Leslie vient de se voir refuser le remboursement d'un médicament lui permettant de lutter contre un
cancer. Ses revenus ne lui permettant pas de se payer le traitement, elle a alors lancé un appel à la
générosité des Français. « Je m'appelle Leslie, j'ai 40 ans, je suis maman d'un garçon de 13 ans que
j'élève seule. » Voici comment débute le message, sur une plateforme de collecte de dons, de cette
femme « touchée par un cancer du sein en 2009 ». Cette habitante des Bouches-du-Rhône a subi,
en 2013, « une récidive multi-métastatique pour laquelle je reçois à nouveau une chimiothérapie ».
En 2015, « c'est le péritoine et la plèvre qui sont à nouveau touchés ». Leslie a alors du mal à
accepter une troisième chimiothérapie, de revivre la fatigue et les effets secondaires. Après avoir
consulté un oncologue d'Aix-en-Provence, elle débute alors une chimio orale complétée par des
injections d'Avastin, toutes les trois semaines. Résultat : « J'ai pu constater une amélioration de
mon état de santé. Depuis, je me sens de mieux en mieux (...) J'ai un meilleur moral, j'ai une vie
sociale, je travaille et m'occupe de mon fils. » Mais, en mars dernier, l'Assurance maladie a décidé
d'annuler le remboursement de l'Avastin « en raison d'un service médical rendu jugé insuffisant ».
Leslie doit donc désormais se passer de ce médicament en raison de son coût très élevé : environ
1 600 euros l'injection. Et ce, toutes les trois semaines, soit environ 32 000 euros par an.
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Belgique : le débat sur l’avortement refait
surface
Famille Chrétienne du 7 avril 2017 par Pierre Jova
Pour avoir diffusé à ses étudiants un argumentaire pro-vie, un professeur de philosophie de
l’Université catholique de Louvain a été licencié. Cette affaire a déclenché une polémique en
Belgique, alors que s’est tenue la Marche pour la vie de Bruxelles.
« L’avortement est-il un crime ? » Telle fut la question débattue le 26 mars dernier sur la RTBF, la
chaîne de service public francophone belge, pendant une demi-heure. Sur le plateau, deux « prochoix » et… trois « pro-vie », dont le Père Tommy Scholtès, représentant les évêques belges, et
Constance du Bus, porte-parole de la Marche pour la vie de Bruxelles. Un panel très inhabituel en
Belgique !
Censure à l’Université catholique de Louvain ?
Quelques jours auparavant, Stéphane Mercier, 34 ans, professeur de philosophie à l’Université
catholique de Louvain-la-Neuve (UCL), était convoqué par le rectorat, avant d’être licencié. Motif ?
Il avait diffusé à ses 500 élèves de première année un argumentaire critique de l’avortement.
Intitulée La philosophie pour la vie, cette note de 15 pages avait pour but d’engager un débat avec
les étudiants. « La vérité est que l’avortement est le meurtre d’une personne innocente », peut-on
lire, dans une version mise en ligne par le quotidien belge Le Soir. Plus loin, Stéphane Mercier ose
une comparaison entre l’avortement et le viol : « Si l’avortement est un meurtre, n’est-il pas encore
plus grave que le viol ? Le viol est immoral et heureusement il est aussi illégal ».
Diffusés par quelques étudiants mécontents sur les réseaux sociaux, ces propos ont attiré l’attention
des médias. Prises de panique, les autorités de l’UCL ont sanctionné le professeur, et chargé Tania
Van Hemelryck, conseillère du recteur « pour la politique du genre » (sic) de rédiger un
communiqué expliquant : « le droit à l'avortement est inscrit dans le droit belge ». Plus tard, elle
ajoute dans une émission de la RTBF que « l’UCL défend ce droit fondamental qu’est
l’avortement ». Une affirmation inexacte, car l’avortement n’est pas un droit en Belgique.
Partiellement dépénalisé en 1990, il est soumis à la condition de « détresse » de la femme, et reste
théoriquement un délit. La décision de l’UCL a eu l’effet d’une bombe dans les milieux catholiques
belges. Le grand chancelier de l'université est l’archevêque de Malines-Bruxelles, et les évêques
francophones participent à son « pouvoir organisateur ». En punissant Stéphane Mercier au nom de
sa position pro-vie, l’UCL se place pourtant en contradiction avec l’enseignement de l’Église, qui
affirme que « l'avortement et l'infanticide sont des crimes abominables » (Gaudium et Spes, 51,3).
En outre, de nombreux universitaires se sont soulevés contre la sanction du professeur, alors que
l’UCL garantit la liberté académique, « non soumise à la norme du moment », peut-on lire sur le
site de l'université. « Y a-t-il des sujets qui ne peuvent pas être discutés dans un cours de
philosophie à l’Université ? Notre réponse est clairement : non », ont ainsi écrit les professeurs
émérites de l'UCL Michel Ghins, enseignant catholique, et Jean Bricmont, « athée et pro-choix »
revendiqué, dans Le Soir. L'intellectuelle féministe Sophie Heine a également signé une "carte
blanche" (nom donné pour une tribune, en Belgique, NDLR) dans le même quotidien, estimant que
« remettre cette question en débat n’est pas forcément un mal », et dénonçant le fait que trop de
femmes avortent sous la contrainte : « les femmes prenant une telle décision sont rarement libres »,
écrit-elle.
De leur côté, les évêques belges ont rappelé dans un communiqué leur opposition à l’avortement,
tout en indiquant qu’ils faisaient confiance « à la procédure interne menée actuellement par
l’UCL ». Une position incomprise par de très nombreux fidèles.
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« Leur position est délicate, mais ils ont manqué de courage ! », s’écrie un prêtre officiant dans la
banlieue de Bruxelles, qui a tenu à garder l’anonymat. « Le cours de Stéphane Mercier était très
bien fait, même si la comparaison avec le viol était maladroite… Ce n’est pas faux, mais la vérité
doit être dite avec délicatesse, sinon elle est inaudible », ajoute-t-il.
Succès médiatique de la Marche pour la vie
« L’affaire Mercier » coïncide avec la Marche pour la vie de Bruxelles, qui a rassemblé 3000
personnes, le 26 mars dernier. Le professeur sanctionné a été invité à s’exprimer devant les
participants, et l’évènement a reçu une très forte couverture médiatique. « Cela fait huit ans que
nous défilons, et jusqu’à présent, c’était silence radio ! », s’étonne encore Constance du Bus, porteparole de la Marche pour la vie. La voix claire et posée, cette étudiante en droit à la Katholieke
Universiteit Leuven, le pendant néerlandophone de l’UCL, a crevé l’écran lors de ses interventions
dans les médias. Interrogée sur la comparaison entre l’avortement et le viol, elle crie son horreur
égale : « Il ne faut pas oublier que dans le cas du viol comme dans le cas de l'avortement, il y a une
victime. Bien souvent aujourd'hui, dans le cas de l'avortement, on oublie que l'enfant à naître est
une victime, alors que dans le cas du viol, les conséquences sont flagrantes et très ressenties. Or, ce
n'est pas parce que les conséquences d'un acte sont moins flagrantes et moins ressenties, que l'acte
est moins grave en soi. En cas d'avortement, on n'entend pas ou plus la victime, ce qui fait
malheureusement oublier la grave réalité de l'acte: sa mort ! » Au micro de la RTBF, elle révèle
que des enfants ont été avortés en Belgique la veille de leur naissance, parce qu’ils étaient sourds ou
qu’ils souffraient d'une polydactylie à une main. « Les gens étaient complètement scandalisés !
Beaucoup ne réalisent pas que l’on peut avorter pour ces raisons, juste avant
l’accouchement. C’est la Commission nationale d'évaluation des interruptions de grossesse qui le
constate elle-même ! Cette conscientisation fera du bien », martèle la porte-parole.
Bâti depuis 1830 sur un consensus sans cesse redéfini, hier entre catholiques et francs-maçons, puis
aujourd’hui entre néerlandophones et francophones, le Royaume de Belgique ne partage pas le goût
outre-quiévrain pour les manifestations et la polémique publique. La culture belge accorde une large
place au compromis. « Les Belges ne se disputent pas quand il le faudrait, et les Français se
disputent quand il ne le faut pas ! », rit ce prêtre de la banlieue bruxelloise. Pour autant, l’écho
rencontré par l’affaire Mercier dans les médias prouve que les sujets éthiques demeurent importants.
« Les Belges écoutent, avant de prendre parti. Depuis la Marche pour la vie, de nombreux députés
nous ont contactés », confie Constance du Bus, dont un oncle est parlementaire du Centre
démocrate humaniste (CDH), l’ancien Parti social-chrétien francophone. Mis au pied du mur avec
« l'affaire Mercier », le mouvement a pris position contre les velléités du Parti socialiste belge (PS)
de faire de l’avortement un droit, d’allonger à 20 semaines la limite pour avorter et de supprimer le
délai de réflexion, actuellement fixé à six jours. D’autres partis, comme les chrétiens-démocrates
flamands (CD&V) et la Nouvelle alliance flamande (N-VA) n’y seraient également pas favorables.
Au-delà de la seule « affaire Mercier », cet épisode apporte pour une clarification, vis-à-vis de
certaines institutions toujours liées à l’Église catholique belge, mais en réalité sécularisées, dont
l'UCL est devenue le symbole. « Nous sommes un des rares pays à avoir une université
sympathisante de la franc-maçonnerie, l'Université libre de Bruxelles (ULB) ! Ils s'assument, et
c'est ce qui fait parfois l'intérêt de certaines de leurs contributions. Pourquoi l'UCL ne s'assume
plus catholique, au sens normal du mot ? », se demande le prêtre bruxellois. « Personnellement,
j’estime que l’Université ne devrait plus porter le nom de catholique. Le pape François insiste bien
sur la gravité de l’avortement, même s'il est susceptible d'être pardonné. Je crois qu’il serait plus
honnête de supprimer cette étiquette », tranche le professeur émérite Michel Ghins.
Par ailleurs, le succès de la dernière Marche pour la vie atteste de la détermination de certains
jeunes catholiques belges. Plus minoritaires, mais décomplexés, à l’image de Constance du Bus.
Avant d’être porte-parole de la Marche pour la vie, cette dernière fut membre du Parlement
Jeunesse de la fédération Wallonie-Bruxelles, une simulation qui reproduit le fonctionnement du
Parlement national.
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En tant que ministre fictive de l’Intégration sociale, elle a déposé un décret visant à défendre les
sans–abris. « C’est ce qui m’a conduit à la Marche pour la vie : protéger les plus fragiles pour une
société plus humaine. Se faire la voix de ceux qui ne peuvent pas encore parler », raconte avec
simplicité Constance du Bus. A 21 ans, la jeune femme est déterminée : « L’affaire Mercier n'est
pas terminée ! » La valeur n'attend point le nombre des années.
Royaume-Uni: des médecins autorisés à laisser
un bébé mourir « dans la dignité »
L’Express avec AFP du 11 avril 2017
Un tribunal britannique a autorisé mardi les médecins à cesser de soigner un bébé atteint
d'une maladie rare et à le laisser mourir « dans la dignité », contre l'avis de ses parents qui
voulaient le faire soigner aux Etats-Unis.
« Le cœur très lourd » mais « pleinement convaincu », le juge Nicholas Francis a estimé que les
médecins devaient cesser de maintenir artificiellement en vie Charlie Gard, un nourrisson de huit
mois qui souffre d'une maladie génétique rare et dont le cerveau est fortement endommagé. Selon
les experts consultés par la cour, le bébé ne pourra jamais guérir.
Connie Yates et Chris Gard, les parents de l'enfant, ont poussé un « non! » de désespoir lorsque le
juge Francis a rendu sa décision. Les médecins du Great Ormond Street Hospital de Londres, où le
bébé est traité, avaient plaidé auprès du tribunal pour qu'il les autorise à débrancher les appareils qui
le maintiennent en vie artificiellement. « Je tiens à remercier les parents de Charlie pour la
campagne courageuse et digne qu'ils ont menée en son nom, mais surtout (je veux) rendre
hommage à leur dévouement sans faille à l'égard de leur merveilleux enfant », a déclaré le juge. Il
s'était lui-même déplacé jusqu'à l'hôpital pour se rendre compte de l'état du nourrisson.
Ses parents espéraient pouvoir l'emmener aux Etats-Unis et l'y soumettre à un essai de traitement
pour soigner la maladie mitochondriale dont il souffre. Plus de 1,2 million de livres (environ 1,4
million d'euros) avaient été levés sur Internet pour financer son traitement. Laura Hobey-Hamsher,
l'avocate de la famille, a expliqué que les parents de Charlie Gard étaient « anéantis » par la
décision du tribunal et qu'ils envisagent d'interjeter appel.
Prélèvement et greffe d’organes à partir de donneurs de la
catégorie III de Maastricht
Un protocole autour de trois grands principes
Le Quotidien du Médecin du 13 avril 2017 par le Dr Corinne
Antoine
Grace à l’expérience accumulée par de nombreux pays, le prélèvement sur donneurs décédés
après arrêt circulatoire (DDAC) est considéré comme une technique fiable permettant
d’obtenir des résultats post greffe satisfaisants et comme une source potentielle de greffons
supplémentaires.
31
La classification des décès après arrêt circulatoire* décrit des situations cliniques différentes. La
catégorie III implique qu’il y ait en amont une décision de limitation ou d’arrêt des thérapeutiques
(LAT), dans le cadre de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite Loi Léonetti,
2 005)**. Après une phase de réflexion et de débats sur les questions éthiques, il a été demandé à
l’Agence de la biomédecine d’engager la rédaction d’un protocole en collaboration étroite avec les
professionnels de la réanimation, du prélèvement et de la greffe. Ce protocole s’articule autour de
3 grands principes :
- les soins de fin de vie incluent l’opportunité de donner ses organes et tissus après sa mort ;
- l’éventualité d’un prélèvement ne peut interférer ni dans la décision de LAT, ni dans son mode de
réalisation, ni dans les soins palliatifs d’accompagnement. Elle ne doit en rien conduire à causer ou
accélérer le décès ;
- la décision et la mise en œuvre de la LAT sont sous la responsabilité de l’équipe médicale de
réanimation indépendamment de toute procédure potentielle de don d’organes.
Les critères de sélection du donneur ont été choisis en vue de limiter le risque de non fonction ou de
dysfonction des organes après la greffe et n’autorisent le prélèvement d’organes et la greffe que
chez les donneurs de moins de 66 ans et sous condition du respect des durées d’ischémie chaude
compatibles avec la viabilité des greffons. Le diagnostic de mort par arrêt circulatoire implique la
constatation pendant 5 minutes, sans la moindre intervention médicale de la disparition de la
pulsatilité artérielle et le constat des signes cliniques de la mort encéphalique (SME : sujets en état
de mort encéphalique). L’interrogation du registre national des refus (RNR) se fait dès la
déclaration de décès signée. La dernière partie du protocole est consacrée aux conditions à réunir
pour garantir la qualité des organes et aux modalités de sélection et d’information des receveurs. La
pose d’une circulation normothermique limitée à l’étage abdominal (circulation régionale
normothermique : CRN) est recommandée, après la déclaration de décès et l’interrogation du
registre des refus. La sélection des receveurs a pour but d’éviter les situations où le risque de
mauvaise tolérance de l’ischémie chaude est élevé (***,****).
Après plus de 2 ans d’activité, 145 donneurs ont été recensés sur 9 sites, 75 ont été prélevés
permettant la réalisation de 133 greffes rénales. Les greffes rénales présentent d’excellents résultats
avec un taux de reprise retardée de fonction significativement plus bas (9 % vs 20 %) et une
meilleure clairance de la créatinine à la sortie et à 1 an comparés aux greffes rénales issues de SME.
De plus, 37 greffes hépatiques et 3 pulmonaires ont été réalisées avec d’excellents résultats postgreffe. Ces bons résultats sont dus à un protocole très précis et consensuel et au choix innovant des
professionnels de mettre en place un reconditionnement postischémique avec le recours à la CRN.
L’extension de ce programme à d’autres centres hospitaliers est en cours sur l’ensemble du
territoire.
Agence de la biomédecine
*Thuong M. et al. Transpl Int. 2 016 Mar 17. Review.
**Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. JO n° 95
du 23 avril 2005.
***Videcoq M. et al. Courrier de la Transplantation Vol XV – n° 3, p 109-116.
****Antoine C et al. Soins, n° 808, sept 2016, p 26-31.
Etats-Unis : Trump restreint le financement de
l'avortement
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Le Parisien avec AFP du 14 avril 2017
Le président des Etats-Unis a abrogé une décision d'Obama qui permettait le financement
public des cliniques du planning familial. La mesure déclenche un tollé chez les démocrates.
Il l'avait promis pendant la campagne et il l'a fait. Le président américain Donald Trump a
promulgué une loi abrogeant une directive de l'ère-Obama destinée à sanctuariser les financements
publics des cliniques du planning familial, déclenchant la colère des démocrates et de nombreuses
associations de défense de l'avortement. Il y a deux semaines, le Congrès, à majorité républicaine,
avait déjà abrogé la directive. Cette mesure permet donc aux Etats d'interdire le transfert d'argent
public à tout clinique qui pratiquerait des avortements. Pour l'opposition démocrate, il s'agit « d'un
nouvel épisode de la guerre menée par les Républicains contre les femmes ». Aux Etats-Unis, les
fonds publics ne peuvent permettre de subventionner les avortements. Mais les cliniques comme
celles du réseau « Planned Parenthood », dont beaucoup pratiquent des IVG, peuvent recevoir des
fonds en remboursement d'autres soins de santé, comme des dépistages ou la contraception.
Transfert d'argent public
Depuis son élection en novembre, Donald Trump a ostensiblement signé plusieurs décrets devant
les caméras. Cette fois, il a préféré le faire à huis clos alors qu'il s'est montré, par le passé, plutôt en
faveur de « Planned Parenthood » mais pas de ses services d'avortement sécuritaires. Fin janvier, il
avait signé un décret rétablissant une loi qui bloque le financement d'ONG internationales soutenant
l'avortement.
Le 45ème président des Etats-Unis tente de reprendre pied sur le plan législatif après ses camouflets
successifs sur son décret migratoire et sa tentative avortée d'abroger l'Obamacare.
Un test génomique sur Internet contesté
Le Monde Science et Techno du 19 avril 2017 par Florence Rosier
La société américaine 23andMe a été autorisée à commercialiser un test de prédisposition à
dix maladies. Une aberration, pour nombre de médecins français.
C’est une décision qui fera date. Le 6 avril, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence
américaine chargée de la sécurité des aliments et des médicaments, a autorisé, aux Etats-Unis, un
test génétique qui livre, sur la Toile, des prédictions sur les risques personnels de développer dix
maladies. Ce test est commercialisé par la société californienne 23andMe. En France, la loi interdit
le recours à de tels tests, hors de toute prescription médicale. Quelle est la valeur prédictive de tels
tests ? Et pour quelle utilité préventive ? La décision de la FDA est jugée « à contre-courant de la
génomique médicale moderne » par Thierry Frébourg, du CHU de Rouen, « consternante et
inquiétante » par Stanislas Lyonnet, directeur de l’institut Imagine (hôpital Necker, Paris). Face à
eux, Jean-Louis Mandel, professeur honoraire au Collège de France, défend « la liberté de
connaître les données de son propre génome ». Moyennant 199 dollars, le test de 23andMe livre
des estimations chiffrées du risque pour Alzheimer et Parkinson, mais aussi pour la maladie
cœliaque (intolérance au gluten), la maladie de Gaucher, un trouble neuromusculaire, une surcharge
en fer, deux troubles de la coagulation et deux déficits enzymatiques.
Un veto en 2013
La procédure est simple. Le client crache dans un petit tube qu’il expédie à 23andMe. Après
extraction de l’ADN, une micropuce caractérise des « variants génétiques » propres à chacun.
33
Très variables d’une personne à une autre, ces marqueurs sont corrélés à certains traits, comme la
prédisposition à des maladies. Au bout de six à huit semaines, 23andMe envoie au client un mail
avec un accès sécurisé à ses résultats.
Dès 2007, 23andMe s’était lancée dans la commercialisation de tels tests. Mais, en novembre 2013,
la FDA avait mis son veto à leur interprétation médicale. Jugeant que le test est un dispositif
médical, la FDA a demandé à la société de prouver trois éléments : sa fiabilité technique, la solidité
des interprétations, l’assurance que les clients en comprennent les enjeux. Le 6 avril, la FDA a donc
jugé les preuves de validité suffisantes pour autoriser le test. Mais, selon Thierry Frébourg, ce test
regroupe un « méli-mélo de maladies aux bases génétiques très différentes ». Certaines, comme la
maladie de Gaucher, sont des affections « monogéniques », entièrement déterminées par une
mutation sur un gène. Mais la plupart des maladies analysées sont « plurifactorielles » : elles
résultent de l’effet combiné d’une multitude de gènes dont le poids individuel est très faible, mais
qui interagissent entre eux. En sus, le mode de vie et l’environnement interviennent. « On est très
loin de disposer de modèles génétiques valides de ces maladies », souligne Stanislas Lyonnet. Le
modèle sur lequel 23andMe fonde ses calculs reste « simpliste ». A cela s’ajoute un degré de
complexité insoupçonné. « Le séquençage massif de nos gènes a révélé l’ampleur de la variabilité
de notre génome. Chacun de nous porte 20 000 variations génétiques, renchérit Thierry Frébourg.
On ne peut interpréter une analyse du génome sans connaître les données cliniques et familiales. »
Pour la maladie d’Alzheimer, par exemple, le test analyse un gène, l’APOE. Un de ses variants,
l’APOE4, augmente le risque. « Si vous portez ce variant en un exemplaire, votre risque de
développer la maladie est de 22 % à 35 % après 85 ans. Mais comment comprendre ce résultat ? Et
qu’en faire ? », s’interroge Thierry Frébourg.
20 000 clients outre-Manche
C’est de fait une question cruciale : quid de la capacité des clients de 23andMe à comprendre les
résultats de leurs tests ? Selon la FDA, une étude auprès des utilisateurs – menée par 23andMe – a
montré que « les personnes utilisant ce type de tests comprennent plus de 90 % des informations
délivrées ». Par ailleurs, 23andMe avait créé des filiales au Royaume-Uni et au Canada. Plus de
20 000 clients ont fait appel à ces tests au Royaume-Uni. « Nous n’avons déploré aucun incident »,
s’est réjouie Anne Wojcicki, directrice générale de 23andMe, dans le New York Times. Mais cela ne
convainc ni Thierry Frébourg ni Stanislas Lyonnet. « Il y a une valeur très particulière attachée à
ces tests : ils révèlent une information impliquant votre hérédité », relève Stanislas Lyonnet. « Je ne
prescris jamais un test génétique sans en avoir expliqué les limites et l’impact personnel et familial
sur des choix de vie », insiste Thierry Frébourg.
Ces tests pointent aussi un troublant paradoxe. « Le modèle économique de 23andMe repose sur la
vente de ses bases de données à des groupes pharmaceutiques, rappelle Patrick Gaudray, directeur
de recherche au CNRS. La firme est engagée dans un processus d’acquisition de connaissances à
partir de ses clients. » D’où cette ambiguïté : si l’intérêt individuel de ces tests est très faible, leur
intérêt collectif est prometteur. Iconoclaste, Jean-Louis Mandel le souligne : les universités les plus
prestigieuses – sauf en France – collaborent avec 23andMe.
Les enjeux de la présidentielle, de meilleures
conditions de fin de vie
La Croix du 19 avril 2017 par Marine Lamoureux
Le « mal-mourir » n’a pas disparu en France, alors que plusieurs textes salués pour leur
pertinence ont été votés depuis 1999. Au-delà de la loi, l’enjeu est d’élargir l’accès aux soins
palliatifs, notamment à domicile.
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Apaiser. Ainsi pourrait-on résumer l’enjeu du prochain quinquennat en matière de fin de vie.
Apaiser les craintes des Français qui abordent le crépuscule de leur vie et veulent voir respectées
leurs volontés ; apaiser les personnes atteintes de maladies incurables, qui ne veulent connaître ni
souffrances, ni acharnement ; et bien sûr, apaiser les proches qui les accompagnent et envisagent
aussi leur propre mort.
Pour relever ce défi, le futur chef de l’État pourra s’appuyer sur une nouvelle loi, votée en février
2016 après quatre ans de réflexion et un travail transpartisan mené par deux députés de bords
différents – le socialiste Alain Claeys et le républicain Jean Leonetti. Un texte qui vise à rassurer en
renforçant les droits des malades : il rend les directives anticipées contraignantes, afin d’être sûr que
le médecin les appliquera le moment venu, et crée un droit à la sédation « profonde et continue
jusqu’au décès » à certaines conditions, lorsque le patient est en phase terminale. Pour autant, la loi
ne suffira pas, à elle seule, à améliorer les conditions de fin de vie des Français. « Avec Alain
Claeys, nous l’avons dit dès le départ, rappelle Jean Leonetti : pour que ce texte ne soit pas vain, les
pouvoirs publics devront agir dans deux directions : porter la loi, c’est-à-dire informer largement
les citoyens de son contenu, et développer les soins palliatifs ». L’élu LR reconnaît que le pouvoir
socialiste a jusqu’ici tenu parole. Deux campagnes d’information ont été lancées ces derniers mois,
l’une à destination des professionnels de santé, l’autre du grand public autour du thème : « La fin de
vie, et si on en parlait ? »* ; quant au plan national de développement des soins palliatifs,
interrompu en 2012, il a été réactivé par Marisol Touraine, la ministre de la santé, pour la période
2015-2018 et doté de 190 millions d’euros. À charge pour la nouvelle présidence de poursuivre
l’effort.
Les besoins sont réels. Dans un rapport de 2015, la Cour des comptes jugeait « l’accès aux soins
palliatifs encore très insuffisant » alors qu’en vertu de la loi du 24 juin 1999, « toute personne
malade dont l’état le requiert » y a droit. Sans pouvoir fournir de chiffres globaux, – alors
inexistants –, la Cour signalait ainsi qu’en 2009, un tiers seulement des patients décédés à l’hôpital
en court séjour avaient bénéficié des soins palliatifs auxquels ils avaient droit. « Favoriser l’accès
est une priorité », insiste de son côté Claire Fourcade, médecin coordonnateur du pôle de soins
palliatifs de la polyclinique de Narbonne. Par manque de structures, d’information, de formation
des médecins eux-mêmes, un grand nombre de patients ne bénéficient pas de la prise en charge
adéquate », estime le médecin**. À cet égard, le domicile est un enjeu crucial, note cette dernière.
« À l’heure actuelle, en milieu rural, intervenir au domicile est très chronophage pour les équipes,
qui ont parfois deux heures de route aller-retour. Et pourtant, le droit aux soins palliatifs doit aussi
y être effectif », d’autant qu’un grand nombre de Français affirment vouloir vivre leur fin de vie loin
de l’hôpital.
L’autre grand enjeu est celui de la tarification, comme le rappelait en janvier 2015 la conférence des
évêques de France. « Nous souhaitons une politique de soin qui intègre les actes
d’accompagnement dans la tarification médicale. Ces actes sont absolument nécessaires au respect
de l’être humain vulnérable », écrivait alors le groupe de travail de la Conférence sur la fin de vie,
tout en soulignant l’importance de « développer une culture palliative », même au-delà des
structures dédiées. Le groupe rappelait enfin qu’« aucune loi ne pourra jamais résoudre par ellemême tous les cas singuliers », alors qu’en 2013, le cas de Vincent Lambert, un homme en état
végétatif après un grave accident de la route, est venu bousculer les consciences.
La plupart des candidats à la présidentielle promettent de mettre l’accent sur les soins palliatifs, à
l’instar de François Fillon, de Benoît Hamon, de Marine Le Pen ou encore de Jean-Luc Mélenchon.
Ces derniers, en revanche, se déchirent sur la nécessité ou non de légaliser l’euthanasie. À gauche,
le candidat du PS et celui de la France insoumise voient dans l’injection létale en cas de maladie
incurable une avancée, l’expression d’une liberté – ils jugent ainsi la loi de 2016 insuffisante. Au
contraire, François Fillon refuse toute aide active à mourir, au nom du « respect de la dignité
humaine », « de la personne » et « de la solidarité ». La priorité d’Emmanuel Macron est aussi à
l’application de la loi Leonetti-Claeys. La candidate FN, elle, souhaite revenir à la loi du 22 avril
2005.
35
Pour le député Jean Leonetti, une chose est sûre. Avec le texte de 2016, « nous sommes allés au
bout du consensus possible en France ». Rouvrir le dossier législatif de la fin de vie se ferait donc
au prix de divisions, loin de la « troisième voie » à la française – éviter tout acharnement
thérapeutique en maintenant l’interdit de tuer – que les derniers présidents ont encouragée.
*Voir le site d’information www.parlons-fin-de-vie.fr. Numéro d’appel national 0 811 020 300.
**Auteur de 1 001 vies en soins palliatifs, 2012, Bayard
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RECHERCHE
Cancer : l'intérêt de dresser le portrait
génétique de la tumeur démontré
Sciences et Avenir avec AFP du 3 avril 2017
Sélectionnées grâce à la carte d'identité génétique de la tumeur, des thérapies ciblées contre
certains cancers ont amélioré la survie de patients à un stade avancé de la maladie, montre
une étude réalisée par l'Institut Gustave Roussy.
Des thérapies ciblées innovantes contre le cancer, sélectionnées grâce à la carte d'identité génétique
de la tumeur, ont permis d'améliorer la survie de patients à un stade avancé de la maladie, selon un
essai clinique français publié le 1er avril 2017 dans la revue américaine Cancer Research. L'étude
Moscato dirigée par l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif, près de Paris), a porté sur les cancers les
plus fréquents (poumon, sein, colon, prostate...) et plus d'une vingtaine moins fréquents.
« Cette approche fait pour la première fois la preuve de son efficacité » sur cette grande variété de
cancers, selon le professeur Jean-Charles Soria (Gustave Roussy/Inserm/Université Paris-Sud), coauteur de l'étude. Cette « médecine de précision » est basée sur l'hypothèse qu'on peut optimiser le
traitement en s'appuyant sur les caractéristiques génétiques (mutations ou autres altérations) de la
tumeur pour mieux la combattre. Ces anomalies peuvent être décelées dans des cancers touchant
différents organes. Les analyses du matériel génétique (génome) de la tumeur permettent de repérer
ses points de vulnérabilité (mutations ou autres altérations), contre lesquels on peut agir et proposer
une thérapie ciblée, essentiellement des médicaments expérimentaux, explique-t-il.
L'étude s'est déroulée à Gustave Roussy entre novembre 2011 et mars 2016, en incluant 1 035
patients adultes atteints d'un cancer avancé, non opérable ou métastatique, dont la maladie
continuait de progresser malgré les traitements. Les chercheurs ont pu obtenir une biopsie de la
tumeur chez 948 patients et ont pu établir la carte génétique tumorale pour 843 patients, ce qui
représente l'analyse de milliers de gènes. Chez environ la moitié des patients, des mutations contre
lesquelles il est possible d'agir ont été trouvées. « Au final, environ un quart des patients a pu
recevoir une thérapie ciblée et chez un tiers d'entre eux, elle a augmenté la durée de vie sans
progression de la maladie », selon le Pr Soria.
Le bénéfice clinique correspond à une survie sans progression de la maladie, sous thérapie ciblée,
au moins 1,3 fois plus longue que celle observée avec le traitement précédent. Dans l'ensemble, la
médiane de survie globale était de près d'un an (moins pour la moitié des patients, plus pour les
autres), contre une médiane de survie en général de 3 à 6 mois, relève le Pr Soria ajoutant que des
patients de l'étude sont vivants 3 ans après le traitement. Sur la base de cette étude, un nouvel essai
Safir02, comparant le traitement standard au traitement ciblé guidé par la biologie, avec tirage au
sort des patients a été lancé. L'essai, qui concerne le cancer du sein et le cancer du poumon devrait
regrouper quelque 2 000 patients au total, ajoute le spécialiste. Les résultats sont attendus en 2020.
Immunothérapie, chélateur du fer, lumière infrarouge...
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Des avancées en vue dans la maladie de
Parkinson
Le Quotidien du Médecin du 10 avril 2017 par le Dr Irène Drogou
La Journée mondiale de la maladie de Parkinson, découverte il y a 200 ans, est l'occasion de
faire le point sur les avancées en recherche clinique. Des progrès sont en vue, notamment pour
la neuroprotection. La piste de l'immunothérapie anti-synucléine amorce un virage vers
un traitement physiopathologique de la maladie.
Les traitements actuels, très efficaces sur les symptômes - médicaments à visée dopaminergique (Ldopa ou agonistes), systèmes de pompes (apokinon ou L-dopa) ou stimulation cérébrale profonde -,
ne modifient pas le cours évolutif de la maladie de Parkinson. L'enjeu de la recherche dans la
maladie de Parkinson aujourd'hui est de ralentir voire prévenir la neurodégénérescence. Les choses
avancent, vite ces dernières années, avec plusieurs pistes en cours d'exploration, notamment avec
l'immunothérapie antisynucléine. « La meilleure connaissance physiopathologique de la
maladie donne un nouvel élan à la recherche, explique le Pr Jean-Philippe Azulay, neurologue à
l'AP-HM (Marseille), responsable du centre de coordination interrégional pour la maladie de
Parkinson et chercheur au sein du programme pluridisciplinaire DHUNE. Après l'échec des
derniers essais de neuroprotection il y a 5-10 ans, les allers-retours très rapides de
recherche transversale font avancer les choses en termes très concrets pour le développement
clinique. L'identification du rôle pathologique de l'alpha-synucléine ouvre aujourd'hui la voie de
l'immunothérapie ».
Dépôts fibrillaires d'alpha-synucléine
Au cours de la maladie, les patients ayant une maladie de Parkinson restent sensibles à la dopamine,
seule la durée de l'effet diminue. « Les prises peuvent devenir nécessaires toutes les 2-3 heures au
fil de l'épuisement dopaminergique, explique le Pr Azulay. Le passage d'un palier de traitement à
un autre est très bien établi, jusqu'à la stimulation à haute fréquence 24h/24 pour
laquelle la sensibilité à la dopamine reste un critère d'éligibilité indispensable ». Malgré tout, au
cours de l'évolution, certains symptômes vont résister, notamment les symptômes psychiques, les
troubles cognitifs et du comportement ou les troubles de l'équilibre. L'alpha-synucléine est
identifiée dans la maladie de Parkinson depuis près de 20 ans. Mais ce n'est que récemment qu'a
été mis en évidence chez des patients malades ayant eu une greffe neuronale que les dépôts
fibrillaires d'alpha-synucléine neurotoxiques disséminent des cellules du patient vers les cellules
greffées. Il existe au cours de la maladie une propagation de cellule en cellule sur un mode pseudoprion ou pseudo-viral, d'où l'idée de développer l'immunothérapie anti-synucléine.
« L'immunothérapie peut être active ou passive, poursuit le neurologue. La première approche
consiste à mettre au point un vaccin qui entraîne la production efficace d'anticorps antisynucléine. Un essai de phase 1 a déjà été mené par une équipe autrichienne il y a 3 ans chez une
trentaine de patients. La deuxième approche repose sur l'administration d'anticorps qui
peuvent être dirigés contre différentes étapes-clefs de la synucléine. Le lancement d'un essai de
phase 2 est prévu en Europe par le laboratoire Roche avant fin 2017, probablement d'ici juillet ».
L'essai prévoit l'inclusion de 300 patients de novo ou au tout début de la maladie. Six à huit centres
français devraient y participer.
Intervention précoce
Quels enseignements ont été tirés de l'expérience plutôt décevante des anticorps anti-amyloïde
dans la maladie d'Alzheimer ? « La maladie de Parkinson est une forme quasi-pure de
synucléopathie au début, répond le Pr Azulay. Il n'en est pas de même pour la maladie d'Alzheimer,
qui est une double protéinopathie tau-myloïde. La question de savoir si l'amyloïde est bien la bonne
cible reste posée, ce n'est pas le cas avec la synucléine pour la maladie de Parkinson ».
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L'approche consistant aujourd'hui à vouloir intervenir au plus tôt dès la phase
présymptomatique dans l'Alzheimer est une problématique qui se transpose à la maladie de
Parkinson. Au début de la maladie, il y a déjà une perte de près de 40 % des neurones à dopamine.
« Il faudrait pouvoir traiter avant les symptômes moteurs, reconnaît le Pr Jean-Philippe Azulay. La
maladie évolue par stades, les dépôts de synucléine débutant à la phase prémotrice dans la
profondeur du tronc cérébral, s'étendant ensuite au mésencéphale dans le locus niger à la phase
motrice puis diffusant dans le cortex. En agissant aux stades moteurs, on agit en milieu de
tableau ».
Comment faire mieux ? « À la phase prémotrice, il peut exister des troubles du comportement en
sommeil paradoxal dits "RBD" », précise le Pr Azulay. Les RBD (pour Rem-sleep Behavior
Disorder), ces rêves très agités au vécu souvent angoissant avec une abolition de la baisse normale
de tonus en sommeil paradoxal, seraient associés à un risque élevé de développer une
synucléopathie à 10 ans. « Ce peut être un signe avant-coureur de la maladie, abonde le Pr Marie
Vidailhet, qui l'a montré récemment avec son équipe. L'étude du sommeil est très importante et
pourtant encore sous-estimée dans la maladie ». Identifier des marqueurs permettant de prédire et
de suivre la progression de la maladie, c'est l'objectif poursuivi par l'équipe du Pr Marie Vidailhet
qui cherche dans l'étude ICEBERG à comprendre en suivant plus de 300 patients ce qui se passe
avant l'apparition des symptômes moteurs puis tout au long de l'évolution. « Pour chaque sujet nous
disposons en plus des données cliniques très détaillées, d'une imagerie de très haute définition au
CENIR, de données génétiques et de prélèvements biologiques pouvant donner une signature de la
maladie », détaille le Pr Vidailhet. L'association de RBD, d'une hyposmie et d'une imagerie
fonctionnelle cérébrale évocatrice, au Dat-TDM ou au PET-TDM à la fluoro dopa, traduirait un
risque combiné de 90 %, avance le Pr Azulay.
Chélateurs du fer et lumière infra-rouge
Actuellement en cours, une nouvelle étude européenne, l'étude FAIRPARK, pour laquelle la France
est pilote (Pr David Devos, CHRU de Lille), vise à tester l'effet neuroprotecteur d'un chélateur du
fer, la desfériprone, en double aveugle pendant 9 mois chez une centaine de patients de novo. L'idée
est de lutter contre l'accumulation excessive de fer au sein de la substance noire. Les résultats sont
attendus d'ici 2018. « C'est l'occasion de saluer le réseau NS-PARK qui aide à organiser la
recherche industrielle et académique en France dans la maladie de Parkinson », souligne le
Pr Azulay. Autre piste de neuroprotection, le neurochirurgien Pr Alim-Louis Benabid, distingué par
le Prix Lasker pour la découverte de la stimulation cérébrale profonde, est à la tête du projet NIR
testant la lumière infra-rouge au sein de la société Clinatec (CEA, INSERM, Université Joseph
Fourier, CHU de Grenoble). L'exposition des neurones dopaminergiques, via l'implantation d'une
fibre optique, permettrait de stimuler leur métabolisme. Cette stimulation permettrait de ralentir
voire d'arrêter les mécanismes de dégénérescence. Annoncé en mars 2015 à l'Académie des
Sciences par le Pr Benabid, l'essai clinique, en attente d'accréditation, n'a pas encore débuté.
Ebola : deux vaccins vont être testés en Guinée
et au Liberia
La Croix du 11 avril 2017 par Pierre Bienvault
Un vaste essai clinique va être lancé sur 5 000 personnes en Afrique, avec deux vaccins contre
la fièvre hémorragique Ebola. L’un d’eux a déjà montré une efficacité très prometteuse dans
un précédent essai en 2015.
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Quelle stratégie devra être mise en œuvre si une nouvelle épidémie du virus Ebola se déclare en
Afrique ? Et surtout, comment devront être utilisés les futurs vaccins ? Ces questions sont au cœur
d’un vaste essai clinique qui va bientôt être lancé en Afrique de l’Ouest, sévèrement touchée par
une épidémie qui, entre 2014 et 2016, a fait plus de 11 300 morts, en Guinée, en Sierra Leone et au
Liberia. « Plus de 5 000 adultes et enfants vivant dans les pays d’Afrique de l’Ouest, proches de
l’épicentre de l’épidémie (…), seront recrutés », vient d’annoncer l’Institut national de la santé et de
la recherche médicale (Inserm). Le virus hémorragique Ebola a été découvert en 1976. Pendant
quarante ans, il n’a provoqué que des épidémies très localisées, principalement en Afrique centrale.
Et c’est la raison pour laquelle cette maladie, bien que très meurtrière, n’a pas provoqué un grand
intérêt auprès des grands organismes de recherche du Nord ou dans l’industrie pharmaceutique. Et
pendant quarante ans, aucun traitement ni vaccin n’ont été développés contre le virus.
Mais le contexte a changé quand, en 2014, la fièvre Ebola a commencé à se diffuser de manière
incontrôlée en Afrique de l’Ouest. Et quand a émergé la crainte, assez peu fondée, que l’épidémie
pourrait arriver dans les pays du Nord. D’un seul coup, la mobilisation a été générale pour lancer
des essais sur des traitements et des vaccins. Et tout est allé très vite. « Il faut dix ans pour
développer un nouveau vaccin », répètent souvent les firmes pharmaceutiques. Mais là, en moins de
deux ans, les avancées ont été très importantes. Dès septembre 2014, l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) a donné le coup d’envoi d’essais pour tester un vaccin dans le cadre d’un projet
rassemblant notamment Médecins sans frontières (MSF), les gouvernements canadien et norvégien,
la fondation britannique Wellcome Trust, la Guinée et la société pharmaceutique Merck. Dans un
essai mené en 2015 en Guinée, ce vaccin s’est « révélé hautement protecteur » comme l’a annoncé
en décembre 2016 l’Organisation mondiale de la santé.
Mais de nombreuses questions restent en suspens. « On ne sait pas encore la durée de protection de
ce vaccin, ni au bout de combien de temps apparaissent les anticorps. Et on ne sait pas s’il protège
les enfants », indique le professeur Yazdan Yazdanpanah (Inserm, hôpital Bichat à Paris),
investigateur principal de l’essai qui va être prochainement lancé. Son objectif sera d’évaluer
plusieurs stratégies, avec deux vaccins différents : celui déjà « prometteur » du laboratoire Merck et
un deuxième de la firme Janssen-Johnson-Johnson. « C’est important de ne pas mettre toutes nos
billes sur un seul vaccin. En cas de forte épidémie, il sera essentiel d’avoir deux vaccins pour
produire vite et en grande quantité », précise le professeur Yazdanpanah. Cet essai va se dérouler
en Guinée et au Liberia, deux pays où l’épidémie d’Ebola est désormais terminée et où le virus ne
circule plus. « C’est la raison pour laquelle on ne va pas utiliser des critères cliniques pour
mesurer l’efficacité de ces vaccins. On ne va pas regarder s’ils permettent d’éviter des infections.
On va se baser sur des critères immunologiques en regardant l’apparition des anticorps », poursuit
le professeur Yazdanpanah, en précisant que l’essai sera conduit par des institutions de recherche
française, américaine, britannique, en lien avec les autorités sanitaires locales. « C’est très
important de faire travailler ensemble le Nord, le Sud et l’industrie pharmaceutique », indique ce
médecin.
La timide révolution des thérapies ciblées anticancers
Le Monde Science et Techno du 12 avril 2017 par Florence Rosier
Dresser la carte d’identité génétique des tumeurs améliore le pronostic d’un petit nombre de
patients, suggère une étude française. Entre partisans et détracteurs de cette approche, le
débat reste vif.
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Quels bénéfices attendre des thérapies ciblées en cancérologie ? Ces traitements sont apparus il y a
vingt ans, mais la question fait toujours débat. Les uns qualifient cette médecine de précision de
« révolution en marche », tandis que d’autres jugent ses promesses excessives. Une étude française
publiée dans la revue Cancer Discovery, le 1er avril, offre un subtil argument aux premiers – sans
pour autant clore le débat.
Les thérapies ciblées visent à neutraliser les altérations moléculaires présentes dans les cellules
cancéreuses. D’où la nécessité de dresser le « portrait moléculaire » de chaque tumeur, c’est-à-dire
la carte des mutations de leurs gènes, avant de choisir la ou les thérapies ciblant au mieux le ou les
défauts détectés. Jusqu’à présent, on se contentait de caractériser 5 à 10 gènes dans les cellules
tumorales : ceux qui correspondent aux thérapies ciblées disponibles. Quid de l’intérêt d’étendre
cette caractérisation, en « profilant » plusieurs centaines de gènes ? C’est à cette question qu’ont
voulu répondre des équipes de l’Institut Gustave-Roussy (IGR), à Villejuif (Val-de-Marne), de
l’Inserm et de l’université Paris-Sud. Menée de fin 2011 à mars 2016, leur étude suggère que « pour
des cancers difficiles à traiter, l’analyse du génome tumoral améliore le pronostic chez 7 % des
patients, résume Fabrice André, de l’IGR, coauteur. Le bénéfice n’est pas révolutionnaire, mais
c’est un premier pas ».
Portrait moléculaire
Dans cet essai nommé Moscato, les auteurs ont recruté 1 035 adultes souffrant de cancers en
impasse thérapeutique : cancers des voies digestives, du poumon, de la vessie, du sein, de la tête et
du cou… Une biopsie a été pratiquée pour 948 d’entre eux ; et le portrait moléculaire de la tumeur,
pour 843. Pour 411 patients, la tumeur portait une altération qui pouvait être ciblée par une
molécule en développement. Quand plusieurs altérations étaient identifiées, un algorithme
déterminait la mutation prioritaire à cibler. Au final, 199 patients ont reçu une thérapie ciblée. Les
autres n’en ont pas reçu en raison de leur mauvais état général, ou parce que la thérapie n’était pas
accessible à l’IGR. Au total, 15 familles de thérapies ont été utilisées. Ici, le patient était son propre
témoin. Les auteurs ont d’abord mesuré la survie sans progression de la tumeur (PFS1) pour chaque
patient, sous traitement standard. Puis, lorsque le cancer progressait de nouveau et qu’une thérapie
ciblée était administrée, les auteurs ont mesuré la nouvelle survie sans progression tumorale (PFS2).
Un bénéfice clinique était enregistré lorsque la PFS2 était plus longue que la PFS1 d’au moins 30 %
généralement, la survie sans progression tumorale tend à raccourcir, à mesure que les traitements
s’enchaînent. Résultats : selon ce critère, la thérapie ciblée a été bénéfique chez 63 patients, soit
33 % des patients traités. Rapporté au nombre de patients chez qui la biopsie a été faite, ce taux
n’était plus que de 6,6 %.
« Ce travail fonde des espoirs, estime le professeur Christian Funck-Brentano, pharmacologue à
l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), qui n’a pas participé à l’étude. Mais un test diagnostique ne
peut faire la preuve de son utilité que dans une étude où l’on compare le devenir de deux groupes
de patients, après tirage au sort : ceux chez qui l’on tient compte de ce test, et ceux chez qui l’on
n’en tient pas compte. » Il pointe d’autres biais de l’étude : les cancers traités étaient très
hétérogènes ; la PFS2 n’a pas été calculée de la même façon que la PFS1… Pour autant, « les
conclusions de cette étude sont cohérentes avec des données antérieures », estime le professeur
Christophe Le Tourneau, responsable de la médecine de précision à l’Institut Curie (Paris). Il est le
promoteur d’une étude équivalente, Shiva, qui était randomisée. Mais elle a échoué à montrer
l’intérêt de cette même approche chez l’ensemble des patients traités. Une analyse rétrospective
suggérait cependant que 37 % des patients en tiraient bénéfice. Beaucoup dénoncent un
« marketing » agressif autour de ce concept. Le terme même de « thérapies ciblées » est jugé abusif.
« Ces thérapies sont un progrès, leur mode d’action est plus précis, mais le concept est surjoué, dit
Christian Funck-Brentano. C’est un peu comme les frappes chirurgicales de l’armée, censées ne
faire aucun dégât collatéral. » De fait, les thérapies ciblées ont aussi des effets indésirables, mais
moins que les chimiothérapies. Par ailleurs, les tumeurs finissent toujours par développer des
résistances. Et la plupart de ces thérapies, à ce jour, apportent des gains de survie limités.
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Le professeur Dominique Maraninchi, cancérologue à l’université Aix-Marseille, reste optimiste.
« Cette approche est encore artisanale. Nous ne disposons que d’une vingtaine de thérapies ciblées.
Quand nous en aurons 40 ou 200, cela changera la donne, estime l’ancien président de l’Institut
national du Cancer (INCa). La révolution est en marche. C’est d’abord grâce à la lecture du
génome : elle permet de renommer les maladies cancéreuses et de définir des sous-groupes
homogènes de patients. » Certes, on a trop vendu le fait que ces thérapies ciblées vont remplacer les
chimiothérapies. Eh bien, non ! Elles sont une arme supplémentaire, comme l’immunothérapie.
Des gains modestes
Dominique Maraninchi rappelle l’histoire du trastuzumab (Herceptine) : d’abord testé chez des
patientes atteintes de cancer du sein métastatique, ce traitement montrait une efficacité limitée. Puis
il a fini par être autorisé dans le traitement précoce adjuvant des cancers du sein « HER + ». « Ces
cancers sont alors devenus de très bon pronostic. Pourtant, ce saut a été un vrai pari. »
« L’Herceptine et le Glivec [une autre thérapie ciblée, prescrite dans des tumeurs digestives rares et
dans des leucémies] sauvent vraiment des vies, renchérit Christophe Le Tourneau. Les autres
thérapies ciblées prolongent la survie. Le gain est parfois de quelques mois, parfois plus
conséquent. Il [peut être] de dix-huit à vingt-quatre mois dans certains cancers du poumon. »
Pourquoi des gains si modestes ? Presque toujours, ces thérapies ont été évaluées chez des patients
souffrant de cancers métastatiques ayant échappé à plusieurs lignes de traitements. Or ces cancers
sont devenus « des monstres » : formés de cellules très hétérogènes, ayant acquis de nombreuses
mutations, ils résistent à tout traitement.
« Il ne faut plus limiter les essais cliniques aux stades terminaux des cancers », affirme Dominique
Maraninchi. Tout l’enjeu est de traiter plus tôt les malades. D’où la nécessité de développer de
nouveaux modes d’évaluation, chez des sous-groupes de patients restreints, plus homogènes. En
cancérologie, les grands progrès ont été accomplis dans la seconde moitié du XXème siècle, rappelle
Christophe Le Tourneau : les taux de guérison sont passés de 20 % à 50 %. « Aujourd’hui les
progrès sont incrémentaux. Avec les thérapies ciblées et les immunothérapies, on passera peut-être
à un taux moyen de 55 % de guérison. Mais pour certains patients, le bénéfice se traduit par une
survie prolongée. » Reste la question du coût de ces molécules innovantes, « scandaleusement
prohibitif, mettant en danger notre système de protection sociale », déplore Christian FunckBrentano.
Des nouveaux venus chez les virus géants
Le Monde Science et Techno du 12 avril 2017 par Hervé Morin
Découverts dans une station d’épuration autrichienne, ils disposent d’une machinerie
génétique complexe récemment acquise, ce qui pose, une fois encore, la question de leur
origine.
Parmi les plantes qui filtrent les boues de l’usine de traitement des eaux usées de Klosterneuburg,
en Autriche, vivaient paisiblement des virus géants. Une équipe de recherche internationale est allée
les repêcher et les décrit dans la revue Science du 7 avril. Frederik Schulz (Département de
l’énergie, Walnut Creek, Californie) et ses collègues n’ont pas directement observé au microscope
ces « klosneuvirus » inoffensifs : ils ont d’abord conduit une analyse génétique de la soupe de
micro-organismes puisée dans la station d’épuration, et utilisé des algorithmes pour rabouter les
fragments d’ADN qui s’y trouvaient. Et ont vu apparaître un premier candidat virus géant, puis trois
autres, aux génomes plus petits.
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Ils proposent de baptiser cette sous-famille de virus klosneuvirinae et les classent dans la famille
des mimiviridae. Les premiers mimivirus ont été décrits comme tels en 2004 par une équipe de
chercheurs à Marseille. Ces microbes étaient si gros qu’on les avait auparavant pris pour des
bactéries ! La chasse au virus géant était lancée, et avec elle l’idée qu’ils pourraient être les
représentants d’un quatrième domaine du vivant, à côté de la vie cellulaire actuelle, dans laquelle on
distinguait déjà bactéries, archées et eucaryotes (cellules à noyaux) : ils seraient les descendants de
cellules aujourd’hui disparues, qui leur auraient légué une part de leur patrimoine génétique.
Quatrième domaine du vivant
« Comparés aux autres virus géants, les klosneuvirus disposent des capacités de codage d’une
large machinerie de traduction », écrivent Frederik Schulz et ses collègues. La traduction ? En
biologie, ce terme désigne le processus qui permet de produire des protéines à partir d’un code
génétique, en assemblant des acides aminés. Les klosneuvirus pourraient en principe prendre en
charge la connexion de 19 des 20 acides aminés rencontrés dans les protéines. Les chercheurs font
cependant l’hypothèse qu’ils n’auraient pas hérité de cette faculté d’un ancêtre cellulaire, mais
plutôt qu’ils descendraient d’un virus plus petit qui aurait pris en otage une grande part du
patrimoine génétique de son hôte. « L’analyse des auteurs montre bien que ces gènes ont été
récemment acquis par ces virus, ce qui va donc à l’encontre de la théorie de l’origine cellulaire,
commente Patrick Forterre (Institut Pasteur). Cela conforte selon lui l’idée que les gros virus ne
forment pas un quatrième domaine du vivant.
« C’est super d’avoir trouvé des virus encore plus complexes, comme nous l’avions prédit », note la
virologue Chantal Abergel (CNRS-université Aix-Marseille), qui a participé à la découverte des
premiers virus géants. Pour être sûr que les klosneuvirus ne sont pas des chimères de plusieurs
virus, il faudrait les isoler et analyser directement leur génome, note-t-elle cependant. « Cela
prendra beaucoup de temps et de travail », reconnaît Eugene Koonin (National Institutes of Health)
qui a cosigné l’article de Science. Chantal Abergel s’étonne aussi que ces virus, parasites
consommés, se soient donné la peine de gagner des gènes pour faire des tâches que leur hôte
effectuait déjà pour eux. La logique évolutive serait plutôt inverse. « Rien n’indique que chez les
virus l’évolution par perte de gènes soit le régime général », rétorque Eugene Koonin. « Le débat
ouvert par les virus géants n’est pas clos. Personne n’a raison ou tort, convient Chantal Abergel.
On n’a pas encore une vision globale de leur diversité et de leur origine. »
Des greffes cellulaires pour traiter les infarctus
Le Figaro Santé du 12 avril 2017 par Tristan Vey
Une équipe canadienne espère, grâce à des cellules-souches, pouvoir «effacer» la cicatrice
laissée par un accident cardiaque.
Sous l’œil du microscope, les cellules battent la mesure dans leur boîte de Petri. Ce sont des
cardiomyocytes, les cellules qui forment le muscle cardiaque. Nous sommes dans le laboratoire du
Pr Gordon Keller, au McEwen Center for Regenerative Medicine, à Toronto (Canada). Ces cellules
sont obtenues à partir de cellules-souches embryonnaires humaines, des « caméléons » capables de
se transformer en n’importe quel type de cellules, sur commande. Il faut tout de même trouver à
chaque fois la bonne « recette » pour obtenir le type désiré : mettre les bons facteurs de croissance,
au bon moment, dans les bonnes conditions.
Les équipes de Gordon Keller sont particulièrement douées dans la « programmation » de cellules
cardiaques. Les chercheurs parviennent à créer des lignées très « pures », c’est-à-dire présentant un
type cellulaire très particulier en grande majorité. Mais à quoi servent ces cellules ?
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L’idée poursuivie par le Pr Michael Laflamme, venu rejoindre le laboratoire en juillet 2015, est de
les injecter chez des patients victimes de crises cardiaques pour repeupler les tissus morts et limiter
le risque d’insuffisance cardiaque. Une crise cardiaque survient lorsqu’une veine alimentant le cœur
se bouche. Privées d’oxygène, les cellules touchées meurent. Comme le cœur ne se régénère pas,
cette cicatrice reste à vie et la zone morte ne battant plus, elle induit des contraintes plus
importantes sur la déformation des parois voisines (qui doivent « se tordre » plus), provoquant leur
dégradation accélérée. La cicatrice a tendance à s’agrandir. À terme, les patients victimes de «gros»
infarctus finissent par avoir besoin d’une transplantation.
Des travaux prometteurs
Injecter des cellules cardiaques suffirait-il à repeupler la cicatrice et prévenir le risque
d’insuffisance ? Les travaux chez l’animal se montrent prometteurs. « Nous avons montré chez le
rat, le cochon d’Inde, puis le singe que les cellules transplantées dans des cicatrices d’infarctus
battaient correctement et vieillissaient bien, détaille Michael Laflamme. Nous n’avons pas non plus
observé de tumeur après un an chez le rat ou trois mois chez le singe. Mais le cœur de ces animaux
bat plus vite. Nous nous tournons maintenant vers le porc, dont le cœur est plus similaire au nôtre,
pour confirmer ces résultats préliminaires. » Les premières injections chez le porc ont fait
apparaître un problème : les cellules transplantées ne battent pas exactement au même rythme que
les autres. « Cette arythmie est très gênante, reconnaît Michael Laflamme. Nous pensons que c’est
parce que les lignées que nous avons injectées n’étaient pas assez pures et contenaient des cellules
“pacemaker” qui commandent la contraction du muscle cardiaque. Je pense que c’est un problème
que nous pourrons régler facilement. Mais il reste à démontrer que la “greffe” de quelques
milliards de cellules (soit une seringue de 6 ml, NDLR) est suffisante pour observer des effets
fonctionnels. » Il faudra encore au moins une douzaine d’essais chez le porc avant de pouvoir
envisager un essai clinique chez l’homme. « Pas avant 4 à 5 ans », pronostique le chercheur. Bayer
et VersantVentures ont investi 225 millions de dollars dans une nouvelle entreprise, BlueRock
Therapeutics, qui vise à tester ce genre de nouvelles approches en médecine régénérative, en
partenariat avec six instituts, dont le Centre Mc Ewen.
« Ce sont des travaux très intéressants, mais sur le plan clinique, je ne sais pas quel sera leur
avenir », prévient le Pr Philippe Ménasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital européen Georges
Pompidou, qui a lui-même déjà greffé sur six patients des « patchs » de cellules cardiaques dérivés
de cellules-souches embryonnaires. « Il faut fournir un traitement immunosuppresseur à vie aux
patients pour éviter le rejet, c’est très lourd pour des personnes souvent âgées et qui présentent
d’autres pathologies. » De son côté, les bénéfices des cellules greffées semblent plutôt provenir des
substances qu’elles sécrètent et libèrent dans le cœur. « Nous allons donc nous contenter de libérer
ces molécules lors d’un prochain essai. » Il s’agira donc plutôt d’un médicament biologique que
d’une greffe cellulaire. À Toronto, les chercheurs ont deux pistes pour lutter contre le risque de
rejet. La première consiste à prélever des cellules chez le patient, de peau par exemple, à les faire
« redevenir » cellules-souches (on parle de cellules-souches induites) avant de les cultiver pour en
faire des cellules cardiaques. Le procédé est néanmoins très coûteux et complexe à encadrer sur le
plan juridique. La deuxième solution consisterait à manipuler génétiquement les cellules-souches
embryonnaires pour les rendre « invisibles » au système immunitaire. Ce qui s’annonce aussi
compliqué.
Aussi enthousiasmant soient ces pistes de recherche, les scientifiques sont loin d’avoir fini de les
défricher.
Un colorant au feu orange E171
Libération du 14 avril 2017 par Coralie Schaub
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L’Agence de sécurité, méfiante envers cet additif suspecté d’être cancérigène, attend de
nouvelles études pour trancher. L’ONG Agir pour l’environnement demande son interdiction.
L’additif E171, destiné à l’alimentation, présente-il un danger pour la santé des consommateurs ?
Petits et grands s’intoxiquent-ils avec les innombrables produits (bonbons, chewing-gums,
pâtisseries, plats cuisinés, dentifrices, médicaments…) contenant ce colorant blanc constitué de
particules de dioxyde de titane (TiO2), en partie sous la forme nanométrique (10 000 fois plus petite
qu’un grain de sel) ? Pour en avoir le cœur net, il faut (enfin) conduire les études nécessaires,
répond en substance l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans un avis daté du 4 avril
et publié mercredi. Elle a été saisie en janvier par les ministères de l’Economie, de la Santé et de
l’Agriculture, après la publication d’une étude de l’Institut national de la recherche agronomique
(Inra) concluant que l’exposition chronique de rats au E171 par voie orale favorisait la croissance
de lésions colorectales précancéreuses. Ce travail ne permettait toutefois pas d’être fixé concernant
l’homme. L’Anses devait donc déterminer si les travaux de l’Inra étaient de nature à remettre en
cause les conclusions optimistes de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), laquelle a
jugé en septembre que les expositions actuelles des consommateurs au E171 ne présentaient pas de
risque.
Résultat ? Rien n’est tranché. Dans ses conclusions, l’Anses indique que les résultats de l’Inra « ne
permettent pas à ce jour de remettre en cause » l’évaluation de l’Efsa. Mais elle souligne qu’ils
mettent « en évidence des effets qui n’avaient pas été identifiés, notamment les potentiels effets
promoteurs de la cancérogenèse du E171 » : Par conséquent, l’agence « souligne la nécessité de
conduire […] les études nécessaires à la parfaite caractérisation des effets sanitaires potentiels liés
à l’ingestion de l’additif alimentaire E171. » Et de rappeler, au passage, l’existence d’autres études,
concernant notamment les effets sur le cerveau. « L’ensemble de ces résultats devra faire l’objet
d’un examen par l’Efsa dans le cadre de son travail d’évaluation des additifs alimentaires »,
recommande l’Anses. En creux, celle-ci estime donc qu’on ne peut pas se contenter de l’avis actuel
de l’Efsa.
« Le gouvernement doit interdire l’additif E171, a réagi mercredi Agir pour l’environnement, qui a
identifié 150 produits alimentaires contenant ce colorant. L’inaction du gouvernement engage
désormais sa responsabilité pénale. » « Comme pour le bisphénol A ou les OGM, il faut appliquer
le principe de précaution, estime Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes de l’ONG. La
littérature scientifique commence à être assez importante et inquiétante sur les dangers du dioxyde
de titane. […] Les enfants sont les premiers exposés. Cela vaut-il le coup […] de mettre notre santé
en danger pour un colorant, un opacifiant qui sert juste à rendre les chewing-gums brillants ? »
L’association souligne que la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, avait annoncé
en février dans un tweet qu’elle signerait dans la semaine un arrêté « sur l’étiquetage des
nanomatériaux dans les produits alimentaires », mais que cette annonce n’a pas été suivie d’effet.
Contacté par l’AFP, le ministère a assuré que cet arrêté serait publié prochainement. « Plutôt que de
promettre un mystérieux arrêté, la ministre devrait enfin appliquer le règlement européen [Inco] en
vigueur depuis décembre 2014, qui prévoit l’étiquetage des nanomatériaux », s’insurge Magali
Ringoot. Mais si de tels étiquetages - la mention « nano » entre crochets - commencent à apparaître
sur les cosmétiques, ce n’est pas le cas pour l’alimentaire - les industriels profitent du fait qu’il
existe plusieurs définitions de ce qu’est un nanomatériau -, selon Magali Ringoot. Agir pour
l’environnement a donc saisi en 2016 la répression des fraudes, qui lui a alors assuré qu’elle
travaillerait sur le dossier, précise-t-elle.
Composé de micro et de nanoparticules, « le E171 n’est cependant pas soumis à l’étiquetage
"nanomatériau", puisqu’il n’est pas composé à plus de 50 % de nanoparticules (en général 10 % à
40 %) », indique l’Inra. Mais Agir pour l’environnement préfère se référer à la définition du
règlement européen Inco, selon lequel est un « nanomatériau manufacturé tout matériau produit
intentionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l’ordre de 100 nm ou moins… ».
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Quoi qu’il en soit, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé en 2006 le E171,
cette poudre blanche ultrafine, comme « cancérigène possible pour l’homme » (catégorie 2B) pour
une exposition (professionnelle) par inhalation. Et l’apparition de tumeurs pulmonaires chez le rat
après inhalation ou instillation de TiO2 a amené l’Anses, le 20 mai 2015, à soumettre à l’Agence
européenne des produits chimiques (Echa) une proposition de classement du dioxyde de titane en
tant que substance cancérogène de catégorie 1B (substance dont le potentiel cancérogène pour l’être
humain est supposé) par inhalation, rappelle l’Anses. La décision de l’Echa est attendue pour le
second semestre.
En attendant, l’agence recommande de « renforcer la traçabilité […], essentielle aux travaux
d’évaluation des risques », et de favoriser « les produits sûrs, dépourvus de nanomatériaux ». Elle
semble elle aussi sceptique sur la nécessité de mettre en danger la santé pour un simple colorant,
puisqu’elle préconise de « peser l’utilité, pour le consommateur ou la collectivité, de la mise sur le
marché de tels produits ».
Le rôle complexe
cancéreuses
des
cellules-souches
Le Figaro du 15 avril 2017 par Marc Gozlan
En s’attaquant à certaines cellules spécifiques, des chercheurs réussissent à faire fondre des
métastases de cancer colorectal.
Un nombre croissant de données suggère que les cancers renferment une population cellulaire
possédant des caractéristiques propres aux cellules-souches. Au sein d’une tumeur, ce sont les
seules capables de démarrer le cancer et de maintenir le processus tumoral. Ces cellules-souches
cancéreuses (CSC) se situent au sommet de la pyramide dans la hiérarchie cellulaire tumorale. Sur
le plan clinique, leur importance tient au fait qu’elles sont la source des phénomènes de résistance
aux traitements, de rechute et de formation de métastases.
Des chercheurs de la firme californienne Genentech (filiale de Roche) ont étudié le rôle des CSC
dans le cancer du côlon, tumeur qui essaime surtout dans le foie. Ils ont créé des souris exprimant
cinq gènes porteurs de mutations impliquées dans la progression du cancer colorectal. Ils ont
également génétiquement manipulé certaines de leurs cellules intestinales, appelées Lgr5. Ces
cellules sont caractérisées par leur capacité incessante à se renouveler et à donner naissance à des
cellules de la paroi intestinale. Les chercheurs ont cultivé ces cellules intestinales puis les ont
injectées à des souris. Des tumeurs se sont développées. Lorsque les rongeurs ont reçu de la toxine
diphtérique afin de détruire de manière ciblée les cellules souches Lgr5, cela n’a pas provoqué la
fonte des tumeurs comme on aurait pu s’y attendre. À l’arrêt de l’administration de la toxine, les
chercheurs ont observé une reprise de la croissance tumorale.
La tumeur a poursuivi sa croissance car elle a été repeuplée en cellules souches, souches intestinales
Lgr5: des cellules différenciées se sont transformées en cellules Lgr5. « Ces résultats montrent que
la hiérarchie cellulaire n’est en rien figée. Il existe une véritable plasticité cellulaire », commente
Julie Pannequin, chercheuse au CNRS à l’Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier, et
dont les travaux portent principalement sur l’implication des CSC dans la récidive tumorale. Une
seconde série d’expériences a consisté à évaluer le rôle des CSC dans la survenue de métastases.
Les chercheurs américains ont transplanté des organoïdes dans le côlon de leurs souris
transgéniques puis leur ont administré de la toxine diphtérique pour éliminer les cellules souches
Lgr5.
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Ils ont observé plusieurs semaines plus tard une importante réduction du nombre de métastases dans
le foie. Preuve que les cellules souches intestinales sont nécessaires à l’initiation du processus
métastatique. Enfin, lorsqu’ils ont administré la toxine diphtérique à des souris déjà porteuses de
métastases hépatiques de cancer du côlon, ils ont constaté que la destruction des cellules Lgr5
aboutissait cette fois à la fonte de ces tumeurs secondaires. Surtout, leur croissance ne reprenait pas
à l’arrêt des injections de la toxine, contrairement à ce qui avait été observé lors de l’initiation du
processus cancéreux dans le côlon. Les cellules-souches cancéreuses ne jouent pas la même
fonction lors de la croissance de la tumeur primaire et du processus de diffusion des métastases.
« La fonction des cellules-souches cancéreuses semble dépendre de leur micro-environnement. Il se
pourrait que dans le foie des cellules différenciées ne puissent pas, contrairement à ce qui se passe
dans l’intestin, se transformer en cellules souches Lgr5 », fait remarquer Julie Pannequin, qui
insiste sur « l’élégance de ce modèle transgénique qui permet de récapituler dans un animal entier
l’initiation de la tumeur, sa croissance et le processus métastatique ». Publiés dans la revue Nature,
ces résultats laissent entrevoir la possibilité chez des patients souffrant de cancer du côlon qu’un
traitement détruisant sélectivement les CSC parvienne à faire fondre une métastase hépatique,
suffisamment pour qu’elle puisse être retirée chirurgicalement en totalité. Ce serait là une avancée
dans la mesure où seule la chirurgie permet d’augmenter la survie. Environ 50 % des patients ayant
un cancer colorectal développent des métastases hépatiques au cours de l’évolution de leur maladie
et 20 % en ont déjà au moment du diagnostic.
Un implant cérébral contre les tics
Sciences et Avenir du 13 avril 2017 par Elena Sender
Une nouvelle étude confirme l’efficacité de la stimulation cérébrale profonde sur le syndrome
Gilles de la Tourette et ses tics involontaires handicapants.
Les tics sonores (vocalisations), gestuels, involontaires et incontrôlables, qui caractérisent le
syndrome de Gilles de la Tourette (SGT), sont un véritable handicap pour les personnes
atteintes. Envoyer des impulsions électriques dans une zone spécifique du cerveau pourrait réduire
les symptômes selon une nouvelle étude du Centre Médical Langone de l’Université de New-York
publiée dans le Journal of Neurosurgery. Cette maladie neurologique à composante
génétique qui apparaît dès l'enfance, touche 1 personne sur 2000. Des traitements (médicaments et
thérapies comportementales) en soulagent les tics les plus envahissants, mais demeurent inefficaces
dans certains cas. Chez ceux-là, les tics extrêmement sévères peuvent mener à des blessures et un
isolement social. Une solution serait une stimulation cérébrale profonde (SCP), qui consiste à
implanter une électrode dans une région cérébrale ciblée et la stimuler en permanence grâce à une
batterie implantée sous la peau. La technique est désormais validée contre la maladie de
Parkinson résistante aux traitements, et en cours d'étude contre les troubles obsessionnels
compulsifs (TOC) et même la dépression sévère.
Contre le syndrome Gilles de la Tourette, plusieurs petits essais d’implantations (160 en tout) ont
déjà été tentés dans le monde, avec des résultats positifs. L’étude de l’université de New York,
menée par Alon Mogilner, apporte aujourd’hui une preuve supplémentaire d’efficacité de la
technique. Treize patients souffrant de SGT réfractaire aux traitements ont été implantés
cérébralement puis suivis, pendant sept ans. Résultats : les patients montrent en moyenne une baisse
de la sévérité des tics de 37 % juste après l’implantation et 50 % à long terme. La moitié des
patients ont vu une amélioration nette tout de suite après l’intervention alors que les autres ont mis
plusieurs mois à voir un bénéfice. Des complications dues à l’implantation ont été observées chez
deux patients qui ont dû être opérés de nouveau. Actuellement, tous continuent à utiliser l’implant.
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La méthode fonctionne et pourtant une question centrale demeure: quelle est la meilleure région
cérébrale à stimuler ? Le SGT serait dû à un dysfonctionnement au niveau des noyaux gris centraux
ou ganglions de la base du cerveau, cependant l'origine exacte est encore mal connue. « Nos
connaissances actuelles suggèrent que même si nous ne connaissons peut-être pas la source exacte
de la maladie, nous savons qu'elle affecte un circuit entier qui se compose de plusieurs nœuds
cérébraux différents, explique Alon Mogilner. Il est donc possible de le traiter via un certain
nombre d'approches différentes en ciblant différents nœuds. »
Résultat : les équipes internationales stimulent au choix jusqu'à 9 régions cérébrales différentes !
Pour celle de New York : « Les conséquence du trouble sont des signaux anormaux envoyés dans
un circuit comprenant le cortex cérébral, le thalamus et les ganglions de base. Le thalamus est une
grande structure dont les différentes parties sont affectées par différents troubles. La partie du
thalamus affectée par le Syndrome Gilles de la Tourette est le thalamus centromedien ». C'est donc
une partie de cette zone qu'ils ont choisi de cibler, celle qui a donné les meilleurs résultats dans les
études précédentes. Les auteurs concluent que leur méthode est un traitement « efficace et
relativement sûr » pour les syndromes Gilles de la Tourette sévères et réfractaires. A quand une
autorisation de la Food and Drug Administration américaine pour l’utiliser en clinique ? « C'est
difficile à dire, poursuit le chercheur. Il faudrait réaliser un grand essai conjoint avec plusieurs
centres de recherche. Mais il peut être difficile de recruter la centaine de patients nécessaire.
L'autre moyen serait que tous les centres puissent regrouper leurs données. Des initiatives sont déjà
en cours. »
Imbroglio sur la validation d’un nouvel essai
clinique
Le Figaro du 19 avril 2017 par Anne Jouan et Aurélie Franc
L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), après avoir
autorisé un nouvel essai sur l’homme il y a un mois, vient de faire machine arrière.
L’Agence du médicament a-t-elle vraiment retenu les leçons du scandale chez Biotrial à Rennes ?
En moins d’un mois, elle vient de se dédire à propos d’un nouvel essai dit de phase 1 (sur l’homme)
: après l’avoir autorisé, elle vient de faire marche arrière.
On se souvient qu’en janvier 2016 un essai clinique neurologique mené pour le compte du
laboratoire portugais Bial par l’entreprise rennaise Biotrial s’achevait prématurément avec la mort
d’un volontaire sain et l’hospitalisation de six autres. L’agence du médicament (ANSM) avait été
pointée du doigt : aurait-elle dû valider cet essai ? Une enquête judiciaire est en cours. Plus d’un an
plus tard, à la mi-mars, l’ANSM en a validé un nouveau. Il a d’ailleurs été annoncé à grand renfort
de trompettes par la presse locale et même qualifié de « formidable espoir pour tous les patients
atteints de lésion de la moelle épinière ». Rien de moins.
Las, selon nos informations, l’ANSM vient de décider, en catimini, il y a quelques jours, de mettre
un terme à cette expérimentation. Elle devait démarrer d’ici le troisième trimestre 2017, porter sur
21 à 36 malades, et durer entre 12 et 18 mois. Un essai mort-né, en somme. Que s’est-il donc passé
? Autorisation avait été donnée pour tester une molécule de la société Neuronax, basée à ClermontFerrand, un traitement censé traiter les patients souffrant de lésions traumatiques de la moelle
épinière en promouvant la poussée et la régénération des axones, les terminaisons des neurones. La
protéine SCO-spondine, sécrétée au cours du développement de l’embryon, est impliquée dans la
mise en place des faisceaux de fibres nerveuses et permettrait de stimuler la croissance des axones.
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Les chercheurs expliquent vouloir utiliser le NX 210, un produit de synthèse dérivé de cette
protéine. Stéphane Gobronancien chercheur à l’Inserm, est l’un des pères de la molécule. Or, il y a
une dizaine d’années, ce dirigeant de Neuronax et le Pr Jean Chazal avaient contacté une équipe de
l’Inserm dirigée par le Pr Alain Privat pour évaluer en laboratoire la capacité régénératrice du
produit. Mais, après trois expérimentations menées avec trois lots différents, il avait été conclu à
l’inactivité du produit. Courroucée, l’entreprise n’avait pas cru bon de rétribuer les chercheurs ayant
conclu à l’inefficacité du NX 210.
Quelques années plus tard, autre affaire, en 2010. Jean Chazal avait obtenu de l’Agence du
médicament l’autorisation de mener en France un essai sur les traumatisés médullaires avec une
autre molécule. Le promoteur était la société allemande XCell, basée à Düsseldorf. Alertée à
l’époque par le Pr Privat des risques d’effets secondaires gravissimes, l’agence française avait
accepté de surseoir à cet essai qui avait néanmoins démarré en Allemagne. En mai 2011, XCell était
dissoute, après la mort de deux patients traités par les cellules-souches. Quant aux dirigeants de
l’entreprise, ils avaient été inculpés.
Enfin, nous voilà en mars 2017. L’ANSM valide donc un essai de Neuronax pour le NX 210. Pour
réaliser cette expérience en Europe, la société de biotech clermontoise devait travailler avec cinq
hôpitaux : les CHU de Clermont-Ferrand, Lyon, Bordeaux, l’hôpital européen Georges-Pompidou à
Paris et les Cliniques universitaires Saint-Luc de Bruxelles. Selon Neuronax, cet essai n’a pas pour
but d’évaluer l’efficacité du traitement, mais d’abord de regarder la tolérance. « Après ce qui s’est
passé dans d’autres essais (comprendre celui de Rennes, NDLR), l’ANSM souhaite désormais que,
lors du test d’une molécule, nous effectuions tout d’abord un essai dit de tolérance. Puis, une fois
que nous sommes sûrs que la molécule est extrêmement bien tolérée, sur les douze derniers
patients, nous pouvons alors évaluer l’efficacité », explique au Figaro le Dr Laurent Sakka,
neurochirurgien, directeur du laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine de ClermontFerrand. Il ajoute que l’objectif de Neuronax n’est pas « de faire remarcher les gens. Nous espérons
qu’il y aura une récupération motrice, sensitive, ou une amélioration de leur état quel qu’il soit ».
À terme, les promoteurs de cet essai ont un rêve : voir les patients remarcher.
Mi-avril, l’ANSM et Dominique Martin, son directeur général, ont finalement décidé, au vu des
informations qui leur ont été communiquées au sujet de tests réalisés sur le NX 210 il y a une
dizaine d’années de mener des « investigations complémentaires ». Il s’agit de vérifier que l’essai
autorisé en mars remplit « les exigences fixées par l’article L. 1121-2 du Code de la santé publique
». Autrement dit : « Aucune recherche impliquant la personne humaine ne peut être effectuée si elle
ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation
préclinique suffisante. » Pourquoi alors avoir autorisé cet essai ? À quoi servent les services en
charge de la validation des essais cliniques ? Pourquoi mener des investigations a posteriori ? Peuton assurer la sécurité sanitaire dans ces conditions ?
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PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES
André Grimaldi : « La maladie chronique
conduit à réaménager sa vie »
Libération du 4 avril 2017 par Eric Favereau
Vieillissement de la population, dégâts environnementaux, progrès médicaux : le nombre de
maladies longue durée explose. Leur prise en charge nécessite une médecine dans laquelle le
rôle du patient sera essentiel, selon l’ex-chef de service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière.
Près de 800 pages, et la contribution de 74 médecins, patients et experts. Une somme, pour
appréhender un nouveau phénomène sanitaire : l’épidémie de maladies chroniques qui touche tous
les pays. VIH, hépatite C, diabète… En France, plus de 20 millions de personnes sont concernées,
dont la moitié sont prises en charge à 100 % par la Sécu au titre des affections de longue durée
(ALD). Le professeur André Grimaldi, ex-chef de service de diabétologie à l’hôpital de la PitiéSalpêtrière, a coordonné l’ouvrage les Maladies chroniques (Odile Jacob)*. Qui tente de jeter les
jalons d’une « troisième médecine ».
Vous dites qu’un tiers de la population souffre de maladies chroniques. N’est-ce pas d’abord
un gigantesque échec de la médecine curative ?
Evidemment oui. S’il y a autant de malades chroniques, c’est que nous ne savons pas les guérir.
Cependant, les patients sont de mieux en mieux soignés, l’espérance de vie, comme sa qualité,
augmentent. Et il y a un fait nouveau : la chronicité renvoyait auparavant à une maladie fixe,
immobile, sans espoir de guérison. Aujourd’hui, on est dans un mouvement incessant, les maladies
chroniques sont tout sauf statiques.
Que voulez-vous dire ?
Le sida, hier, était une maladie aiguë, mortelle ; elle est devenue chronique à la fin des années 90 on vit aujourd’hui avec le sida. L’hépatite C était jusqu’à récemment une maladie chronique à
évolution lente ; on en guérit complètement grâce aux nouvelles molécules. Les grands obèses ? On
peut les opérer, ils perdent 30 kilos et guérissent de leur diabète mais au prix d’une « maladie »
digestive. Quant au diabète, dans sa forme insulino-dépendante, il connaît une mutation complète.
Depuis la découverte de l’insuline en 1921, on a appris à prévenir les complications. Nous avons les
pompes à insuline, on arrivera demain à un pancréas artificiel.
Les maladies chroniques ont-elles toujours existé ? Ou bien sont-elles la conséquence de
la médecine moderne ?
Il y a toujours eu des maladies chroniques. L’épidémie à laquelle on assiste est la rançon du
vieillissement de la population, des dégâts environnementaux, mais aussi des progrès médicaux,
comme on l’a vu pour le sida. Jamais l’évolution n’a été aussi rapide. La maladie apparaît en 1981,
le virus est isolé en 1983 et, en 1996, des traitements efficaces, les trithérapies, sont disponibles.
Dans l’histoire de l’humanité, c’est un record. Il a fallu plusieurs siècles pour comprendre que le
diabète de type 1 était dû à un défaut de sécrétion d’insuline par le pancréas et pour arriver à
extraire, puis fabriquer l’insuline.
Le cancer est-il une maladie chronique ?
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Il y a des cancers que l’on guérit, on parle de « droit à l’oubli », mais ce n’est jamais comme avant
pour le patient. Grâce aux progrès des traitements, le cancer est en train de devenir une maladie
chronique.
Rien ne ressemble moins à une maladie chronique qu’une autre maladie chronique…
C’est exact. La prise en charge de certaines maladies progresse rapidement et d’autres beaucoup
moins. D’ailleurs, on pourrait dire qu’il existe des maladies chroniques où le rôle du patient est
déterminant - comme dans l’hypertension artérielle, l’asthme, la polyarthrite, le sida ou le diabète,
où le patient devient un expert. Et celles dont la prise en charge dépend peu du malade. Dans la
maladie d’Alzheimer que faire ? On est désarmé, aucun traitement n’apporte des améliorations.
Le rôle du patient dans les maladies chroniques est-il différent de celui qui est le sien dans
les maladies aiguës ?
Oui, très différent car la maladie chronique nécessite un réaménagement de la vie. C’est d’abord le
constat pour la personne touchée que sa vie ne sera plus jamais comme avant. Désormais, elle sera
différente des autres. Cela marque psychologiquement et socialement. Dans les maladies aiguës, au
contraire, passé l’épisode, vous retrouvez le fil. « Lorsqu’il est malade, il est devenu autre »,
écrivait Georges Canguilhem dans le Normal et le Pathologique en 1943. On ne s’habitue jamais à
la maladie chronique, on ne perd jamais le sentiment d’injustice et la colère profonde qu’elle
alimente, même si on apprend à faire avec. Le danger, c’est que pour éviter l’anxio-dépression, le
patient adopte des mécanismes de défense psychologique et des comportements empêchant un
traitement correct de la maladie.
Et vous dites que le rôle du patient va être de plus en plus essentiel…
Oui, avec la question de l’observance, c’est-à-dire le fait pour un patient de bien prendre son
traitement et de suivre les règles de prescription. Dans les maladies chroniques, l’observance est une
des clés. Or, elle n’est, en moyenne, que de 50 %. Et c’est un défi. Dans le cas de l’asthme, selon
une étude française récente, 13 % seulement prennent le traitement de fond. Dans le diabète, la
bonne observance varie selon les études de 30 % à 70 %.
Mais comment dès lors améliorer la bonne observance ?
Deux éléments sont déterminants : la gratuité et la relation. Une méta-analyse a montré que
l’observance d’un traitement est liée à la qualité relationnelle que peut avoir le malade avec son
médecin. C’est pour cela que dans la maladie chronique, la relation avec les soignants est un enjeu
essentiel. Au-delà de la confiance, il s’agit de pratiquer la codécision. Cela est possible grâce à
l’éducation thérapeutique du patient et à l’empathie du soignant. Alors que dans une maladie aiguë,
si votre chirurgien est autoritaire, ce n’est pas agréable mais ce n’est pas essentiel.
Et la gratuité ?
Plusieurs études, essentiellement américaines, sont très claires. L’une concerne des malades après
un infarctus : un groupe payait ses médicaments, pas l’autre. Au final, la gratuité améliore
l’observance qui permet d’éviter les rechutes. Finalement, la gratuité revient même moins chère.
La montée en puissance des maladies chroniques et de leurs traitements à vie ne peut
que réjouir l’industrie pharmaceutique…
Son rôle devient essentiel. Vous évoquez les médicaments, mais je parlerai d’abord de tous les
dispositifs médicaux connectés qui apparaissent. Le progrès technologique et médicamenteux va
jouer un rôle considérable. Dans le diabète, avec une simple puce, vous pouvez savoir à tout
moment votre taux de glycémie, plus besoin de vous piquer le bout du doigt. Mais ce nouveau
dispositif n’est pas remboursé. Or il a un coût : 100 euros par mois.
Mais le rôle de l’industrie ne vous inquiète-t-il pas aussi ?
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Il est inquiétant pour un système solidaire comme le nôtre. Notre règle est le juste soin pour le
malade, au moindre coût pour la collectivité. La logique des « big pharma » est différente.
Comment rendre les choses compatibles ? On ne peut pas faire de la rentabilité le seul critère de
l’innovation. Les stratégies commerciales ne sont pas des stratégies de santé publique. Il faut exiger
la transparence des coûts réels.
Vous dites que la montée en puissance des maladies chroniques entraînera l’émergence
d’une « troisième médecine »…
Cette épidémie ne se résoudra pas avec la mise en place d’une nouvelle prestation, mais bien d’une
autre médecine, avec une nouvelle organisation des soins. Le but n’est plus d’aller voir le médecin
tous les mois pour renouveler l’ordonnance. A quoi cela sert-il ? Il faut aller vers une prise en
charge globale, non seulement médicale, mais aussi psychologique et sociale. Et cela nécessitera un
financement global, de nouvelles formations, des lieux nouveaux comme les maisons de santé.
L’infirmier, le généraliste et le pharmacien devraient former le trio de la prise en charge de premier
recours.
C’est ce vers quoi on se dirige…
On y va, mais de façon chaotique et lente. Nous sommes restés sur le modèle de la maladie aiguëbénigne, avec des gestes simples (la première médecine) en ville, ou grave nécessitant des gestes
complexes (la deuxième médecine) à l’hôpital. Deux modèles inadaptés à la maladie chronique. La
troisième médecine ne relève ni d’un exercice isolé ni de la haute technicité. Le modèle adapté est
une médecine intégrée (biomédicale, pédagogique, psychologique et sociale), qui doit être pratiquée
en équipe et coordonnée entre médecins, paramédicaux, personnel administratif, travailleurs
sociaux. Entre la ville et l’hôpital.
Ce modèle ne porte-t-il pas le risque de tout médicaliser, la dépression comme la vieillesse ?
C’est un risque, mais c’est aussi une interrogation. Quelle société construit-on aujourd’hui pour
qu’elle ait autant d’aspects inhumains et pour qu’elle provoque autant de pathologies ?
*Les Maladies chroniques : vers la troisième médecine, d’André Grimaldi, Yvanie Caillé,
Frédéric Pierru et Didier Tabuteau, éd. Odile Jacob, mars 2017, 772 pp., 25 €.
Le dilemme de Magdalena Zernicka-Goetz,
mère et cultivatrice d’embryons
Le Monde Science et Techno du 5 avril
Bernard
2017 par Philippe
La patronne de l’imposant laboratoire de biologie moléculaire de l’université de Cambridge a
poussé jusqu’à treize jours la culture in vitro d’embryons humains. Une percée issue d’une
intuition née pendant une grossesse, tardive et risquée.
Pendant neuf ans, Magdalena Zernicka-Goetz a gardé pour elle son secret. Et puis, soudain,
l’évidence s’est imposée : entre sa vie scientifique et son expérience de mère, l’écho était trop
puissant, trop plein de sens. Au moment où, en mai 2016, était rendue publique la percée
scientifique réalisée par son laboratoire – la culture d’embryons humains in vitro pendant treize
jours –, la patronne du laboratoire de biologie moléculaire de l’université de Cambridge a révélé
publiquement d’où lui était venue l’intuition ayant conduit à cette avancée saluée dans le monde
entier.
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« Je voulais m’adresser non seulement à la communauté scientifique, mais aux gens, aux parents.
Je savais que mon histoire allait les toucher », prévient la scientifique, dont les roulements de « r »
renforcent le charme indéniable. C’était en 2007, elle avait 44 ans et une vie professionnelle si
remplie qu’un deuxième enfant n’était pas au programme. Pourtant, il s’est annoncé. La photo d’un
petit Simon souriant rayonne aujourd’hui dans le bureau de la professeure, dont la décoration n’est
pas banale. Non loin du tableau blanc recouvert de croquis scientifiques, le portrait d’une femme à
la robe constellée d’embryons se détache sur une pluie de spermatozoïdes. Près de la fenêtre trône
une déesse ghanéenne de la fertilité sculptée.
« Une incroyable coïncidence »
Pourtant, l’attente de Simon avait mal commencé. Le test CVS pratiqué au troisième mois avait
décelé de graves anomalies chromosomiques dans 30 % des cellules du placenta. « Quand vous
recevez une aussi mauvaise nouvelle, votre cerveau travaille en accéléré, témoigne Magdalena
Zernicka-Goetz. J’ai voulu positiver, formuler une hypothèse scientifique plausible pour pouvoir
continuer ma grossesse. » Les cellules anormales allaient-elles participer à la formation du futur
bébé ou uniquement du placenta ? Alors que sa grossesse reste encore inconnue de son équipe, elle
remplit une demande de financement pour étudier cette question. Quelques semaines plus tard,
l’amniocentèse révèle un fœtus parfaitement normal. « Par une incroyable coïncidence, explique-telle, j’ai vécu cet épisode horrible et j’ai été en mesure de le canaliser vers une recherche qui peut
finalement rassurer beaucoup de couples. » Dans son laboratoire, elle construit un modèle
comportant des embryons de souris dotés de cellules pour moitié normales et pour moitié
anormales. Tandis que les seules cellules anormales se retrouvent dans le placenta, les cellules
normales, elles, tuent les anormales dans la partie de l’embryon qui générera le corps du fœtus.
D’où un souriceau en pleine forme, comme si l’embryon s’était lui-même réparé. Cette heureuse
issue n’est pas systématique et dépend de la proportion des unes et des autres, tempère-t-elle.
« Lorsque j’ai établi cela après plusieurs années de recherches, c’était trop tard pour moi, préciset-elle. Mais, par bonheur, Simon est absolument normal. J’imagine que c’est ce qui s’est passé pour
lui lorsqu’il était un embryon. » La découverte permet de mieux comprendre les mécanismes de
développement de l’embryon et de prévenir les échecs lors des fécondations in vitro.
« Nous avons tant à faire ! »
Pourquoi avoir rendu publique cette histoire intime ? « Parce qu’elle ne concerne pas uniquement
les scientifiques, et pour que les femmes ne soient pas traumatisées à l’issue d’un test CVS
anormal », dit la chercheuse, tout en insistant sur le fait que « toutes les anomalies décelées à ce
stade ne se guérissent pas. » Des années plus tard, la découverte a permis l’autre percée réalisée par
le laboratoire de Cambridge : repousser de neuf à treize jours la culture in vitro des embryons
humains, cette fois. Publiée en mai 2016 dans les revues britanniques Nature et Nature Cell
Biology, cette recherche va encore plus loin dans la compréhension des anomalies du
développement, bases de futurs traitements médicaux. Elle ouvre la « boîte noire » scientifique que
constitue la deuxième semaine, celle de l’implantation de l’embryon dans l’utérus. « Que se passet-il à ce moment crucial où la grossesse se met en place ?, interroge la biologiste. C’est une énigme
scientifique qui a toujours attisé ma curiosité, comme s’il s’agissait de découvrir une nouvelle
planète. »
Ce grand pas en avant conduit à remettre en cause la limite légale de quatorze jours posée en
matière de recherche sur l’embryon aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. La professeure ZernickaGoetz plaide pour prolonger « de quelques jours » cette échéance, mais pas davantage. « Il a fallu
quarante ans pour comprendre les sept premiers jours, et la possibilité de continuer n’a été ouverte
que l’an dernier. Nous avons tant à faire ! argumente-t-elle. Pour l’instant, nous nous concentrons
sur la période du 7ème au 14ème jour à partir de cellules souches de souris. »
Une sommité scientifique comme père
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L’extraordinaire lien entre l’aventure de sa grossesse et son expertise scientifique conduit
logiquement à interroger l’embryologiste de Cambridge sur le rôle du hasard et de l’intuition dans
la recherche. Surgit alors immédiatement la figure de son père, Boguslaw Zernicki, une sommité
scientifique polonaise dans le domaine du cerveau, disparu en 2002. « Mon père était un pur
rationnel. Il me disait que, pour résoudre un dilemme, il fallait faire un tableau comparé des
avantages et des inconvénients, puis décider. Moi, j’utilise souvent mon cœur, mon intuition, c’està-dire un savoir basé sur une série de choses dont on ignore les racines, comme les expériences de
la vie. Les idées me viennent parfois au cinéma, ou au réveil. Au labo, lorsqu’on teste deux
hypothèses alternatives, je demande toujours à mes collaborateurs de garder les yeux ouverts, car
un troisième événement auquel on n’avait pas pensé peut se produire. J’aime les découvertes dues
au hasard. »
La vocation scientifique de Magdalena Zernicka-Goetz, née dans la Pologne socialiste, n’est
évidemment pas étrangère à ce père humaniste et courageux qui comparait la recherche à une œuvre
d’art et lui a appris à « dire tout haut ce qu’[elle] pense ». Ce qui, admet-elle, lui joue des tours en
Angleterre. A 16 ans, la jeune fille passe pour la première fois le rideau de fer pour accompagner
son père à une conférence à Bruxelles. Attirée un temps par la biologie du cerveau, elle opte pour
l’embryologie « pour ne pas être comparée à lui dont le niveau était inatteignable ». Doctorante de
27 ans, elle décroche « la chance de [s]a vie » : une bourse de la Fondation Soros pour l’université
d’Oxford. Son patron polonais ne veut pas la lâcher, mais Martin Evans et John Gurdon, futurs Prix
Nobel, la recrutent finalement à Cambridge en 1995.
Les contrecoups du Brexit
La Marie Curie britannique y est aujourd’hui à la tête d’un imposant laboratoire implanté dans le
bâtiment même où Robert Edwards, autre Prix Nobel, mit au point la fécondation in vitro. Le nom
des salles, ordonnées autour de sept rangées de paillasses, fait rêver : « injection d’embryon »,
« culture cellulaire ». Protégé par un panneau « entrée interdite », un microscope confocal porte un
caisson à embryons maintenu à 37 °C – « la température de la mère », appuie Magdalena ZernickaGoetz. Quinze chercheurs s’activent. Ils sont italiens, espagnols, polonais, néerlandais, allemands,
chinois, indiens, sud-africains et turcs. « Il y a aussi quelques Anglais », sourit leur patronne, qui se
dit « autant britannique que polonaise. » Tout irait pour le mieux sans le Brexit, qui compromet le
substantiel financement par l’UE – 2 millions d’euros pour 2016-2020 – et ronge le moral de cette
tour de Babel scientifique. Célébrée au Royaume-Uni – elle vient, nouvelle première, de créer des
embryons de souris à partir de cellules souches –, la chercheuse née à Varsovie s’est sentie atteinte
lorsque les immigrés polonais ont été jetés en pâture pendant la campagne du référendum. Elle
craint que ne disparaisse « ce mélange de nationalités et de points de vue qui nourrit [s]a vie » et
n’exclut pas de s’exiler à nouveau si le Brexit compromet ses travaux. En Californie et en
Allemagne, des labos n’attendent qu’elle.
Prix des médicaments innovants contre
le cancer : le système doit évoluer, ou périr
The Conversation du 4 avril 2017 par Thierry Philip*
Le risque de voir s’installer des inégalités entre les patients touchés par le cancer en raison du prix
des nouveaux médicaments n’a pas disparu, au contraire. Il y a plus d’un an, un groupe de
cancérologues dont je faisais partie alertait déjà la ministre de la Santé à ce sujet. L’inflation
continue, de sorte qu’arrivera forcément le moment où l’accès de tous les patients aux anticancéreux innovants ne sera plus possible.
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Il est encore temps d’éviter une situation qui posera un grave problème éthique, à condition de
repenser entièrement le système de régulation du prix des médicaments en France, mais aussi dans
le monde. L’élection présidentielle dans notre pays fournit une occasion unique de s’emparer de ce
sujet. La Ligue contre le cancer, principale association de patients, a d’ailleurs interpellé les
candidats sur ce thème : « Vous engagez-vous à soutenir, en France et en Europe, une remise à plat
du processus de fixation du prix du médicament, avec des objectifs de transparence et de pérennité
de notre système de santé ? » En France, les médicaments anticancéreux utilisés dans les
chimiothérapies, l’hormonothérapie ou l’immunothérapie, représentent une dépense d’un peu plus
de 3 milliards d’euros pour une année. Ce qui constitue 2 % des dépenses de l’assurance-maladie –
ces médicaments étant pris en charge actuellement à 100 %. Chaque année, l’augmentation de leur
prix représente un coût supplémentaire d’environ 200 millions d’euros. Ainsi, la part des dépenses
de l’assurance-maladie allouée au cancer dans son ensemble (y compris chirurgie, radiothérapie,
suivi des patients…) est de plus en plus importante au fil du temps. De 8 % en 2010 (11,5 milliards
d’euros), elle a atteint 10 % (15 milliards d’euros, sur les 159,2 milliards de prestations versées en
2015, selon les chiffres clés de la Sécurité sociale).
80 000 euros par an et par patient pour le Keytruda
Prenons l’exemple de l’immunothérapie, discipline en plein essor consistant à utiliser notre propre
système de défense pour combattre le cancer. Cette nouvelle voie porte en elle de grands espoirs
mais pose aussi, de façon aiguë, la question de l’inflation du coût des médicaments. Un seul
exemple : le Keytruda du laboratoire MSD, utilisé dans le traitement du mélanome (cancer de la
peau) coûte plus de 100 000 euros par an et par patient aux États-Unis. En France, un arrêté au
Journal officiel du 10 janvier en a fixé le prix, pour un montant estimé à environ 80 000 euros par
an et par patient, selon l'évaluation du quotidien La Tribune. Les industriels justifient des tarifs
élevés par leurs dépenses de recherche et développement. Ainsi en France, le LEEM, organisation
qui regroupe les entreprises de l’industrie pharmaceutique, affirme que des dizaines de
médicaments ne franchissant pas la barrière des essais cliniques, le prix doit inclure le coût du
médicament vendu et aussi celui de la recherche sans succès qui a été conduite en parallèle.
Pourtant, dans une tout autre maladie, l’hépatite C, une commission d’enquête du Sénat américain a
montré, dans un rapport publié fin 2015 au terme de 18 mois d’enquête, que le tarif de 40 000 euros
pour un traitement par le Solvadi était totalement déconnecté de la réalité des sommes investies par
son fabricant, Gilead.
La France préfère pour l’instant négocier plutôt que légiférer
Pis, ce tarif était en réalité fixé selon l’unique critère de la capacité de chaque État à l’assumer
financièrement. Pour preuve, la France – qui préfère pour l’instant négocier plutôt que légiférer –
vient d’obtenir au 1er avril une baisse du prix du Solvadi de 41 000 à 28 700 euros. En France,
certains professionnels de santé et des associations de patients comme la Ligue contre le cancer
s’élèvent contre des tarifs injustifiés. Médecins du monde a lancé, à l’été 2016, une campagne de
communication sur ce thème qui a frappé les esprits : « Chaque année en France le cancer rapporte
2,4 milliards » ; « quel est l’un des marchés les plus rentables : la maladie ? » La question est donc
maintenant de savoir ce que l’on peut faire pour stopper cette inflation du prix des nouveaux
médicaments. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de rendre public un
rapport sur les « prix et accès aux traitements médicamenteux innovants », toutes maladies
confondues. Il réclame la « licence d’office », un dispositif réglementaire permettant à un État
d’autoriser l’exploitation d’un brevet par un tiers, sans le consentement du titulaire des droits et à un
coût bien moindre.
La menace de la « licence d’office »
Le candidat de la gauche à l’élection présidentielle, Benoît Hamon, a d’ailleurs déclaré qu’il
pourrait y recourir s’il était élu : « Si jamais certains laboratoires refusent d’entendre raison, je
n’exclus pas de recourir à la licence d’office qui nous permet de faire produire certains
médicaments en générique, beaucoup moins cher ».
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Marine Le Pen, pour le Front national, la cite également dans son programme : « Nous actionnerons
le mécanisme de la licence d’office dans les cas des laboratoires récalcitrants ». Jean-Luc
Mélenchon, pour la France insoumise, a fait également référence explicitement à cette disposition
lors d'un meeting à Châteauroux le 2 avril. Pour ma part, puisque les citoyens aussi bien que les
entreprises pharmaceutiques réclament de la transparence, je propose de répondre : « Chiche ! »
Actuellement, les laboratoires pharmaceutiques externalisent les stades amont de leur recherche
dans la plupart des pays industrialisés. Ils travaillent avec des start-up – issues le plus souvent de la
recherche publique – qui deviennent par la suite des sociétés de biotechnologies. Ils recourent aussi
à des sous-traitants, au sens plus classique du terme. Comme les technologies sont rapidement
obsolètes, les laboratoires préfèrent en effet pouvoir changer de partenaire et traiter avec les
entreprises les plus en pointe, pour un coût d’investissement et de fonctionnement très inférieur.
Des fermetures de sites industriels
La transparence, chiche ! Qu’on donne les montants des économies réalisées par les laboratoires
pharmaceutiques avec les fermetures de sites industriels, conséquence de cette sous-traitance. La
cession du site de GSK aux Ulis, en région parisienne, combien d’euros d’économies ? La
fermeture du site de Roche à Strasbourg, combien d’économies ? La fermeture du site de Sanofi à
Toulouse, combien d’économies ? Idem pour la fermeture des sites d’Astra-Zeneca à Montréal
(Canada) et de Roche aux États-Unis comme en Europe. Novartis, Pfizer, Roche, Sanofi, Merck,
Johnson & Johnson, GSK, Astra-Zeneca, expliquez-vous : vos installations délocalisées, combien
d’économies ? Mettons les chiffres sur la table et examinons ensemble les coûts, en toute
transparence. Si ces chiffres ne devaient pas être mis sur la table, le futur gouvernement pourrait
explorer une autre voie avant de dégainer la « licence d’office », sorte d'équivalent dans la santé de
l'article « 49.3 » dans la vie politique, qui mettrait fin brutalement à la discussion. À défaut de
transparence, il pourrait réclamer la concurrence.
Un prix du médicament très réglementé
En France comme dans la plupart des autres pays, les médicaments innovants ont aujourd’hui un
prix très réglementé. Pour être commercialisé, un médicament doit être autorisé par l’Agence
nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Son prix est ensuite déterminé par
l’Union nationale des Caisses d’assurance-maladie et le Comité économique des produits de santé.
Dans ce contexte, le marché ne joue aucun rôle. Et si on laissait les hôpitaux et cliniques décider du
prix qu’ils acceptent de payer pour un médicament donné ? Sachant que les établissements
conserveraient, par ailleurs, un budget réglementé. Il est probable que les prix baisseraient alors
considérablement. On ne traiterait plus sur un pied d’égalité un médicament contre le cancer qui fait
gagner – modestement – trois mois de survie, avec un produit d’immunothérapie qui révolutionne
une maladie et guérit des malades jusque-là incurables. La concurrence amènerait à évaluer le
service réellement rendu par un médicament et c’est, de mon point de vue, une évolution
inéluctable. Pour en revenir à l’oncologie, le coût de la recherche et développement a diminué dans
cette branche de l’industrie pharmaceutique, contrairement à ce qu’affirment les fabricants. En
effet, ces derniers se retirent progressivement de la recherche fondamentale. Les molécules
innovantes sont aujourd’hui essentiellement le fruit de la recherche publique, payée par les citoyens
avec leurs impôts. Par ailleurs, les médicaments innovants sont mis sur le marché de plus en plus
vite, ce qui réduit les coûts et augmente d’autant la durée d’exploitation des licences avant que le
brevet ne tombe dans le domaine public.
Un système de régulation qui ne régule plus
Notre système de régulation des prix ne régule plus. La conclusion est évidente : il faut en changer.
L’Alliance européenne de santé publique (EPHA) qui regroupe des organisations sans but lucratif,
des ONG de santé publique, des groupes de patients, ou des professionnels de la santé, demande la
création d’un système de recherche et de développement orienté vers les besoins mondiaux de santé
publique. Ce nouveau système doit réussir à fournir des médicaments de qualité, accessibles à tous,
à des prix abordables.
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De mon point de vue, il faut envisager de mobiliser le G7, le groupe de discussion des grandes
puissances économiques, sur la mise au point d’un dispositif transparent à l’échelle mondiale,
incluant les financements publics nécessaires pour soutenir la recherche et le développement
pharmaceutique axé sur les besoins réels. Il faudra ensuite dissocier les coûts de recherche et
développement financés par le secteur public et ceux financés par les industriels. Ainsi les citoyens
n’auront plus à payer deux fois pour la même chose comme c’est le cas actuellement : une fois pour
la recherche en amont du médicament, et une seconde fois pour se le procurer.
À quand un comparateur des prix du médicament ?
Il restera à fixer un tarif abordable à l’aide d’un observatoire international, en accès libre, qui
comparerait en temps réel les prix d’un même médicament d’un pays à l’autre. Il pourrait être une
sorte de « comparateur » à l’échelle mondiale. Cette exigence de transparence est légitime. Il n’est
pas normal qu’en Europe, on ne puisse obtenir des informations auxquelles le Sénat américain, lui,
accède. Et si on regardait, aussi, du côté d’une association à but non lucratif comme l’AFMTéléthon ? Dans les myopathies, l’AFM a découvert de nouvelles molécules dans ses propres
laboratoires, puis les a fabriquées à prix coûtant pour les mettre à disposition des patients qui les
attendaient. C’est un exemple dont on ne parle pas assez. Si le non-lucratif est un modèle efficace
pour des maladies rares dans lesquelles les industriels ne veulent pas investir, pourquoi ne
fonctionnerait-il pas aussi pour des maladies plus fréquentes ? À l’heure d’un changement impératif
de système, nous avons le choix entre trois solutions : la transparence, la concurrence et… la licence
d’office. La menace d’imposer la licence d’office, brandie par des candidats à la présidentielle et
par le CESE, a au moins un mérite. Celui de rendre plus désirable, pour les industriels, la solution
immédiatement applicable de la transparence. Laquelle est susceptible d’entraîner très vite, à elle
seule, des prix abordables pour les médicaments innovants.
*Médecin cancérologue, professeur des universités en oncologie médicale, président, Institut
Curie. Maire du 3ème arrondissement de Lyon et vice-président de la métropole de Lyon.
L'homme augmenté, fantasme d'un monde qui
rêve d'abolir la mort... de quelques privilégiés
Le Figaro du 5 avril 2017 par Vianney Passot
Elon Musk, le patron de Tesla, a lancé fin mars son entreprise Neuralink, dont le but est
d'augmenter le cerveau humain en lui ajoutant une intelligence artificielle. Pour Mathieu
Terence*, l'idéal transhumain prôné par l'homme d'affaires relève d'une idéologie liberticide.
Elon Musk, le patron de Tesla et Space X, a annoncé fin mars le lancement de Neuralink, une
entreprise destinée à augmenter le cerveau humain au moyen d'implants cérébraux. Le
cyborg est-il une réalité de demain?
Elon Musk est, avec Mark Zuckerberg, l'un des principaux argentiers du transhumanisme. Rien
d'étonnant à cela. La Silicon Valley a repris le flambeau, en Californie, du millénarisme que
prônaient il y a quarante ans les tenants du New Age à San Francisco. Simplement leur idéal est aux
antipodes de celui, mystique, spirituel et anti-consumériste de ces oncles spirituels. Il est scientiste,
matérialiste, et ultra-libéral. Au fond, rien là que de très logique : le self made man absolu, tel que
Musk l'incarne de façon relative et triomphante, est bel et bien le transhumain. Cet IGM (individu
génétiquement modifié) fait de sa personne sa propre petite entreprise dont l'unique but consiste à
être le plus rentable possible dans le monde dans lequel il doit s'intégrer.
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L' « homme augmenté », que les neurosciences et le génie génétique rendent plausible aujourd'hui,
est le fantasme d'un monde qui, au lieu de savoir donner à vivre une vie vraie, complète, libre,
choisie, ou même simplement digne, à l'ensemble du genre humain, a pour but d'abolir la mort de
quelques ressortissants, privilégiés.
Votre dernier ouvrage s'intitule Le transhumanisme est un intégrisme. Pourquoi ce titre?
Les valeurs ultralibérales sont celles que promeut le transhumanisme. L' « Homme augmenté » est
un homme dont toutes les performances doivent être accrues pour mieux fonctionner dans la société
mondialisée dont il n'est plus que la matière première vaguement hédoniste, sous anesthésie
financière, salariée ou indemnisante. Toute utopie propose un nouveau monde en fonction des
valeurs dominantes du précédent : jeunesse, efficacité, rentabilité sont celles qu'incarnerait le
transhumain. Aucune religion n'a osé rêver inculquer ses dogmes jusque dans la chair, le corps, les
gênes de ses adeptes : le scientisme 2.0 du transhumanisme à la Elon Musk (en France à la Laurent
Alexandre ou à la Luc Ferry), scientisme qui ne s'embarrasse pas de scrupules avec l'eugénisme, va
jusque-là en programmant, selon sa propre idéologie, les individus à naître, en modifiant les wonder
boys ou girls qui croient que la réponse au néant qui les taraude est de l'ordre de la quantité et non
de la qualité. Voilà pourquoi je qualifie la doctrine transhumaniste d'intégriste dans un texte bref qui
en fait la généalogie et qui en sonde les prophéties.
Avec le développement exponentiel de ce genre de technique, à l'heure d'Internet et du Big
Data, a-t-on atteint un point de basculement anthropologique ?
Le diagnostic sur l' « arraisonnement » de la nature par la technique, pour ne pas remonter à
Prométhée ou Héphaïstos, ne date pas d'hier. Heidegger, Berdaïeff, Bernanos, Anders, Hamsun,
plus récemment Sloterdijk, ont pensé cette détermination. A ma modeste mesure, dans mes essais et
mes fictions, j'aborde ou médite (pardon pour le grand mot) un changement, en effet d'ordre
anthropologique, que j'appelle Technosmose : le moment où la technologie entre en synergie, en
symbiose, avec la vie, et où la technique peut être perçue comme une sécrétion du vivant qui assure
sa pérennité selon le nouveau contexte écologique à quoi correspond l'anthropocène. Au début du
vingtième siècle, de façon remarquablement coïncidente, l'homme a acquis la maîtrise de l'atome et
du gêne. De créature à la vie naturelle, il passe au statut de créateur de vie artificielle. Cet hybris
pose question. La réalité de ce changement est incontestable. Il s'agit plutôt de questionner quel
visage univoque on veut lui donner et qui est ce « on » qui prétend savoir très précisément quel est
le futur qui doit nous échoir « inéluctablement ».
La machine transhumaniste s'est-elle emballée ? Peut-on encore fixer des limites, ou est-ce
trop tard ?
Il ne faut pas imaginer pouvoir endiguer un processus technique qui a acquis, de mutation en
mutation, la tournure d'une évolution d'ordre zoologique. On peut par contre démasquer l' idéologie
qui tient aujourd'hui à lui donner une forme bien précise, sous le sceau d'une perfection qui n'a
jamais été le synonyme, et qui est plutôt le contraire, du beau, du bien et du vrai.
Le fantasme de la fusion entre l'homme et la machine est-il réalisable ? Quels dangers pour
l'humanité ?
Il n'y a jamais qu'un risque à redouter d'une idéologie en général et du scientisme ultra-libéral en
particulier, mais ce risque est fatal : la perte de la liberté. En l'occurrence : en éradiquant tout hasard
dans le processus du vivant on est sûr de perdre toute possibilité de liberté dans le destin d'un sujet.
On peut laisser aux fétichistes du « progrès » le rêve de ce monde parfait. De mon côté, sans y
croire, j'attends le « transhumaniste » qui défendra le projet d'un nouvel humain plus paresseux,
moins docile, plus intraitable, plus laid, plus imperméable à toute idée de célébrité, plus hostile à
l'injustice, plus mélomane que Musk n'est mégalomane.
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*Ecrivain à l'œuvre déjà forte d'une quinzaine d'ouvrages, Mathieu Terence a été couronné
par l'Académie française pour ses nouvelles. Son essai, Le transhumanisme est un intégrisme,
est paru le 7 octobre 2016 aux éditions du Cerf. Son nouvel ouvrage, De l'avantage d'être en
vie, paraît dans quelques jours chez Gallimard.
Dépakine : au moins 14 000 victimes, selon une
estimation non-officielle
Allo Docteurs avec AFP du 6 avril 2017
La Dépakine® et les autres formes de ce médicament ont fait au moins 14 000 victimes,
estiment Marine Martin, présidente d'une association d'aide aux victimes (Apesac), et
l'épidémiologiste Catherine Hill, dans un livre paru ce 6 avril. Ces chiffres sont dévoilés alors
qu'aucune estimation officielle exhaustive n'est encore disponible. Marine Martin sera
aujourd'hui l'invitée du Magazine de la santé, à 13h40, sur France 5.
« On peut raisonnablement estimer que 14 000 personnes ont présenté des atteintes causées par
l'exposition in utero au valproate de sodium », la molécule active de la Dépakine®, conclut cette
étude, qui figure en annexe du livre de la présidente de l'Apesac, Marine Martin, "Dépakine, le
scandale sanitaire" (éditions Robert Laffont). Ce médicament est commercialisé en France depuis
1967 pour le traitement de l'épilepsie (sous la marque Dépakine®, de Sanofi, ainsi que sous des
marques génériques), et depuis 1977 pour les troubles bipolaires (Dépakote® et Dépamide®). Il est
aujourd'hui sur la sellette en raison de sa dangerosité pour le fœtus lorsqu'il est pris par une femme
enceinte. On estime qu'il y a un risque de l'ordre de 10 % que l'enfant naisse avec des
malformations physiques, ainsi qu'un risque de 30 % à 40 % d'atteintes neurologiques, se traduisant
par des troubles autistiques, des retards intellectuels ou des difficultés de coordination.
Les seuls chiffres officiels, publiés en août 2016 par l'Agence du médicament (ANSM) et
l'Assurance maladie (CNAM), font état de 14 322 femmes « exposées » au valproate de sodium
pendant leur grossesse entre 2007 et 2014, qui ont donné naissance à 8 701 enfants vivants. La
proportion de ces enfants atteints de troubles n'a pas été précisée. Auparavant, en février 2016,
l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait évalué « entre 425 et 450 » le nombre
d'enfants nés avec des malformations entre 2006 et 2014 après une exposition in utero au valproate.
Une nouvelle étude menée par la CNAM et l'ANSM doit évaluer le nombre d'enfants nés avec des
malformations physiques après une exposition à un antiépileptique entre 2011 et 2014. Initialement
annoncée pour « avant la fin de l'année » 2016, elle n'a toujours pas été rendue publique.
Pour estimer le nombre total de victimes, Catherine Hill, épidémiologiste à l'institut GustaveRoussy, s'est basée sur les données disponibles (ventes du médicament depuis 1983, nombre de
grossesses et de naissances pour 2007-2014). Elle a ensuite extrapolé à l'ensemble de la période et
retenu l'hypothèse d' « environ 40 % » d'enfants atteints, « dans l'ignorance de la fréquence de
l'association des deux types de problèmes » (physiques et neurodéveloppementaux). Dans une
estimation précédente, moins détaillée, l'épidémiologiste avait évoqué « plus de 12 000 » enfants
nés avec des séquelles. L'estimation de 14 000 victimes est encore « prudente », a expliqué
Catherine Hill à l'Agence France Presse, notamment parce qu'elle a fait l'hypothèse que le rapport
entre le nombre de boîtes vendues et le nombre de grossesses exposées entre 1967 et 2006 était le
même qu'en 2007. Or « il est possible qu'il y ait eu plus » de grossesses exposées, car les
précautions à prendre étaient encore moins connues avant cette date.
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Scandale de la Dépakine : les années de
combat d’une épileptique
Le Figaro du 10 avril 2017 par Jean-Luc Nothias
Marine Martin raconte dans des détails touchants ces années avec ses hauts et ses bas, ses
défaites et ses victoires, pour déplacer des montagnes.
Dans un livre, Marine Martin dénonce la négligence des médecins, de l’industrie phamaceutique et
des pouvoirs publics concernant l’information sur les effets de cet antiépileptique, qui aurait fait au
moins 14 000 victimes. Elle est celle par qui le scandale arrive. Elle est l’emmerdeuse,
l’empêcheuse de tourner en rond. La dénonciatrice, l’accusatrice, la pourfendeuse… Grande gueule,
même pas médecin. Pourtant, même maintenant qu’elle est « célèbre », elle ne se voit pas comme
cela. Elle ne savait pas qu’elle avait cela en elle. C’est avant tout une mère qui défend ses enfants à
qui on a fait du mal et par la même occasion défend d’autres mères, d’autres familles. C’est ce que
Marine Martin, 44 ans, raconte dans Dépakine, le scandale. Sept années de combat qui vont
conduire cette éducatrice de l’Éducation nationale, mère de deux enfants, que rien ne prédisposait
avec un nom si commun, une vie du côté de Perpignan dans les Pyrénées-Orientales si « normale »,
à se révolter et à prendre la tête d’un combat titanesque.
Marine Martin est traitée pour une épilepsie depuis qu’elle a 10 ans. Deux fois par jour, tous les
jours de l’année, elle avale des pilules. Cela ne l’empêche en rien de se marier. Ce n’est pas qu’elle
a un caractère inquiet, mais elle est prudente et avec tous les médecins qu’elle voit, elle pose
toujours la question de son épilepsie et de son traitement. « Ne vous inquiétez pas… » La réponse
devenue antienne berce ses consultations. Comme toute mère aussi, elle est très attentive à ses
enfants, à leurs comportements. Contrairement à Salomé, l’aînée, Nathan est un bébé difficile, puis
un petit garçon manifestement en retard pour parler, marcher… La vie de la famille est compliquée,
stressante, anxiogène… Internet est une source d’informations, sur l’autisme par exemple ou sur
tout autre moyen d’identifier les troubles de Nathan. Ce sont les mots « médicaments »,
« dangereux » et « grossesse » qui vont faire voler en éclats sa vie. « Un jour de l’automne 2009, je
les ai tapés les uns à la suite des autres sur Internet. C’était un après-midi magnifique (…). La
maison était vide, les enfants étaient à l’école (…). En une fraction de seconde, le monde s’est
effondré. Il a suffi d’un clic. » La jeune mère comprend qu’on lui a menti : sciemment, par
incompétence, par cupidité ? Pourtant, tout est là, tout est connu, tout est décrit concernant les
risques de la prise de l’antiépileptique pendant la grossesse. Après l’incrédulité, le désespoir, vient
la colère. Et c’est début 2011 que vient le temps de l’action. Marine Martin raconte très bien et dans
des détails touchants ces années avec ses hauts et ses bas, ses défaites et ses victoires, pour déplacer
des montagnes.
Elle rêve alors parfois d’être Élise Lucet ou le Dr Irène Frachon, la médecin du Mediator. Elle rêvait
que le scandale de la Dépakine sorte dans le journal Le Monde. C’est Le Figaro, comme pour le
Mediator, qui portera cette histoire au grand jour. Le résultat est extraordinaire : l’information sur
les dangers de la Dépakine chez la femme enceinte est largement diffusée, les conditions de
prescription ont changé, le ministère a été secoué tout comme l’industrie pharmaceutique et un
fonds d’indemnisation des victimes sera bientôt opérationnel. Sacré Marine…
Dépakine, le scandale Marine Martin, Éd. Robert Laffont. 240 p., 19,50 €.
Anne Bert : celle qui veut mourir vous salue
Libération du 12 avril 2017 par Nathalie Rouiller
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Atteinte d’une maladie incurable, cette auteure de livres érotiques plaide pour le droit à
l’euthanasie auprès des candidats à l’Elysée.
« C’est une petite chèvre, Anne, un daguet. Ça peut être beaucoup plus dangereux qu’un cerf »,
nous glisse Rémy Guichard, le mari d’Anne Bert, les pouces enfoncés dans l’estomac, au point
d’impact des cornes. Vrai qu’elle est tenace cette femme de 59 ans, atteinte de la maladie de
Charcot. Dans la cacophonie à casseroles de la présidentielle, elle a écrit une lettre ouverte aux
candidats, leur demandant de se positionner clairement sur la fin de vie. Elle se sait condamnée.
Incurable et évolutif, le mal attaque ses neurones, la paralysant inexorablement. Alors, ce combat,
son dernier, la secrète autoproclamée doit le mener vite, au son éphémère des tambours
médiatiques.
Les équipes de Mélenchon, de Hamon et de Macron lui ont répondu. Le leader de la France
insoumise prône le droit à éteindre la lumière, l’élu PS parle d’aide médicale et de mort dans la
dignité et En marche est à l’arrêt sur la question. Lassalle souhaite la rencontrer. Déterminée à
trucider les concepts judéo-chrétiens de la souffrance rédemptrice, hissant haut l’étendard de la
liberté de choix, Anne Bert entend décider de sa mort. Sur le sujet, la France n’a fait que gribouiller
des mots d’excuse autorisant, pour les patients en fin de vie, la sédation jusqu’au décès, quand la
Belgique a eu l’intelligence de légaliser l’euthanasie. Le jour venu, c’est donc outre Quiévrain
qu’un médecin lui injectera le produit létal.
Epicurienne, la native de Bordeaux aime la vie. Sa famille, ses amis, la fête et les discussions à
bâtons rompus. Les lumières changeantes et les ciels troués. Derrière sa longère, tout près de
Saintes, lilas et herbes folles exhalent leurs violences printanières. Malgré ses bras figés, ailes
brisées du souvenir d’elle, on l’imagine très bien virevoltant entre ses convives, aimantant les
regards, bousculant les interlocuteurs jugés frileux. Ecrivaine et directrice de collection érotique,
Anne Bert était une cuisinière hors pair, aux recettes classées sans suite. « Elle ne faisait jamais
deux fois la même chose », dit en souriant son mari, salivant à l’évocation d’une anguille
d’anthologie, cuite au vert. Avec un « t », précise-t-il avec humour. Un ami avoue que l’amatrice de
bons vins a largement contribué à vider sa cave.
Que reste-t-il de ces plaisirs ? Elle ne se plaint pas, même si le chagrin affleure. Sur le calepin de
ses activités, le blanc gagne. Oublié, la salle de sport, la natation ou le vélo. Oublié, les livres,
difficiles à manipuler. Seule la contemplation des images, celles de Hopper ou Hokusai, soulage
a minima le chaos de l’esprit. Depuis un cancer surmonté sans épisode dépressif, la méditation
l’aide. Elle parle du temps étrangement suspendu, distendu dans le présent. Bobo éclectique, elle se
branche volontiers sur France Inter ou France Culture, écoute de l’opéra, du classique comme du
jazz. Mais le quotidien s’étiole. Et le secret s’enfuit. « Une de mes plus grandes souffrances, c’est
d’être dépendante. Moi qui déteste qu’on me colle, je suis désormais assistée tout le temps. » Sous
le pull à grosses mailles, l’aigu des épaules trahit l’avancée du mal. A l’inverse le discours,
structuré et infusé d’autodérision, fait oublier Damoclès et cette fichue épée.
Depuis la publication de sa lettre, réactions et témoignages s’accumulent. Peu de charlatans à
poudre de perlimpinpin, beaucoup de jeunes bouleversés, quelques malades en phase terminale qui
disent leur désir de vivre encore un peu. Entendons-nous bien. Anne Bert lutte pour qu’existe
légalement la possibilité de recourir à l’euthanasie. Agnostique, elle ne souhaite à personne de subir
ce qu’elle endure, mais conçoit que, pour des questions religieuses ou éthiques, on n’envisage pas
de s’échapper avant l’heure. Elle manipule avec précaution le terme de dignité, mais ferraille
volontiers contre ceux qui pourraient l’accuser d’égoïsme. Aux opposants, qui serinent des « avezvous pensé à ceux qui vous aiment et qui veulent que vous ne les quittiez pas ? » elle rétorque
qu’elle s’est toujours « questionnée sur l’égoïsme de ceux qui exigent que les souffrants et
agonisants acceptent leur chemin de croix par amour pour eux ».
L’enfance se passe aux quatre coins de la France et aussi en Belgique. Issue d’une petite
bourgeoisie aux valeurs assez strictes, la famille se délocalise au gré des affectations du père,
directeur commercial. Les trois enfants développent leur capacité d’adaptation.
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L’internat, au lycée Grand-Air d’Arcachon, marque pour l’adolescente le début de l’émancipation,
conscience politique précoce nourrie d’idées anarchistes et libertaires. Bac littéraire en poche,
l’amoureuse des mots se cherche. Elle assiste un chirurgien, s’égare dans un premier mariage, gère
un hôtel-restaurant. Divorce et exerce des jobs alimentaires. Jusqu’à ce que, chargée de tutelle au
tribunal de Saintes, elle s’implique dans la protection des majeurs. Son deuxième mari est formateur
dans le secteur bancaire. Il a deux fils. Ensemble, ils auront une fille, Roxane, aujourd’hui
journaliste à Paris.
En 2009, dans une émission radio, elle évoquait sa peur de vieillir. Ce n’était pas la mort, le cœur
qui oublie de battre, mais bien le lent délitement du désir qui l’effrayait. Sa maladie l’a précipitée
dans le renoncement. Elle s’est aperçue que la séduction était « une sacrée dictature, dont le
féminisme ne nous a pas libérées ». Lectrice curieuse, elle apprécie les auteurs qui la chamboulent
ou l’emmènent sur des chemins cabossés. Cite Pascal Quignard ou l’Art de la joie de Goliarda
Sapienza. Ses écrits traitent de « l’intime ». Sexe, désir, jalousie, prostitution, les thématiques disent
le rapport au corps et le droit à en disposer librement.
Selon un récent sondage Ifop, 95 % des personnes seraient favorables à l’euthanasie. François
Hollande en avait fait une promesse électorale. Abandonnée en fond de tiroir. Du président sortant,
pour lequel elle a voté, Anne Bert dit : « Je lui en veux énormément. C’est de sa responsabilité si je
suis dans cette situation de hors-la-loi. » Elle juge la campagne actuelle vulgaire, ne s’y retrouve
nulle part. Si le vote blanc était comptabilisé, elle n’hésiterait pas. Pour que son combat ne joue pas
les soufflés flapis, il faudrait que des personnalités politiques l’incarnent. Qui seront les Badinter ou
les Simone Veil de cette cause ? Jean Leonetti, auteur de la loi actuelle, a réaffirmé sa position. A la
liberté individuelle, il oppose une hypocrite « solidarité collective ». Captive d’un corps qui
lentement l’emmure, Anne Bert garde la force de s’indigner. Même si sous les cornes pointent la
lassitude et le besoin d’apaisement. Car, intérieurement, la femme est tout simplement fracassée.
15 mars 1958 : Naissance à Bordeaux. 1983 Rencontre son deuxième mari.
2009 : L’Eau à la bouche (La Musardine).
2011 : Perle (Blanche).
2015 : Diagnostic de sa maladie.
Janvier 2017 : Lettre ouverte aux candidats.
« Marisol Touraine prend une grosse
responsabilité en ne déremboursant pas les
médicaments anti-Alzheimer »
La Croix du 12 avril 2017 par Pierre Bienvault
Le président du syndicat de généralistes MG-France, le docteur Claude Leicher, critique la
décision du ministère de maintenir le remboursement de médicaments qu’il juge sans
efficacité et non dénués d’effets secondaires.
Que pensez-vous de la décision de Marisol Touraine, confirmée dans un communiqué du 11
avril, de maintenir, au moins dans l’immédiat, le remboursement des médicaments contre la
maladie d’Alzheimer ?
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En octobre, la Haute Autorité de santé (HAS) avait pourtant estimé « l’intérêt médical de ces
médicaments (…) insuffisant pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale ».
En octobre, nous avions salué cet avis de la commission de la transparence de la HAS. Et
aujourd’hui, c’est une réelle déception de voir que la ministre ne suit pas cette préconisation de
déremboursement. Ces médicaments n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité et ils ont des effets
secondaires qui ne sont pas anodins, notamment sur le plan cardiovasculaire. Et je pense que
Marisol Touraine prend une grosse responsabilité en ne suivant pas la HAS sur ce dossier. Cette
responsabilité est aussi celle des médecins qui continuent à prescrire ces molécules. Un jour, on
pourra très bien avoir un patient qui va décéder d’un problème cardiovasculaire. Et personne ne
pourra dire que le risque n’était pas connu.
La plupart des neurologues et des gériatres défendent ces médicaments en affirmant que,
prescrits à bon escient, ils auraient un bénéfice significatif chez une partie des patients. Ils
affirment aussi qu’un déremboursement serait un signal négatif adressé aux malades et aux
familles. Selon eux, c’est le fait qu’il existe des médicaments qui incitent les personnes
concernées à venir consulter et à pouvoir ensuite bénéficier d’une prise en charge globale…
Cet argument est celui de l’association France Alzheimer qui, à mon sens, se trompe de combat
dans cette affaire. C’est aussi ce que disent les médecins des Centres mémoire qui, depuis des
années, ont toujours la même politique : faire un dépistage le plus précoce possible des patients
pour pouvoir leur proposer des médicaments. Mais est-ce bien d’utile d’annoncer très tôt un
diagnostic comme celui d’une maladie d’Alzheimer quand, derrière, on propose des molécules qui
ne sont pas efficaces ? Et puis il est quand même étrange de considérer que le seul signifiant d’une
consultation médicale est le médicament. Ce qui est bénéfique pour les patients, c’est d’abord de
répondre à leur souhait de rester à domicile où ils ont tous leurs repères, avec un maintien de
relations sociales et amicales. Certes, cela ne permet pas de guérir la maladie mais cela ralentit
l’évolution des troubles cognitifs.
Un rapport, remis au ministère le 11 avril par le professeur Michel Clanet, montre une baisse
des prescriptions de ces molécules. En 2015, ils étaient prescrits à 26 % des patients ayant une
maladie d’Alzheimer ou des syndromes apparentés contre 31 % deux ans plus tôt. En 2015,
l’assurance-maladie a remboursé ces produits à hauteur de 90,3 millions d’euros contre 205,7
millions en 2012. Cette évolution doit vous réjouir ?
Cela montre que de plus en plus de médecins ont pris conscience qu’il n’est pas raisonnable ni utile
de prescrire ces traitements. Mais il faut maintenant passer à l’étape du déremboursement et utiliser
ces 90 millions dépensés par l’assurance-maladie pour renforcer le soutien aux aidants qui sont
aujourd’hui bien plus utiles pour faire face à la maladie d’Alzheimer que les médicaments.
Ce rapport fait aussi le constat que les généralistes n’assurent pas toujours suffisamment le
« repérage » des premiers troubles cognitifs chez ces patients. Et il évoque l’idée que ce
repérage soit fait par un professionnel de santé non-médecin dans le cadre d’une délégation
de tâches. Y seriez-vous favorable ?
Tout d’abord, je tiens à dire que les généralistes sont très impliqués dans la prise en charge des
patients âgés et atteints de troubles cognitifs. C’est notre quotidien. Pour le reste, nous ne sommes
pas opposés à travailler en bonne intelligence avec des infirmières sur ce type de mission.
D’ailleurs, nous réclamons l’extension du dispositif Asalee (« Action de santé libérale en équipe »).
Il permet à un généraliste de travailler en collaboration avec une infirmière qui va assurer, par
exemple, le suivi des personnes diabétiques mais aussi réaliser certains dépistages, comme celui des
troubles cognitifs. Aujourd’hui, beaucoup de médecins voudraient s’engager dans ce dispositif.
Mais le ministère n’a prévu que 400 postes d’infirmières sur toute la France alors qu’il en faudrait
4 000.
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L’hôpital, l’intelligence artificielle et le patient
Le Monde Economie du 14 avril 2017 par Vincent Giret
Dans sa chronique, Vincent Giret, journaliste au « Monde », explique la démarche des
économistes Nicolas Bouzou et Christophe Marques qui se penchent sur les moyens
nécessaires à la transformation de l’hôpital pour en faire profiter le plus grand nombre.
Un lieu unique, vital, ultrasensible est entré dans l’ère des innovations radicales. Un cas d’étude,
autant qu’une métaphore : l’hôpital. Les nanotechnologies, les biotechnologies, le big data et les
sciences cognitives (NBIC), ces quatre domaines de recherche à l’essor fulgurant, ont fait entrer la
santé et notre système de soin dans une « grande transformation ». Avec une promesse réjouissante,
l’avènement d’une médecine à l’efficacité décuplée. Comment adapter et réinventer au plus vite
l’hôpital pour en faire profiter le plus grand nombre ? Dans une note passionnante (« Hôpital:
libérer l’innovation », Fondapol), deux économistes ont tenté de prendre la mesure concrète de ces
innovations « disruptives » et surtout d’identifier les leviers de transformation.
Leur démarche est originale. Nicolas Bouzou et Christophe Marques ne sont pas partis de
l’approche classique – comptable – mais des technologies elles-mêmes. En renversant la logique,
ces experts en microéconomie n’oublient pas pour autant les contraintes financières, mais ils placent
au cœur de leur démarche les usagers de l’hôpital : les patients d’abord, mais aussi les médecins et
les personnels de l’institution. « Les avancées attendues en télésanté, en intelligence artificielle et
en génétique vont propulser l’avènement d’une médecine plus prédictive, préventive, personnalisée
et participative », écrivent les auteurs. La télémédecine va d’abord permettre un accès au soin « de
partout et à tout moment ». L’e-santé recouvre l’ensemble des usages numériques au service de la
prévention et de l’offre de soins. Elle englobe à la fois des applications grand public pour
smartphone, des actes de télémédecine ou encore l’usage de systèmes d’information par les acteurs
de santé. Premier constat : la télémédecine est sous-développée en France. C’est pourtant un outil
décisif pour combattre la désertification médicale. « Les visio-consultations deviendront la
principale porte d’entrée des parcours de soins », estiment ces économistes.
Deuxième constat, les hôpitaux alimentent de formidables bases d’informations cliniques quasiment
inexploitées : « Leur partage sécurisé et leur traitement à grande échelle par le big data et
l’intelligence artificielle permettraient d’améliorer sensiblement la compréhension des
déterminants du succès, comme de l’échec, des prises en charge. » Dans bien des cas,
« l’intelligence artificielle supplantera l’expertise humaine ». L’arrivée fulgurante de la robotique à
l’hôpital impulse une troisième dynamique. Cette révolution a d’ailleurs déjà commencé. Dans ce
domaine, la France a de nombreux atouts, mais souvent mal exploités. Elle manque à la fois de
capitaux pour développer et garder ses excellentes start-up de pointe, de vitesse administrative pour
délivrer les autorisations de marché, et de volonté politique pour orienter la commande publique.
Les progrès des NBIC laissent enfin entrevoir de nouvelles manières de guérir. Parmi elles, la
génomique, l’immunothérapie et les thérapies cellulaires. « Dans ces disciplines, le rythme des
innovations thérapeutiques va s’accélérer, obligeant les hôpitaux à gagner en flexibilité pour entrer
dans une logique d’adaptation en continu », constatent Bouzou et Marques. Les hôpitaux sont
depuis toujours des hauts lieux d’innovation clinique. Mais l’ère des transformations radicales
commande un changement d’échelle. L’hôpital affiche quinze ans de retard dans le seul domaine du
numérique. Les auteurs préconisent un programme d’adaptation en trois volets. Intégrer d’abord aux
hôpitaux des incubateurs pour les start-up. Objectif : rapprocher les jeunes entreprises innovantes de
leur client final pour les aider à développer des produits adaptés aux besoins et aux contraintes du
terrain. Ensuite, introduire de nouveaux outils de financement de l’innovation hospitalière en
sollicitant notamment des fonds privés.
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Les auteurs préconisent l’expérimentation de Health Impact Bonds. Inventés en 2010 par les
Britanniques pour accélérer le développement de l’économie sociale et solidaire, ces véhicules
financiers révolutionnaires sont désormais expérimentés en Europe et aux Etats-Unis : le privé
prend les risques et sélectionne les projets, la puissance publique ne rémunère que lorsque
l’efficacité des innovations a pu être prouvée… Enfin, les auteurs mettent la pression sur l’Etat et le
régulateur public : ils préconisent « un programme radical de simplification et une adaptation
rapide et évolutive de la réglementation, des régimes d’autorisation et des tarifs réglementés ». Un
gros morceau. Impossible ? Pas sûr. Les esprits ont beaucoup évolué à l’hôpital. Dans son dernier
livre (Homo Artificialis, Ed. Michalon), le professeur Guy Vallancien raconte cette scène quand la
robotique a fait son entrée à l’hôpital : « Les critiques les plus grossières fusèrent : “Ce n’est plus
de la chirurgie !”, “Tiens voilà un instrument pour manchots !” »… Vallancien, pionnier de la
robotique chirurgicale, préfère taire « par charité chrétienne » le nom de ses collègues qui criaient à
la trahison. C’était il y a plus de dix ans. Un autre monde.
« Hôpital : libérer l’innovation », Nicolas Bouzou et Christophe Marques, Fondapol,
février 2017, 44 pages, 3 euros.
Augmentation des IST : le cri d’alerte des
gynécologues
Elle du 12 avril 2017 par Emilie Poyard
« Quand on le fait, on le met ! » Gardez bien ce slogan en tête quand vous filez sous la couette.
Les gynécologues tirent en effet la sonnette d’alarme : les chiffres des infections sexuellement
transmissibles (IST) sont à nouveau en hausse, et notamment chez les femmes. En cause, le
préservatif qui serait de plus en plus délaissé. Pia de Reilhac, gynécologue et présidente de la
Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, nous alerte. Interview.
Vous tenez à alerter sur l’augmentation des IST chez les jeunes femmes. Comment peut-on
l’expliquer ?
Il y a une augmentation des IST* parce qu’il y a un recul du réflexe préservatif chez une certaine
tranche d’âge. Les très jeunes sont assez respectueux du port du préservatif lors de leurs premières
relations. Mais c’est après, lorsqu’ils changent de partenaire, qu’on a l’impression que le préservatif
n’est plus du tout utilisé. La contraception permet d’éviter une grossesse non désirée et le message
"danger" autour du sida n’existe plus, dans le sens où certains considèrent qu’il y a "moins de
risques" parce qu’on peut se traiter et qu’il existe des médicaments d’urgence si on a eu un rapport
sexuel non protégé par exemple. On ne peut que louer ces avancées mais paradoxalement, il y a un
recul d’utilisation du préservatif.
Ils imaginent que le préservatif sert uniquement à se protéger du virus du sida ?
Ils ne pensent pas aux IST, ça c’est sûr ! Pourtant, on constate une augmentation de 10 % du
nombre d’infections de type chlamydiae entre 2013 et 2015. Les deux tiers des cas rapportés en
2015 sont des femmes (64 %), en majorité âgées de 15 à 24 ans. Le chlamydiae est une bactérie qui
ne va pas entraîner la mort mais qui peut donner une salpingite (très douloureuse avec de la
température) et abîmer les trompes. Cela peut conduire à des problèmes de fertilité. Il y a d’ailleurs
un certain nombre de jeunes femmes chez qui on va découvrir ces infections alors qu’elles n’en ont
aucun signe. C’est pour cela que nous préconisons un dépistage des IST. Il faut demander à la
patiente si elle a changé de partenaire et dans ces cas-là, la recherche devrait être proposée
systématiquement.
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Il n’existe pas de signes avant-coureurs de la chlamydiae ?
Chez les femmes, il peut y avoir des signes, comme des espèces de lourdeurs, pas vraiment des
brûlures (contrairement aux hommes), mais plutôt des pertes pas belles, grises. Si on traite tôt la
bactérie du chlamydiae, par voie vaginale, il n’y a aucun problème. Mais il faut l’avoir recherchée
et détectée ! L’homme doit être traité également sinon c’est la chaîne. Cet automne déjà, certains
virologues commençaient à être un peu inquiets. Un manque de précautions peut entraîner
l’émergence de nouveaux virus dans quelque temps. On constate que le gonocoque augmente
également. C’est ce qu’on appelait la « chaude-pisse » autrefois chez l’homme !
Dans les cabinets de gynécologie, vous constatez aussi cet abandon du préservatif chez des
femmes qui ont la trentaine ou la quarantaine ?
Oui, on en a. Ce n’est pas une grande majorité quand même, car les femmes qu’on voit en
consultation tous les ans sont généralement en couple stable, mais n’empêche qu’on découvre des
infections vaginales chez des patientes qui ont 40, 45, 50 ans, et qui n’existaient pas à une époque.
Cette génération n’a pas tellement l’habitude du préservatif. Donc lorsqu’elles arrivent vers 45-50
ans, même si elles changent de partenaire, le préservatif, elles ne l’utilisent pas. Et puis, il y a quand
même un refus de l’élément masculin à se servir de préservatifs. Les hommes sont très sages très
jeunes et beaucoup moins plus tard !
Le message à marteler ?
Nouvelle relation = préservatif ! Même si le partenaire est tout bien, tout beau, ça ne veut
absolument rien dire ! C’est vrai que le fait qu’il n’y ait plus cette peur énorme du sida, ce qui est
positif dans un sens, fait que "ce n’est pas grave" pour beaucoup de ne pas se protéger. Pourtant, les
infections sexuellement transmissibles peuvent faire des dégâts et engendrer des problèmes de
fertilité donc c’est très important d’alerter sur le sujet. On entend parfois des patientes qui nous
disent : « ah oui, je me protège toujours ». Et quand on leur pose vraiment la question, elles
précisent utiliser un préservatif « de temps en temps ». Le préservatif n’est pas un réflexe du tout !
On pensait qu’il le serait devenu, au changement de partenaire notamment, mais ce n’est pas le cas.
Il faut absolument continuer à l’utiliser. Répétons-le : c’est le seul moyen d’éviter les maladies
sexuellement transmissibles, on n’a pas fait mieux !
*Source : Bulletin des réseaux de surveillance des infections sexuellement transmissibles.
Données au 31/12/2015. Santé publique France.
On naît femme, on ne le devient pas
Causeur du 4 avril 2017 par Claudine Junien et Peggy Sastre*
Les femmes payent le prix du déni des différences biologiques.
Le 14 mai 2014, la revue Nature, référence scientifique par excellence, publiait un article qui, en
fondant la recherche sur la différence entre les sexes, allait révolutionner la science, la médecine, et
notre santé. Qui s’en souvient ?… Nos médias, d’ordinaire si prompts à traquer le sensationnel, ont
alors laissé passer sans une ligne le vrai « scoop » : désormais, aux Etats-Unis, toutes les études, sur
des cellules ou sur des modèles animaux, qu’elles portent sur l’Homme ou une autre espèce,
devaient, pour être financées, inclure les deux sexes. La sentence tombait du plus haut de l’instance
la plus puissante en matière de recherche dans le monde : l’Institut national de la Santé américain
(NIH).
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Son directeur, le généticien Francis S. Collins, et Janine A. Clayton, directrice du Département de la
Recherche sur la Santé des femmes (ORWH), mettaient ainsi définitivement fin à la sousreprésentation des femmes dans la recherche médicale et, par voie de conséquence, à une vision
unisexe de la santé. Certes, dès 1993, un premier pas avait été franchi en incluant obligatoirement
les femmes dans la recherche clinique, mais, en s’attaquant là à la recherche fondamentale, le NIH
faisait tomber le dernier bastion des tenants des différences sexuelles biologiques réduites aux
organes génitaux, hormones sexuelles, fonctions reproductives. Cette vision « bikini », seule la
France y resta obstinément fidèle, prenant ainsi dix ans de retard sur le Canada, l’Allemagne, les
Pays-Bas, la Suède, l’Italie, Israël… au point qu’en novembre 2016 encore, dans un rapport de
l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Jennifer Merchant et Catherine
Vidal ne pouvaient, pour expliquer l’importance du sexe dans la santé, s’empêcher de faire appel
aux vieux démons des stéréotypes de genres…
Des médicaments… pour les hommes
Jusqu’à quand occultera-t-on les différences biologiques présentes dans nos 60 000 milliards de
cellules, et ce dès la conception ? Jusqu’à quand l’équité entre les sexes, telle que l’Organisation
mondiale de la Santé (OMS) la prône depuis 2002 pour résoudre les enjeux sanitaires autour de la
maternité, des violences et des infections sexuellement transmissibles sera-t-elle exclusivement
déclinée selon les genres sans jamais prendre en compte les différences biologiques ? Jusqu’à
quand la santé sera-t-elle exclue d’un vrai combat pour la parité ? Malgré le coup de poing du NIH,
seules 30 % des études cliniques environ représentent les femmes et environ 80 % des études chez
l’animal ne portent toujours que sur des mâles. Or, de 1997 à 2000, sur 10 molécules retirées du
marché, 8 l’ont été en raison d’effets secondaires chez des femmes. Et les femmes font une fois et
demie à deux fois plus d’accidents secondaires liés aux médicaments que les hommes : un coût
humain et financier exorbitant et… évitable. Certes, l’inclusion des femelles dans les études sur
l’animal impose des coûts supplémentaires. Surtout, elle serait, paraît-il, entravée par la variabilité
due à leur cycle de reproduction… sauf qu’il a été démontré que la variabilité entre les individus
d’un même sexe est équivalente pour les deux sexes sur la plupart des traits étudiés ! Quant au
surcoût, nul n’a encore eu la bonne idée de le comparer à ce que payent les femmes victimes
d’accidents secondaires… et le retrait consécutif du marché des médicaments incriminés.
On n’échappe pas à son sexe
Génétiquement, la ressemblance moyenne entre deux hommes ou deux femmes atteint les 99,9 %,
mais elle n’est que de 98,5 % entre un homme et une femme, soit 15 fois plus important qu’entre un
humain et un chimpanzé de même sexe ! Toutes les cellules de l’embryon contiennent 23 paires de
chromosomes et ont un sexe, déterminé dès la conception, par la paire de chromosomes sexuels :
XX pour les filles, XY pour les garçons. Chacun le sait, mais on continue à penser que les
différences, « c’est hormonal » ou lié au « genre » dicté par l’environnement. Non ! Les hormones –
lors de la différenciation des gonades – puis l’environnement socioculturel – à partir de la naissance
– n’interviennent que plus tard. Sachant que le génome est stable, définitif et identique dans
chacune de nos cellules, comment expliquer que nos 23 000 gènes ne s’expriment pas de la même
façon selon le tissu, le foie, le rein ou le cerveau ? Tout simplement parce que chaque gène
« s’exprime » plus ou moins selon qu’il porte en lui et autour de lui des instructions pour fabriquer
une protéine en plus ou moins grande quantité et, de plus, de façon différente selon le sexe… Chez
la fille, en effet, un des deux X, d’origine paternelle ou maternelle, est inactivé au hasard dans
chaque cellule, et sur les 1 400 gènes de cet X « inactif », 15 % à 25 % peuvent échapper à
l’inactivation et donc s’exprimer davantage. Avec leur X unique, les garçons, en revanche, ne
manifestent leur différence que par la petite centaine de gènes spécifiques de leur chromosome Y.
Telle une mémoire sexuelle, ces gènes du chromosome X chez la fille et ceux du chromosome Y
chez le garçon, modulent au bon moment, dans la bonne cellule, l’expression d’autres gènes, de
sorte que, 30 % de nos gènes en moyenne s’expriment différemment selon notre sexe dans tous nos
tissus et donc dans chacune de nos cellules.
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Et c’est bien ce qui fait la différence et la nécessité de s’entendre sur les mots : le « sexe », se réfère
uniquement aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui différencient les femmes des
hommes depuis la conception et tout au long de la vie ; le « genre » quant à lui, sert à évoquer les
rôles qui sont déterminés socialement – après la naissance – les comportements, les activités et les
attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes. Ce n’est donc
pas en masquant ces différences sous prétexte d’éviter toute discrimination qu’on aide les femmes,
au contraire ! Ne pas reconnaître les différences sexuelles, malgré l’accumulation de preuves
scientifiques en ce sens, c’est pénaliser les femmes… et les hommes !
Un enjeu scientifique majeur
Pourquoi le retard mental, l’autisme, les tumeurs du cerveau et du pancréas sont-ils plus masculins,
de même que les conduites à risque, les addictions et la violence ? Pourquoi, en revanche, la
maladie d’Alzheimer, l’anorexie et autres troubles alimentaires, la dépression, l’ostéoporose et
certains cancers, de la thyroïde, par exemple, touchent-ils plus les femmes ? Parce que les maladies
ont un sexe ! Ainsi, les hommes seraient protégés contre les maladies auto-immunes (maladies
thyroïdiennes, sclérose en plaques, lupus etc..) grâce justement aux gènes de leur chromosome Y.
Inversement, deux X peuvent valoir mieux qu’un, car il est démontré que des gènes suppresseurs de
tumeur en double exemplaire sur le chromosome X épargneraient aux femmes certains cancers.
Mais il a fallu attendre 1990 pour que le NIH, malgré son avance sur le sujet, crée un bureau
spécifique de recherche dédié aux femmes (ORWH), et que l’Agence américaine des produits
alimentaires et médicamenteux (FDA) les inclut systématiquement dans les essais sur les
médicaments. La découverte de mécanismes sexués aux niveaux cellulaires et moléculaires, apparus
au cours de l’évolution comme compromis entre la reproduction et la survie, éclaire donc peu à peu
ces constats. Aurait-on trouvé autrement que, en cas de lésions nerveuses, certaines voies de la
douleur passent par la microglie dans le cerveau chez les souris mâles et par des cellules spécifiques
du système immunitaire chez les femelles ?
Le genre doit cesser d’être un cache-sexe
La médecine traite encore les femmes et les hommes sur un mode unisexe qui peut nuire à leur
santé et hypothéquer notre système de soins en termes de coûts, non seulement financiers, mais
sociaux et humains. Pourquoi administrer une dose de vaccin à une femme quand la moitié
suffirait ? Est-il acceptable qu’un médecin ne soit pas formé pour reconnaître les différences de
symptômes d’infarctus chez une femme par rapport à un homme ou savoir adapter une prescription
d’aspirine ou de somnifère en fonction du sexe de son patient ? C’est bien le déni des différences
qui est à l’origine de ces inégalités et non les différences elles-mêmes, et ce n’est pas en les
occultant que l’on supprimera les discriminations.
Ce n’est pas en supprimant le mot « race » que l’on supprimera le racisme ; le féminisme se
condamne à être une coquille creuse s’il se refuse toujours de reconnaître que, n’en déplaise à
Simone de Beauvoir, on naît femme : on ne le devient pas… Certes, le social influence le biologique
et réciproquement, le biologique influence le social. Le genre dépend effectivement d’un formatage
socioculturel progressif lié à la perception et aux implications sociales de notre sexe, avec des
stéréotypes difficiles à éradiquer, même s’ils sont erronés. Mais, au nom d’une fausse parité
homme/femme, on a trop longtemps mis l’accent sur l’acquis, le social, ce fameux « genre », en
occultant l’inné, le biologique, le « sexe ». Plusieurs pays européens ont déjà adapté en conséquence
leurs recherches scientifiques et leurs stratégies thérapeutiques. La France peut-elle se permettre de
prendre encore du retard et, sous prétexte de parité, éviter avec mépris et aveuglement de
reconnaître les différences entre les hommes et les femmes, malgré les évidences scientifiques et au
risque de passer à côté de notre santé à tous, femmes ou hommes ? Le 1er Décembre 2015 un
colloque sur le sujet a été organisé à Paris par l’académie des Sciences et l’Académie nationale de
Médecine ; et cette dernière a organisé le 23 juin 2016 une conférence de presse pour sensibiliser
les médias le public et le corps médical et émettre des recommandations.
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*Claudine Junien : professeur de génétique médicale, INRA, UMR Biologie et développement
et reproduction – past présidente de la SF-DOHaD
*Peggy Sastre : docteur en philosophie des sciences, spécialiste de Nietzsche et de Darwin. Ses
travaux s’orientent principalement autour d’une lecture biologique des questions sexuelles.
Elle a notamment signé Ex utero – pour en finir avec le féminisme (2009, La Musardine) et Le
Sexe des maladies (2014, Favre).
GPA : lettre ouverte à Emmanuel Macron
Le Figaro du 19 avril 2017 par Sylviane Agacinski, Ana-Luana
Stoicea-Deram et Martine Segalen
Le candidat d'En marche ! semble envisager de légaliser la GPA d'apparence « éthique »,
s'inquiètent Sylviane Agacinski, philosophe, Ana-Luana Stoicea-Deram, présidente du
Collectif pour le respect de la personne, et Martine Segalen, ethnologue.
Monsieur le ministre, plusieurs candidats à l'élection présidentielle ont pris des positions très claires
contre la gestation pour autrui (GPA). En réponse au questionnaire que nous leur avons adressé,
Jean-Luc Mélenchon, François Fillon et Benoît Hamon se sont prononcés en faveur d'initiatives
internationales pour l'abolition de la GPA. Vous ne nous avez pas répondu. Vous avez pris
publiquement des positions ambiguës. En décembre 2016, vous avez dit ne pas être favorable à
l'autorisation de la GPA en France, sans la critiquer dans son principe et en précisant que « la
société n’est pas prête ». Si elle l’était, le seriez-vous aussi ? Ensuite, vous avez indiqué qu’il
s’agissait d’un débat entre la dignité et la liberté « impossible à trancher ».
La « Lettre ouverte que vous avez adressée aux personnes LGBTI le 16 avril et diffusée sur le sire
d’En Marche ! nous étonne et nous inquiète. Non que nous ne partagions votre volonté de lutter
contre toutes les formes de haine et de discrimination envers les personnes LGBTI, mais parce que
vous êtes désormais le seul candidat qui prenne sur la question de la GPA une position
réglementariste. Vous dites vouloir « lancer une initiative internationale afin de s’attaquer au
problème de la GPA très peu payée et subie ». Est-ce à dire que, supposée « bien payée » et
consentie, sur le modèle californien, cette pratique vous paraît légitime ?
Déjà, en février dernier, vous aviez évoqué une « convention internationale de type La Haye pour
lutter contre la marchandisation du corps des femmes et le trafic des enfants ». Vous faisiez
visiblement référence aux travaux menés sur la GPA transnationale au sein de la Conférence de La
Haye (organisation internationale s’occupant de droit civil et commercial). Or, l’objectif de ces
travaux n’est nullement de lutter contre les trafics au nom des droits humains, mais plutôt d’adopter
quelques règles juridiques minimales pour donner à la GPA une apparence « éthique » et d’assurer
son bon fonctionnement en levant les obstacles tels que les problèmes d’état civil. Autrement dit,
leur but est de réguler le marché de la procréation, avec le soutien actif des partisans de la GPA.
Nous ne pouvons admettre que le marché devienne le modèle indépassable des relations humaines
et que plus rien ne lui échappe.
Comment ignorer la profondeur de l’aliénation des femmes qui s’engagent dans une convention de
GPA et dont la vie privée est contrôlée dans les moindres détails pendant neuf mois ? Vous semblet-il réellement légitime et progressiste que la loi permette à quiconque de louer le corps d’une
femme le temps d’une grossesse et d’acheter un enfant à sa naissance ?
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La préséance du consentement sur toute autre considération met le droit des contrats au-dessus des
normes communes destinées à protéger les individus contre la pression de l’argent, comme si le
consentement des contractants suffisait à légitimer n’importe quel contrat. Un tel raisonnement
conduirait à dire que chacun est « libre » de vendre un organe, comme le soutiennent certains
économistes ultralibéraux, tel Gary Becker.
Vous vous dites également favorable à la transcription pure et simple de l’état civil français des
enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger. La France se soucie au plus haut point de l’intérêt des
enfants. Elle préserve leurs droits, mais elle ne peut admettre de falsifier la filiation maternelle d’un
enfant, car sa personne et ses droits familiaux ne peuvent faire l’objet d’une transaction, et l’on ne
peut tolérer le développement d’un tourisme procréatif qui a aujourd’hui une dimension
néocoloniale. L’enfant qu’on fait naître d’une « mère de substitution » subit une violence spécifique
dont vous ne semblez pas prendre la mesure.
C’est pourquoi nous attendons d’un candidat à la présidence de la République qu’il se montre
particulièrement attentif à l’injustice dont sont victimes à la fois les femmes et les enfants du fait de
la pratique sociale de la GPA. Nous attendons qu’il défende les droits fondamentaux de la personne
humaine figurant dans la Constitution, et par conséquent, qu’il soit prêt à engager, avec d’autres
pays européens, vers une abolition universelle de la GPA.
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