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Dans une logique où la richesse des uns est à la fois la cause
et la conséquence de la pauvreté des autres et où le jeu
mondial de la richesse et de la pauvreté est à somme nulle, ils
feront tout pour : générer et s’approprier une fraction croissante
du surplus mondial, fixer les règles qui devront y concourir et
s’opposer par tous les moyens à tout ce qui serait de nature à y
faire obstacle. Le monde en quelque sorte leur appartient et ils
ne sauraient renoncer au monde — ou laisser-faire — sans
renoncer à tout.
En régime de croisière, les seules règles du marché
garantissent cette maîtrise et assurent la reproduction de
l’hégémonie que les États-Unis exercent sur le reste du monde.
C’était vrai pour le seul « monde libre » jusqu’à l’implosion du
bloc de l’Est. Depuis le ralliement de la Chine et de la Russie
au libéralisme, c’est vrai pour le reste de la planète sans
restrictions, ni réserves. Le terrain du libéralisme, les États-Unis
en ont défini le périmètre et les contours. Ils en ont fixé les
objectifs, la légitimité, les règles et les enjeux. Sur ce terrain, ils
règnent en maîtres, comme ils règnent en maîtres sur le
monde, un monde qui n’aurait d’autre alternative que d’y faire
allégeance en se vassalisant, ou de vaincre les États-Unis sur
leur propre terrain et — pour ainsi dire — à domicile.
L’analyse de la répartition des richesses mondiales confirme ce
point de vue. Cette répartition repose sur deux piliers
principaux : le rôle international du dollar et le contrôle du
secteur énergétique mondial. Il s’agit d’un côté de maîtriser ce
qui reste et demeure le moteur de l’économie mondiale, et tout
particulièrement le pétrole. Il s’agit de l’autre de préserver et de
garder en main les moyens de réserve et de paiement
internationaux. Ce sont les deux principaux leviers de
l’hégémonie nord-américaine et — tant que les mécanismes du
marché opéreront — le succès sera garanti.
Or il advient régulièrement que les mécanismes du marché
cessent d’opérer, ou opèrent à l’encontre des intérêts nord
américains. Dans ce cas, on multipliera les pressions et les
mises en garde, le jeu sur la règle démocratique fera partie de
la règle démocratique du jeu et, en dernier recours, on fera la
guerre.
La politique étrangère et la diplomatie d’un côté, la stratégie de
défense de l’autre vont surseoir à la défaillance d’un marché qui
leur échappe, tourne à leur désavantage et risque de les
compromettre. Ce que la diplomatie ne parvient pas à obtenir,
la guerre l’imposera et les deux volets de leur action sur le
monde — de plus en plus — auront tendance à se confondre.
Il serait naïf de croire que les États-Unis puissent renoncer aux
possibilités de la diplomatie avant de recourir aux armes. Mais il
serait encore plus vain de penser qu’ils puissent renoncer aux
armes, après avoir épuisé les ressources de la diplomatie, dès
lors que leurs « intérêts vitaux » sont en jeu.
On épiloguera à l’infini sur ce que sont actuellement les
« intérêts vitaux » des États-Unis ou sur la manière dont ils
auront évolué au cours du temps et — du reste — peu importe.
Une constante ici semble se dégager : celle de la recherche
d’un équilibre interne/externe en termes de répartition des