Transfert antérieur du Latissimus Dorsi dans la stabilisation d'une prothèse inversée instable. Dr. Jean Marc GLASSON. Clinique du Parc Impérial. Nice Introduction : L’instabilité antérieure est une complication connue des arthroplasties inversées, c’en est même la première dans certaine série1. Le déficit du sous scapulaire est une cause majeure de ces instabilités. On le retrouve plus fréquemment lors des abords deltopectoraux. La reprise chirurgicale permet éventuellement de corriger des troubles d’orientation des implants, de traiter un effet came mais plus difficilement de compenser un déficit de couverture musculaire antérieur. Dans certaine condition cette déficience musculaire est constatée avant la mise en place de la prothèse inversée et peut conduire à des gestes adaptés. Le transfert antérieur du Latissimus Dorsi (LD) est une option thérapeutique et préventive possible dans ces conditions d’instabilité. Principe : Le transfert du Latissimus Dorsi est parfaitement décrit et codifié pour ce qui est de la chirurgie réparatrice de la coiffe des rotateurs 3,4 et également lors de la technique de l’Episcopo modifié dans les arthroplasties inversées 2 . La qualité musculaire du Latissimus Dorsi, son angle d’attaque, sa puissance, sa vascularisation et l’accessibilité de son tendon ont été largement étudiés et en font un excellent tranfert autour de l’épaule 3,5. Initialement rotateur interne et adducteur il est régulièrement utilisé comme rotateur externe et abducteur. A cet effet il est passé en arrière de l’humerus. Pour ce qui est du transfert antérieur ces mêmes qualités décrites précédemment sont reconnues et utilisées. Théoriquement, l’angle d’attaque du LD, de l’arrière vers l’avant, de bas en haut est idéal pour compenser une instabilité antérieure de la gléno humérale. Ce transfert serait plus adéquat que le transfert du Pectoralis Major (PM) en dessus ou au dessous de la coracoïde 7,8. Toutefois, la mobilisation antérieure du LD croise le nerf axillaire, non pas en position de repos mais surtout au delà de 90° d’élévation latérale, et peut être source de conflit délétère. Le transfert antérieur du LD en « décroisant » sous le nerf axillaire n’est pas souhaitable car elle expose à une tension extrême de ce nerf lors de la rotation interne et propulsion postérieure du membre. Position qui est très commune chez les personnes plus âgées pour se lever de la position assise. Une première étude de faisabilité de ce transfert a été réalisée au laboratoire d’anatomie sur 4 épaules. Cette étude d’observation a permis de repérer les possibilités de transfert et les problèmes de complications potentielles. Une seconde étude sur 4 autres épaules a été réalisé pour préciser le positionnement adéquat du transfert. Pour ce faire, le tranfert antérieur du LD a été réalisé dans les conditions chirurgicales. Aucun muscle n’a été retiré. Une fois le transfert effectué, cinq variantes de fixation distale ont été proposées sur chaque épaule. Une film sensitif Tekscan a été placé autour du transfert et des mesures de pressions ont été effectuées dans toutes les amplitudes de l’épaule. Ainsi le meilleur positionement de fixation distale a pu être défini 5. Le tranfert antérieur du LD doit se fixer sur la petite tubérosité sur le 1/3 inférieur du sub scapularis en débordant distalement dans l’espace entre le sub scapularis et le PM. Ainsi il « cravate » le col huméral latéralement à la capsule articulaire. TeKscan et positionement Position de « cravate » Depuis 2013, 4 patients ont bénéficié de cette technique avec succès. 2 de façon préventive devant une omarthrose excentrée avec glène de type C, subluxation antérieure fixée et disparition complète du sub scapularis. Le traitement a consisté en une arthroplastie inversée greffée avec tranfert antérieur du LD. 1 cas pour une instabilité antérieure invétérée sur arthroplastie antérieure laissée ainsi plusieurs années. Le traitement a consisté en une reprise chirurgicale avec un simple transfert antérieur du LD. Enfin dans le dernier cas, le transfert antérieur a été réalisé avec une arthroplastie anatomique sur une omarthrose « centrée » avec luxation antérieure invétérée. Indication : Compte tenu du risque important de luxation antérieur dans l’arthroplastie inversée par voie delto pectorale ou plus précisèment lors de déficit du sub scapularis, la réalisation de ce geste peut se faire de façon curatrice mais probablement aussi préventive. En effet, le préjudice potentiel dans les conditions d’un transfert antérieur du LD est quasi nul puisque ce dernier gardera son action d’adduction et de rotateur interne. C’est là sa principale indication. Il pourra également être discuté dans les instabilités antérieures invétérées avec ou sans arthroplasties. On pourra aussi le proposer lors des déficit musculaire antérieur (Sub scapularis) majeur exposant à une subluxation antérieur non compensée. Limites : Il s’agit d’une technique novatrice qui répond à une pathologie précise pour laquelle l’arsenal thérapeutique d’aujourd’hui est mal adapté. La technique chirurgical doit être précise et le positionnement final du tendon est fondamental dans la réussite de ce tranfert. En effet, l’action motrice et stabilisatrice du LD sera assurée par une excellente trophicité musculo tendineuse. Celle se maintiendra dans le temps et ne générera aucune complication notamement neurologique si le transfert reste bas en position de cravate sur le col chirurgical. Bibliographie : 1 / Complications of the reverse prosthesis : prevention and treatment Affonso J., Nicholson GP., Frankle MA, Walch G., Gerber C., Garzon-Muvdi J., McFarland EG. Instr Course lect. 2012 ; 61 : 157-68. 2/ Boileau P., Rumian AP., Zumstein MA. Reversed shoulder arthroplasty with modified l’Episcopo for combined loss of active elevation and external rotation J Shoulder Elbow Surg. 2010 Mars 19 suppl 2 3/ Musculotendinous transfer as a treatment option for irreparable postero-superior rotator cuff tears: teres major or latissimus dorsi. Buijtze GA, Keerewer S, Jennings G, Voster W, Debeer J. Clin Anat. 2007;20:919–923. 4/ Latissimus dorsi tranfer for the treatment of irreparable rotator cuff tears Gerber C., Maqueira G., Espinosa N. J Bone Joint Surg Am. 2006 Jan 88(1) :113-20 5/ The anterior transfer of the latissimus dorsi tendon – a difficult position to specify Glasson JM., Karahan M. J Shoulder Elbow Surg 2015 Apr 24(4)e101 6/ Potential excursion and relative tension of muscles in the shoulder girdle: relevance to tendon transfers. Herzberg G, Urien JP, Dimnet J. J Shoulder Elbow Surg. 1999 Sep-Oct;8(5):430-7. 7/ Anatomic evaluation of subcoracoid pectoralis major transfer in human cadavers. Klepps SJ., Goldfarb C., Flatow E., Galatz LM, Yamaguchi K. J Shoulder Elbow Surg. 2001 Sept-Oct ; 10(5) 453-9 8/ Operative treatment of irreparable rupture of the sub scapularis. Wirth MA., Rockwood CA. J bone Joint Surg Am. 1997 May ; 79(5) :722-31 Abstract Anterior transfer of the Latissimus Dorsi in unstable reverse arthroplasties Anterior shoulder instability in shoulder arthroplasties and revision arthroplasties is often a limiting factor for a good functional result. Carefull sub scapularis dissection and suture is compulsory when approaching the glenohumeral joint and repairing the anterior rotator cuff. However, deficient subscapularis tendon and muscle is quite common in complex revision shoulder pathologies as for, failed anterior stabilisation, post instability arthritis, failed primary arthroplasties, locked anterior dislocations,… Compensation is partially allowed through semi constrained reverse shoulder arthroplasties with or without muscle transfer. Several muscle transfers have been described for this indication, including sub coracoid pectoralis muscle transfer. Moreover, reverse shoulder arthroplasty itself expose to several complications, in which anterior instability is the most common one in some series. Latissimus dorsi (LD) transfer is a well describe technique in the treatment of irreparable rotator cuff tear and thru a modified l’Episcopo technique with a reverse shoulder arthroplasty. Latissimus dorsi muscle and tendon, its line of action, strength and vascularisation are also theorically perfectly adapted to anterior tranfer for anterior stabilisation. However, the LD anterior transfer may harm the axillary nerve. 4 cadaveric observational study, 4 cadaveric technic analysis with pressure data, and 4 clinical cases have allowed a more precise understanding of the feasibility, indications and limits of this anterior transfer. The « neck » positionning is the answer to anterior stabilisation and nerve integrity.