Index AI: MDE 30/007/2008 Amnesty International Juin 2008
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AU NOM DE LA SECURITE
Atteintes aux droits humains en Tunisie
avril 2005, soit huit jours après la date réelle de son arrestation. Quand il a comparu devant le juge
d'instruction, il n’a pas été autorisé à bénéficier de l’assistance d’un avocat ; d'autres suspects, arrêtés
dans le cadre de la même affaire, n’ont pas pu entrer en contact avec un avocat et ont été interrogés par
le juge d'instruction tard dans la nuit, en dehors des heures de bureau, apparemment afin de les
empêcher d’être assistés d’un avocat. Tous ces suspects ont été, par la suite, inculpés de diverses
infractions, y compris d’appartenance à une organisation terroriste et d’incitation au terrorisme, aux
termes de la loi antiterroriste adoptée en 2003.
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La mère de Ziad Fakraoui a dit à Amnesty international qu’elle avait été autorisée à voir son fils en prison
pour la première fois le 2 mai 2005, 15 jours après son arrestation. Elle a remarqué qu’il avait, près de
l’œil droit, des traces de brûlures, apparemment provoquées par une cigarette. Il était dans une grande
confusion mentale car il a demandé des nouvelles de son frère, Haitham, qui, selon certaines
informations, serait mort en Irak, et de son père décédé. Au cours des visites suivantes, il a dit à sa mère
et à ses avocats qu'après son arrestation il avait été emmené au ministère de l'Intérieur et torturé ; il a
été suspendu au plafond, frappé avec des bâtons sur tout le corps ; ses poils pubiens ont été flambés
avec un briquet et les membres des forces de sécurité l’ont brûlé près des yeux avec des cigarettes. Il a
également indiqué que des membres des forces de sécurité lui avaient comprimé les testicules jusqu’à
ce qu’il s’évanouisse. Il a ensuite uriné du sang durant plusieurs jours sans recevoir de soins médicaux. Il
a également dit à sa mère et à ses avocats que, quelques jours après son arrestation, des membres des
forces de sécurité l'avaient conduit en voiture, la nuit, dans un quartier désert de Carthage, à 15 km au
nord de Tunis, où ils l’ont passé à tabac et lui ont donné des coups de pied dans la tête, en exigeant
qu’il leur dise l’endroit où se trouvaient les autres suspects impliqués dans cette affaire.
En septembre 2007, il a entamé une grève de la faim durant près de deux mois afin de protester contre
le fait que sa demande d’examen médical avait été refusée et qu’aucune enquête n’avait été ouverte sur
ses allégations de torture, et contre l'impunité dont bénéficiaient ses tortionnaires présumés.
L’administration pénitentiaire a empêché, à plusieurs reprises, ses avocats et ses proches de lui rendre
visite entre septembre et novembre 2007 puis, à nouveau, en décembre 2007. Lorsqu’il a été transféré à
la prison de Bourj Erroumi, en novembre 2007, il a été placé à l’isolement, il n’a pas été autorisé à se
doucher ni à recevoir les soins médicaux nécessaires. En décembre 2007, il a été condamné, avec ses
autres co-accusés, à une peine de 12 ans d’emprisonnement, qui a été réduite à trois ans par la Cour
d'appel. Ayant purgé sa peine, Ziad Fakraoui a été libéré le 24 mai 2008.
Ce cas n’est qu’un parmi ceux relatés dans le présent rapport. Il montre que le Procureur de la
République et les juges d'instruction ne prennent aucune mesure appropriée lorsque des plaintes ou des
éléments de preuve établissant des actes de tortures ou d'autres violations des droits des détenus sont
portés à leur connaissance. Il indique également que le Procureur de la République et ses agents ainsi
que les juges d’instruction et ceux qui siègent dans les tribunaux contribuent, de fait, à dissimuler le
recours à des détentions prolongées au secret - qui sont illégales et dont certaines dépassent les durées
maximales fixées par la législation tunisienne elle-même - ainsi que les cas de torture et d'autres formes
de mauvais traitements des détenus commis en violation de la législation tunisienne et du droit
international. Les forces de sécurité responsables de torture et d'autres mauvais traitements des détenus,
en particulier ceux travaillant au sein de la DSE, bénéficient, par conséquent, d’une impunité totale.
Malgré l’absence systématique de protection des détenus contre la torture et d'autres violations qui sont
décrites dans le présent rapport, le gouvernement tunisien a régulièrement affirmé qu’il respectait ses
obligations internationales relatives aux droits humains. La Tunisie a, en effet, adopté des réformes
juridiques qui, bien que ne répondant pas aux normes internationales relatives aux droits humains,
offrent, théoriquement, une meilleure protection de ces droits. En réalité, cependant, il ne s’agit-là que
d’une rhétorique creuse.
Le fait que d’énormes contradictions existent, dans ce pays, entre la loi et la pratique montre que les
autorités tunisiennes refusent sciemment de pleinement accepter et respecter les obligations prévues par le
droit international relatif aux droits humains. Les lois qui auraient dû accroître la protection des droits
humains sont systématiquement bafouées par les autorités tunisiennes et elles n’ont pas offert de garanties
adéquates contre la torture, la tenue de procès inéquitables et d'autres atteintes graves aux droits humains.
Les personnes arrêtées en Tunisie pour des infractions liées au terrorisme sont confrontées à un risque