Quelques repères sur l'art contemporain
Avec la présence physique de l'Antrios sur scène, la question de l'art, et plus précisément de
l'art contemporain, se révèle incontournable pour saisir les différents enjeux autour desquels
se construisent les antagonismes dans cette pièce. Ainsi, l'œuvre d'art, et sa figuration
symbolique à travers l'Antrios, sont à appréhender dans le contexte de la création plastique du
xxe siècle et dans les débats esthétiques que celle-ci a engendrés. L'Antrios apparaît comme
une toile non figurative, par opposition aux toiles de Marc et, certainement, d'Yvan. Elle
constitue une forme de prolongement de l'abstraction à travers son statut de monochrome. Mais
ce monochrome blanc réclame un discours sur lui-même pour être compris et apprécié, à
défaut de pouvoir revendiquer une immédiate jouissance visuelle de la part du spectateur. Il
glisse donc ainsi vers l'art conceptuel.
FIGURATIF, ABSTRAIT ET CONCEPTUEL
Comprendre l'art contemporain, ou plutôt l'art contemporain tel qu'il est présenté dans « Art »,
réclame une exploration de la peinture moderne, c'est-à-dire post-impressionniste. Au XXe
siècle, on observe un glissement du figuratif à l'abstrait, ce dernier débouchant sur un art dit
conceptuel. Très schématiquement, la représentation passe de la figuration où un objet est
représenté dans un cadre, à l'abstraction où cet objet se retire du lieu de représentation, la toile,
n'y laissant que des formes et des couleurs, pour enfin aboutir au conceptuel. Dans l'art
conceptuel, l'accent est mis sur la démarche du spectateur interrogeant le cadre lui-même de la
représentation, soit en l'ôtant complètement (les ready-made de Marcel Duchamp) soit en
l'altérant (les toiles déchirées de Fontana).
Le règne de la figuration sur une toile d'un objet concret, référencé, est mis à mal dans la
période qui précède la Première Guerre mondiale. L'abstraction commence à apparaître à
travers certains mouvements comme le cubisme (Pablo Picasso, Georges Braque, Fernand
Léger), celui des fauves (Henri Matisse, André Derain), ou les démarches d'artistes
comme Marcel Duchamp, Gustav Klimt ou Vassily Kandinsky.
L'art non figuratif s'épanouit pleinement après la Première Guerre mondiale. Le surréalisme,
regroupant dans les années 1920 Salvador Dalí, Joan Miró, ou encore Max Ernst, en
constitue par exemple un aspect qui laisse encore parfois une part à la figuration. L'abstraction
proprement dite prend alors différents aspects : l'abstraction géométrique d'abord (Wassily
Kandinsky, Paul Klee, Piet Mondrian) dans l'entre-deux-guerres, puis l'abstraction lyrique,
mouvement essentiellement américain qui apparaît au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale à travers notamment l'Action painting (peinture gestuelle) de Jackson Pollock, ou
le Color field painting (abstraction chromatique) de Mark Rothko. Les toiles deviennent
des ensembles de figures géométriques, des lieux d'entrelacs de lignes et de courbes semble-t-
il aléatoires, ou de grands aplats de couleurs.
Cette abstraction pure qui paraît se défaire également de la composition se prolonge dans les
années 1960 à travers un art dit « minimal », puis « conceptuel ». Ces mouvements visent la
disparition de l'objet d'art comme centre de la relation esthétique. Pour Robert Morris, « L'objet
n'est plus qu'un des termes de la relation qui met en présence l'objet lui-même, l'espace dans