212 C. Spadone
•rappel libre à court terme ;
•rappel libre à long terme ;
•rappel indicé à court terme ;
•rappel indicé à long terme.
Par ailleurs, ces altérations étaient plus marquées chez
les sujets présentant des formes hautement récurrentes de
troubles thymiques.
La rémission cognitive ou fonctionnelle de l’épisode
dépressif est donc un processus plus long et, sans doute,
plus complexe, que la rémission clinique.
Les troubles du fonctionnement psychosocial
dans les troubles de l’humeur
Conséquences des altérations cognitives prolongées, les per-
turbations du fonctionnement psychosocial dans les troubles
de l’humeur sont importantes. Elles sont d’autant plus mar-
quées que la maladie est de début précoce et que le taux
de récurrence des épisodes est élevé.
Il est classique de parler du divorce, de la séparation
conjugale, de l’isolement, comme des facteurs de risque de
la dépression (ils seraient deux à six fois plus fréquents), de
même que l’absence d’emploi (trois fois plus fréquent) ou le
faible niveau socioéconomique [4]. Ce terme de facteur de
risque signifie simplement, en épidémiologie, qu’il s’agit de
données plus fréquemment associées à la dépression que ne
le voudrait le hasard ; toutefois, un contre sens fréquent est
de comprendre «facteur de risque de dépression »comme
«facteur causal de dépression ». Or les données épidémio-
logiques ne permettent pas, dans ce cas, de conclure à un
sens de causalité, et il est probable que le sens de causalité
inverse (la dépression entraîne plus de solitude, de sépara-
tion conjugale, de chômage...) est également partiellement
vrai.
Quoiqu’il en soit, il existe de nombreuses données
d’observation reliant troubles de l’humeur et fonc-
tionnement global. Les altérations du fonctionnement
professionnel sont importantes : on considère, par exemple,
que dans le trouble bipolaire, la moitié des patients n’ont
pas d’activité professionnelle et moins de 20 % ont un emploi
à temps plein. La situation familiale est également per-
turbée et, parfois, lourdement, puisque, selon les études,
entre la moitié et les trois quarts des sujets présentant un
trouble bipolaire de l’humeur seraient divorcés... La qualité
de vie apparaît ainsi largement altérée dans les troubles de
l’humeur, y compris en période euthymique.
Sur le plan économique, le trouble de l’humeur entraîne
des coûts directs et indirects parfois élevés pour le patient,
responsables de difficultés financières qui peuvent être
aiguës, mais aussi un retentissement financier pour la col-
lectivité : une projection désormais célèbre de l’OMS place,
en 2020, la dépression en seconde position, toutes patho-
logies confondues, en terme de cause d’incapacité et de
dépenses de santé dans le monde... La dépression repré-
sente par exemple en Europe plus de jours d’incapacité que
la dépendance à l’alcool, les affections cardiaques ou le
diabète [1].
La fréquence des symptômes cliniques résiduels au
décours des épisodes thymiques contribue largement aux
difficultés fonctionnelles et psychosociales de ces patients.
Cette fréquence est soulignée par les récentes recomman-
dations de la Haute Autorité de santé, en France, qui placent
les symptômes résiduels parmi les trois principales compli-
cations évolutives de la maladie dépressive [2].
Prise en charge des anomalies cognitives et du
retentissement fonctionnel des troubles de
l’humeur
Le retentissement fonctionnel des troubles de l’humeur
peut être amélioré par l’ensemble des modalités théra-
peutiques de ces troubles ; traitements médicamenteux
antidépresseurs ou thymorégulateurs, psychothérapie psy-
chanalytique, psychothérapie interpersonnelle, thérapie
cognitive et comportementale agissent sur cette dimension
soit par le biais d’une amélioration globale de la symptoma-
tologie dépressive, soit par des actions ciblées sur diverses
dimensions fonctionnelles.
Une piste thérapeutique très récente vise toutefois, de
fac¸on beaucoup plus spécifique, la correction des déficits
cognitifs du déprimé et de leurs conséquences fonction-
nelles : il s’agit des techniques de remédiation cognitive,
s’appuyant en particulier sur les propositions théoriques de
R. Jouvent [3].
Alors que les thérapies cognitives d’inspiration compor-
tementale (TCC) visent à corriger des distorsions cognitives,
en remplac¸ant des schémas cognitifs dysfonctionnels par
d’autres plus adéquats, la remédiation cognitive vise à
corriger le déficit cognitif global du déprimé : elle vise à
«fluidifier la pensée », tandis que les TCC visent à réorien-
ter les pensées négatives. La remédiation cognitive tente de
permettre au déprimé d’utiliser de nouveau ses capacités
cognitives, favorisant ensuite la mise en œuvre des théra-
pies cognitivocomportementales, mais aussi des thérapies
psychodynamiques, des thérapeutiques psychosociales, de
la psychoéducation... Toutes techniques dont les objectifs
spécifiques de remplacement des schémas cognitifs inadap-
tés par des schémas plus satisfaisants ne peuvent être
atteints que si le sujet dispose d’un «outil cognitif de base »
suffisamment performant et efficient.
L’étape préalable nécessaire à un réel travail psychothé-
rapique est de rendre au déprimé la capacité de se servir
de son psychisme, dont le fonctionnement global est freiné
par la dépression : le ralentissement et les troubles cognitifs
apparaissent au cœur de la dépression, qu’ils soient compris
comme des perturbations primaires ou comme des réponses
secondaires à la perte, interne ou externe, de la dépression
et au trouble de l’humeur.
À cette perte des capacités cognitives correspond un
substrat biologique : la perte de la neuroplasticité. La neu-
roplasticité et l’apprentissage sont actuellement au centre
des avancées de la psychiatrie : on considère désormais que
chaque nouvelle dépression a un «coût neuronal », avec
une altération progressive de la neuroplasticité et des pro-
cessus cognitifs, correspondant à une perte de «flexibilité
mentale ».
La perte de plasticité neuronale a des conséquences
purement mnésiques, mais aussi des conséquences cogni-
tives plus complexes. Chez le sujet non déprimé, la pensée
se nourrit régulièrement de «bons »souvenirs, ajoutant une
valence affective positive à des faits relativement neutres