Acceptabilité en début de traitement P. Thomas

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L’Encéphale (2007) Supplément 2, S78-S80
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p
Acceptabilité en début de traitement
P. Thomas
Pôle Universitaire de Psychiatrie, Hôpital M. Fontan, CHRU de Lille, rue Verhaeghe, 59037 Lille cedex
Parmi les problèmes posés par l’acceptabilité du traitement antipsychotique au début, ceux de l’agitation et de la
sédation sont importants. Ils rendent bien compte des difficultés rencontrées en pratique dans la gestion du traitement à son début, et mettent en lumière les raisons des
différents choix de traitement.
L’agitation
Sur le plan clinique, l’agitation lors de l’épisode aigu de
schizophrénie se présente sous différentes formes symptomatiques pouvant conduire à des troubles des conduites.
C’est également un comportement soumis au regard social
et au jugement de l’entourage au risque de confondre agitation et dangerosité.
L’agitation est une composante commune à de nombreux troubles psychiatriques et médicaux : cette absence
de spécificité explique qu’il y ait peu d’études de classification, d’épidémiologie, de physiopathologie et d’interventions thérapeutiques.
Les recommandations figurant dans la littérature sont
récentes (après 2000), et sont issues de consensus d’experts.
Dans les urgences psychiatriques aux États-Unis l’agitation concerne 21 % des admissions pour trouble schizophrénique [8].
En raison de l’absence de données solides issues d’études de terrain et de l’hétérogénéité des dispositifs d’accueil, il existe une grande diversité des pratiques en
matière d’agitation.
Prise en charge de l’agitation
Envisager les moyens thérapeutiques de contrôler l’agitation,
c’est aussi mieux connaître les effets indésirables, essentiellement la sédation, à court et à long terme : en effet, les traitements instaurés au début de l’épisode aigu sont fréquemment
poursuivis lors de la phase de traitement au long cours.
L’objectif primordial de la prise en charge de l’agitation
est de prévenir ses complications immédiates (conduites
suicidaires, mutilations, accidents, hostilité, agression, crises clastiques) de même que d’éventuelles complications
médicales.
Parallèlement il est important de garder à l’esprit,
durant toute situation d’urgence, la nécessité de promouvoir l’adhésion à la prise en charge ultérieure.
À travers les étapes successives de la prise en charge du
patient schizophrène, la continuité des soins est essentielle
(Fig. 1). L’agitation peut être au premier plan du tableau
clinique durant les premiers jours et sa prise en charge
devrait idéalement se différencier du traitement de l’épisode aigu et de celui du long cours. En effet, les objectifs
thérapeutiques sont différents dans chacune de ces phases.
L’acceptabilité du traitement au début dépend non seulement de son efficacité mais aussi de la surveillance des
effets indésirables comme les dystonies, le syndrome malin
des neuroleptiques, et la sédation excessive qui peut persister bien au-delà de la phase initiale. Il faut également
souligner la fréquence des manifestations de sevrage lié
aux addictions, lorsque le sujet est admis en urgence.
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
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Retentissement
de la maladie
Efficacité
Symptômes négatifs
dysphorie, cognitions,
prévention du suicide,
Comportement Symptômes positifs insight, qualité de la vie ….
Agitation
Comorbidité
Prévention des rechutes
1 à 15 j
1 à 2 mois
+ 6 mois
Sédation
Dystonie
SMN
Sevrage
EPS
Poids
Interactions med
Sédation
Poids
Troubles métaboliques
Dyskinésies
Sédation
Retentissement
du traitement
Tolérance
Aggressivité, hostilité, violence
Distortions
Addictions
cognitives
Impulsivité Intoxication
Symptômes
Syndrome
Excitation Sevrage
positifs
d’influence
Conduites
suicidaires
Anxieté
Depression
Désorganisation
Insomnie
Angoisse
Imprévisibilité
Catatonie
Symptômes
négatifs
Impatiences akathisie
Figure 1 Continuité des soins.
Figure 2 Mécanismes de l’agitation dans l’épisode
psychotique aigu.
Agitation et schizophrénie :
facteurs de risque
patient délirant, ou un comportement inadapté et sans but
(confusion, catatonie, intoxication, sevrage). La dimension
de dangerosité doit par ailleurs être prise en compte, mais
sans être confondue avec l’agitation.
Le traitement symptomatique, lorsqu’il est nécessaire
(de 14 à 34 % des patients hospitalisés, selon Soyka [9]),
devrait être établi en adéquation avec la nature, l’intensité et la durée de l’agitation. C’est pourquoi il doit être
distingué du traitement antipsychotique qui sera maintenu
au long cours.
Quel traitement symptomatique :
De rares études dans la littérature ont tenté d’identifier les
facteurs de risque associés à l’agitation chez les patients
souffrant de schizophrénie. La critique majeure que l’on
peut faire de ces études est la confusion entre agitation et
violence. Les facteurs de risque retrouvés sont le sexe masculin, la forme désorganisée de schizophrénie, la consommation de substance psychoactive, le faible niveau
d’insight, et la perte du contrôle des impulsions.
Mécanisme de l’agitation
dans l’épisode psychotique
À partir de l’approche dimensionnelle de la schizophrénie,
il est aisé de comprendre que l’agitation peut résulter de
différents mécanismes (Fig. 2). Par exemple, les symptômes positifs peuvent conduire à un syndrome d’influence
avec une agitation dirigée vers un persécuteur alors que la
catatonie agitée correspond à une agitation désordonnée,
sans but. La désorganisation conceptuelle donne un caractère imprévisible au comportement. Les dimensions affectives, impulsivité et excitation alimentent les angoisses,
les conduites suicidaires et l’insomnie.
Traitement symptomatique
des différents types d’agitation
dans l’épisode psychotique aigu
Les différents mécanismes impliqués dans l’agitation conduisent à des approches thérapeutiques différenciées. On sait
par exemple que certaines agitations peuvent être aggravées par les antipsychotiques, comme la catatonie, la confusion, les intoxications, le sevrage, ou encore l’akathisie.
La démarche clinique commence par l’identification de
la nature de l’agitation : on peut reconnaître une hyperactivité dirigée vers un ou plusieurs buts, par exemple chez le
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• les antipsychotiques sédatifs de première génération.
Leurs effets indésirables peuvent être sérieux et justifient un bilan préalable qu’il n’est pas toujours facile de
réaliser : effets extrapyramidaux, syndrome malin des
neuroleptiques, arythmie, mort subite,
• les antipsychotiques de seconde génération,
• les thymorégulateurs anticonvulsivants mais leur délai
d’action peut être de 3 à 10 jours,
• les benzodiazépines, dépourvues d’effets indésirables
sérieux, et qui ont fait la preuve de leur efficacité notamment le lorazépam et le clonazépam [4].
Les recommandations des urgentistes nord-américains
[1] tiennent compte de la coopération du patient. Les
patients connus et coopérants, justifient plutôt d’antipsychotiques de seconde génération associés aux benzodiazépines, en privilégiant la voie orale. En revanche, en absence
d’anamnèse les recommandations s’étendent aux antipsychotiques de première génération (halopéridol) associés à
une benzodiazépine en intramusculaire. Il faut noter que
ces consensus d’expert ne proposent pas de recommandations sur la durée de traitement.
La sédation
La sédation est un effet indésirable commun à la plupart
des psychotropes. L’excès de sédation entraîne un retentis-
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alimentaires, des addictions par recherche d’effets dopant.
Elle a également un retentissement sur la santé mentale,
en diminuant les possibilités de réhabilitation et d’adhésion aux soins.
Chez le patient, la sédation se manifeste par des troubles de la vigilance, l’altération des performances cognitives et motrices, la diminution des capacités fonctionnelles,
un risque accru de chutes, d’accidents de la voie publique,
d’accidents domestiques. De plus elle entraîne une diminution de la confiance et de l’adhésion au traitement.
Plusieurs études ont souligné le rôle négatif de la sédation sur la compliance au traitement. La sédation est classée par les patients au second rang des plaintes concernant
le traitement après les symptômes extrapyramidaux et au
premier rang pour les familles. Elle entraîne un vécu pénible de la maladie, génère des attitudes négatives vis-à-vis
du traitement, et altère la qualité de vie et l’alliance thérapeutique [2]. D’une façon générale, patients et soignants
considèrent qu’un traitement non sédatif représente un
avantage à long terme [5].
Ces constatations peuvent être étendues à l’ensemble
des facteurs qui apparaissent prédictifs de l’alliance thérapeutique : l’expérience d’effets secondaires au début du
traitement entraîne une attitude négative vis-à-vis du traitement, un doute sur son efficacité, et un retentissement
négatif sur la compliance [7]. Pour Kampman et al. [6], dès
le premier épisode, faire l’expérience d’effets indésirables
à l’instauration du traitement est déterminant pour la qualité de la compliance ultérieure [6].
Conclusion
L’acceptabilité du traitement justifie une prise en charge
attentive de l’agitation dans les premières étapes du trai-
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tement. Pour cela il est essentiel de considérer la clinique
de l’agitation, afin de mettre en place une réponse thérapeutique adaptée, qui permettra le maintien de l’alliance
thérapeutique.
La sédation thérapeutique ne devrait être instaurée
que si elle est nécessaire, et non de façon systématique. Il
faut garder à l’esprit qu’une sédation prolongée a un impact
pronostique péjoratif. Le traitement de l’agitation devrait
rester un traitement symptomatique et transitoire et par
conséquent se différencier du traitement antipsychotique
au long cours.
Références
[1] American College of Emergency Physicians : clinical policies :
Ann Emergency med 2006.
[2] Angermeyer MC, Matschinger H. Neuroleptics and quality of
life. A patient survey. Psychiatr Prax 2000 ; 27 : 64-8.
[3] Arango C, Calcedo Barba A, Gonzalez-Salvador et al. Violence
in inaptients with schizophrenia : a prospective study.
Shizophr Bull 1999 ; 25 : 493-503.
[4] Gillies et al. Benzodiazepines alone or in combination with
antipsychotic drugs for acute psychosis. Cochrane Database
Syst Rev 2005 ; 19 : CD003079.
[5] Hofer A, Kemmler G, Eder U et al. Attitudes toward antipsychotics among outpatient clinic attendees with schizophrenia. J Clin Psychiatry 2002 ; 63 : 49-53.
[6] Kampman O, Laippala P, Väänänen J et al. Indicators of medication compliance in first-episode psychosis. Psychiatry Res
2002 ; 110, 39-48.
[7] Lambert M, Conus P, Eide P et al. Impact od present and past
antipsychotic side effects on attitude toward typical antipsychotic treatment and adherence. Eur Psychiatry 2004 ; 19 :
415-22.
[8] Marco ACA, Vaughan J. Emergency management of agitation
in schizophrenia. Am J Emerg Med 2005 ; 23 : 767-76.
[9] Soyka M, Ufer S. Aggressiveness in schizophrenia : prevalence,
psychopathological and sociodemographic correlates. Fortschr Neurol Psychiatry 2002 ; 70 : 171-7.
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