Acceptabilité en début de traitement P. Thomas

© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
L’auteur n’a pas signalé de con its d’intérêts.
L’Encéphale (2007) Supplément 2, S78-S80
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Prise en charge de l’agitation
Envisager les moyens thérapeutiques de contrôler l’agitation,
c’est aussi mieux connaître les effets indésirables, essentielle-
ment la sédation, à court et à long terme : en effet, les trai-
tements instaurés au début de l’épisode aigu sont fréquemment
poursuivis lors de la phase de traitement au long cours.
L’objectif primordial de la prise en charge de l’agitation
est de prévenir ses complications immédiates (conduites
suicidaires, mutilations, accidents, hostilité, agression, cri-
ses clastiques) de même que d’éventuelles complications
médicales.
Parallèlement il est important de garder à l’esprit,
durant toute situation d’urgence, la nécessité de promou-
voir l’adhésion à la prise en charge ultérieure.
À travers les étapes successives de la prise en charge du
patient schizophrène, la continuité des soins est essentielle
(Fig. 1). L’agitation peut être au premier plan du tableau
clinique durant les premiers jours et sa prise en charge
devrait idéalement se différencier du traitement de l’épi-
sode aigu et de celui du long cours. En effet, les objectifs
thérapeutiques sont différents dans chacune de ces phases.
L’acceptabilité du traitement au début dépend non seu-
lement de son ef cacité mais aussi de la surveillance des
effets indésirables comme les dystonies, le syndrome malin
des neuroleptiques, et la sédation excessive qui peut per-
sister bien au-delà de la phase initiale. Il faut également
souligner la fréquence des manifestations de sevrage lié
aux addictions, lorsque le sujet est admis en urgence.
Acceptabilité en début de traitement
P. Thomas
Pôle Universitaire de Psychiatrie, Hôpital M. Fontan, CHRU de Lille, rue Verhaeghe, 59037 Lille cedex
Parmi les problèmes posés par l’acceptabilité du traite-
ment antipsychotique au début, ceux de l’agitation et de la
sédation sont importants. Ils rendent bien compte des dif-
cultés rencontrées en pratique dans la gestion du traite-
ment à son début, et mettent en lumière les raisons des
différents choix de traitement.
L’agitation
Sur le plan clinique, l’agitation lors de l’épisode aigu de
schizophrénie se présente sous différentes formes sympto-
matiques pouvant conduire à des troubles des conduites.
C’est également un comportement soumis au regard social
et au jugement de l’entourage au risque de confondre agi-
tation et dangerosité.
L’agitation est une composante commune à de nom-
breux troubles psychiatriques et médicaux : cette absence
de spéci cité explique qu’il y ait peu d’études de classi -
cation, d’épidémiologie, de physiopathologie et d’inter-
ventions thérapeutiques.
Les recommandations gurant dans la littérature sont
récentes (après 2000), et sont issues de consensus d’experts.
Dans les urgences psychiatriques aux États-Unis l’agita-
tion concerne 21 % des admissions pour trouble schizophré-
nique [8].
En raison de l’absence de données solides issues d’étu-
des de terrain et de l’hétérogénéité des dispositifs d’ac-
cueil, il existe une grande diversité des pratiques en
matière d’agitation.
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Agitation et schizophrénie :
facteurs de risque
De rares études dans la littérature ont tenté d’identi er les
facteurs de risque associés à l’agitation chez les patients
souffrant de schizophrénie. La critique majeure que l’on
peut faire de ces études est la confusion entre agitation et
violence. Les facteurs de risque retrouvés sont le sexe mas-
culin, la forme désorganisée de schizophrénie, la consom-
mation de substance psychoactive, le faible niveau
d’insight, et la perte du contrôle des impulsions.
Mécanisme de l’agitation
dans l’épisode psychotique
À partir de l’approche dimensionnelle de la schizophrénie,
il est aisé de comprendre que l’agitation peut résulter de
différents mécanismes (Fig. 2). Par exemple, les symptô-
mes positifs peuvent conduire à un syndrome d’in uence
avec une agitation dirigée vers un persécuteur alors que la
catatonie agitée correspond à une agitation désordonnée,
sans but. La désorganisation conceptuelle donne un carac-
tère imprévisible au comportement. Les dimensions affec-
tives, impulsivité et excitation alimentent les angoisses,
les conduites suicidaires et l’insomnie.
Traitement symptomatique
des différents types d’agitation
dans l’épisode psychotique aigu
Les différents mécanismes impliqués dans l’agitation condui-
sent à des approches thérapeutiques différenciées. On sait
par exemple que certaines agitations peuvent être aggra-
vées par les antipsychotiques, comme la catatonie, la confu-
sion, les intoxications, le sevrage, ou encore l’akathisie.
La démarche clinique commence par l’identi cation de
la nature de l’agitation : on peut reconnaître une hyperac-
tivité dirigée vers un ou plusieurs buts, par exemple chez le
patient délirant, ou un comportement inadapté et sans but
(confusion, catatonie, intoxication, sevrage). La dimension
de dangerosité doit par ailleurs être prise en compte, mais
sans être confondue avec l’agitation.
Le traitement symptomatique, lorsqu’il est nécessaire
(de 14 à 34 % des patients hospitalisés, selon Soyka [9]),
devrait être établi en adéquation avec la nature, l’inten-
sité et la durée de l’agitation. C’est pourquoi il doit être
distingué du traitement antipsychotique qui sera maintenu
au long cours.
Quel traitement symptomatique :
les antipsychotiques sédatifs de première génération.
Leurs effets indésirables peuvent être sérieux et justi-
ent un bilan préalable qu’il n’est pas toujours facile de
réaliser : effets extrapyramidaux, syndrome malin des
neuroleptiques, arythmie, mort subite,
les antipsychotiques de seconde génération,
les thymorégulateurs anticonvulsivants mais leur délai
d’action peut être de 3 à 10 jours,
les benzodiazépines, dépourvues d’effets indésirables
sérieux, et qui ont fait la preuve de leur ef cacité notam-
ment le lorazépam et le clonazépam [4].
Les recommandations des urgentistes nord-américains
[1] tiennent compte de la coopération du patient. Les
patients connus et coopérants, justi ent plutôt d’antipsy-
chotiques de seconde génération associés aux benzodiazé-
pines, en privilégiant la voie orale. En revanche, en absence
d’anamnèse les recommandations s’étendent aux antipsy-
chotiques de première génération (halopéridol) associés à
une benzodiazépine en intramusculaire. Il faut noter que
ces consensus d’expert ne proposent pas de recommanda-
tions sur la durée de traitement.
La sédation
La sédation est un effet indésirable commun à la plupart
des psychotropes. L’excès de sédation entraîne un retentis-
Figure 1 Continuité des soins.
Efficacité Retentissement
de la maladie
Symptômes négatifs
dysphorie, cognitions,
prévention du suicide,
insight, qualité de la vie ….
Prévention des rechutes
Comportement
Agitation Symptômes positifs
Comorbidité
+ 6 mois
Sédation
Dystonie
SMN
Sevrage
EPS
Poids
Interactions med
Sédation
Poids
Troubles métaboliques
Dyskinésies
Sédation
Tolérance Retentissement
du traitement
1 à 2 mois1 à 15 j
Figure 2 Mécanismes de l’agitation dans l’épisode
psychotique aigu.
Symptômes
positifs
Anxieté
Depression
Symptômes
négatifs
Désorga-
nisation
Aggressivité, hostilité, violence
Addictions
Intoxication
Sevrage
Conduites
suicidaires
Insomnie
Angoisse
Impatiences akathisie
Catatonie
Imprévisibilité
Syndrome
dinfluence
Distortions
cognitives Impulsivité
Excitation
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sement sur la santé à travers la réduction de l’activité phy-
sique et de l’exercice, la modi cation des conduites
alimentaires, des addictions par recherche d’effets dopant.
Elle a également un retentissement sur la santé mentale,
en diminuant les possibilités de réhabilitation et d’adhé-
sion aux soins.
Chez le patient, la sédation se manifeste par des trou-
bles de la vigilance, l’altération des performances cogniti-
ves et motrices, la diminution des capacités fonctionnelles,
un risque accru de chutes, d’accidents de la voie publique,
d’accidents domestiques. De plus elle entraîne une diminu-
tion de la con ance et de l’adhésion au traitement.
Plusieurs études ont souligné le rôle négatif de la séda-
tion sur la compliance au traitement. La sédation est clas-
sée par les patients au second rang des plaintes concernant
le traitement après les symptômes extrapyramidaux et au
premier rang pour les familles. Elle entraîne un vécu péni-
ble de la maladie, génère des attitudes négatives vis-à-vis
du traitement, et altère la qualité de vie et l’alliance thé-
rapeutique [2]. D’une façon générale, patients et soignants
considèrent qu’un traitement non sédatif représente un
avantage à long terme [5].
Ces constatations peuvent être étendues à l’ensemble
des facteurs qui apparaissent prédictifs de l’alliance théra-
peutique : l’expérience d’effets secondaires au début du
traitement entraîne une attitude négative vis-à-vis du trai-
tement, un doute sur son ef cacité, et un retentissement
négatif sur la compliance [7]. Pour Kampman et al. [6], dès
le premier épisode, faire l’expérience d’effets indésirables
à l’instauration du traitement est déterminant pour la qua-
lité de la compliance ultérieure [6].
Conclusion
L’acceptabilité du traitement justi e une prise en charge
attentive de l’agitation dans les premières étapes du trai-
tement. Pour cela il est essentiel de considérer la clinique
de l’agitation, a n de mettre en place une réponse théra-
peutique adaptée, qui permettra le maintien de l’alliance
thérapeutique.
La sédation thérapeutique ne devrait être instaurée
que si elle est nécessaire, et non de façon systématique. Il
faut garder à l’esprit qu’une sédation prolongée a un impact
pronostique péjoratif. Le traitement de l’agitation devrait
rester un traitement symptomatique et transitoire et par
conséquent se différencier du traitement antipsychotique
au long cours.
Références
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in schizophrenia. Am J Emerg Med 2005 ; 23 : 767-76.
[9] Soyka M, Ufer S. Aggressiveness in schizophrenia : prevalence,
psychopathological and sociodemographic correlates. Fort-
schr Neurol Psychiatry 2002 ; 70 : 171-7.
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