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éditerranée
Numéro 75 ● Automne 2010
Dossier Culture Notes de lecture
les-dites formes, il faut réhabiliter le combat pour Dieu, le jihâd, et dif-
fuser une culture de participation pour la défense des valeurs centrales
de la société.
La Confrérie choisit de croiser le fer, par des moyens violents, avec
la Monarchie, puis avec le nouveau régime mis en place par le mou-
vement des officiers libres en 1952. La conséquence est la succession
de trois vagues de répression (1948/9, 1954, 1965) et son interdiction
(1948, 1954). Ces terribles épreuves – emprisonnement et tortures
des militants – susciteront à la fois un appel à la modération, par ceux
qui n’approuvaient pas le recours à la violence, et, au contraire, un
appel à la radicalisation. Sayyid Qutb, le principal intellectuel de la
mouvance 5, systématise et radicalise l’islam politique, et lui donne
enfin une théorie. La structure de cette dernière est similaire à celle
du léninisme (l’histoire a un sens, un penseur le découvre, une avant-
garde accomplit l’utopie). Par contre, elle ne fait pas l’unanimité dans
les rangs et certains dirigeants des Frères lui sont immédiatement hos-
tiles 6. En effet, cette théorie affirme que toute société n’appliquant pas
la sharî’a, et partant reconnaissant aux hommes le droit de légiférer, est
« jâhilite », car elle nie la Souveraineté de Dieu et lui retire un des
attributs, celui de faire les lois. La jâhiliyya est l’état d’ignorance anté-
islamique. La terrible accusation d’apostasie (crime qui mérite la peine
de mort) n’est plus loin.
Pendant que les Frères souffrent en prison, dans les années cin-
quante et soixante, plusieurs évolutions vont transformer l’Egypte en
terreau propice pour la nouvelle théorie qutbienne, en tout cas pout
une réislamisation de la société.
D’une part, les orientations socialistes de Nasser et son rapproche-
ment avec l’URSS indisposent une partie influente de l’opinion. Ces
choix doivent donc être équilibrés par une plus grande « dose de reli-
gion » et par une légitimation religieuse, afin de ne pas prêter le flanc
à l’accusation d’athéisme. Le système éducatif, mais aussi, pendant
quelques années, le parti unique, sont confiés aux membres les plus
religieux et les plus conservateurs de l’élite dirigeante.
D’autre part, la guerre de 1967 est un traumatisme majeur.
Entre autres séquelles, les armées arabes sont détruites, le Sinaï, la
Cisjordanie, le Golan et Jérusalem, troisième lieu saint de l’Islam,
sont occupés. Les régimes progressistes se couvrent de ridicule. Tous
les témoignages dont nous disposons montrent un retour en force de
la pratique religieuse (prière et jeune, par exemple), consécutif à la
défaite, construite comme une sanction divine.
L’islam politique égyptien
Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_aixmarseille3 - - 89.86.61.36 - 23/10/2011 15h34. © L'Harmattan
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