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L’Encéphale (2010) Supplément 4, S77–S78
Disponible en lignesur www.sciencedirect.com
journalhomepage: www.elsevier.com/locate/encep
Éditorial
M. Hamon
Président de l’AFPBN
Le trouble bipolaire est certainement l’une des patho-
logies psychiatriques les plus sévères, avec de nombreuses
comorbidités (troubles anxieux, alcoolisme, diabète, etc.).
Sa prévalence est estimée à 1-2,5 %. C’est d’ailleurs la
pathologie psychiatrique qui conduit le plus fréquemment
aux tentatives de suicide, au point qu’on estime que les
décès par suicide concernent jusqu’à 20 % des patients
souffrant de trouble bipolaire. De plus, son diagnostic est
aussi l’un des plus difciles dans la mesure où les symptô-
mes peuvent être polymorphes, voire confondus avec ceux
de la dépression unipolaire lorsque le patient est dans une
phase dépressive, surtout lorsqu’il s’agit du premier épi-
sode. Les études cliniques ont néanmoins permis de distin-
guer deux grands types de trouble bipolaire, d’une part le
type 1, dont les épisodes maniaques sont patents et alter-
nent avec des épisodes dépressifs d’intensité généralement
modérée, et d’autre part le type 2, qui présente des accès
maniaques d’intensité moins forte (hypomanie) mais en
revanche des épisodes dépressifs majeurs. Par ailleurs,
pour les deux types, on distingue les patients avec ou sans
cycle rapide, selon qu’ils présentent plus ou moins d’os-
cillations entre épisodes maniaques et épisodes dépressifs
au cours de l’année. La physiopathologie du trouble bipo-
laire est très mal connue malgré de nombreuses investiga-
tions biologiques, génétiques, de neuro-imagerie, etc. On
met en cause en particulier des anomalies des neurotrans-
missions dopaminergique et glutamatergique, localisées
notamment dans le cortex préfrontal, peut-être en relation
avec certains polymorphismes géniques, voire des modi-
cations épigénétiques affectant tel ou tel gène codant un
récepteur ou une enzyme clé (par exemple la COMT) pour
ces neurotransmissions. Cependant, les données de la litté-
rature sont encore très disparates et ne permettent pas
d’avoir une idée vraiment convaincante de la nature des
dysfonctionnements neurobiologiques associés à la mala-
die. D’ailleurs, il n’existe pas de modèle animal, même
imparfait, du trouble bipolaire, ce qui contribue aussi, bien
sûr, au manque de connaissances physiopathologiques.
Heureusement, des traitements existent dont l’efcacité
est avérée, même si les patients non répondeurs représen-
tent un pourcentage non négligeable. Inciter les patients à
une meilleure hygiène de vie, avec un rythme d’activité
régulier, la prise des repas à heure xe, le coucher à des
heures « normales », etc., constitue déjà une première com-
posante dans une perspective thérapeutique, qui donne des
résultats. D’ailleurs, le trouble bipolaire est souvent associé
à une désorganisation des rythmes biologiques et leur re-
synchronisation avec le milieu (sociétal et familial) environ-
nant contribue souvent à une amélioration symptomatique.
Ce résultat laisse à penser que des dérégulations des gènes
de l’horloge (clock genes tels Per-1 & 2, Bmal1, Dbp, etc.)
pourraient jouer un rôle majeur dans le trouble bipolaire,
par exemple celles résultant d’altérations épigénétiques
pouvant survenir du fait d’événements de vie particuliers au
cours de l’enfance ou de l’adolescence, voire pendant la
grossesse. Une deuxième composante dans le traitement, la
plus importante à l’heure actuelle, demeure l’approche
pharmacologique avec, en première ligne, les stabilisateurs