Premier épisode dépressif d’un trouble bipolaire : aspects cliniques et pronostiques S21
d’antécédents familiaux de trouble bipolaire ou d’antécé-
dents d’hypomanies, ces derniers pouvant également être
identiés grâce à des évaluations standardisées [4].
S’il n’existe à ce jour pas de recommandations spéci-
ques face à des dépressions à risque d’évolution bipolaire,
la prudence doit être de mise, notamment face au risque
de virage sous antidépresseurs. Prenant également en
compte le risque de récurrences dépressives, nous pouvons
préconiser d’accentuer la surveillance clinique de ces
patients, et de leur fournir une information adéquate ainsi
qu’une aide psychoéducative.
Références
[1] Akiskal HS, Walker P, Puzantian VR et al. Bipolar outcome in
the course of depressive illness. Phenomenologic, familial,
and pharmacologic predictors. J Affect Disord. 1983 ; 5 (2) :
115-28.
[2] Akiskal HS. Searching for behavioral indicators of bipolar II in
patients presenting with major depressive episodes : the
« red sign », the « rule of three » and other biographic signs
of temperamental extravagance, activation and hypomania.
Journal of Affective Disorders 2005 ; 84 : 279–290.
[3] American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders (4th edition)., Washington DC,
USA : American Psychiatric Association ; 1994.
[4] Angst J, Adolfsson R, Benazzi F. The HCL-32 : towards a self-
assessment tool for hypomanic symptoms in outpatients. J
Affect Disord. 2005 ; 88 (2) : 217-33.
[5] Ben Abla T, Ellouze F, Amri H et al. Dépression unipolaire ver-
sus dépression bipolaire : facteurs prédictifs d’une évolution
bipolaire. L’Encéphale 2006 ; 32 : 962-5, cahier 1.
[6] Benazzi F. Clinical differences between bipolar II depression
and unipolar major depressive disorder : lack of an effect of
age. Journal of Affective Disorders 2003 ; 75 : 191–195.
[7] Benazzi F. Intra-episode hypomanic symptoms depression and
their correlates. Psychiatry and Clinical Neurosciences 2004 ;
58 : 289–294.
[8] Berk M, Dodd S, Callaly P et al. History of illness prior a diag-
nosis of bipolar disorder or affective disorder. J Affect Disord
2007 ; 103 : 181-186.
[9] Chaudhury SR, Grunebaum MF, Galfalvy FC et al. Does first
episode polarity predict risk for suicide attempt in bipolar
disorder ? J Affect Disord. 2007 ; 104 (1-3) : 245–250.
[10] Daban C, Colom F, Sanchez-Moreno J et al. Clinical correlates
of first-episode polarity in bipolar disorder. Comprehensive
Psychiatry 2006 ; 47 : 433-437.
[11] Duffy A, Alda M, Hajek T et al. Early stages in the develop-
ment of bipolar disorder. J Affect Disord. (In Press).
[12] Forty L, Jones L, Jones I et al. Polarity at onset in bipolar I
disorder and clinical course of illness. Bipolar Disorders 2009 ;
11 : 82–88.
[13] Goldberg JF, Harrow M, Whiteside JE. Risk for bipolar illness
in patients initially hospitalized for unipolar depression. Am.
J. Psychiatry 2001 ; 158 : 1265–1270.
[14] Hirschfeld RM, Vornik LA. Recognition and diagnosis of bipolar
disorder. J Clin Psychiatry 2004 ; 65 Suppl 15 : 5-9.
[15] Mitchell PB, Goodwin GM, Johnson GF. Diagnostic guidelines
for bipolar depression : a probabilistic approach. Bipolar Dis-
orders 2008 ; 10 : 144–152.
[16] Neves FS, Malloy-Diniz lf, barbosa IG et al. Bipolar disorder
first episode and suicidal behaviour : are there differences
according to type of suicide attempts ? Rev Bras Psiquiatr.
2009 ; 31 (2) : 114-8
[17] Perlis RH, Delbello MP, Miyahara S et al. Revisiting depressive-
prone bipolar disorder : polarity of initial mood episode and
Certaines caractéristiques sémiologiques distingue-
raient les dépressions unipolaires et bipolaires. Sans être
pour autant pathognomoniques, les signes cliniques sui-
vants seraient plus spéciquement décrits dans les dépres-
sions bipolaires : début aigu de l’épisode ; caractéristiques
atypiques (hyperphagie/prise de poids, hypersomnie) ;
ralentissement psychomoteur ; symptômes psychotiques ;
caractéristiques mélancoliques ; idées de culpabilité,
d’inutilité et mésestime de soi ; idées suicidaires ; émous-
sement émotionnel ; réduction de la concentration [2, 11,
18]. À l’inverse, l’existence d’une anorexie/perte de poids,
d’une insomnie, d’un niveau d’activité maintenu, de tris-
tesse, de plaintes cognitives et somatiques, doit orienter le
diagnostic vers une dépression unipolaire [2].
La recherche de symptômes d’hypomanie au cours d’un
état dépressif est indispensable à la caractérisation des
dépressions mixtes [8, 11]. Le concept de dépression mixte,
validé par des études familiales et cliniques, est déni par
Benazzi et al. comme l’association des critères d’épisode
dépressif majeur et d’au moins trois symptômes d’hypoma-
nie pendant au moins une semaine [8]. La présence d’une
dépression mixte n’est pas pathognomonique du trouble
bipolaire, mais sa prévalence dans le trouble bipolaire de
type II est deux fois supérieure à celle retrouvée dans le
trouble unipolaire (60 % vs 30 %).
La survenue d’hypomanies subsyndromiques, telles que
des hypomanies brèves, ou d’hypomanies induites par la
prescription d’antidépresseurs est, sans pour autant signi-
er l’entrée dans un trouble bipolaire d’un point de vue
catégoriel, évocatrice d’un risque de bipolarité sous-
jacente [18].
Enn, les travaux d’Akiskal ont montré que des tempéra-
ments cyclothymique ou hyperthymique, certains traits de
personnalité (extraversion, recherche de nouveautés) et une
instabilité biographique étaient bien plus fréquents chez les
patients bipolaires que chez les patients unipolaires [12].
Conclusion
Bien avant que soit posé le diagnostic, la majorité des
patients bipolaires expérimente un ou plusieurs épisodes
dépressifs. Cette polarité du premier épisode semble déter-
miner une évolution ultérieure particulièrement récurrente
et chronique, avec un risque suicidaire marqué.
En miroir se pose la question de l’identication de fac-
teurs de risque d’évolution d’un premier épisode dépressif
vers un trouble bipolaire. Les dépressions des troubles
bipolaires seraient en effet plus volontiers associées à cer-
taines caractéristiques anamnestiques, cliniques et évolu-
tives, qu’il est important de rechercher face à tout épisode
dépressif. Intégrant les caractéristiques les plus spéci-
ques, des modèles probabilistiques ont été établis an
d’orienter les praticiens confrontés à un épisode dépressif
vers un trouble bipolaire ou unipolaire [2].
Une enquête minutieuse à la recherche de facteurs de
risque de bipolarité doit ainsi faire partie de la prise en
charge de tout épisode dépressif, en particulier à un âge
précoce. Le recours à des tiers peut aider la recherche