PLANTES ET ALLERGIES PLANTES ET ALLERGIES

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PLANTES ET ALLERGIES
Dr Hervé Couteaux
Allergologue, Bordeaux
Les allergies, dont la prévalence augmente depuis plusieurs années, touchent actuellement environ un quart
de la population, ce qui explique que cette notion soit
familière à beaucoup.
Après un bref rappel sur les réactions allergiques nous
nous intéresserons aux plantes en cause.
I/ LES RÉACTIONS ALLERGIQUES
L’allergie est une réponse à un contact avec quelque
chose d’a priori totalement inoffensif, comme les pollens, par exemple. Pourquoi réagit-on, parfois sévèrement, à quelque chose qui ne nous menace pas ? Le système immunitaire reconnaît en fait le soi et le non-soi ;
l’allergie est une réponse immunitaire un peu particulière à du «non-soi».
En réponse aux antigènes (substance étrangère qui provoque une réaction immunitaire), le système immunitaire «normal» maintient l’intégrité de notre organisme
par divers moyens :
Par des cellules : c’est l’immunité cellulaire
(phagocytose, cytokines...) Par des sécrétions : c’est l’immunité humorale, faisant intervenir les anticorps. Le
dysfonctionnement immunitaire qu’est l’allergie se calque sur ce schéma : On pourra avoir des allergies médiées par les cellules, le contact entre certaines molécules
et la peau se soldant par une réaction inflammatoire particulière : les dermites de contact, en général causées par
de petites molécules (haptènes) et qui surviennent avec
un certain délai (en général 12 à 48h) après le contact.
On parle de mécanisme retardé. A côté des allergies à
médiation cellulaire, on peut avoir un autre type d’allergie, en réponse à des protéines, de mécanisme immédiat,
par le biais d’anticorps particuliers, les anticorps allergiques qui sont des IgE (Immunoglobulines de type E).
Ces IgE sont produites, comme les anticorps
«normaux», en réponse à une protéine étrangère. La
réaction antigène-anticorps, qui aboutit à l’élimination
de la substance étrangère dans le cas d’une réponse non
allergique, aboutit pour l’allergique, à une réaction inflammatoire tissulaire (peau, muqueuses) générant un
certain nombre de symptômes. Plus la personne allergique est exposée, plus elle fabrique d’anticorps et plus elle
réagit vite et violemment à chaque nouveau contact. Les
tableaux cliniques correspondant à ce mécanisme in-
cluent la rhinite, l’asthme, la conjonctivite et certaines
urticaires.
II/ LES PLANTES EN CAUSE
ECZÉMA DE CONTACT
La plupart des troubles cutanés survenant au contact
des plantes ne relèvent pas de l’allergie, mais d’un mécanisme irritatif ou toxique. Néanmoins, un certain
nombre de plantes sont à l’origine d’authentiques allergies de contact. D’aspect variable, avec une tendance à l’extension des lésions à partir de la zone de
contact, il peut aussi simuler une banale irritation. Les
mains sont évidemment souvent touchées, mais il y a
aussi des formes aéroportées, pouvant toucher les zones découvertes, sans respect des zones photo protégées (sous le menton, derrière les oreilles, sous le nez
et les arcades sourcilières). Dans les photo hallergies
aux végétaux, les lésions concerneront les zones cutanées exposées à la fois aux végétaux et au rayonnement
ultraviolet.
Les Astéracées
C’est la première cause d’allergie de contact en Europe
(selon Paulsen 2002) surtout par les plantes ornementales (chrysanthèmes, marguerites et tournesols). Des
plantes comestibles peuvent aussi être en cause comme
l’artichaut, la laitue, les scaroles, l’endive…) Les adventices sont plus rarement concernées (Artemisia,
Ambrosia, Arnica, Achillea, Taraxacum, Inula…).
Les allergènes responsables sont des lactones sesquiterpéniques, présentes principalement dans les poils
glandulaires ou trichomes sous les feuilles et dans les
têtes florales. Les lésions observées sont fréquemment
un eczéma des mains et du visage (lésions aéroportées)
simulant une photo-dermatose (mais sans respect des
zones photo-protégées). Le diagnostic est basé sur les
tests épicutanés (ou patchs tests) réalisés avec une batterie standard européenne (où figurent lactones, primines, mousse de chêne) ou parfois directement avec
certains fragments des plantes manipulées. D’autres
plantes contiennent des lactones sesquiterpéniques :
les Frullaniacées, poussant sur les écorces de chêne, de
châtaigniers et sur certaines roches. Les Magnoliacées
et les Lauracées contiennent également des lactones.
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Les Anacardiacées
Elles figurent au premier rang mondial. Ce sont les
membres du genre Toxicodendron qui en font la célébrité avec Toxicodendron radicans, le poison ivy (lierre
toxique), Toxicodendron diversilobum, le western poison oak (Toxicodendron toxicarium étant le Eastern
Poison Oak) et Toxicodendron vernix, le poison sumac.
Les plantes du genre Toxicodendron constituent la première cause d’eczéma de contact allergique en Amérique
du Nord… Leurs allergènes sont des urushiols au pouvoir sensibilisant très puissant. Les lésions peuvent être
très sévères… Les fruits peuvent être allergisants, à des
degrés variables selon leur état de maturité. Des eczémas chez des enfants jouant avec des noix de cajou ou
des coquilles ont été décrits.
Alstroemériacées et Liliacées
(surtout Tulipa et Hyacinthus)
Les allergènes sont des tuliposides et des tulipalines.
C’est une cause classique de pulpite allergique professionnelle chez les manipulateurs de bulbes de tulipes qui
contiennent des raphides d’oxalate de calcium, très irritants, favorisant la pénétration des allergènes.
Le bulbe contient plus d’allergènes que le reste de la
plante pour les tulipes alors que ce sont les pétales d’Alstroemeria qui en contiennent le plus. Les pulpites hyperkératosiques crevassées de la main dominante (le
contraire pour l’ail) sont un tableau clinique couramment observé avec ces plantes.
Les Primulacées
Pas tant la primevère officinale (Primula veris) ni la primevère élevée (Primula elatior) qu’une primevère originaire de Chine, Primula obconica. La primine est contenue dans les trichomes, poils glandulaires microscopiques. Des cas de dermites dues à un contact indirect ont
été décrits (boutons de porte, poignée de main…) La
primine aurait des parentés avec d’autres molécules du
règne végétal entraînant des réactions croisées avec
d’autres benzoquinones : bois exotiques (Sucupira) et
orchidées. La fréquence des incidents avec les Primulacées est en baisse car on a produit des variétés de Primula obconica sans primine. Typiquement, on a un eczéma
vésiculeux des mains et des avant-bras. Quelques atteintes du visage sont possibles.
Les Alliacées
Dans cette famille qui comprend l’ail, la ciboulette,
l’oignon et le poireau, se mélangent également irritants et allergènes avec une seule victime, la peau. Le
coupable est le diallyldisulfide (ainsi que l’allylpropyldisulfide et l’allicine) contenus dans ces plantes.
La pulpite touche surtout la main non dominante (qui
tient l’ail) des personnes qui les manipulent très régulièrement, maraîchers et cuisiniers notamment.
Les arbres : Pinacées, Ginkgoacées
Il faut citer ici la colophane (résidu après distillations
des huiles volatiles de l’oléorésine de divers pins) et la
térébenthine (oléorésine obtenue à partir de la résine
de divers pins et de Pistacia terebenthus). L'acide
ginkgolique, dérivé de l'acide salicylique, peut provoquer des dermites sévères. Il est surtout présent dans
les fruits, les arbres mâles sont donc sans risques.
Il semblerait que la dermite au Ginkgo soit une allergie croisée aux Anacardiacées.
Les plantes d’appartement
Malgré leur très large utilisation, les plantes d’appartement ne sont finalement que rarement en cause dans
des accidents allergiques cutanés. Quelques cas ponctuels d’eczémas ont été publiés avec, là encore, une
liste non exhaustive comprenant Begonia, diverses
fougères, Hedera, Schefflera… Moins rares sont les
eczémas aux orchidées dont un allergène a des parentés
avec la primine de la primevère. Encore plus fréquents
sont les eczémas allergiques de contact aux Geranium
et Pelargonium. Le géraniol en est l’allergène et est
également utilisé en cosmétologie.
Plantes aromatiques
Les Lamiacées (thym, menthe, romarin,…). Les Myristicacées (muscade). Les Zingibéracées (gingembre,
cardamone). Les Illiciacées (badianier). Les Orchidacées (vanille).
Ces plantes aromatiques peuvent être à l’origine de
dermites allergiques des mains, mais également de dermites péri-orales. Une allergie de contact aux arômes
présents dans les épices doit être recherchée devant
une chéilite (atteinte périlabiale). L’essence de romarin
est également présente dans certains dentifrices avec le
même effet secondaire possible.
Enfin, les arômes et parfums ont un caractère aéroporté
et ce sont donc des eczémas de contact des paupières ou
du visage éventuellement par procuration qui peuvent
être observés.
Les lichens
Ils ne devraient pas être cités ici, ne faisant pas partie
des plantes sensu stricto… Parmelia, lichen commun en
Europe et dans le monde. Cladonia, le lichen des rennes.
Usnea, lichen fruticuleux dressés ou pendants. Avec
Evernia prunastri, Pseudevermia furfuracea est très employé en parfumerie sous le nom de "mousse de chêne"
LES URTICAIRES DE CONTACT
Elles sont rares. En dehors du Ficus benjamina, qui peut
également être responsable d’allergies respiratoires (avec
une allergie croisée alimentaire possible pour la figue) les
plantes d’appartement connues comme pouvant être
sources d’urticaires de contact sont Begonia, Dracaena,
Schlumbergera, Spatiphyllum, Tradescantia.
Les Solanacées
En plus de leur caractère irritant lors des contacts répétés, les Solanacées sont source d’urticaires de contact
lors de contacts avec ces légumes, essentiellement lorsqu’ils sont crus.
Certaines conditions de culture exacerbent l’expression
de PR-protéines (pathogenesis related proteins) dont
beaucoup sont des allergènes… Certaines personnes allergiques à la tomate ne réagiront par exemple qu’aux
tomates cultivées sous certaines conditions.
LES POLLINOSES
Les allergies aux pollens concernent des plantes abondantes, au moins localement, et dont la pollinisation est
anémophile. Les allergologues distinguent 3 saisons :
janvier à mai pour les pollens d’arbres, avec de grosses
différences régionales : les familles en cause sont principalement les Cupressacées dans le sud-est, les Bétulacées
pour la partie nord et nord-est de la France, les Oléacées
se partageant entre le sud-est pour l’olivier et ailleurs
pour le frêne.
Avril à juillet pour les pollens des Graminées. Juillet à
octobre pour les pollens des autres herbacées : ambroi-
sies, armoise, plantain, pariétaires, chénopodes,…
L’allergie aux pollens de Cupressacées présente la particularité d’être une pollinose hivernale (elle commence entre décembre et février dans le sud de la
France) responsable de rhino-conjonctivites intermittentes sévères et, plus rarement, d’asthmes.
Les pollens de bouleau ont une grande importance
clinique, ils sont émis dès mars-avril dans le nord et
l’est de la France. Il faut noter qu’il existe des allergies
croisées au sein de l’ordre des Fagales, incluant les Fagacées en sus des Bétulacées.
Les aulnes et noisetiers peuvent polliniser dès janvier.
Le chêne et le châtaignier ne sont que moyennement
allergisants.
Les Oléacées sont représentées sur le plan allergologique par l’olivier dans le sud est de la France et par le
frêne ailleurs. La saison du frêne peut chevaucher celle
du bouleau, ce qui pose de difficiles problèmes diagnostiques.
Pollens de Graminées
C’est la pollinose la plus fréquente en France. S’il y a
de larges réactivités croisées entre la plupart des espèces étudiées ce qui prolonge les périodes d’émission
pollinique, les particularités régionales, voire locales,
peuvent tout de même s’avérer déterminantes.
Les plantains
Abondants en toutes régions, ils peuvent sans doute
aggraver et prolonger une pollinose aux Graminées
mais ne semblent pas provoquer de pollinoses sévères.
Armoise et ambroisie
Le pollen d’armoises, diffusé de façon assez constante
en août, est assez réactif et au centre de réactions croisées alimentaires plus connues sous le nom de syndrome armoise-Apiacées, incluant parfois également le
pollen de bouleau. L’ambroisie est très présente et
active dans le sud du couloir rhodanien. Présente ailleurs sur le territoire, elle ne paraît alors pas poser les
mêmes problèmes. La situation n’est en rien comparable avec celle des USA où elle pose des problèmes de
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santé publique…
Les pariétaires sont responsables d’une pollinose quasi
perannuelle du pourtour méditerranéen, mais n’ont
qu’une importance relative en France. La présence de la
plante ne suffit pas : encore faut-il qu’elle bénéficie de
conditions adéquates de pollinisation…
Les pollinoses de proximité
Très peu étudiées, elles sont donc certainement sousestimées. Elles ne concernent que des espèces florales
qui émettent leurs pollens dans un petit périmètre et
touchent les patients qui séjournent dans ce périmètre
restreint. Elles ont été évoquées pour plusieurs espèces :
genêt, mimosa, tilleul, marronnier, pissenlit, lupin, Cyclamen.
III/ LES ALLERGIES ALIMENTAIRES LIÉES
AUX PLANTES
Etre allergique à un type de pollen, c’est être allergique à
une ou plusieurs des protéines contenues dans le grain
de pollen. Si un sujet allergique au pollen est IgE-réactif
à une protéine retrouvée dans d’autres végétaux, on
pourra observer des allergies croisées.
Les Profilines sont des protéines de structure présentes
dans le cytosol de toutes les cellules des eucaryotes. Certaines personnes allergiques aux pollens (il y a des profilines dans tous les pollens) peuvent réagir aux profilines :
elles pourront présenter une allergie croisée aux tomates, agrumes, Cucurbitacées, ananas, banane, kaki et à
bien d’autres fruits (comme la pomme) ou légumes …
Résistantes à la chaleur, les profilines sont sensibles à la
digestion.
Les protéines Bet v 1-like (qui sont des PR-10) sont présentes dans les pollens des Fagales et dans de nombreux
aliments. Initialement décrits dans la pomme (syndrome
bouleau-pomme) les Bet v 1-like (Bet v pour Betula verrucosa) ont été mis en évidence dans de nombreux autres
aliments : pratiquement tous les fruits des Rosacées, des
Apiacées comme le céleri et l’arachide, le kiwi…
On peut donc développer une ou plusieurs allergies ali-
mentaires via une allergie respiratoire. On peut aussi
développer une allergie alimentaire via l’ingestion de
fruits ou de toute autre partie de plantes, indépendamment d’une allergie respiratoire. L’allergie alimentaire due aux LTP (Lipid Transfer Protein) ne
paraît liée à aucun pollens. Elle concerne essentiellement les zones méditerranéennes et peut être à l’origine de réactions sévères. De nombreux fruits et légumes contiennent des LTP : pêche, raisin, fenouil, noisette, kiwi, arachide, asperge, chou, laitue, fraise, artichaut, amande, carotte…
L’allergie aux protéines de stockage concerne l’arachide, les graines et les fruits à coque dans leur ensemble (noix, noix de cajou, amande, pistaches…). Les
symptômes sont fréquemment sévères, parfois mortels et régulièrement au hit parade des déclarations en
allergovigilance.
Certains sujets allergiques au latex réagissent également à certains aliments végétaux ; c’est ce que l’on
appelle un syndrome latex-aliments (avocat, banane,
kiwi, châtaigne, fruits exotiques divers…); la liste s’allongeant chaque jour.
Jardins, environnement et santé
11e colloque scientifique de la SNHF
15 mai 2009
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