État des lieux de la consommation de substances psychoactives 37
dont l’usage peut donner lieu à dépendance. L’ASI a été
développé dans les années 1985 à Philadelphie (États-Unis)
par l’équipe de Mc Lellan. L’ASI a été validé en langue
franc¸aise par Krenz et al. en 2004 [14]. Il permet de quan-
tifier la fréquence et la gravité de l’usage de substances
et sa répercussion sur la vie du sujet. Il ne permet pas de
faire un diagnostic ni d’abus ni de dépendance. L’ASI est un
hétéroquestionnaire standardisé semi-structuré recueillant
des informations dans sept domaines de la vie du patient
(médical, consommation de substances et d’alcool, relations
familiales et sociales, situation légale, emploi et ressources,
état psychologique [18,19]). La passation du test est réali-
sée par un évaluateur spécifiquement formé. La passation
peut être répétée dans le temps. Des autoquestionnaires
peuvent également être utilisés pour affiner les données
comme l’AUDIT, qui est un autoquestionnaire développé
par l’OMS et validé aussi bien en population générale que
spécifique [9]. Il permet d’estimer les populations pré-
sentant une alcoolisation à risque car il s’intéresse aux
douze derniers mois écoulés. Il explore la fréquence et
la quantité d’alcool consommé, la dépendance et les pro-
blèmes rencontrés à cause de la consommation d’alcool.
L’autoquestionnaire de Fagerström est un test permettant
d’évaluer l’usage de tabac et il mesure la probabilité
d’être dépendant mais ce n’est pas un test diagnostique
car il ne reprend pas les critères diagnostiques ni de
l’abus ni de la dépendance. L’autoquestionnaire cannabis
abuse screening test (CAST) permet d’effectuer un pre-
mier repérage des usages nocifs du cannabis, à partir de
six questions. Comme le test de Fagerström, cet autoques-
tionnaire ne permet pas de faire un diagnostic d’abus ou de
dépendance. Il a été utilisé notamment dans les enquêtes
ESCAPAD.
L’idéal serait de coupler le dosage biologique à la passa-
tion de un ou plusieurs questionnaires aidant à l’évaluation
de la consommation comme l’ASI. Les données issues de la
littérature montrent que lors de la réalisation de simples
audits sur la consommation de substances psychoactives
chez la femme enceinte, la fréquence de la consommation
avouée est largement inférieure à celle que l’on retrouve
si l’on effectue un dosage des différentes drogues chez le
nouveau né ou chez la mère [22].Il apparaît ainsi néces-
saire d’utiliser des méthodes objectives d’évaluation de la
consommation de substances psychoactives si l’on veut éva-
luer la prévalence de l’usage de ces substances au cours
de la grossesse (dosage dans le sang, l’urine, les cheveux
du nouveau-né [mais les nouveaux nés n’ont pas toujours
de cheveux à la naissance et les mères n’acceptent pas
nécessairement un prélèvement capillaire chez leur enfant]
ou de la mère, ou enfin dans le méconium du nouveau-
né).
Une étude réalisée chez 974 dyades mère—enfant à Bar-
celone par Lozano et al. [16] a montré que la recherche
de cannabis dans le méconium du nouveau-né était posi-
tive dans 5,3 % des cas mais que seulement 1,7 % des mères
avaient signalé une consommation lors de l’interview. Les
dosages biologiques seuls sont insuffisants car les mères
peuvent avoir consommé avant le cinquième mois de
grossesse (période à partir de laquelle les toxiques sont
détectables dans le méconium), elles ont parfois également
les cheveux trop courts pour effectuer les recherches de
toxiques sur une matrice capillaire.
Existe-t-il un profil de femmes enceintes
consommant des substances psychoactives ?
Il semble y avoir peu de points communs entre une femme
enceinte parfaitement insérée sur le plan professionnel,
avec une situation familiale stable et qui fume du canna-
bis pour se détendre ou qui boit par «convention sociale »
et une femme séropositive pour le VIH, vivant dans la préca-
rité et l’exclusion. De nombreuses études ont été réalisées
afin de tenter d’établir un «profil »des femmes enceintes
consommant une ou plusieurs substances psychoactives.
Cela permettrait de dépister les grossesses à risque, même
si une grande majorité des femmes consommant des sub-
stances illicites n’ont qu’un suivi obstétrical minimum (ces
femmes appréhendent le contact avec le milieu médical car
elles craignent souvent qu’on ne leur enlève la garde de leur
enfant). Les études portant sur les différents profils sont
disparates et parfois même contradictoires :
•Fried [8], au cours d’une étude de cohorte prospective
portant sur des enfants nés de femmes de la région
d’Ottawa qui consommaient à divers degrés du canna-
bis pendant leur grossesse, montrent que les femmes qui
consommaient du cannabis régulièrement pendant leur
grossesse (plus de cinq joints par semaine) appartenaient
à une classe socioéconomique plus défavorisée, étaient
moins instruites et qu’elles fumaient davantage de tabac
que les autres femmes ;
•aux États-Unis, le profil des femmes consommant de
l’alcool et du tabac est le suivant : les femmes céliba-
taires, vivant en milieu urbain, ne recevant pas de soins
lors de leur grossesse ou simplement en fin de grossesse
(US Preventive Services Task Force, 1996) ;
•Vaughn et al. [24] montrent que la consommation de
substances psychoactives varie en fonction de l’origine
ethnique. Ainsi, les femmes blanches consomment plus
d’alcool et de cannabis que les femmes noires qui, en
revanche, consomment de fac¸on privilégiée de la cocaïne.
Ils signalent aussi que les femmes consommant une sub-
stance psychoactive ont un moins bon suivi obstétrical aux
Etats-Unis ;
•les femmes noires américaines auraient tendance à
consommer davantage de drogues illicites (surtout la
cocaïne) que les femmes de race blanche qui, elles,
consommaient davantage d’alcool [13]. La plupart des
femmes étaient, dans les deux cas, très souvent issues
de familles consommatrices de substances psychoac-
tives. Elles avaient parfois été abusées sexuellement dans
l’enfance et vivaient dans un milieu familial dans lequel
régnait la violence. Les comorbidités psychiatriques sont
fréquentes (36,4 %) telles que les pathologies dépressives
et, le plus souvent, des troubles de la personnalité ;
•Fergusson et al. [6] ont établi une liste de facteurs de
risque qui, lorsqu’ils sont présents, doivent faire penser
à une possible consommation de cannabis :
◦le jeune âge,
◦la primiparité,
◦le haut niveau d’éducation,
◦la consommation tabagique,
◦la consommation régulière d’alcool,
◦la consommation régulière de thé et/ou de café,