J. FavrodS212
fl uctuant, qui ne fait pas partie de la pathologie mais qui est
infl uencé par le comportement de l’intervenant. C’est surtout
un signal pour changer de stratégie. Une résistance est un
comportement non coopératif qui indique que la personne
ne parvient pas à coopérer dans les conditions actuelles. La
stratégie la plus fréquemment utilisée est l’écoute réfl exive :
Montrer de la compréhension pour la diffi culté à changer. • « Arrêter de fumer du cannabis, cela semble très diffi cile
pour vous ».
Exagérer la compréhension de la diffi culté à changer. • « S’engager à suivre un traitement effi cace, c’est vraiment
trop dur, trop pénible pour vous, voire impossible ».
Montrer de la compréhension pour l’ambivalence. « Vous • avez de bonnes raisons de continuer à fumer, mais vous
en avez d’aussi bonnes pour arrêter ».
Lorsqu’une certaine tension se manifeste dans l’entre-
tien, on va utiliser des stratégies de temporisation ou de
réassurance :
Changer de sujet, parler d’autre chose.•
Souligner le contrôle personnel : « C’est vous qui décidez ».•
Accepter que le patient ne change pas sur ce point et voir • si l’on peut parler d’un autre problème.
Une stratégie très importante consiste à élargir le sens
de ce que le patient dit ou de lui permettre de voir les
choses sous un angle plus large :
Accord avec rotation. « Vous dites que le cannabis n’a pas • d’effet sur la maladie, mais vous êtes souvent à l’hôpital ».
Recadrage. Le recadrage consiste à changer le sens de la • résistance ou à élargir celui-ci, par exemple pour un
patient qui dit que le cannabis n’a pas d’impact sur son
fonctionnement cognitif. Il peut être utile de rappeler
que le cannabis altère les performances cognitives de
toutes les personnes qui en consomment.
Les phases d’action et de maintien
Durant la phase d’action, on va concrètement accompagner
le patient dans la réduction de sa consommation en
fi xant des objectifs spécifi ques, limités dans le temps,
atteignables et réalisables. On va mettre en place des
comportements alternatifs à la consommation de cannabis,
comme augmenter les capacités à faire face aux situations
à risque.
Adaptation de l’entretien de motivation
dans la schizophrénie
Dans la schizophrénie, il est important de pouvoir
contourner les défi cits cognitifs, comme les défi cits de
mémoire, les troubles de l’attention et les altérations
des fonctions exécutives. Pour contourner les défi cits
neuropsychologiques, on utilise un langage concis et simple,
des reformulations fréquentes, des métaphores concrètes,
des résumés fréquents et des documents écrits, notam-
ment balance décisionnelle et matériel d’information. Les
groupes de motivations semblent également un outil com-
plémentaire [18]. Il s’agit de mises en situation amusantes,
conduites avec les principes de l’entretien de motivation.
Nous utilisons trois séances, « le grand débat », « le tri-
bunal » et « ange et démon ». Le « grand débat » prend
la forme d’une émission télévisée dans laquelle s’oppo-
sent partisans et opposants du cannabis. Les participants
se répartissent en deux camps en fonction de leur choix
personnel. Il peut arriver que le groupe des opposants ne
compte qu’un animateur. Durant une première période, les
deux camps vont réfl échir à leurs arguments, faire des des-
sins de presse et défi nir un slogan de campagne. Ensuite,
ils se réunissent autour d’une table avec l’animateur du
débat. Le camp des partisans va commencer avec un argu-
ment auquel les opposants pourront ensuite répondre.
Après ce premier échange, c’est au camp des opposants de
fournir un argument auquel les partisans pourront répon-
dre. Les camps peuvent faire appel à des témoignages de
participants, des arguments ou des dessins. Dans « le tribu-
nal », les participants sont témoins et membres du jury. Les
animateurs se répartissent les rôles de juge, de procureur
et d’avocat, le cannabis étant l’accusé. On procède de la
même manière que dans le grand débat. À la fi n des témoi-
gnages, le procureur et l’avocat se retirent pour laisser les
participants avec le juge, afi n de décider du verdict. Dans
« ange et démon », un participant se choisit un ange, un
démon et une tentation. Le participant va être mis devant
la tentation, et l’ange et le démon vont lui donner des
arguments pour résister ou céder à celle-ci. Ces groupes
se sont avérés utiles pour élargir les contradictions et aug-
menter l’ambivalence des participants.
Conclusion
Les stratégies tirées de l’entretien de motivation sont l’une
des rares méthodes qui pourraient réduire la consommation
de cannabis dans la schizophrénie. Toutefois, peu d’études
existent. Une étude francophone indique que l’interven-
tion est bien acceptée par les patients [2]. Les résultats
de cette étude sont en cours de soumission à une revue. Il
faudra également, dans le futur, chercher des interventions
complémentaires. Par exemple, une méta-analyse indique
que les personnes avec une schizophrénie et qui abusent
de substances présentent moins de symptômes négatifs que
les patients abstinents [11]. Ces résultats suggèrent, soit
que l’abus de substances réduit les symptômes négatifs,
soit que les patients avec moins de symptômes négatifs
sont plus disposés à consommer des toxiques. Il serait utile
d’étudier cet aspect plus précisément, en regardant si les
patients qui consomment présentent des défi cits ou des
excès au niveau de l’anticipation du plaisir [7].
Références
[1] Bonsack C, Montagrin Y, Favrod J et al. Une intervention
motivationnelle pour les consommateurs de cannabis souffrant
de psychose. Encéphale 2007 ; 33 (5) : 819-26.
[2] Bonsack C, Montagrin Y, Gibellini S et al. Une intervention
motivationnelle brève pour les consommateurs de cannabis