A. Gut L’Encéphale, 2006 ;
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sont caractérisées par l’expansion de l’humeur et l’hyper-
activité. L’auteur souligne que ce sont les moments
dépressifs que l’on repère plus souvent et dont le patient
se plaint alors que l’hyperthymie est évidemment mieux
tolérée par le patient. Il fait remarquer qu’il existe dans le
trouble cyclothymique une tendance et une facilité à criti-
quer son propre état que l’on ne retrouve pas dans les états
mélancoliques. Dans les phases dépressives, cette facilité
à la critique prend la forme de plaintes, de gémissements
tandis que dans les phases hypomaniaques ces critiques
pourront devenir vexantes et le patient paraître arrogant.
Les troubles du sommeil sont marqués par une hypersom-
nie dans les états dépressifs et une réduction des besoins
de sommeil sans fatigue dans les états hyperthymiques.
La durée des épisodes est variable, parfois d’une journée,
parfois de quelques mois voire plusieurs années. Un dia-
gnostic différentiel du trouble cyclothymique est la mélan-
colie mais la présence d’idées délirantes, d’insomnie dans
la mélancolie permet de rectifier le diagnostic. L’auteur cite
également comme diagnostics différentiels, la démence
paralytique, l’hystérie et la neurasthénie alors que dans le
DSM IV TR, les diagnostics différentiels du trouble cyclo-
thymique mentionnés sont le trouble schizoaffectif, la schi-
zophrénie et le trouble schizophréniforme.
Pour Akiskal, la cyclothymie correspond à un tempéra-
ment affectif particulier. Cet auteur a développé des cri-
tères permettant de poser diagnostic de tempérament
cyclothymique (4) :
Une question clinique importante est de savoir si la
cyclothymie est un facteur de prédisposition à la survenue
d’un trouble bipolaire, si le tempérament cyclothymique a
une influence sur l’expression des troubles bipolaires et
si enfin le trouble cyclothymique est retrouvé plus fré-
quemment dans les familles de patients atteints de trouble
bipolaire. Trois études récentes permettent de répondre
à ces questions.
Kochman a publié une étude prospective incluant
80 enfants et adolescents présentant un épisode dépres-
sif au moment de l’inclusion (12). L’existence d’un tempé-
rament cyclothymique était également évaluée lors de
l’inclusion. Ces sujets ont ensuite été suivis durant deux
ans : 43 % d’entre eux ont développé un trouble bipolaire
à 2 ans et cela plus fréquemment chez les enfants avec
un tempérament cyclothymique. De plus, l’existence d’un
tempérament cyclothymique était corrélée à une expres-
sion particulière du trouble bipolaire avec des virages plus
fréquents de l’humeur, des troubles des conduites, de
l’agressivité, des symptômes psychotiques et une suici-
dalité plus importante.
Akiskal en 2003 a étudié l’impact sur le trouble bipolaire
II de la présence ou non du tempérament cyclothymique
(3). Lorsque le trouble bipolaire II est associé à un tem-
pérament cyclothymique, le début du trouble apparaît plus
précoce, le retard au diagnostic plus important, le trouble
bipolaire est souvent confondu avec un trouble de la per-
sonnalité et la clinique est marquée par une irritabilité et
des conduites à risque plus nombreuses. C’est ce qu’Akis-
kal nomme la «
dark expression of soft bipolarity
».
Chiaroni a étudié la distribution du tempérament cyclo-
thymique dans une population de sujets sains, avec
l’hypothèse que ce tempérament puisse être un marqueur
du trouble bipolaire (6). Il a recruté 177 volontaires sains
divisés en 3 groupes : 100 sujets sans histoire familiale
affective ou psychiatrique ; 37 sujets avec des antécé-
dents familiaux de consultation psychiatrique ou d’hospi-
talisation psychiatrique sans trouble bipolaire ; 40 sujets
avec des apparentés de premier degré atteints de trouble
bipolaire I. Ils ont fait passer le questionnaire du tempé-
rament cyclothymique d’Akiskal constitué de 8 items vrai/
faux. Une agrégation familiale du tempérament cyclothy-
mique est retrouvée dans les familles avec des antécé-
dents de trouble bipolaire. Ces résultats permettent de
penser que le tempérament cyclothymique pourrait repré-
senter un endophénotype comportemental utile pour les
études génétiques sur le trouble bipolaire.
Au niveau des thérapeutiques, que peut-on proposer
pour la prise en charge des patients souffrant de
cyclothymie ? Les études américaines rapportent l’effica-
cité d’un traitement par sels de lithium et par valproate de
sodium à faible posologie (10). Cependant, il existe peu
de travaux sur le traitement pharmacologique de la cyclo-
thymie.
Sur le plan psychothérapique, Melanie Klein traitait en
psychothérapie des patients ayant un trouble de l’humeur.
Si on considère la cyclothymie comme une forme atténuée
de trouble bipolaire, alors on peut s’attendre à ce que les
thérapies cognitivo-comportmentales (TCC) puissent
apporter une aide importante dans la prise en charge de
ces patients puisque les TCC ont montré une efficacité
dans les troubles bipolaires (9).
Concernant le dépistage du tempérament cyclothymi-
que, un auto-questionnaire permettant de mesurer les
1 – Début précoce indéterminé (< 21 ans).
2 – Cycles courts intermittents avec euthymie peu fréquente.
3 – Troubles biphasiques caractérisés par des oscillations
brutales d’une phase à l’autre avec manifestations subjectives
et comportementales.
4 – Manifestations subjectives (au moins 2 items) :
A) Léthargie alternant avec eutonie ;
B) Pessimisme et ruminations alternant avec optimisme et
attitude insouciante ;
C) Confusion mentale alternant avec une pensée aiguë et
créative ;
D) Estime de soi incertaine, oscillant entre une faible
confiance en soi et une confiance excessive voire mégalo-
maniaque.
5 – Manifestations comportementales (au moins 2 items) :
A) Hypersomnie alternant avec besoin réduit de sommeil ;
B) Repli, introversion alternant avec une recherche sociale
et une désinhibition sociale ;
C) Restriction de la production verbale alternant avec
logorrhée ;
D) Pleurs inexpliqués alternant avec plaisanteries et facéties
excessives ;
E) Irrégularité qualitative et quantitative marquée dans la
productivité, associée à des horaires inhabituellement élevés
de travail.