ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE // Coordonné par S. Faivre

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ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
//Cancer Cell
//Nature Medicine
//Journal of Clinical Oncology
FKBP51 régule négativement
Akt et modifie la réponse
des cellules cancéreuses
vis-à-vis des médicaments
chimiothérapeutiques
’ Pei H, Li L, Fridley BL, Jenkins GD, Kalari KR, Lingle W,
Petersen G, Lou Z, Wang L. FKBP51 affects cancer cell response
to chemotherapy by negatively regulating Akt. Cancer Cell
16(3);259:66.
A
ktestunesérine/thréoninekinasequiest
normalementactivéeenréponseauxfacteurs
decroissance.Elleestsouventstimuléedemanière
constitutivedanslescellulestumoralesetjoueun
rôlecentraldansleursurvie. Lorsqu’elle est activée
– via la phosphorylation de ses résidus Thr308 et
Ser473, par PDK1 et mTORC2 respectivement –,
Akt promeut la survie cellulaire en phosphorylant
des protéines proapoptotiques (Bad,
FoxO, GSK) ou antiapoptotiques
Une nouvelle voie
(MDM2), inactivant les premières et
stimulant les secondes. Cela se traduit
de régulation d’Akt
par une prolifération cellulaire accrue
indépendante de la voie PI3K
et par une résistance plus importante
aux traitements anticancéreux. Dans
un précédent travail privilégiant une approche
génomique, les auteurs ont montré qu’à la dimi-
nution d’expression du gène codant pour FKBP51
– une peptidyl-prolyl isomérase – était associée
une résistance des cellules tumorales vis-à-vis de
la gemcitabine et de l’Ara-C.
Pour confirmer et généraliser leurs observations,
les auteurs ont ici diminué l’expression de FKBP51
dans les lignées de cellules de cancer pancréatique
SU86, de cancer du poumon A549 et de cancer du
sein MDA-MB-231, par ARN interférence. Ils les
ont ensuite exposées à diverses molécules chimiothérapeutiques : gemcitabine, SN-38, étoposide,
et paclitaxel.
Les résultats montrent que laperted’expression
deFKBP51induitunaccroissementdelarésistance
cellulairevis-à-visdel’ensembledesmolécules
testées.Àl’inverse,lasurexpressiondeFKBP51
danslescellulesSU86accroîtlasensibilitédes
cellules vis-à-vis de la gemcitabine.
Pour comprendre comment FKBP51 affecte la sensibilité cellulaire, les auteurs ont observé le degré
de phosphorylation d’Akt. Il s’est avéré que la
perted’expressiondeFKBP51danslescellules
SU86s’accompagned’uneaugmentationdela
phosphorylationd’AktsurlerésiduSer473 ; la
phosphorylation du résidu Thr308, quant à elle,
n’est pas modifiée. À l’inverse, lasurexpressionde
Chimiothérapie
Voie PI3K
Voie PI3K
P
P
Akt
mTORC2
P
Akt
PHLPP
mTORC2
P
FKBPB51
PHLPP
PHLPP
Activité Akt élevée
Activité Akt diminuée
Survie cellulaire
Mort cellulaire
Schéma. En l’absence de FKBP51 (panel de gauche), la déphosphorylation du résidu Ser 473 d’Akt
par PHLPP est peu efficace. Akt est donc activée et les cellules sont chimiorésistantes. À l’inverse, en
présence de FKBP51 (panel de droite) PHLPP est associée à Akt via FKBP51. Akt est alors efficacement
déphosphoylée sur son résidu Ser 473 et devient donc inactive. Les cellules sont alors chimiosensibles.
448 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
FKBP51entraîneladéphosphorylationspécifique
durésiduSer473d’Akt,phénomènequis’accompagned’unediminutiondelaphosphorylationde
GSK-3ßetFoxO1,2ciblesd’Akt.
Pour déterminer si FKBP51 est directement impliquée dans la régulation de la phosphorylation du
résidu Ser473 d’Akt, les auteurs ont immunoprécipité FKBP51 et observé quelles étaient les protéines
capables de copurifier. Ils ont ainsi montré que
AktetPHLPP1–laphosphataseresponsabledela
déphosphorylationdurésidu473d’Akt–formaient
uncomplexeavecFKBP51 au sein des cellules SU86.
À l’inverse, mTOR ne co-immunoprécipite pas
avec FKBP51. LorsqueFKBP51estsurexprimée,le
degréd’associationd’AktetdePHLPP1augmente,
accroissantladéphosphorylationdurésiduSer473
(schéma).In vitro, les auteurs confirment que
FKBP51 amplifie la capacité intrinsèque de PHLPP1
et d’Akt à former un complexe.
Pour déterminer si l’action de FKBP51 sur l’état
de phosphorylation d’Akt se fait exclusivement
via PHLPP1, les auteurs ont surexprimé FKBP51
et sous-exprimé PHLPP1 dans les mêmes cellules :
l’effet de FKBP51 est complètement annihilé et Akt
reste phosphorylée. Ce phénomène s’accompagne
d’une résistance à la gemcitabine, confirmant que
l’effet de FKBP51 nécessite PHLPP1. Lorsque la forme
mutante FD67/68DV de FKBP51, dépourvue d’activité peptidyl-prolyl isomérase, est surexprimée dans
les cellules SU86, son effet sur l’état de phosphorylation du résidu Ser473 d’Akt est le même que lorsque
la forme sauvage de l’enzyme est exprimée. Cela
montre que l’activité enzymatique de FKBP51 ne
joue pas de rôle déterminant dans ce phénomène.
En délétant les domaines FKBP1 (résidus 1-138)
et FKBP2 (résidus 138-251) de FKBP51, les auteurs
montrent que ces 2 domaines sont importants pour
la formation du complexe entre FKBP51 et Akt. En
revanche, pour le complexe formé entre FKBP51
et PHLPP, ils montrent que c’est le domaine TPR
de la région C-terminale de FKBP51 qui est important. Ces résultats suggèrent que l’interactionde
FKBP51avecAktetPHLPPsefaitviadesdomaines
distincts,renforçantl’idéequeFKBP51joueunrôle
d’ancragefavorisantetrenforçantl’association
entreAktetPHLPP.
Afin de confirmer leurs observations in vivo, les
auteurs ont déterminé par microarray et westernblot les niveaux d’expression, ARN ou protéiques,
de FKBP51 dans des tissus normaux ou tumoraux
provenant de patients atteints de cancer pancréatique. Dans tous les cas où l’expression de FKBP51
était détectable dans les tissus normaux, l’expression de FKBP51 était perdue dans les tissus tumoraux correspondants et les pertes s’accompagnaient
d’un fort accroissement de la phosphorylation d’Akt
sur le résidu Ser473 au niveau des tissus tumoraux.
Akt est souvent retrouvée activée dans les cellules
tumorales au travers d’une dérégulation de la voie
PI3K.
Dans cet article, lesauteursidentifientunnouveau
mécanisme,indépendantdelavoiePI3K,quiagit
enavaldel’activationd’Aktetquiestcapablede
réduiresonétatdephosphorylation. En comprenant les mécanismes qui contrôlent l’expression de
FKBP51, il est envisageable de moduler le niveau
d’activation d’Akt en bloquant sa perte d’expression, et ce quel que soit l’état de la voie PI3K.
A. Escargueil,
université Pierre-et-Marie-Curie, Paris
MACC1, un nouveau régulateur
clé de la voie de signalisation
HGF/Met, prédit la survenue de
métastases dans le cancer du
côlon
’ Stein U, Walther W, Arlt F, Schwabe H, Smith J, Fichtner I,
Birchmeier W, Schlag PM. Nat Med 2009;15(1):59-67.
D
es progrès considérables ont été accomplis dans
la prise en charge du cancer colorectal au cours
des 15 dernières années, qui ont permis de doubler
la survie des patients. Cependant, d’emblée ou de
façon métachrone, la moitié des patients développe des métastases, cause la plus fréquente de
mortalité par cancer colorectal. À l’heure actuelle,
les critères clinico-pathologiques et moléculaires
sont insuffisants pour permettre une identification
précoce des patients à haut risque de développer
des métastases, et les mécanismes moléculaires
impliqués dans la métastagenèse sont mal connus.
La voie de signalisation HGF (hepatocyte growth
factor)/Met occupe une part importante dans les
processus de croissance cellulaire, de transition
épithélio-mésenchymateuse, d’angiogenèse, de
mobilité cellulaire, d’invasion et de diffusion métastatiques. Le récepteur à activité tyrosine kinase
Met, exprimé à la surface des cellules épithéliales,
est un récepteur du HGF décrit initialement comme
le facteur de croissance des hépatocytes mais
faisant également partie de la famille des scatter
factors (SF), qui jouent un rôle important dans
l’invasion cellulaire. Le récepteur Met transmet
des signaux intracellulaires antiapoptotiques, de
survie, de migration et d’invasion cellulaire, via les
voies de signalisation Ras/MAPK (mitogen activated
protein kinase) et PI3K/Akt. Ainsi une dérégulation de HGF/Met est-elle associée aux processus
de carcinogenèse et de diffusion métastatique,
comme cela a été décrit dans plusieurs types de
cancers, dont le cancer colorectal, où une hyperexpression de Met a été rapportée comme facteur
clé de l’invasion cellulaire précoce et du risque
métastatique (1, 2).
Les auteurs se sont intéressés au gène MACC1
(metastasis associated in colon cancer 1), localisé sur
le chromosome 7, préalablement identifié comme
un gène d’intérêt hyperexprimé dans les métastases
de cancer colique. Ils ont examiné l’expression de
l’ARNm de MACC1 dans de la muqueuse colique et
hépatique normale, dans des adénomes coliques
(n = 13) et des tumeurs primitives coliques, et dans
des métastases hépatiques de patients ayant un
cancer colique opéré et ayant ou non développé
des métastases métachrones ou d’emblée métastatiques (17, 23, 22 et 28 cancers de stades I, II, III et IV
respectivement). MACC1 était significativement
surexprimé dans les tissus tumoraux comparés à
la muqueuse normale et adénomateuse, de même
que dans les tumeurs coliques de patients avec
cancer de stade II-III ayant développé des métastases métachrones comparés à ceux qui n’avaient
pas eu de métastases. L’expression de MACC1 était
similaire dans les tissus coliques et dans les métastases correspondantes d’un même patient.
L’analyse multivariée a montré que MACC1 était un
facteur prédictif de métastases de cancer colique,
indépendamment de l’âge, du sexe, de l’invasion
pariétale tumorale, du statut ganglionnaire et
de l’invasion vasculaire. Le taux d’expression de
MACC1 était également corrélé à la survie sans
métastases, puisque les patients avec un fort taux
d’expression de l’ARNm de MACC1 au niveau
colique avaient une survie sans métastases significativement diminuée comparés à ceux avec un faible
taux d’expression (survie à 5 ans : 80 % versus 15 %),
indépendamment du taux d’expression de Met.
Sur un plan plus fondamental, la transfection de
MACC1 au sein de la lignée cellulaire de cancer
colique SW480 – qui, normalement, n’exprime pas
ce gène – était associée à une augmentation importante de l’expression de l’ARNm de MACC1, mais
également de Met, ce qui a été confimé au niveau
protéique. La transfection de siARN spécifique de
MACC1, destinée à obtenir un gene-silencing du
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 |
449
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
gène, était ensuite responsable d’une diminution
significative du taux d’ARNm et protéique de Met,
alors que la transfection de siARN spécifique de
Met induisait une simple diminution d’expression
de Met sans modification de l’expression de
MACC1. CesrésultatssuggèrentdoncuneinfluencedeMACC1surl’activationdelavoieHGF/Met
indépendantedel’expressiondeMet. Les mêmes
transfections ont donné des résultats similaires dans
la lignée SW620 exprimant constitutivement fortement MACC1 (lignée provenant d’une métastase
issue de la ligne SW480, au niveau colique, d’un
même patient).
L’expressiondeMACC1augmentaitlamigration,l’invasionetlaproliférationcellulairedans
ces2modèlesdeculturecellulaireetfavorisait
ledéveloppementdemétastaseshépatiqueset
pulmonairesdansdesmodèlesdesourisxénogrefféesavecdescellulesSW480exprimantMACC1.
Les auteurs ont enfin pu montrer que legèneMet
étaitunecibletranscriptionnelledeMACC1.
Cette étude montre que MACC1 est un facteur clé
dans l’activation de la voie HGF/Met, qui joue un
rôle important dans le processus de diffusion métastatique des cancers colorectaux. Il pourrait donc
constituer un facteur pronostique majeur pour
identifier les patients opérés à risque de développer
des métastases métachrones, et devenir une cible
thérapeutique chez les patients métastatiques.
A. Lièvre,
hôpital Ambroise-Paré,
Boulogne-Billancourt
Références bibliographiques
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of tumor invasion and lymph node metastases.
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Risque de cancer colorectal
associé à la mutation du gène
MUTYH : conséquences
pour la pratique clinique
> Lubbe SJ, Di Bernardo MC, Chandler IP, Houlston RS. Clinical
implications of the colorectal cancer risk associated with MUTYH.
J Clin Oncol 2009;27:3975-80.
C
inq pour cent des cancers colorectaux sont liés
à un syndrome de prédisposition génétique, les
plus fréquents étant le syndrome hereditary non
450 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
polyposis colorectal cancer (HNPCC) et la polypose
adénomateuse familiale (PAF). Ces 2 entités sont
dues à une mutation constitutionnelle respectivement d’un des gènes du système de réparation
des mésappariements de l’ADN et du gène adenomatous polyposis coli (APC), et sont caractérisées
par une transmission autosomique dominante.
Plus récemment, il a été montré que la présence
d’une mutation biallélique du gène MUTYH, appartenant au système de réparation par excision de
base (base excision repair [BER]), était associée à
un risque de cancer colorectal selon une transmission récessive par l’intermédiaire d’une prédisposition à un phénotype de polypose adénomateuse
atténuée (1-3). Quarante pour cent des polyposes
adénomateuses sans mutation du gène APC s’expliqueraient par cette mutation. Le risque de cancer
colorectal en présence d’une mutation monoallélique de MUTYH reste, quant à lui, non démontré.
Les mutations Y179C et G396D, présentes chez
environ 1 % de la population, représentent 80 %
des mutations pathogéniques de MUTYH retrouvées chez les sujets européens.
Jusqu’à présent, ces mutations de MUTYH ont été
étudiées majoritairement dans des cohortes de sujets
ayant une polypose colorectale ou des antécédents
familiaux de cancer colorectal, ce qui peut constituer
un biais induisant une surestimation du risque de
cancer colorectal lié à ces mutations. Or, une estimation précise du risque de cancer colorectal et du
phénotype associé à ces mutations de MUTYH est
capitale pour le conseil génétique, la surveillance et
la prise en charge individuelle des patients.
Les auteurs de cette étude ont analysé les mutations constitutionnelles Y179C et G396D du gène
MUTYH dans une population britannique (ethnie
européenne uniquement) de 9 268 patients atteints
de cancer colorectal (non exclus pour prédisposition génétique) et chez 5 064 sujets contrôles. Le
phénotype MSI était également déterminé. Ils ont
ensuite étudié le phénotype de ces patients, évalué
les corrélations génotype-phénotype et calculé le
risque de cancer colorectal spécifique de chaque
génotype.
Une mutation biallélique était retrouvée chez 27 des
9 268 patients, soit 0,3 % : 4 mutations homozygotes
Y179C, 10 homozygotes G396D et 13 hétérozygotes.
Lespatientsporteursd’unemutationbiallélique
deMUTYHétaientsignificativementplusjeunes
(54ansversus59ans)etavaientplusfréquemmentunetumeurproximale(toutesétaientMSI)
etunepolyposesynchrone.Ils avaient également
plus fréquemment un apparenté au premier degré
atteint d’un cancer colorectal, mais ce de façon non
significative. Les mutations homozygotes Y179C
étaient associées à un âge médian au diagnostic
plus jeune (49,5 ans) que les mutations homozygotes
G396D (57,9 ans) et les mutations hétérozygotes
(52,4 ans). La polypose synchrone n’était cependant
pas systématique et plusieurspatientsavecmutation
bialléliquedeMUTYHn’avaientenl’occurrence
aucunpolypeassocié. Enfin, le risque de cancer
colorectal pour les patients porteurs d’une mutation biallélique était multiplié par 28, car un seul
sujet contrôle était porteur d’une telle mutation.
Les mutations homozygotes Y179C étaient associées
à un risque plus important (multiplié par 56) que les
mutations G396D (risque multiplié par 19), ce qui est
sous-tendu par un âge plus jeune au diagnostic. Le
risque de cancer colorectal était fortement dépendant de l’âge (multiplié par 115, 30 et 15 pour les
tranches d’âge de 40-49 ans, 50-59 ans et 60-69 ans,
respectivement), mais la pénétrance était incomplète
à l’âge de 60 ans (42,9 %).
LesmutationsmonoalléliquesdeMUTYHn’étaient
pas,quantàelles,associéesàunrisqueaugmenté
decancercolorectal (2,2 % des cancers colorectaux
et 2,0 % des sujets contrôles), ni à un âge plus jeune
au diagnostic. Ces résultats étaient confirmés après
analyse poolée des résultats de cette étude avec ceux
de 11 études cas-témoins antérieures réalisées chez
des patients non sélectionnés.
Cetteétude,quiestlaplusvasteréaliséeàcejour
enbasedepopulation,confirmedoncl’augmentationdurisquedecancercolorectalassociéaux
mutationsbialléliquesdeMUTYH,lesmutations
Y179Cconférantunrisqueplusimportantqueles
mutationsG396D.Cependant,ellemontrequela
présenced’unepolyposemanquedesensibilité
pouridentifierlespatientsporteursd’unemutation
biallélique.
Les auteurs de cette étude suggèrent qu’une
recherche de ces mutations peut donc raisonnablement être faite chez les patients ayant un phénotype
de polypose atténuée quand une mutation du gène
APC a pu être écartée et en cas de diagnostic de
cancer colique proximal de phénotype microsatellite
stable (MSS) avant 50 ans, d’autant plus qu’il existe
a fortiori lorsque le patient a un parent au premier
degré atteint de cancer colorectal. Compte tenu du
risque élevé de cancer chez les sujets porteurs d’une
mutation biallélique, une surveillance coloscopique
apparaît justifiée, ce qui n’est pas le cas en présence
d’une mutation monoallélique.
Références bibliographiques
tumeurs étaient réséquées, et leur agressivité était
quantifiée par la détermination des proportions de :
» carcinome encapsulé non invasif ;
» carcinome micro-invasif ;
» carcinome hautement invasif.
Alors que le groupe contrôle n’avait que 6 % de
carcinomes hautement invasifs, les groupes traités
pendant 1 et 4 semaines en présentaient 54 % et
62,5 %, respectivement. Cet effet se maintenait
jusqu’à 3 semaines après cessation du traitement
et était encore plus marqué si la durée du traiteA. Lièvre,
ment était de 4 semaines. De façon rassurante, la
hôpital Ambroise-Paré,
survie des souris traitées était tout de même légèBoulogne-Billancourt
rement supérieure à celle des souris non traitées
(16 versus 15 semaines). Les auteurs ont retrouvé
les mêmes résultats avec des souris chez lesquelles
était implanté le même modèle tumoral génétiLes traitements
quement modifié avec délétion du gène VEGF-A,
ce qui confirme le rôle spécifique de la voie de
antiangiogéniques rendraient
signalisation de VEGF dans le développement de ce
les cellules tumorales plus
phénotype tumoral agressif. Enfin, les auteurs ont
agressives
montré que, chez les souris traitées par antiangiolors que les traitements antiangiogéniques
géniques, le taux d’envahissement des ganglions
sont approuvés dans de nombreuses indicalymphatiques péripancréatiques était 4 fois supétions tumorales, la revue Cancer Cell, publie, dans
rieur à celui observé chez les souris non traitées.
un même numéro paru cette année, deux rapports
Le nombre de métastases hépatiques, quant à
intrigants sur les conséquences inattendues de ces
lui, avait presque triplé. Des résultats similaires
traitements sur des modèles précliniques de cancer.
ont été reproduits avec le sunitinib, qui cible
Il apparaît en effet que des tumeurs traitées par
non seulement VEGFR, mais aussi PDGFR. Enfin,
antiangiogéniques développent un phénotype
l’étude de modèles orthotopiques de glioblasplus agressif avec des potentiels invasif et métastomes a conduit aux mêmes conclusions. L’un des
tatique accrus.
mécanismes évoqués par
les auteurs pour expliquer
Ces résultats
le phénotype tumoral plus
pourraient bien
Vasculature tumorale :
agressif observé est la
expliquer le gain
qui s’y frotte s’y pique ?
constant en survie
nette augmentation des
sans progression
régions hypoxiques dans
les tumeurs traitées.
observé avec ces
traitements en pratique clinique, et le faible gain
Les résultats de l’étude conduite par l’équipe canaen survie globale. Par ailleurs, ils soulèvent de façon
dienne sont aussi très éloquents : ils montrent que
plus inquiétante la question de la pertinence de
l’administration d’un traitement antiangiogénique
l’utilisation de ces composés en situation curatrice.
accélère l’évolution métastatique et réduit la survie
La première étude, coordonnée par une équipe
globale dans 2 autres modèles précliniques (2). Dans
espagnole, montre que le ciblage de la voie de
cette étude, le choix pour le sunitinib, administré
signalisation de VEGF sur deux modèles différents a
de façon discontinue avec périodes d’interruption
certes une activité antitumorale, mais conduit aussi
reposait sur des données récentes suggérant que la
à une adaptation tumorale qui se traduit par un
période d’interruption du traitement favorisait une
phénotype plus agressif (1). Les auteurs ont tout
repopulation tumorale. Les auteurs ont choisi un
d’abord traité des souris avec un anticorps antimodèle expérimental de métastases avec injection
VEGFR2 pendant 1 semaine, chez lesquelles avait
intraveineuse des cellules cancéreuses mammaires
été greffé le modèle RIP1-Tag2 de tumeur neuroenhumaines 231/LM2-4 exprimant la luciférase. Il s’est
docrine pancréatique. Après quelques semaines, les
avéré qu’un traitement de 7 jours par sunitinib, soit
1. Al-Tassan N, Chmiel NH, Maynard J et al.
Inherited variants of MYH associated with somatic
G:C→T:A mutations in colorectal tumors. Nat Genet
2002;30:227-32.
2. Sampson JR, Dolwani S, Jones S et al. Autosomal
recessive colorectal adenomatous polyposis due to
inherited mutations of MYH. Lancet 2003;362:
39-41.
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colorectal adenomas, classic adenomatous
polyposis, and germ-line mutations in MYH.
N Engl J Med 2003;348:791-9.
A
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 |
451
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
avant, soit après injection des cellules cancéreuses,
accélérait l’évolution métastatique, déterminée
par bioluminescence, et réduisait la survie globale
chez les souris traitées. L’administration d’autres
composés de la même classe que le sunitinib, tels le
sorafénib et le SU10944, a eu les mêmes résultats.
Dans un second temps, les auteurs ont implanté
puis réséqué des tumeurs issues des mêmes lignées
cellulaires, et ont administré aux souris un bref
traitement adjuvant par sunitinib. De la même
manière, ils ont retrouvé chez les souris traitées
une évolution métastatique plus agressive ainsi
qu’une survie globale diminuée comparativement
aux souris non traitées. Ils ont ensuite administré
un traitement antiangiogénique aux souris chez
lesquelles des cellules 231/LM2-4 avaient été
implantées dans la graisse mammaire. De façon
rassurante une fois de plus, le traitement avait une
activité antitumorale. En outre, les souris traitées
par sunitinib de façon prolongée avaient une survie
globale améliorée par rapport à celle des souris non
traitées. En revanche, la repopulation tumorale
était plus rapide au moment de la progression,
et la survie globale plus courte, lorsque les souris
étaient traitées par antiangiogéniques sur une
courte durée. Ces résultats ont été reproduits avec
la lignée cellulaire de mélanome MeWo.
Ces conclusions soulèvent de nombreuses questions,
retranscrites par S. Loges dans un article de synthèse
très bien rédigé, publié dans le même numéro
de Cancer Cell (3). En effet, même si certains
traitements antiangiogéniques – tel l’anticorps
bévacizumab ciblant VEGF en association avec la
chimiothérapie, ou les inhibiteurs de tyrosine kinase
comme le sunitinib ou le sorafénib – ont démontré
leur efficacité en pratique clinique, les gains en
survie qu’ils procurent ne sont généralement que
de quelques mois. Tous ces traitements ne sont pour
l’instant indiqués qu’en situation métastatique.
Si les résultats des études précliniques présentées
ci-dessus concordent avec les données cliniques, il
semble en revanche plus inquiétant de constater
que le traitement antiangiogénique chez les souris
avant injection intraveineuse des cellules tumorales
montre une évolution métastatique plus sévère
et une survie globale réduite. Si on extrapole ces
résultats à la pratique clinique, il est à craindre que
l’administration d’un traitement antiangiogénique
en situation curatrice – comme en situation adjuvante, par exemple – rende les cellules cancéreuses
réfractaires au traitement adjuvant plus agressives
et que la rechute métastatique soit encore plus
452 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
virulente qu’en l’absence de traitement. Alors,
faut-il s’inquiéter ? Nous ne le pensons pas, et ce
pour plusieurs raisons ; à notre connaissance, un
seul essai clinique évaluant un traitement antiangiogénique en situation adjuvante a été rapporté
à ce jour : il s’agit du NSABP C-08, présenté par
N. Wolmark à l’ASCO cette année. Même si
l’ajout de bévacizumab à FOLFOX-6 ne semblait
améliorer ni la survie sans progression ni la survie
globale de patients opérés d’un cancer du côlon de
stade II ou III, il ne semblait pas être délétère non
plus. Voilà qui est rassurant. Par ailleurs, toutes les
études précliniques ayant évalué les effets des traitements antiangiogéniques sur l’évolution naturelle
des cancers ne sont pas arrivées à ces mêmes conclusions. Enfin, la translation des résultats précliniques
en clinique n’est pas toujours évidente : il existe en
effet de nombreuses variables qui distinguent les
modèles précliniques utilisés dans ces 2 études de la
pratique clinique, comme le choix de la dose du traitement antiangiogénique, la durée du traitement,
l’absence d’association avec une chimiothérapie,
etc. Ces variables expliquent sûrement une partie
des contradictions observées entre les résultats
des différentes études précliniques et incitent à
interpréter ces données avec précaution.
En conclusion, ces 2 études représentent une contribution importante pour notre compréhension des
mécanismes d’action des traitements antiangiogéniques. Bien que quelque peu provocants, leurs
résultats ne doivent pas être un frein au développement de ces traitements en situation curatrice. Ces
études soulignent toutefois la nécessité pressante
de mettre en évidence des marqueurs d’efficacité
(ou d’inefficacité) afin de pouvoir sélectionner à
l’avenir les patients les plus à même de bénéficier
de ce type de traitement.
C. Le Tourneau,
Princess Margaret Hospital,
Toronto, Canada
Références bibliographiques
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