5
Dans sa première phase, une telle révolution dans un pays colonial et semi-colonial, par son caractère
social, reste encore essentiellement une révolution démocratique bourgeoise, et ses revendications
tendent objectivement à frayer la voie au développement du capitalisme; néanmoins, cette révolution
n'est déjà plus l'ancien type de révolution, dirigée par la bourgeoisie, et ayant pour but d'établir une
société capitaliste et un Etat de dictature bourgeoise. Elle est une révolution du type nouveau, dirigée
par le prolétariat, et ayant pour but d'établir, dans cette première phase, une société de démocratie
nouvelle et un Etat de dictature exercée en commun par toutes les classes révolutionnaires. Donc, cette
révolution sert précisément à frayer une voie encore plus large pour le développement du socialisme.
Dans sa marche, cette révolution se subdivise en plusieurs étapes, du fait des changements dans le
camp de l'ennemi et dans les rangs de ses alliés; mais sa nature fondamentale reste inchangée.
Cette révolution attaque le fondement même de l'impérialisme, aussi est-elle rejetée par l'impérialisme
qui la combat, mais elle est acceptée par le socialisme et aidée par l'Etat socialiste et le prolétariat
international socialiste.
Voilà pourquoi une telle révolution ne peut manquer de devenir une partie de la révolution mondiale
socialiste prolétarienne.
"La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale". Cette juste formule a été énoncée
dès la période de la Première Grande Révolution chinoise de 1924-1927. Elle a été émise par les
communistes chinois et approuvée par tous ceux qui participaient alors à la lutte anti-impérialiste et
antiféodale. Cependant, à cette époque, on n'a pas su donner à cette théorie toute sa portée, de sorte
qu'on n'en avait qu'une idée vague.
Cette "révolution mondiale" n'est plus l'ancien type de révolution mondiale — l'ancienne révolution
mondiale bourgeoise est depuis longtemps arrivée à son terme — c'est une nouvelle révolution
mondiale, la révolution mondiale socialiste. De même, "une partie" ne désigne plus une partie de
l'ancienne révolution bourgeoise, mais une partie de la nouvelle révolution socialiste. C'est là un
immense changement, un changement qui n'a son pareil ni dans l'histoire de Chine ni dans l'histoire
universelle.
Cette formule pleine de justesse émise par les communistes chinois tire son origine de la théorie
stalinienne.
Déjà, en 1918, à l'occasion du premier anniversaire de la Révolution d'Octobre, Staline écrivait :
L'immense portée mondiale de la Révolution d'Octobre consiste surtout en ceci, qu'elle a :
1° élargi le cadre de la question nationale, l'a transformée d'une question particulière posée par la lutte
contre l'oppression nationale en Europe, en une question générale : celle de l'affranchissement des peuples
opprimés, des colonies et semi-colonies du joug de l'impérialisme ;
2° ouvert de larges possibilités et des voies efficaces pour cet affranchissement, en facilitant ainsi, dans
une mesure considérable, la libération des peuples opprimés d'Occident et d'Orient, en les entraînant dans
la voie commune d'une lutte victorieuse contre l'impérialisme ;
3° jeté par là même un pont entre l'Occident socialiste et l'Orient asservi, en créant contre l'impérialisme
mondial un nouveau front de révolutions qui s'étend des prolétaires d'Occident aux peuples opprimés de
l'Orient, en passant par la Révolution russe.5
Depuis, Staline a maintes fois développé la théorie selon laquelle les révolutions dans les colonies et
les semi-colonies se sont détachées de la révolution de l'ancienne catégorie pour devenir une partie de
la révolution socialiste prolétarienne. C'est dans son article publié le 30 juin 1925, à propos d'une
controverse avec les nationalistes yougoslaves de l'époque, qu'elle est exposée avec le plus de clarté et
de précision. On y lit le passage suivant :
Sémitch se réfère à un passage de la brochure de Staline : Le marxisme et la question nationale, écrite à la
fin de 1912. Il y est dit que "la lutte nationale, dans les conditions du capitalisme ascendant, est une lutte
des classes bourgeoises entre elles". Par là, il veut apparemment faire allusion à la justesse de sa formule
tendant à définir la portée-sociale du mouvement national dans les conditions historiques données. Mais
la brochure de Staline a été écrite avant la guerre impérialiste, quand la question nationale n'était pas
encore dans la conception des marxistes une question d'une portée mondiale et que la revendication
fondamentale des marxistes relative au droit de libre disposition était considérée non comme une partie de
la révolution prolétarienne, mais comme une partie de la révolution démocratique bourgeoise. Il serait
ridicule de ne pas voir que, depuis, la situation internationale s'est transformée radicalement ; que la
guerre, d'une part, et la Révolution d'Octobre en Russie, de l'autre, ont transformé la question nationale,