Université Cheikh Anta DIOP Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Dakar POLITIQUE NATIONALE DE DEVELOPPEMENT Professeur Moustapha Kassé Doyen Honoraire Officier des Palmes académiques Officier de l’Ordre National Membre des Académies www.mkasse.com 4ème Année de Sciences Economiques Année universitaire 2015/2016 1 2 CHAPITRE INTRODUCTIF : L’évolution de l’économie sénégalaise sur un demisiècle. Dans la déclaration d’Arusha en 1967, le Président Julius K.NYERERE a eu à souligner les points suivants : Suivre la voie du socialisme enraciné dans la société africaine traditionnelle et son esprit communautaire ; Amener le peuple à compter sur lui-même et sur son travail (le travail considéré comme la racine du développement) ; Construire un développement qui assure l’égalité entre les citoyens ; Ne pas attendre l’argent des autres Prendre l’agriculture comme base du développement « Tout le monde désire le développement ; mais ce n’est pas tout le monde qui comprend et accepte les conditions fondamentales du développement. La plus importante de ces conditions est l’ardeur au travail. Nous devrions aller parler à nos populations dans les villages pour essayer de les amener à travailler davantage… Nous rendrions un très grand service à notre pays si nous allions dans les villages dire aux gens qu’ils possèdent ce trésor et qu’il dépend d’eux de s’en servir pour leur bénéfice propre et pour le bénéfice de notre nation toute entière… L’argent et le temps que nous dépensons à communiquer ces connaissances aux paysans sont mieux employés et rapportent davantage à notre pays que l’argent et le temps que nous consacrons à quantité d’autres choses que nous appelons développement ». Au moment des indépendances africaines, en 1960, les visions et les stratégies se réclamaient d‟une «voie africaine du socialisme.» présentée comme une alternative à la fois au capitalisme libéral et au socialisme marxiste. Les ressources humaines nationales étaient peu nombreuses et les infrastructures de base nettement insuffisantes. Devant l‟immensité des tâches de construction d‟une nation jeune et nouvellement indépendante, et tenant compte de l‟absence d‟un véritable secteur privé national capable de saisir toutes les opportunités d‟investissement, l‟État sénégalais décida de prendre en charge la promotion du développement, occupant progressivement une position stratégique dominante dans tous les secteurs de l‟économie nationale avec un contrôle direct des secteurs stratégiques par mise en place de monopoles publics. C‟était le départ de la mise en place de toutes les institutions de «l’État développeur.» 1 Cette stratégie de développement visait notamment à transformer profondément les systèmes productifs et les appareils administratifs hérités de la colonisation et devrait conduire à la mise en place, au plan de l‟équipement et de l‟infrastructure sociale, de larges programmes d‟investissement qui se sont révélés, par la suite, massifs, parfois peu réalistes et d‟une faible efficacité. Dans le même temps, la grave rupture survenue 1 Disons plutôt que la bourgeoisie commerçante sénégalaise a subi un long processus de liquidation à partir de 1900 au point d’être réduite à la veille de la seconde guerre mondiale à des rôles secondaires. Ce fut d’abord le crash du commerce de la gomme au début du siècle puis l’installation des comptoirs des grandes maisons de commerce coloniales bordelaises et marseillaises, à partir des années 20 l’avalanche des libano -syriens et enfin la crise des années 30. Voir à ce sujet Aamir Amin : Le monde des affaires sénégalais .Les Editions de Minuit, 180 pages 3 entre les structures de production – alimentaires en l‟occurrence – et les structures de consommation, a fondamentalement contribué à opérer une double extraversion : celle de la production et celle de la consommation. Il en est résulté un approfondissement du déséquilibre entre la production intérieure et la demande globale au sein de laquelle prédominait une consommation finale excessive et, conséquemment, un accroissement du déficit en ressources. Celui-ci était artificiellement entretenu et financé par l‟aide publique et l‟endettement extérieur. Le boom pétrolier des années 70 avait favorisé des emprunts publics à des taux relativement faibles. A la faveur de l'augmentation de la dette publique des Etats dans les années 1980, les marchés financiers sont arrivés aux commandes. Cela s'est traduit par une augmentation des taux d'intérêt, dont le niveau a dépassé non seulement l'inflation, mais la croissance. Les Etats qui avaient un fort niveau d'endettement sans être producteurs de pétrole ont alors eu de plus en plus de mal à clore leurs exercices budgétaires. Il a fallu emprunter, pour rembourser les emprunts passés, à des taux qui promettaient d'engendrer de nouvelles difficultés. Faute de remèdes radicaux, cette situation vouait irrémédiablement le pays à des crises qui bloqueraient la croissance et le développement. S‟y ajoutait dans le cas du Sénégal, une énorme distorsion entre l‟affectation théorique et l‟utilisation effective de la dette extérieure qui n‟a pas favorisé la création de conditions adéquates de formation et d‟extension de surplus nécessaires à l‟amortissement régulier du service de la dette (principal et intérêts échus). Assurément, cette situation risquait de constituer le fondement d‟une crise de paiements dont la perpétuation, si rien n‟était entrepris, pouvait déboucher sur une crise sérieuse de solvabilité. La cessation de paiements se traduirait alors par un retrait des financements extérieurs et un effondrement des importations qui aurait des incidences sur la production par le biais des nombreux secteurs qui recourent à des biens d'équipement importés. Pourtant, en 1960, le Sénégal était le pays le plus industrialisé et le mieux doté en infrastructure d‟Afrique noire francophone. Le pays a joui, au plan interne, d‟une relative stabilité politique. Malgré ces conditions favorables au développement, les performances économiques et sociales ont été bien médiocres et sur une longue période, de 1960 à 2012, la croissance économique annuelle moyenne n‟a été que de 2,9 % ce qui équivaut, par moment à peine, au croît démographique qui a évolué entre 3,4 à 2,6% et dans le même temps, le taux de croissance par tête d‟habitant n‟a que rarement dépassé 1%. De 615$ en 1960 (en dollar constant de 2000), il est retombé à 560$ en 2010. Taux de croissance moyen du Sénégal de 1960-2000 (%) Année 1960-1969 1970-1979 1980-1984 1985-1993 Indicateurs PIB 2,2 3,0 1,8 2,2 PIB/tête -0,5 0,3 -0,9 -0,4 1994-2000 4,9 2,1 Cependant, en 1960, le PIB par habitant du Sénégal dépassait celui de la plupart des pays d‟Afrique et même d‟Asie de l‟Est comme la Corée du Sud. Ce pays par les 4 réformes et l‟ouverture opérées à partir des années 1970 lui ont permis, en 2010, d‟être une grande puissance industrielle et d‟avoir un PIB plus de 20 fois supérieur à celui du Sénégal 2 Cette période marque le début, au Sénégal, de la mise en œuvre de l‟ajustement structurel avec une politique de stabilisation en 1978, la mise en œuvre du Plan de Redressement Economique et Financier (PREF). Un programme d'ajustement structurel à moyen et long terme (PAMLT) de 1985 à 1992. Tout au long du demi-siècle (1960 à 2012), l‟économie sénégalaise n‟a jamais été une économie de forte croissance avec une évolution contrastée comme le montre le schéma de croissance du PIB. Cette évolution erratique de la croissance avec une phase enclenchée à partir de la fin des années 70 se caractérisant par la stagnation de la production nationale, la dégradation des équilibres financiers internes et la montée de l'endettement extérieur trois années. Elle sera suivie par une phase un peu plus favorable mais de courte durée ce qui apparait dans cette évolution de la croissance annuelle du PIB est la suivante 3 : Définition. Le Produit intérieur brut (PIB) est l'indicateur le plus retenu pour évaluer la production de biens et services d'un pays pendant une année. Il illustre l'importance de l'activité économique d'un pays ou encore la grandeur de sa richesse générée. Quand il est formulé en dollars constants, comme c'est ici le cas, on peut procéder plus adéquatement à des comparaisons à travers les années puisqu'on tient alors compte de l'inflation ou de la défl ation. Cette information est une somme qui ne tient pas compte du nombre d'habitants du pays. Dans certains cas, il sera utile d'examiner le même indicateur «par habitant». Enfin, pour des comparaisons internationales plus adéquates on doit examiner les données formulées en PPA (parité pouvoir d'achat). Pour mieux comprendre les possibilités de cet indicateur économique, consulter notre outil sur les 2 composantes du PIB: PIB des États -Unis. Source: La Banque Mondiale 3 Définition. La croissance annuelle du Produit intérieur brut (PIB) en % représente la variation relative d'une période à une autre du volume du PIB en dollars constants d'une année de référence. Elle reflète l'augmentation (ou la baisse dans le cas d'une croissance négative) du niveau d'activité économique dans un pays. Il s'agit d'un indicateur souvent retenu lorsque l'on veut faire des prévisions à court et à moyen terme sur la situation économique d'un pays. Normalement, une croissance économique équivaut à un enrichissement. Cependant, cet indicateur pourrait s'avérer trompeur dans la mesure où la croissance du PIB serait redevable d'une croissance démographique et non d'une amélioration de l'économie. Il importe alors de considérer la croissance du PIB par habitant. 5 Passé de 2,2% par an dans la période 1960-1969 à 3% entre 1970-1979, son taux est tombé à 1,8% en 1980-1984. La dévaluation du FCFA de 1994 a permis la relance de la croissance qui, pour la première fois depuis l‟accession du pays à l‟indépendance, s‟est maintenue pendant sept années consécutives. En dehors de 1994 (2,9%), la croissance a toujours dépassé le niveau de 5%. Sur la période 1996-2000, le pays a enregistré des taux de croissance du PIB de 5,6% en moyenne. En effet, ce taux a atteint les 4,9% de 1994 à 2000 et de 6% entre 2001 et 2003. Le professeur Gaye Daffé fait la même observation quand il écrit que « Du début des années 60 au milieu des années 90, la croissance du PIB est marquée par d‟amples fluctuations. Passé de 2,2% par an dans la période 1960-69 à 3 % en 1970-79, son taux est tombé à 1,8% en 1980-84 avant de remonter à 2,2% en 1985-93. Mais à partir de la fin des années 70, la part du secteur primaire dans le PIB n‟a cessé de se contracter. Reflétant le déclin continu de la production agricole, elle passe de près de 25% pendant les deux premières décennies suivant l‟indépendance à moins de 20% à partir des années 80 Depuis la dévaluation du franc CFA en 1994, l‟expansion économique apparaît plus soutenue et un peu plus vigoureuse que par le passé, avec un taux de croissance du PIB de l‟ordre de 5% par an en moyenne. Pour la première fois dans l‟histoire économique du Sénégal indépendant, le taux de croissance du revenu par tête a ainsi pu se maintenir à plus de 2% par an en moyenne pendant une dizaine d‟années successives. Mais une telle performance ne permet pas de compenser le recul observé dans le passé». Au total, le retour de la croissance enregistré sur la période 1995-2001 n‟a pas suffi à garantir une réduction significative de la pauvreté. La faiblesse de l‟investissement, l‟atonie de l‟agriculture et de l‟industrie explique le contenu modeste en emplois de la croissance économique et sa faible propagation vers les populations les plus pauvres. Une des caractéristiques les plus intéressantes de l'économie sénégalaise est le faible taux de l'épargne extérieure qui était de 13,3% du PIB en 1997 au moment où la zone UEMOA enregistrait un taux moyen de 16,2% (BCEAO 2000). Ce bas niveau de 6 l'épargne explique le recours constant de l'Etat aux ressources extérieures pour financer l'investissement. Ainsi, le Sénégal fait partie des pays d'Afrique subsaharienne qui ont reçu le plus d'aide par habitant : sur la période 1975-1997, le volume d'aide par habitant attribué au gouvernement du Sénégal est évalué à 1500 dollars US. 4 La structure de l'économie sénégalaise est inadéquate à une meilleure réduction de la pauvreté5. Cependant, on peut noter qu'il existe un déséquilibre considérable entre la structure actuelle de l'économie sénégalaise et celle qui permettrait à la croissance d'avoir un meilleur impact sur la réduction de la pauvreté. En effet, l‟incidence de la pauvreté est de 80,7% dans le secteur primaire qui englobe plus de 81% des pauvres du Sénégal, il ne contribue qu'à hauteur de 19% à la création de la richesse. C'est également le secteur où le taux de croissance du PIB/tête est le plus bas (2,18%). Le secteur tertiaire, englobant 14,3% des pauvres, contribue à fournir à lui seul plus de la moitié (51%) de la richesse créée. Il en est de même pour le secteur secondaire qui ne renferme que 4% des pauvres avec cependant une contribution de 18% au PIB. Les performances économiques, sur la période allant de 1995 à 2001, n'ont pas suffi à garantir une réduction significative de la pauvreté. La faiblesse de l'investissement, l'atonie de l'agriculture et de l'industrie explique le contenu modeste en emploi de la croissance économique et sa faible propagation vers les populations les plus pauvres Sur la base d'une ligne de pauvreté correspondant à une consommation de 4 Définition. Globalement, l'épargne domestique brute représente la différence entre le PIB et les dépenses de consommation finale (l'ensemble de la consommation dans un pays pendant une période donnée). D'une manière plus précise, il s'agit de la partie du revenu national dis ponible qui n'est pas affectée à la dépense de consommation finale, celle des ménages ou celle des gouvernements. L'épargne domestique brute correspond aussi à la somme des épargnes brutes des différents secteurs institutionnels. Cet indicateur tire son utilité du fait qu'il nous renseigne sur la capacité d'un pays à débloquer ses propres capitaux pour les investissements, autrement dit, la non dépendance vis -à-vis les capitaux étrangers. 5 Jean Bosco KI, (2005). Croissance économique, Pauvreté et Inégalité au Sénégal. Institut de Recherche pour le Développement Economique et Social (IRDES), Institut Nord-sud, mai 7 2400 calories par personne et par jour, la première enquête budget consommation (ESAM-I) a permis d'évaluer la proportion des ménages en dessous du seuil de pauvreté à 57,9% en 1994. Les premiers résultats du questionnaire unifié des indicateurs de développement (QUID) évaluent cette proportion à 53,9% en 2001. Malgré tous ces efforts déployés pour améliorer l‟accès aux services sociaux de base, la structure des dépenses publiques montre que le Sénégal est encore loin des objectifs de l‟initiative 20/20 auxquels il a souscrit ainsi que des OMD qui ne seront jamais atteints. Les fruits de la croissance sont faibles et de surcroit inégalement répartis entre le monde rural et urbain, entre le secteur public et privé, entre les femmes et les hommes, entre les générations, entre les différents quartiers des villes, entre les secteurs productifs et ceux non productifs. Il faudrait revoir les circuits de production, de distribution des richesses et passer en revue les politiques sociales du Sénégal. Il semble que les choix opérés jusqu‟à présent en matière de politique sociale n‟ont pas permis d‟améliorer significativement l‟accessibilité aux services sociaux de base. La répartition des revenus est marquée par de fortes inégalités. En effet, le Sénégal se place parmi les pays où les différences dans les conditions de vie sont les plus marquées (World Développment Indicators, 1998). Le cœfficient de Gini qui mesure le degré d‟inégalité dans la répartition des revenus a une valeur de 0,51 en 1992 (Diagne 1997). Ainsi, 40% des ménages les plus pauvres reçoivent à peine 17% des revenus tandis que les 10% les plus riches en reçoivent 44%. Le Sénégal se place parmi les pays où les différences dans les conditions de vie sont les plus marquées. Un autre indicateur qui témoigne des fortes inégalités sociales est l‟accès des différents groupes de ménages au service de l‟éducation Diagne et al (1999) ont montré, à partir des données de l‟Enquête Sur les Priorités (ESP), qu‟en 1992 les taux de scolarisation sont d‟autant plus faibles que les ménages sont pauvres. C‟est ainsi qu‟on passe d‟un taux de scolarisation primaire de 26% pour les ménages les plus défavorisés (quintile 1) à 101% pour les ménages les plus riches (quintile 5). Les mêmes calculs effectués pour les données de l‟ESAM I en 1995 font apparaître des taux bruts de scolarisation de 40% pour le quintile le plus pauvre et de 99% pour le quintile le plus riche, ce qui traduit une amélioration. L‟écart entre les ménages riches et les ménages défavorisés se creuse au fur et à mesure que le niveau d‟enseignement s‟élève. La forte inégalité dans la répartition du revenu s‟est accompagnée d‟une paupérisation croissante de la population. L‟incidence de la pauvreté mesure la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté tel que celui-ci a été défini. Ce seuil de pauvreté a été évalué par l‟ESP par 111F CFA par jour et par équivalent adulte en 1992, et par l‟ESAM à 392Fen 1995. Alors que selon le seuil de pauvreté défini par l‟ESP, le Sénégal comptait 33% de ménages pauvres en 1992, selon celui défini par l‟ESAM, la pauvreté touchait 58% des ménages en 1995. Ce dernier taux signifie que sur les 778 000 environ de ménages que comptait le Sénégal en 1995, 450 000 vivaient au-dessous du seuil de pauvreté. Entre les deux enquêtes, la pauvreté s‟est amplifiée. Nous allons en revenir en détail. Si des pays comme la Corée du Sud, et le Botswana ont réalisé d‟énormes progrès sociaux entre 1960 et 2010, c‟est surtout grâce à de forts taux de croissance 8 économique qui leur ont permis d‟améliorer considérablement les conditions de vie de leur population. D‟ailleurs, ils figurent parmi les 13 économies recensées par la Commission sur la croissance et le développement des Nations unies ayant réalisé une croissance économique moyenne de 7% durant un quart de siècle. Pour comprendre pourquoi l‟économie sénégalaise n‟a pas réalisé une telle prouesse, il faut identifier les facteurs explicatifs de la croissance de l‟économie sénégalaise Selon Mouhamadou Bamba DIOP si « la Corée du Sud, la Malaisie, Maurice et le Botswana ont réalisé d‟énormes progrès économique et sociaux entre 1960 et 2010, c‟est surtout grâce à de forts taux de croissance économique qui leur ont permis d‟améliorer considérablement les conditions de vie de leur population. D‟ailleurs, ils figurent parmi les 13 économies recensées par la Commission sur la croissance et le développement des Nations unies ayant réalisé une croissance économique mo yenne de 7% durant un quart de siècle. Pour comprendre pourquoi l‟économie sénégalaise n‟a pas réalisé une telle prouesse, il faut identifier les facteurs explicatifs de la croissance de l‟économie sénégalaise »6 ? L‟auteur insiste beaucoup sur la productivité globale des facteurs de production quand il démontre que globalement, le succès économique d‟une Nation dépend largement de l‟amélioration soutenue de la productivité. Les gains de productivité contribuent également à l‟élévation du niveau de vie des populations et à la participation au processus vertueux de l'accumulation du capital et de la croissance économique. C‟est pourquoi, la compréhension de sa décomposition constitue un élément d‟analyse extrêmement important. La productivité au Sénégal entre 1980 et 2009 indique que la période post-dévaluation a été beaucoup plus productive, laissant entrevoir que les réformes issues du changement de parité ont eu quelques effets positifs notamment dans le secteur tertiaire. Par contre, le secteur primaire n‟a pas eu le même succès et a même enregistré une contribution négative à la productivité. Toutefois, cette tendance baissière s‟est nettement atténuée durant la période 1995 2009. Contribution sectorielle à la productivité 1980-2009 1980-1994 1995-2009 Primaire Secondaire Tertiaire -3,1% 4,6% 11,3% -2,5% 1,2% -4,8% -1,8% 3,0% 16,4% Total 12,8% -6,2% 17,6% Cette réflexion rigoureuse mérite d‟être nuancée. En effet, sommairement, selon le mot d‟A. Emmanuel, la production de richesses est fonction de matières premières, de la quantité d‟outils et de matière grise dont les bras de l‟homme sont « assistés » dans le travail productif. Or, nous naissons tous nus et incultes et passons par un âge de 6 Mouhamadou Bamba DIOP : Quels secteurs pour quelle croissance économique au Sénégal ? Direction de la Prévision et des Etudes Economiques (DPEE), Ministère de l’Economie et des Finances, Sénégal. Email : [email protected]. 9 la pierre. Par la suite, ce sont ces dotations qui feront la différence des performances économiques et sociales. Lorsqu‟on interroge les économistes sur les voies et moyens pour accélérer les rythmes de croissance, ils vous rétorquent de façon abrupte, quelles que soient leurs chapelles idéologiques, qu‟il faut mettre les citoyens au travail, massifier les investissements dans les secteurs productifs et élargir les gains de productivité pour rendre l‟économie plus compétitive. Ces trois composantes constituent les déterminants de l‟offre de production. Pour accélérer les rythmes de croissance dans les prochaines années, un cadre macroéconomique pertinent ou assaini ne suffit pas, il faut impérativement aiguillonner le potentiel de croissance des différents secteurs par des politiques structurelles publiques judicieuses, efficaces et inscrites dans une bonne trajectoire. Structure organisationnelle de la Croissance Facterurs sociodémographiques Secteurs moteurs Marché(s) du travail Niveau des salaires (relatifs) Niveau global de la population active Nature de la croissance Volume et nature de la demande de travail Volume et nature de l’offre de travail Substitution K / L Rareté relative des compétences Etat des techniques Niveau de formation de la main d’œuvre Marché des capitaux Niveau des taux d’intérêts Toutes les statistiques nationales comme régionales établissent un demi-siècle d‟une croissance économique défaillante et molle incapable d‟élever le niveau des forces productives et d‟éradiquer la pauvreté de masse et le chômage. Taux de croissance du PIB entre 1979 et 2000 Stabilisatio PREF n 19801979-1980 1985 Taux PALMT 1985-1992 Plan d‟urgence Ajustement Global 1993 1994-2000 de 10 croissance -3,30% +2,13% +2,71% -2% +5% du PIB réel Source : Direction de la Prévision et de la Statistique, MEF Un demi-siècle d‟échec des politiques économiques et financières que les pouvoirs publics maquillent par des slogans creux comme l‟éradication de la pauvreté, l‟école et la santé pour tous, « l’an 2000 atum natangué », Sénégal 2025 et enfin le plan Sénégal émergent en 2035. Malgré toutes ces initiatives, la croissance reste molle et continue de peser comme une fatalité sur une société minée par la massification de la pauvreté, du chômage et de la précarité, par des crises sociales à répétition et par des inégalités grandissantes. Il convient de s‟interroger sur les sources de la croissance sénégalaise et sur les défis qui la plombent : quelles sont-ils et peuvent-ils être levés pour assurer une croissance durable (les sources de l‟accumulation productive). Quelles sont ces politiques économiques et financières appliquées et qui échouent depuis un demi-siècle dans leurs objectifs de réaliser une croissance forte et durable et équitable ? Toutes les analyses des politiques économiques de l‟indépendance à nos jours établissent cinq défis majeurs qui persistent, de l‟indépendance à nos jours, et qui malgré une avalanche de politiques économiques, de programmes, d‟études et de rapports continuent de plomber la croissance économique : CHAPITRE 1 Les contraintes de l’organisation socioéconomique 11 . Les trois facteurs de création des richesses (nécessaires à la croissance) demeurent le travail, le capital, l'innovation. Celles-ci sont universelles, puisqu'on les retrouve dans tous les pays et à toutes les époques, certes à des degrés divers ; ce qui amène une question : pourquoi les rythmes de croissance sont-ils si différents d'un pays à l'autre et d'une époque à l'autre ? C'est que la croissance n'est pas qu'une question « d'ingrédients » qu'il suffirait d'ajouter les uns aux autres comme dans une recette de cuisine. Le contexte économique et social est tout aussi déterminant. Quel que soit l‟angle d‟analyse, les difficultés quasi permanentes de l‟économie sénégalaise apparaissent dans le faible volume de création de richesses exprimé par un indicateur de dimension nationale comme la croissance de la production marchande ou non marchande (PIB), le niveau du revenu national ou per capita ou la dépense nationale. Faut-il le rappeler le taux de croissance le plus significatif est le taux de croissance potentielle que le pays peut soutenir durablement ; il dépend fondamentalement de la capacité de chaque nation à entreprendre et à créer des richesses. Modelé et inséré dans l‟économie mondiale fortement productiviste, le Sénégal, du fait de sa spécialisation régressive dans des productions primaires à faible valeur ajoutée locale, présentait le double handicap de ne pouvoir accélérer la constitution d‟un important fonds d‟accumulation à l‟échelle nationale, et encore moins promouvoir un développement équilibré et autonome. Contrairement à l‟approche sommaire des Institutions Financières Internationales menée en termes purement quantitatifs de rétablissements des déséquilibres, d‟assainissement et de relance, seule une analyse plus structurelle et donc plus approfondie permet de mieux appréhender les crises et les ruptures au niveau de cette économie. Cela commande de remonter à la racine, c‟est-à-dire à l‟organisation socioéconomique qui repose sur les Cinq éléments caractéristiques qui suivent : Premièrement, la forte sensibilité de la croissance aux variations de la production et de l’exportation des produits de rente principalement d’origine agricole et minière. Pour mieux apprécier le niveau d'influence du secteur primaire sur la croissance du Sénégal entre 1971 et 1980, la comparaison des évolutions du taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) en francs constants, de la valeur ajoutée du secteur primaire (VASP) et du taux de croissance du PIB hors secteur primaire (PIBHSP) de mieux apprécier le niveau d'influence du secteur primaire sur la croissance du Sénégal. 12 Sensibilité du PIB aux variations de la valeur ajoutée du secteur primaire 40 30 Taux de croissance 20 10 PIBHSP 0 VASP 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 PIB -10 -20 -30 -40 Années On peut remarquer que les variables PIBHSP et VASP ont les mêmes évolutions dans le temps. Cette situation confirme l'hypothèse selon laquelle, les secteurs secondaire et tertiaire sont tributaires du primaire. Avec une contribution moyenne annuelle à la formation du PIB de près de 20% entre 1974 et 1977, le secteur primaire a pendant longtemps été le moteur de la croissance économique du Sénégal de telle sorte que les résultats enregistrés Deuxièmement, le système prédateur de prélèvement et d’utilisation insuffisamment productive des ressources tirées de la rente et des apports externes (aide et endettement) ou de l’Expansion non maîtrisée de la demande publique et privée En prenant le pouvoir d‟achat des producteurs d‟arachide, il a baissé par suite d‟une absence de prix rémunérateurs et d‟incitations financièrement motivantes. A titre illustratif le revenu rural en francs constants de 1972 est passé de 22.100francs CFA en 1960 à 8000 francs en 1980. L'analyse de l'équilibre comptable "ressources – emplois" permet de constater que les ressources nationales générées par l'activité économique servent pour une large part à la consommation finale (CF) des ménages et de l'Administration. 13 Selon la Banque mondiale, pour l'ensemble de la période 1960-2011, on enregistre une moyenne annuelle de 592 911 765,8. C'est en 2008 qu'on enregistre le plus haut niveau (1 298 475 615) et c'est en 1961 qu'on enregistre le plus bas niveau (42 835 460,4). Jusqu‟au milieu des années 70, on observait une relative stabilité des rapports entre l‟évolution de la demande globale et celle du PIB. L‟épargne intérieure avoisinait en moyenne près de 10% du PIB et finançait environ 75% de l‟investissement global. Seulement, après l‟éclatement de la crise en 1973 et plus particulièrement à partir de 1975, une série de déséquilibres vont s‟enclencher, entraînant la rupture brutale de l‟équilibre économico-financier. Dans ce contexte, le maintien des niveaux de consommation individuels et l‟exploitation de la consommation publique (environ 6,7% par an en termes réels) alors même que la production par tête était en très net recul. La conséquence ne se fit pas attendre : l‟épargne intérieure devint négative impliquant un recours massif à l‟endettement extérieur pour financer les investissements et une part importante des dépenses de consommation publique et privée. De fait, l‟aide et les emprunts extérieurs vont jouer le rôle de fonction d‟investissement, toutefois leur impact sera extrêmement limité faute de pouvoir se greffer sur des projets productifs rentables et capables d‟engendrer des effets d‟entraînement sur les activités économiques tournées vers le marché intérieur et l‟emploi. Troisièmement, la répartition inégale du revenu national au profit d’une hyperconsommation urbaine, publique et privée et l’amorce d’un long et interminable processus d’appauvrissement et de dévitalisation du monde rural . Le coefficient de Gini qui mesure le degré d'inégalité dans la répartition des revenus a une valeur de 0.51 en 1992 (Diagne, 1997) ou 0.541 (World Development Indicators, 1998). Ainsi, 40% des ménages les plus pauvres reçoivent à peine 17% ou 10.5% des revenus tandis que les 10% les plus riches en reçoivent 44% ou 42.8%. Par ces inégalités, le Sénégal se place parmi les pays où les différences dans les conditions de vie sont plus marquées. Les résultats de l'enquête sur les priorités (DPS, 1991) montrent que 71.33% des revenus vont aux ménages urbains contre 28.67% pour les 14 ruraux. Cette répartition inégale des revenus monétaires entre les ménages s'explique principalement par leur origine. En effet, les revenus non agricoles représentent à eux seuls 91.9% des revenus monétaires contre 6.8% pour les revenus agricoles et 1.3% pour les sources non spécifiées. Cette prépondérance des revenus non monétaires est notée au niveau de la classification des sources dans chaque zone avec respectivement 98.2% pour la zone urbaine et 76.3% pour la zone rurale. L'enquête ESAM (1994-1995) révèle que les dépenses annuelles selon le milieu de résidence suivent la même logique de répartition des revenus avec 61% au niveau des centres urbains (dont 38% à Dakar) et 39% en milieu rural. Quatrièmement, la vulnérabilité chronique de l’économie à l’égard de variables exogènes comme le climat, les cours mondiaux des matières premières, le taux d’intérêt. Ces variables exogènes exercent une influence. On pourrait analyser la vulnérabilité de l'économie à l'égard de ces variables en comparant entre autres leurs évolutions pour en déduire leurs effets directs et indirects sur l‟économie. Cinquièmement le modèle de consommation entrainant des distorsions entre offre de production et structures de consommation. Le développement des cultures des rentes au détriment de la production vivrière locale a engendré une explosion des importations de produits alimentaires telle que l‟indique le tableau suivant. Ces importations alimentaires ont doublé en sept (7) ans pour atteindre environ 70 milliards en 1984. Elles représentaient près de 5 fois le service de la dette rééchelonnée en 1981, plus du double de celui de 1982, plus du triple de celui de 1983 et prés du triple de celui de 1984. Autrement dit, si après l‟indépendance, les structures productives agraires avaient été réorientées vers la couverture prioritaire des besoins alimentaires internes, un problème de rééchelonnement ne se serait pas posé en considérant toutes choses égales par ailleurs. Dans le secteur des activités industrielles, la distorsion s‟exprime en termes de coûts pour les produits de l‟industrie légère de transformation et en termes de nature du produit pour les biens manufacturés livrés par l‟industrie lourde des pays développés. En effet, la politique de promotion d‟industries légères substitutives d‟importations a généré dans la plupart des cas des coûts de production non compétitifs ; cela a engendré des importations massives de biens manufacturés pourtant localement fabriqués. Par ailleurs, l‟inexistence d‟industries lourdes intégrées implique la nécessaire importation des biens de consommation de luxe comme les voitures, des appareils électro ménagers, etc. En somme, la distorsion industrielle se traduit d‟une part par la production locale de biens manufacturés “légers” difficilement écoulable tant à l‟intérieur qu‟à l‟extérieur parce que non compétitifs, et d‟autre part par l‟importation massive de biens industriels “lourds” que le tissu industriel national ne produit pas En définitive, un tel mode de fonctionnement ne peut que générer des crises récurrentes. En effet, on ne peut pas indéfiniment ponctionner sur un surplus sans pour autant mettre en place une politique d‟accumulation susceptible de le rendre pérenne pour financer le développement. D‟autre part, une économie de cette nature réagit mal 15 aux chocs externes comme la morosité de l‟économie mondiale, la baisse des cours des matières premières dont l‟arachide, les dérégulations brutales du système monétaire. Ces chocs externes intervenus tout au long des années 70 ont entraîné des effets désastreux sur le déficit budgétaire, le taux d‟inflation, la croissance du PIB, l‟endettement et le taux de change. Au-delà des polémiques stériles et des études fortement instrumentalisées, l‟observation sur une longue période montre que la croissance au Sénégal est atone et fluctuante. Elle ne permet pas au pays d‟être au bon niveau et de coller au peloton des meilleurs dans un espace de coopération régionale comme l‟UEMOA. Pour y parvenir, il faut retrouver le chemin de la très vieille Loi des débouchés de J.B.Say par son fameux enchainement : augmentation de l‟offre de production qui entraine l‟accroissement des revenus qui entraine à son tour l‟augmentation de la demande. 7 Il revient aux politiques sectorielles d‟amorcer les moteurs de la croissance dans l‟agriculture, l‟industrie et les services pour déclencher l‟enchainement vertueux de Say en exploitant les dotations factorielles naturelles disponibles, les ressources humaines, en mobilisant la recherche développement pour développer les capacités d‟innovation etc. L‟architecte des politiques sectorielles est l‟Etat et ses institutions de développement qui ont mission de créer et gérer un cadre macroéconomique pertinent et de fixer la politique économique comprise comme un interventionnisme permanent de l‟Etat sur les secteurs économiques en vue d‟atteindre les objectifs clairement spécifiés et résoudre toutes les contraintes qui s‟opposent à leur réalisation. La politique économique peut être conjoncturelle ou structurelle surtout lorsqu‟elle vise à modifier le fonctionnement de l'économie sur le moyen ou long terme (ans et au-delà). Les principaux instruments sont la politique monétaire et la politique budgétaire. Le premier opère la gestion monétaire avec la fixation des taux directeurs de la banque centrale et les taux de change pour contrôler l‟inflation et régulariser la valeur des devises sur les marchés. Le second instrument est la politique budgétaire qui fixe la répartition des prélèvements obligatoires (droits de douane, taxes) et leurs affectations. 16 CHAPITRE2 Trois décennies perdues du développement : 1980-2012. Mandéla : « Une vision qui ne s‟accompagne pas d‟action n‟est qu‟un rêve. Une action qui ne découle pas d‟une vision, c‟est du temps perdu. Une vision suivie d‟action peut changer le monde ». Au moment de l‟indépendance, il a été mis en place (après bien de péripéties politiques diverses) un Etat développeur fort qui devait conduire des politiques sectorielles adéquates, capables d‟impulser la croissance et le développement et de répondre aux demandes d‟emploi, de protection sociale, de santé, d‟éducation, de logement, avec une implication des acteurs. I/ Les politiques économiques de l’Etat développeur de 1960 à 1980 Au niveau de l‟agriculture, les dynamiques régionales de croissance étaient impulsées par diverses sociétés qui valorisent les potentialités locales comme la SAED, la SOMIVAC, la SODEVA, la SODEFITEX, la SODAGRI, la SONACOS et l‟ONCAD. Le monde rural était encadré et regroupé en coopératives appuyées par des programmes de modernisation (facteurs modernes de production, semences sélectionnées, machinés agricoles etc.) et un crédit agricole spécifique (CNCAS). Le système industriel reposait sur quatre piliers : les industries agroalimentaires (NSOA, SOCOSAC, SOBOA, SOCAS, CSS, SENELAIT, BATA, SIV, SEIB, SOTIBA SYMPAFRIC, SOTEXKA etc.) les industries de valorisation des matières premières (phosphate (ICS), ciment (SOCOCIM), raffinerie de pétrole (SAR), IRANSENCO, minerais de fer (MIFERSO) etc., les industries de la façade maritime (PAD, Dakar Marine pour les réparations navales, pêche maritime et artisanale et des réceptacles touristiques dans toutes les zones à vocation touristique) et les industries du Bâtiment. Un début d‟industrialisation automobile (voiturette Gaindé) et des usines de montage étaient mises en place. Les services étaient particulièrement développés dans les domaines surtout des transports (réseau routier, ferroviaire et aéroportuaire) l‟assurance et la réassurance, des communications et télécommunications (SONATEL). Des entreprises de promotion des exportations furent aussi lancées (la ZFID, FIDAK, ASEPEX, Trade Point). Dans le secteur social, des sociétés étaient mises en place comme la SICAP, l‟OHLM, la Caisses de Sécurité sociale, la Caisse de Sécurité alimentaire, la Caisse de Stabilisation et de Péréquation des Prix etc. L‟électricité et l‟eau étaient confiées à la SENELEC et la SONEES. Tout cet édifice était accompagné par un système bancaire et financier diversifié : la BNDS, l‟USB, la BCS, des banques d‟investissement comme Banque sénégalo Koweitienne, la 17 SOFISEDIT et le début de la microfinance. La SONEPI fut créé pour réaliser des études de marché et des prises de participation au niveau des PME/PMI. La planification fut adoptée avec l‟objectif de maîtriser de manière cumulative et irréversible le processus d‟accumulation productive et le développement soutenu de l‟économie nationale. De telles politiques économiques et sociales avaient conduit les pays asiatiques à l‟émergence. Elles ont été systématiquement liquidées, par l‟aveuglement et l‟entêtement des recettes néolibérales sous prétexte de construction d‟un capitalisme local. II/ Les politiques néolibérales et le blocage de l’économie productive : 1980-2000 La crise mondiale des années 80 (fin de la convertibilité du dollar le 15 août 1971 et le premier choc pétrolier) va déséquilibrer et accentuer les difficultés internes et externes du Sénégal : explosion des importations (produits alimentaires et énergétiques), amplification des déficits de la balance des paiements, massification de l‟endettement, dégradation de la compétitivité, distorsions entre structures de production et structures de consommation. Face à la montée de ces déséquilibres le Sénégal est transformé en champ d‟expérimentation des politiques d‟ajustement structurel: Programme de stabilisation à court terme (1979-1980) ; Plan à moyen terme de Redressement Economique et Financier (P.R.E.F.) 1980-1985 ; Programme d‟Ajustement structurel à Moyen et Long Terme (P.A.M.L.T.) 1985-1992 ; Plan d‟Urgence mort-né de 1993 ; Plan Post dévaluation 1994-1999). Ces programmes fondés sur la trilogie libéralisation, privatisation et dérégulation visant à construire un capitalisme local sans Etat providence, ont arrêté tous les moteurs du système productif par démantèlement des politiques sectorielles et des entreprises appelées à les réaliser (plus d‟une centaine). En détruisant toutes ces usines, comment va-t-on faire pour résorber le chômage et la pauvreté ? Au bout du compte, les mécanos du néolibéralisme ont complètement éteint le début d‟industrialisation, au moment même où l‟extension du système éducatif et la démographie galopante augmentaient, à rythme effréné, les demandes d‟emploi. L‟agriculture est retournée à l‟économie de rente avec l‟abandon des options de diversification et de réalisation de l‟autosuffisance alimentaire : « importer le riz, c‟est moins couteux que de le produire localement » proclamait, de docte manière, la banque mondiale. L‟agriculture n‟est pas seulement bloquée, elle est également déstabilisée par le système des prix imposé par l‟ouverture sans protection. Manifestement, si ces politiques se sont avérées aussi peu efficaces, c‟est parce qu‟elles ont confondu les moyens avec les fins : la libéralisation, la recherche des grands équilibres, les privatisations sont prises comme des fins plutôt que comme des moyens d‟une croissance durable, équitable et démocratique. Les moyens d‟intervention de l‟Etat sont réduits avec la faiblesse des ressources fiscales. Elles n‟ont pas su reconnaître que le renforcement des institutions financières est aussi important pour la stabilité économique que la maîtrise des déficits budgétaires et de la masse monétaire. Elles se sont concentrées sur les privatisations, mais n‟ont guère attaché d‟importance à 18 l‟infrastructure institutionnelle nécessaire au bon fonctionnement des marchés, et particulièrement de la concurrence. Le quart de siècle d‟ajustement structurel a produit des désastres sociaux qui ont conduit les citoyens à sanctionner, en 2000, le gouvernement socialiste. Du reste, l‟alternance a coïncidé avec le mea-culpa et le nouveau crédo du développement de la Banque mondiale : le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté rebaptisé Document de Politique Economique du Sénégal. III/ La première alternance politique de 2000 et le développement des infrastructures, de la GOANA et du système patrimonial régressif. L‟avènement de Maître Wade avait suscité d‟énormes espoirs : l„enthousiasme et la mobilisation populaire donnaient aux pouvoirs publics la capacité de construire un véritable new deal. Au cours du premier mandat des efforts ont été réalisés dans plusieurs secteurs avec la mise en place de l‟Agence chargée de la Promotion de l‟Investissement et des grands Travaux (APIX) qui procède à une mobilisation de ressources substantielles mais largement insuffisantes comparativement à des pays comme le Ghana. Le cadre macroéconomique a été amélioré mais certains déficits persistent : au niveau des finances publiques, de la balance commerciale et de l‟endettement interne comme externe. Des investissements ont été réalisés dans les infrastructures mais elles sont restées mal réparties et coûteuses (Corniche et les voies de dégagement, autoroute à péage longue de 34 km et aéroport de Diass) si bien le déficit infrastructurel estimé à 20% du PIB (Banque mondiale) n‟est point résorbé. Des efforts ont été consacrés à la formation des ressources humaines mais sans réforme consistante du système éducatif et formation avec beaucoup d‟effets d‟éviction sur les ressources affectées. Les accès aux services publics sont restés largement insatisfaisants. Au demeurant, la mauvaise allocation des ressources en faveur des secteurs productifs porteurs d‟emplois et de génération de revenus n‟a point animé, la croissance. Tout cela éloigne le pays de l‟atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Le coût des facteurs, notamment l‟électricité, plombent complètement la vie des entreprises et des particuliers. Aucune politique sérieuse de promotion du secteur privé et des PME/PMI n‟est élaborée alors même que le Président se proclame comme un libéral. Dans ce contexte, les rangs des déçus du wadisme se sont élargis à la quasitotalité du gotha politique. Le mécontentement se généralise, le malaise social gangrène toutes les couches sociales, le peuple sénégalais est, de nouveau, monté à l‟assaut du pouvoir avec la jeunesse aux avants postes. La seconde alternance se dessine à l‟horizon de la présidentielle du 26 février 2012 pour celui qui clamait que son « départ créerait au Sénégal un chaos pire que celui de la Côte d‟Ivoire ». Une nouvelle aspiration au changement, à la rupture est désormais inscrite dans l‟agenda populaire. Au terme de 12 années d‟exercice d‟un pouvoir sans partage, le Président A.Wade, s‟est attelé, à partir de 2007, à implanter progressivement un système 19 patrimonial qui se caractérise par un gonflement du budget de la présidence, un gigantisme ministériel à partir d‟une fragmentation des champs de compétence, un accroissement des agences, une boulimie foncière etc. Il s‟installe, alors, une véritable entreprise de déconstruction des institutions. Deux phénomènes apparaissent et finiront par perdre le régime. En premier lieu, durant cette période, un profond malaise social s‟est emparé de toutes les couches populaires au premier rang desquelles la jeunesse. La triptyque chômage, précarité et pauvreté s‟est approfondie. Près de deux ménages sur trois (64%) ne sont ni chômeurs ni précaires, mais pauvres (des adultes sans revenu). La situation de cette catégorie s‟est aggravée au cours des cinq dernières années du régime. Le coût de la vie a atteint des niveaux inacceptables et les inégalités sociales se sont creusées : moins de 10% de la population contrôlent plus de 80% de la richesse nationale. En second lieu, progressivement, un modèle d‟Etat bonapartiste s‟installe sous prétexte de construire un système économique émergent. On a vanté, dans les arcanes du Palais présidentiel, l‟efficacité de la «dictature éclairée» de type Ben Ali. Il s‟est alors instauré une politique patrimoniale avec un pouvoir patriarcal fortement centralisé, exercé par un chef charismatique qui gouverne par le canal de sa famille, de ses fidèles, de ses serviteurs et d‟une clientèle captive. La gestion est assimilée à celle d‟un «père de famille» qui amalgame les affaires personnelles et les affaires publiques, administratives et judiciaires. Le Trésor public se confond quasiment avec la caisse du chef tandis que les stations de pouvoir se transforment en instruments d‟accumulation qui permettent à ceux qui les exercent d‟extraire et de redistribuer les ressources et le patrimoine national. Dans un tel système, l‟argent des malversations financières, de la corruption et du blanchissement, va contribuer à donner l‟apparence d‟une augmentation de la masse monétaire, en fait, il s‟est agi de faire disparaître l‟argent sale dans des circuits non officiels et des méandres de circuits incontrôlables. Ce système est fortement décrié. En mars 2012, l‟opposition politique a réussi un consensus national sans, pour autant conclure, un programme de gouvernement allant bien au-delà des recettes concoctées à la « Concertation Nationale ». Toutes les éminentes personnalités qui ont formé le Benno Book Yakaar, ont allègrement traversé la cinquantenaire de notre indépendance. Elles devraient observer une posture autocritique pour que le pays ne retombe pas dans le mal développement : elles en ont l‟expérience et la compétence. Mais il n‟en fut rien. Arrêtons les platitudes du genre alternance générationnelle : le problème est ailleurs, il est de savoir si ces personnalités auront la volonté politique, au moment où le peuple s‟impatiente, de s‟atteler sans fioriture à se mettre ensemble, derrière le Président de la République, pour la résolution des urgences sociales ? 20 CHAPITRE 3 La deuxième alternance et les politiques de l’émergence : De la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES) 2013-2017, à la Stratégie de la Croissance Accélérée (SCA) et au Plan Sénégal Emergent (PSE) Pour relever le défi de la croissance soutenue et durable, et continuer ainsi à relever le niveau du revenu par habitant, le Sénégal doit réussir la transition vers des produits de plus grande valeur économique à travers un processus de transformation structurelle de son appareil de production. Or, un tel processus va de pair avec des changements dans la qualité des facteurs productifs à travers l‟accumulation de capital humain, physique et institutionnel. En outre, dans le contexte actuel de la mondialisation, le meilleur indicateur d‟une performance réussie de la structure productive est sans doute les performances réalisées en matière d‟exportations, domaine dans lequel le Sénégal réalise affiche des résultats décevantes depuis plusieurs décennies. L‟expérience du Sénégal sur la période 1994-2008, et celle des autres pays en développement établissent que la qualité du cadre macroéconomique est une condition nécessaire, mais ne suffit pas à créer les conditions permettant de maintenir la croissance au-delà du niveau tendanciel de 5% observé durant ces quinze dernières années. La SCA vise à consolider cette dynamique de croissance et vise à diversifier les sources de créations de richesses par la consolidation de la position concurrentielle du pays sur les créneaux traditionnels qui seront élargis par la suite par la conquête d‟autres marchés porteurs. I/ Schéma de la croissance au Sénégal : sources et contraintes Des années 60 à nos jours, l‟économie sénégalaise a connu une évolution erratique et mitigée, marquée par des périodes successives de croissance faible et irrégulière. Longtemps arrimée aux fluctuations du secteur primaire dominée par la monoculture de l‟agriculture où la productivité était faible, la croissance de l‟économie a réalisée des mitigées au cours des premières décennies. En dépit de longs efforts d‟ajustement durant les années 80, la situation économique du Sénégal a continué de se dégrader. La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994 et le programme des réformes engagés ont permis quelque peu d‟inverser les tendances antérieures et de stimuler l‟économie en portant le taux de croissance annuelle à 5%, contre une tendance lourde de 2,7% sur la période 1960-1994. Les sources de la croissance au Sénégal La décomposition de l‟offre globale montre que la moitié de la croissance économique s‟est concentrée autour de cinq secteurs, pendant la période 1995-2004, avec : le commerce, qui contribue pour 18% à la croissance du PIB, les postes et télécommunications (9%), l‟agriculture (8%), la construction (7%) et les activités immobilières (6%). La période 2000-2005 est marquée par une consolidation des performances avec un taux de croissance fluctuant autour de 5% en moyenne, malgré les chocs exogènes tels que la sécheresse, 21 l‟invasion acridienne, les pluies de contre saison, la flambée du baril de pétrole, les inondations, entres autres, et à la faveur de l‟inflation maîtrisée en dessous de 2% en moyenne annuelle, d‟un déficit budgétaire global maîtrisé autour de 3%. Les ressources additionnelles importantes induites p ar l‟éligibilité du Sénégal à l‟Initiative PPTE ont permis de renforcer de manière significative l‟intervention de l‟Etat dans les secteurs sociaux prioritaires, notamment la santé et l‟éducation. On note ainsi entre 2000-2007 une confirmation de la dynamique de croissance des années 90 et de la qualité du cadre macroéconomique. Toutefois, la baisse de régime observée ces depuis quelques années a montré encore une fois la vulnérabilité de l‟économie devant les chocs exogènes. La conjonction des effets de la crise énergétique, de la crise alimentaire et de la crise financière de 2008 Les contraintes à une croissance forte et soutenue Une analyse de la compétitivité sectorielle du Sénégal 8 fait ressortir d‟une manière générale que les entraves les plus importantes à l‟essor de la croissance et de compétitivité s‟articulent autour de la faiblesse de l‟accumulation du capital humain, de la baisse à long terme de la productivité des facteurs, de l‟insuffisance de l‟implication du système financier et enfin tout ceci conduisant à une spécialisation peu dynamique, régressive et instable. Aussi, les performances économiques encourageantes au cours de la dernière décennie ne doivent pas occulter la vulnérabilité de l‟économie aux chocs externes et aux phénomènes naturels. Cette fragilité peut être illustrée par les chutes brutales de la croissance en 2002 et en 2006 lorsque l‟économie a subi des chocs externes, du fait de la succession de facteurs conjoncturels défavorables : une mauvaise configuration de l‟hivernage, la hausse des cours mondiaux des produits pétroliers, la crise des Industries Chimiques du Sénégal (ICS), d‟autre part. La progression de l‟économie sénégalaise a aussi marqué le pas en 2008 du fait d‟un contexte international difficile. Il faut aussi noter la faible capacité d‟offre et de diversification des produits à l‟exportation. A ces contraintes exogènes il faut ajouter des contraintes liées aux facteurs endogènes : difficulté d‟accès au financement pour le secteur privé (les PME surtout), cadre institutionnel inadapté, contraintes liées aux opportunités d‟affaires, coûts élevés des facteurs de production… A/ Les objectifs de la SCA Le Document de Stratégie pour la croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSRP) est le cadre de référence dans la lutte contre la pauvreté, la recherche du développement économique et social et l‟atteinte des OMD. Etabli en 2000, son but est d‟améliorer de manière durable le bien-être des populations en réduisant l‟incidence de la pauvreté des populations en dessous de 30% d‟ici à 2015, par une croissance accélérée, forte, équilibrée et mieux répartie. Le DRSP est bâti autour de 4 axes stratégiques : la création de richesse, l‟accès aux services sociaux de base, la protection s ociale, la prévention et gestion des risques et catastrophes et enfin la bonne gouvernance 9. L‟axe 1 est opérationnalisé à travers la stratégie de croissance accélérée (SCA) qui vise à créer les conditions de nouveaux gains de productivité. En effet, depuis 2000, l‟économie sénégalaise s‟est inscrite dans une certaine dynamique de croissance économique, avec des taux annuels dépassant souvent les 5%. La SCA vise à consolider ces résultats par le renforcement du capital humain et des infrastructures afin de porter le taux de croissance à plus de 7% l‟an. 8 BCEAO, BOAD : Compétitivité sectorielle des économies des pays membres de l’UEMOA , rapport provisoire pays (Sénégal), janvier 2004. 9 Gouvernement du Sénégal, Document de Stratégie pour la croissance et la Réduction de la Pauvreté 2006-2010, Octobre 2006. 22 Objectif général L‟objectif général de la SCA est de doter le Sénégal d‟‟un appareil de production restructuré, bénéficiant d‟un cadre macroéconomique stable et sain, à même de s‟adapter aux mutations nées de la mondialisation, restant sur un sentier de croissance forte, génératrice d‟emplois et réductrice des inégalités parce que bâtie sur l‟exploitation du plein potentiel des individus, des communautés de base et des régions. Objectifs spécifiques Sur la base de cet objectif général intégrant les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), les objectifs du NEPAD et ceux du DSRP, la SCA devra se traduire par une croissance soutenue sur la longue période, portée par les facteurs fondamentaux de co mpétitivité suivants : Des ressources humaines qualifiées et adaptables ; L‟accès au financement pour le soutien aux nouveaux investissements et à l‟expansion des entreprises existantes ; Le développement des infrastructures de transport, de communication, d‟accès à l‟énergie, à l‟eau et à l‟assainissement ; Un cadre juridique et une structure fiscale adaptés ; Un environnement des affaires et des conditions de vie attrayants respectivement pour les entreprises et les personnes. La SCA bénéficie de l‟appui de plusieurs partenaires au développement comme l‟Afd (Agence Française de Développement), la Banque mondiale, l‟ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel), le Centre de Développement des Entreprises (CDE). L‟approche consiste à cibler des secteurs avec un effet de croissance sur l'ensemble de l'économie. Cette stratégie, bâtie autour de « l‟approche grappe », vise à assurer une forte croissance des secteurs ciblés avec un effet d‟entraînement sur l‟ensemble de l‟économie et à renforcer la synergie intersectorielle. Celle-ci devrait permettre d‟augmenter la contribution encore faible des exportations à la croissance économique. B/ Les orientations stratégiques de la SCA Les éléments fondamentaux de la SCA sont la vision qui la sous-tend, mais aussi les orientations et options stratégiques inspirées des contraintes à l‟accélération de la croissance. Dans cette lancée, la SCA repose sur deux piliers que sont l‟environnement des affaires de classe internationale et les grappes de croissance y compris les clusters locaux et les pôles économiques. La mise en place d’un environnement des affaires de classe internationale La préservation du cadre macroéconomique est l‟un des aspects les plus importants de la SCA. Il s‟agit de mettre l‟accent sur les réformes microéconomiques articulées autour de l‟épanouissement de l‟entreprise. Dans cette optique, deux domaines sont spécifiquement explorés pour leur développement : l‟investissement et la production, à travers notamment les relations entre l‟épargne et l‟investissement et entre la productivité et le progrès technologique. Pour la mise en place d‟un environnement général porteur, la SCA s‟appuie sur quatre aspects. Il s‟agit de : La promotion de l‟innovation, de l‟initiative entrepreneuriale et des PME ; 23 La productivité des facteurs de production, notamment le facteur travail ; La qualité des politiques et des services publics ; L‟émergence de pôles économiques dans les régions. L‟approche des grappes de croissance permet d‟installer les acteurs dans une dynamique de mise en place et d‟exploitation d‟un tel environnement porteur. L’approche par les grappes de croissance et les clusters La prise en charge de l‟objectif de développement durable repose dans le cadre de la SCA sur une approche territoriale à la faveur de laquelle l‟initiative et la diversification des activités économiques et sociales reviennent principalement au secteur privé et aux communautés de base, sous l‟impulsion de l‟Etat. La dynamique grappe Secteurs de tête Commercialisent les produits et services hors de la région Activités de soutien Entreprises fournissant des matières premières, des produits semi-transformés et des services Infrastructure économique de base Ressources Humaines Technologie Financement Climat de Infrastructures et capital l’investissement physiques L‟approche des grappes de croissance symbolise à la fois le cadre d‟analyse des contraintes à la compétitivité et la démarche partenariale entre deux ou plusieurs acteurs représentants l‟Etat, le secteur privé et la société civile, tel qu‟il ressort de la représentation pyramidale de la dynamique grappe. L‟approche grappes de croissance utilisée pour développer des filières porteuses devrait permettre de créer de nouvelles marges de croissance à Dakar et dans les autres régions. Une grappe se constitue autour d‟un système structurant d‟entreprises approvisionnant les marchés ciblés et opérant dans un même secteur, sur un produit ou un groupe de produits auxquels il s‟agit de donner une visibilité nationale ou internationale. Outre le système structurant d‟entreprises produisant le produit générique de la grappe, celle-ci comprend les entreprises fournissant intrants, matières premières et 24 services à ces entreprises génériques ainsi que les centres de recherche, les établissements de formation et les institutions de financement. Il est attendu de la grappe une efficience collective supérieure à la somme des efficiences individuelles des entités membres. La politique de promotion des grappes porteuses dans la SCA consiste à maximiser la puissance des chaînons les plus faibles des différentes grappes tout en consolidant les équilibres macroéconomiques fondamentaux. Le développement des pôles économiques L‟appropriation de la SCA par les communautés de base devrait se traduire par des opportunités de croissance. La SCA offre, à travers les clusters locaux, les zones économiques spéciales ainsi que la collaboration avec les grandes entreprises ou les grappe s de PME, des cadres pour un accompagnement plus efficace des initiatives locales. Dans la SCA, un cluster local représente une grappe de croissance concentrée essentiellement sur une aire géographique à l‟intérieur d‟une région. C‟est le cadre minimum po ur organiser la compétitivité d‟une filière porteuse. L‟expérience de zone économique spéciale est initiée en 1979 en Chine pour stimuler la coopération économique et les échanges techniques avec les pays étrangers. La formule s‟est enrichie progressivement pour comprendre la gestion des infrastructures de la zone. Ainsi, la zone économique spéciale expérimente un développement intégré des infrastructures, du cadre juridique, des projets industriels, de la construction, du tourisme et des investissements étrangers. Quant au cadre de collaboration avec les grandes entreprises, il s‟agit surtout de l‟insertion de ces dernières dans l‟économie locale d‟accueil. Plus précisément, il est de plus en plus question que les entreprises de dimension internationale entretiennent avec les collectivités et les populations locales un cadre de collaboration qui leur permette d‟identifier de nouveaux créneaux qui exploitent les capacités locales, notamment celles des populations pauvres. Les grappes de compétitivité sont des ensembles d‟entreprises ou d‟activités interconnectées entre elles, à la faveur d‟une démarche partenariale, de façon à leur faire partager un même bassin de facteurs de compétitivité tels que main d‟œuvre spécialisée, technologies, infrastructures physiq ues, cadre de vie, ou réglementation propice à la croissance de la grappe. II/ Stratégie Nationale Economique et Social de Développement Vision et stratégie d'intervention sur la période 2013-2017 La société sénégalaise s'est accordée sur une vision à long terme reposant sur la finalité d‟une « émergence dans la solidarité intra et intergénérationnelle ». « L‟émergence dans la solidarité » concilie la responsabilité et la liberté, l‟efficacité et la justice et enfin, l‟économique et le social. A travers cette vision, le Sénégal a misé sur les valeurs politiques qui régissent les rapports entre les êtres et également sur les principes de rationalité, de maîtrise et d‟efficacité. Ainsi, en 2035, la société sénégalaise devrait jouir d‟une forte accumulation de biens matériels et immatériels, caractérisée par des niveaux de vie élevés. 25 La SNDES, s'inspirant de cette vision, trace la voie jusqu‟en 2017, afin de circonscrire la trajectoire de l‟horion 2035. Toutefois, le succès de la politique économique et sociale est conditionné par une bonne assise des fondements structurels aptes à impulser le développement. En effet, le progrès économique et l‟épanouissement social ne peuvent se concevoir sans l‟assurance d‟une paix durable aussi bien au niveau national qu‟audelà des frontières. Le contexte actuel de la mondialisation est d‟autant plus réel qu‟il rappelle l‟obligation d‟intégrer les implications de la géopolitique, de l‟intégration régionale et des engagements internationaux. 1. 2. 3. 4. 5. Le premier Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté, DSRP-I, défini sur la période 2003-2005, a été mis à profit pour consolider les performances économiques des programmes structurels. En plus d‟avoir permis la correction de quelques insuffisances aux plans social et politique, il a été un véritable instrument de mobilisation de ressources et de recentrage des politiques de développement autour d'objectifs clairement définis et assortis d'indicateurs de performance et d'impact. Le DSRP-II couvrant la période 2006-2010, s'était engagé dans la mise en œuvre de la Stratégie pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (SRP). C'est ainsi qu‟il a associé la Stratégie de Réduction de la Pauvreté à la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) pour une meilleure réorientation des objectifs de développement économique et social prenant en compte la réduction des inégalités sociales et l‟accélération de l‟atteinte des OMD. L'élaboration de la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES) pour l a période 2013-2017 obéit à la volonté politique d‟inscrire le Sénégal sur la trajectoire de l‟émergence et à la nécessaire prise en compte des préoccupations des populations. Elle s'effectue dans un contexte économique international difficile, marqué par la flambée des prix des produits alimentaires et énergétiques, doublée d‟une incertitude sur la volatilité future. Par ailleurs, la persistance de la crise financière illustrée par les turbulences sur les marchés financiers ainsi que les difficultés rencontrées par les économies avancées, devront sans doute accentuer des risques de repli de la croissance économique mondiale, mais à l‟inverse réorienter une partie des flux d‟IDE. Le développement économique et social du Sénégal nécessite la mise en œuvre d ‟une stratégie prenant en compte le redressement des finances publiques, le développement de l'épargne intérieure et son orientation efficace par les outils incitatifs, une évolution soutenable à terme de la balance commerciale et l‟équilibrage de celle de s paiements, devant conduire à une croissance économique à fort impact positif sur les conditions de vie des populations. A cet égard, le défi majeur porte essentiellement sur la relance de l'économie, la voie vers laquelle le Sénégal devra s'engager davantage dans un contexte de gouvernance vertueuse et efficace. Les indicateurs sur la période 2005-2011 révèlent une baisse relative de la pauvreté qui a été accompagnée par une augmentation absolue du nombre de pauvres sur la période. Cette situation s‟explique, en partie, par un taux de croissance annuel du PIB par tête d‟environ 0,5% en moyenne sur la période. La pauvreté est plus élevée en zone rurale que dans les centres urbains. Ce 26 phénomène de la ruralité de la pauvreté n‟a pas été influencé par les po litiques menées jusque là. Ces résultats mettent en évidence la fragilité de l‟économie sénégalaise et l‟urgence d‟améliorer de manière durable les conditions de vie des populations. Cette situation doit être inversée rapidement afin d‟inscrire le Sénégal dans la réduction de la pauvreté et l‟accélération de l‟atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), à l‟horizon 2015. 6. Par ailleurs, Il est apparu de nouveaux défis auxquels le Sénégal doit faire face à savoir : l‟émergence économique, l‟optimisation de la politique énergétique, l‟adaptation aux changements climatiques, la sécurité alimentaire, la paix et la sécurité. Ces défis appellent à la formulation et la mise œuvre d‟une Stratégie Economique et Sociale susceptible de pouvoir améliorer les niveaux de croissance économique, de lisser ou d‟amortir les chocs exogènes tout en préservant les options futures et la résilience et d‟inscrire le Sénégal dans une perspective de développement durable. Cette stratégie nationale qui se veut réaliste et innovante, sera le cadre de référence pour tous les acteurs du développement. Elle s‟inscrit dans une vision inclusive à long terme et appelle à une mise en œuvre optimale des politiques publiques aux niveaux central et local, pour faciliter l‟atteinte des OMD et poser les jalons de l‟émergence. Encadré 1: Méthodologie d'actualisation de la formulation En 2011, le Sénégal a formulé le Document de Politique Economique et Sociale (DPES), validé pour servir de cadre de référence à l’action de l’Etat et des partenaires au développement sur la période 20112015. Toutefois, au regard des récentes mutations intervenues, le Sénégal se trouve confronté à de nouveaux défis aux plans politique, institutionnel, économique et social. Il importe à ce titre d’opérer les ajustements nécessaires sur le Document de politique afin de mieux adapter la Stratégie au nouveau contexte, d’insuffler un nouvel élan et de forger un partenariat plus ambitieux. De surcroît, la disponibilité de données statistiques récentes sur l’état de la pauvreté et la vulnérabilité, ainsi que les développements notés dans certains secteurs et la problématique de la décentralisation viennent renforcer l’impératif d’actualiser et de finaliser le projet de DPES 20112015. Le nouveau document qui définit les priorités économiques et sociales doit suffisamment prendre en considération les aspirations réelles des populations ainsi que l’impératif de développer une économie compétitive porteuse de croissance. A cet effet, le DPES révisé, devenu Stratégie Nationale de Développement Economique et Social, 2013-2017, a été élaboré suivant un processus participatif, tant au niveau central qu’au niveau décentralisé. Cette démarche a permis d’associer les acteurs régionaux, avec la tenue de consultations locales et de procéder à la revue des contraintes sectorielles avec l’ensemble des ministères techniques et les forces armées nationales. L’accent a été mis sur la création de richesses, le renforcement de la gouvernance, le développement des secteurs stratégiques ayant des impacts significatifs sur l’amélioration du bien-être des populations et la demande sociale. Dans un contexte particulier de transition démographique, la prise en charge les questions transversales telles que l’emploi, le genre, la protection sociale et le développement durable s’est avérée opportune. Le processus de formulation a reposé sur une synergie entre les instruments de politique économique et sociale tels que la SCA, le Plan d’Orientation pour le Développement Economique et Social (PODES), l’Instrument de Soutien à la Politique Economique (ISPE) et les initiatives citoyennes, en droite ligne des nouvelles orientations de l’Etat du Sénégal. Sous ce rapport, il 27 s’agit d’exploiter toutes les potentialités nationales, susceptibles d’améliorer le niveau de revenus et les conditions de vie des populations. 8. Le présent document se présente comme suit : le premier chapitre dresse le profil de la croissance, de la pauvreté et des inégalités et retrace les défis qu‟il pose. La Stratégie est décrite au second chapitre, à travers la vision à long terme, les orientations stratégiques sectorielles et les politiques et programmes qui l‟opérationnalisent. Enfin, le troisième c hapitre esquisse le dispositif identifié pour assurer la mise en œuvre de la Stratégie. Il présente le financement de la stratégie, les rôles et responsabilités des acteurs ainsi que les mécanismes de revues à mettre en place. Ce dernier chapitre définit également le cadre de suivi et d‟évaluation externe ainsi que les facteurs de risques liés à la mise en œuvre de la Stratégie. L‟avenir du Sénégal repose entre les mains de sa population qui croit au mérite, à l‟ambition et l‟engagement, quel que soit le domaine d‟activité. Ces valeurs sont défendues, appliquées et sauvegardées par des citoyens imprégnés d‟éthique, de déontologie et de civisme. Mener le Sénégal au développement est une responsabilité collective, bannissant toute exclusivité corporatiste ou élitiste. Enfin, une forte implication des citoyens imposera aux décideurs politiques la transparence et la reddition de compte dans la gestion publique ainsi que la technicité et l‟humilité dans les orientations stratégiques dont toute la nation assumera les conséquences. 100.Par ailleurs, il importe de mettre en place un environnement juridique propice au développement et veiller à la déconcentration et la décentralisation des ressources humaines et financières, à l‟aune des compétences transférées. La cré ation d‟un niveau de richesses soutenu et durable, apte à réduire les inégalités sociales, implique un respect strict des règles de gestion des finances publiques ; d‟où un impératif de résorption des déficits macroéconomiques et de maîtrise du niveau et du rythme d‟endettement. 101.Les volumes significatifs d‟investissement productif et la dynamique en diplomatie économique concourent à l‟éclosion des initiatives privées et l‟afflux de capitaux étrangers. En outre, le rôle du système bancaire et financier dans la fourniture de capital est recentré et élargi en facilitant, d‟une part l‟accessibilité des PME/PMI au crédit bancaire classique et promouvant, d‟autre part le recours au marché financier. Dans cette même veine, le cadre juridique et règlementaire des affaires est adapté, en concertation avec les acteurs ciblés. La restauration du tissu économique qui en résulte permet aux entreprises créées de pallier la dépendance à la commande publique et d‟absorber la main d‟œuvre disponible, en alternative au recrutement dans la fonction publique. 102.Ces initiatives de soutien à la croissance concourent à accroître la compétitivité nationale en ce qu‟elles constituent des facteurs de productivité globale. Au demeurant, la Stratégie ambitionne d‟intensifier la production de biens et services, par l‟entremise du développement de l‟économie agricole, le redressement de la filière industrielle et l‟augmentation de la fourniture de services. Dans cette dynamique, les pôles régionaux de croissance sont mis en exergue afin d‟impulser un nouvel élan de développement économique et social sur l‟ensemble du territoire national. Ainsi, l‟atteinte de la sécurité alimentaire et la promotion des exportations en seront d‟autant plus facilitées que la production nationale couvre les besoins exprimés. 103.Eu égard à son rôle crucial, la Stratégie met un accent particulier sur la promotion du capital humain. En effet, l‟efficience du niveau de production est tributaire de la qualité de la main d‟œuvre employée. Ceci implique l‟existence d‟un système éducatif et sanitaire capab le de fournir des ressources humaines satisfaisant les exigences du marché du travail. Par ailleurs, la mise en place d‟un cadre propice au développement durable, à la gestion des risques et catastrophes et à la réduction des vulnérabilités et inégalités de genre, participe de cet effort. 99. A/ Objectifs stratégiques 28 Dans son ensemble, la SNDES vise l‟accélération de la croissance économique et l‟amélioration de la productivité. Elle pose de manière stratégique les orientations dans les secteurs productifs et d‟appui à la production dans le premier pilier. La composante principale de ce pilier est la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA). Par cette stratégie, l‟approche grappe invite les parties prenantes à bâtir des partenariats féconds autour des filières porteuses dont les produits peuvent avoir une visibilité nationale ou internationale. Cette approche est rendue opérationnelle à travers, d‟une part, la structuration des principales filières productives en chaînes de valeur et, d‟autres part, la mise en œuvre de projets de clusters locaux dans des secteurs à haut potentiel de création de valeur, articulés à des incubateurs et réseaux d‟incubateurs d‟entreprises sur tout le territoire national. A cet effet, faire de chaque région (ou territoire), en fonction des avantages comparatifs qu‟elle présente, un exportateur de produits spécifiques vers le reste du pays, de la sous-région ou du monde, devient un impératif. 108.Pour ce premier pilier, la SNDES préconise la territorialisation des activités productives, en initiant des projets de zones économiques spéciales, de parcs scientifiques ou technologiques, d‟incubateurs et de création d‟autres pôles économiques, avec la collaboration des collectivités locales. Ainsi, la mise en œuvre de la SCA devient un objectif principal de la SNDES sur la période 2013-2017. 109.Les conditions de réussite d‟un développement durable sont soutenues à travers le développement du capital humain, pour lequel les objectifs déclinés dans le deuxième pilier vont contribuer. Le troisième pilier encadre l‟environnement de la production et du développement social à travers la gouvernance, le renforcement des institutions, la construction d‟une paix durable, la justice et la sécurité humaine. 110.En termes d‟objectifs stratégiques, la SNDES s‟articule d‟une part, à l‟étude prospective « Sénégal 2035 », pour laquelle elle constitue une déclinaison quinquennale, et d‟autre part, aux orientations politiques gouvernementales, à la SCA, aux engagements internationaux (OMD et post-OMD), aux politiques multisectorielles (par exemple : Stratégie Nationale de Protection Sociale) et sectorielles. 111.Ainsi, au niveau sectoriel, les outils de planification stratégique tels que les Lettres de Politique Sectorielle (LPS) et les Cadres de Dépenses Sectorielles à Moyen Terme (CDSMT), doivent prendre en compte la totalité des objectifs stratégiques, lignes d‟actions et mesures de la SNDES. Les documents sectoriels peuvent comporter des orientations opérationnelles, contribuant à l‟atteinte des objectifs nationaux de développement économique et social. Enfin, l‟enjeu ultime réside dans la capacité à initier, concevoir et mettre en œuvre des projets/programmes sectoriels qui concourent directement à la réalisation optimale des attentes de la SNDES, exprimées au niveau des lignes d‟actions et mesures. 107. 2.3.1. AXE 1 : Croissance, productivité et création de richesses 29 112. La consolidation du cadre macroéconomique sain et stable dans un environnement des affaires propice à l‟investissement permet de promouvoir une productivité globale de l‟économie. Sous ce rapport, la mise en œuvre de politiques de développement des secteurs productifs et d‟appui à la production garantissant la compétitivité, exige a u préalable, le renforcement des facteurs de production. Il s‟agit principalement de l‟énergie et des infrastructures, qui constituent les secteurs clés d‟intégration du tissu économique et des facteurs technologiques comme les Technologies de l‟Information et de la Communication (TIC) et les télécommunications. Ainsi, dans le but d‟accélérer la croissance, le développement de l‟agriculture et de l‟économie rurale devra être accompagné de la promotion des PME/PMI et du soutien du secteur industriel et des autres activités de services marchands. En outre, la dynamique de structuration des filières productives, déjà engagées dans le cadre des grappes de croissance, devra être maintenue et renforcée, afin de tirer profit des potentialités qu‟offrent ces secteurs et filières en termes de contribution à la croissance économique et à la diversification des sources de la croissance. Dans ce contexte, une intégration efficace à l‟environnement extérieur garantit les chances de redéploiement de l‟économie nationale. 2.3.1.1. Stabilité du cadre macroéconomique 113.Le maintien d‟un cadre macroéconomique stable est la base des stratégies à mettre en œuvre pour impulser et entretenir, dans la durée, une croissance économique significative à large base sectorielle et sociale. En effet, la stabilité macroéconomique est essentielle pour contenir l‟inflation et la volatilité du taux d‟intérêt, réduire les risques et incertitudes pour les investisseurs et créer les conditions propices à la croissance soutenue du revenu. L‟objectif d‟assurer la stabilité du cadre macroéconomique, attendu de la SNDES, sera poursuivi à travers l‟amélioration du climat des affaires, l‟assainissement des finances publiques et la maîtrise de l'inflation. 114.Tirer parti d‟un cadre macroéconomique sain et stable demande des politiques convergentes de développement et de diversification des sources de la croissance, à l‟actif de l‟initiative de l‟entreprise privée et des collectivités locales. En effet, la prise en compte des dynamiques territoriales et leur articulation aux politiques sectorielles constituent certainement l‟un des plus grands défis du développement économique national. De ce point de vue, il convient de concevoir et mettre en œuvre une approche territoriale du développement qui relie aménagement du territoire et décentralisation, intègre le processus de régionalisation et donne corps à de grands pôles régionaux de développement. 115.L‟objectif d‟un taux de croissance annuel moyen de 6,8% est à portée, compte tenu des interventions attendues dans le secteur productif, la mise en œuvre du plan de redressement du sous-secteur de l‟électricité et l‟ensemble des mesures prioritaires de la SNDES. Les actions de gouvernance économique aideraient à améliorer l‟efficacité marginale de l‟investissement public, surtout avec le développement du partenariat public-privé. Compte tenu des contreperformances enregistrées depuis 2006, l‟économie sénégalaise a comme alternative la réalisation 30 d‟investissements massifs à fort contenu en FBCF, pour réduire sensiblement la pauvreté en milieu rural et la faim à l‟horizon 2017. 116.Dans la perspective d‟une maîtrise des dépenses publiques, la Stratégie prévoit un accroissement substantiel des recettes budgétaires annuelles qui devraient passer de 1569 milliards de FCFA en 2012 à 2206 milliards de FCFA en 2017. Les recettes fiscales croîtraient de 1492 milliards de FCFA en 2012 à 2152 milliards de FCFA en 2017, sous réserve d‟une mise en œuvre de la nouvelle réforme fiscale plus incitative et efficiente. Les dépenses totales évolueraient de 2 190 milliards de FCFA en 2012 à 2 912 milliards de FCFA en 2017. En conséquence, les finances publiques devraient mieux se porter en 2017 et présenteraient un solde budgétaire global en dessous de 3,6% du PIB en 2017, contre 5,9% projeté en 2012. Les ressources additionnelles prévues durant la période s‟élèvent à hauteur de 1 493 milliards de FCFA, dont la moitié est attendue des ressources de l‟Etat. Le reste sera soumis en recherche de financement auprès des Partenaires Techniques et Financiers, sous forme de dons et de prêts à taux concessionnels. La détérioration nette du déficit public est imputable à l‟augmentation sensible des dépenses d‟investissement pour soutenir l‟effort de rattrapage du retard enregistré dans les secteurs d‟infrastructures. 117.Par ailleurs, le solde des transactions courantes pourrait passer à 5,3% du PIB en fin de période. Cette performance résulterait d‟une légère amélioration de la balance commerciale, en particulier. Le solde global de la balance des paiements est excédentaire sur toute la période, traduisant une hausse des avoirs extérieurs nets sur la période qui passent de 826,6 milliards F CFA en 2013 à plus de 2 600 milliards de FCFA en 2017, une amélioration significative des taux de croissance moyens par an du crédit intérieur et de la masse monétaire. A cet effet, la Stratégie intègre un renforcement du potentiel d‟exportation et des flux rentrants d‟investissements directs étrangers. 118.En termes d‟emplois du PIB, la consommation finale devrait connaître une légère amélioration avec 5% en moyenne sur la période 2013-2017. En termes réels, elle progresserait un peu moins vite que le PIB (environ 6,7%) tandis que la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) pourrait atteindre un taux de croissance moyen de 9,5% imputable aux efforts d‟amélioration du contenu en FBCF des investissements publiques et des initiatives nouvelles d‟impulsion de l‟investissement privé. En ce qui concerne la FBCF privée, elle croitrait de 5,7% en moyenne. Par conséquent, le taux d‟investissement mesuré par la FBCF pourrait atteindre environ 26% du PIB sur la période de mise en œuvre de la SNDES notamment avec la poursuite des travaux relatifs aux programmes d‟infrastructures structurantes pour la densification du tissu économique. 119.S‟agissant de la demande extérieure nette, les exportations de biens et services augmenteraient en moyenne de 7,5% en termes réels, tandis que les importations de biens progresseraient de 6,3% en termes réels. Le niveau général des prix, mesuré par le déflateur du PIB est projeté en dessous de 1,3% sur la période après les poussées inflationnistes liées à la hausse des cours du pétrole observées les 31 dernières années. Toutefois, la conduite d‟une bonne politique monétaire et budgétaire permettrait de maintenir l‟inflation bien en dessous du seuil communautaire de 3%. 120.Le Sénégal s‟est engagé sur la période 2013-2017 à : (i) porter le taux de croissance économique, en moyenne, à l‟ordre de 7% ; (ii) ramener le déficit public en-dessous de 3,6% du PIB, en fin de période ; (iii) améliorer le solde du compte courant à (-) 4,5% du PIB et (iv) stabiliser le ratio d‟endettement à moins de 30% du PIB. 2.3.1.2. Promotion de l’emploi 121. La Nouvelle Politique Nationale de l'Emploi (NPNE) s‟appuie sur le spectre des politiques publiques pertinentes en matière de promotion de l‟emploi. Le nombre moyen annuel de nouveaux demandeurs d‟emplois potentiels 10 est de 202000. Pour assurer le plein-emploi et contenir l‟évolution démographique, l‟économie doit générer, chaque année, près de 150000 emplois. Sur la période 2013-2017, la création d‟au moins 500000 emplois est attendue. Les emplois visés concernent le secteur privé formel et la fonction publique avec la mise en place progressive de la fonction publique locale. Sont également concernés les emplois comptabilisés dans le cadre de la poursuite de la modernisation des entreprises traditionnelles du secteur informel. Pour les cinq prochaines années, la Stratégie s‟articule autour des objectifs stratégiques majeurs suivants : i. promouvoir la création massive d'emplois, à travers la promotion des investissements publics à haute intensité de main-d'œuvre (HIMO) et de l'auto-emploi des jeunes par la valorisation des compétences, la mise en œuvre de mesures incitatives pour favoriser l'investissement et la création d'emplois dans le secteur privé, l‟appui à l'insertion et à la réinsertion des personnels militaires et paramilitaires libérés du service actif ; ii. améliorer le suivi et la gestion du marché du travail, par l‟organisation et mise à niveau du secteur informel, la mise en place d'un système d'information sur l'emploi, la régulation du marché du travail et la rationalisation des structures de financement des projets, la mise en place d'un système national d'évaluation des apprentissages techniques et professionnels et de validation des acquis de l'expérience , la mise en place de l'observatoire national de l'emploi et des qualifications professionnelles et l‟opérationnalisation du répertoire des métiers et emplois. 2.3.1.3. Développement du secteur privé 122.Le secteur privé est l‟acteur moteur de la création de richesses. Dans la perspective de son développement, la promotion de nouvelles opportunités d‟activités économiques, particulièrement des activités créatrices d‟emplois, devra être renforcée par des programmes ciblés d‟appui à l‟accroissement de la productivité et des revenus des populations. Des programmes spéciaux cibleront des 10 Situation économique et sociale du Sénégal, 2010, ANSD. 32 groupes comme les microentreprises et les petites entreprises, les jeunes des campagnes et des banlieues et l‟artisanat. Sera également encouragée la mise en place de programmes spécifiques ciblant les femmes dans la production, pour l‟approvisionnement des grands centres urbains et pour l‟exportation. Sous un autre registre, les producteurs indépendants ainsi que les grandes entreprises – nationales ou internationales- ont un rôle important à jouer pour une croissance significative des exportations. 123.De telles interventions devront se faire dans le but de créer plus d‟emplois qualifiés en milieu rural et réduire la taille du secteur informel. Ainsi, les pôles régionaux de développement seront mis à contribution dans le processus de conquête du marché intérieur, par l‟exportation de produits et de services diversifiés et compétitifs. Le renforcement du dialogue public-privé permettra d‟identifier d‟autres obstacles à lever en priorité, en vue de consolider la viabilité et la compétitivité des entreprises. 124.La facilitation de l‟accès au financement fait l‟objet de nouvelles initiatives pour une plus grande efficacité des fonds de garanties et pour le développement de l‟affacturage, du crédit-bail, du capital-risque et du crédit à l‟exportation. Il a été retenu de rationaliser la création de lignes de crédit et de mutualiser les coûts de leur gestion au sein d‟une banque des PME. En retour, l‟accès à l‟information sur les entreprises et les emprunteurs sera rendu plus fluide par la création de bureaux d‟information sur le crédit, à côté de la centrale des bilans et de celle des risques. Toutefois, les mesures à mettre en œuvre pour une amélioration conséquente de la compétitivité requièrent de plus en plus un engagement fort de tous les segments de l‟administration publique, du secteur privé et des partenaires sociaux. 125.Le développement et la promotion des PME sont articulés autour des objectifs stratégiques suivants : i. améliorer l’environnement des affaires en promouvant l'entrepreneuriat chez les jeunes, la création et le développement d‟entreprises par les femmes, la mise en œuvre des décisions du Conseil Présidentiel sur l‟Investissement et le renforcement de la part du capital privé national dans l'économie ; ii. faciliter l’accès aux services financiers et non financiers, à travers la création du Fonds de Garantie et d‟Investissements Prioritaires (FONGIP) et d'un Fonds Souverain d‟Investissement Stratégique (FONSIS), l‟encadrement des entreprises en difficulté, la finalisation de la concertation sur le crédit et le renforcement des fonds dédiés aux femmes entrepreneures ; iii. consolider le dispositif d’appui technique et de pilotage, par l‟appui à la création de sociétés de prestation de services dans chaque pôle économique intégré, la création d'un « Pacte Petites Entreprises et PME-PMI » intégrant et renforçant les dispositifs d‟appui aux entreprises, la dynamisation des parcs industriels, la mise en place d‟un observatoire des 33 PME, la révision du code des investissements et le suivi de la « démographie des entreprises ». 2.3.1.4. Développement des secteurs d’appui à la production 2.3.1.4.1. Infrastructures et services énergétiques 126.Le sous-secteur de l‟énergie joue un rôle transversal dans la mise en œuvre des politiques publiques. Cependant, le faible taux d‟accès aux services énergétiques modernes constitue un facteur limitant le développement économique et social. La CEDEAO a entériné dans son Livre Blanc 11 des objectifs chiffrés, auxquels le Sénégal a souscrit, pour l‟accès aux services énergétiques. La vision sectorielle est d‟assurer une distribution géographique plus équitable des services énergétiques modernes et couvrant les besoins en termes d‟électrification rurale et urbaine, de force motrice et de combustibles domestiques pour lutter contre la pauvreté et préserver l‟environnement, notamment à travers la promotion d‟énergies propres. 127.Le sous-secteur de l‟énergie poursuit les objectifs stratégiques suivants : i. favoriser l'accès aux services énergétiques, à travers l‟accélération de l'électrification rurale, l‟accroissement de l‟offre d‟énergie renouvelable, l‟augmentation des capacités de production d'électricité, l‟amélioration de l'accès aux hydrocarbures et à l'énergie domestique, l‟intégration du solaire photovoltaïque dans le bâtiment et les édifices publics et la sécurisation des capacités et des conditions de stockage; ii. promouvoir la maîtrise et l'économie d'énergie par l‟incitation à l'utilisation d'appareils électroménagers économes d'énergie et la promotion d'équipements économes d'énergie et de substitution ; iii. améliorer le cadre de pilotage du sous-secteur de l'énergie, grâce à l‟amélioration de la régulation, la poursuite de la réforme institutionnelle de la SENELEC et au renforcement du Système d‟Information Energétique (SIE). 2.3.1.4.2. Infrastructures et services de transport 128.Le développement des infrastructures et services de transport est essentiel pour asseoir une économie compétitive et une croissance forte. La réalisation des infrastructures revêt un caractère prioritaire du fait de son impact positif dans la desserte des principaux pôles économiques du pays. Il est également attendu un effet d‟entraînement des dépenses d‟investissements publics dans la création d‟emplois, pourvu que des possibilités de fabrication locale des intrants de construction existent. Sous ce rapport, les infrastructures publiques rendent les investissements privés plus efficaces, jettent les bases de la création d‟industries et ouvrent les voies de l‟intégration. 129.Le sous-secteur des infrastructures et services de transport poursuit les objectifs stratégiques suivants : i. développer les infrastructures routières, ferroviaires, aéroportuaires et portuaires, à travers la construction, réhabilitation et 11 Livre Blanc pour une politique régionale, Décision A/DEC.24/01/06 du 12 janvier 2006. 34 l‟entretien de pistes rurales dans les zones de production, la construction et la réhabilitation des routes et ouvrages d‟art et des infrastructures ferroviaires, la modernisation des gares routières et des infrastructures aéroportuaires, le renforcement des infrastructures de la plateforme portuaire et la réalisation d'études techniques pour tout projet/programme d'infrastructure de transport ; ii. développer et moderniser les services de transport, par le développement d'un système de transport public moderne dans les grandes villes, le renouvellement et le renforcement des parcs automobiles de transport public, l‟ amélioration et la sécurisation des voies navigables, le renforcement de la compétitivité du Port de Dakar et l‟ amélioration de la prévention des risques liés à toute forme de pollution ; iii. promouvoir la bonne gouvernance sectorielle, avec le renforcement de la sécurité routière, le renforcement des capacités des acteurs et du pilotage du sous-secteur ainsi que l‟élaboration d'un Code des ports. 2.3.1.4.3. Infrastructure financière et services financiers 130.L‟objectif global est d‟assurer la stabilité et la solidité du système financier, à travers la consolidation du secteur bancaire et la pérennisation du secteur de la microfinance. La nouvelle réglementation introduit des dispositions relatives à la protection des déposants. A ce titre, un chantier relatif à la mise en place d‟un fonds de garantie des dépôts bancaires et des SFD se poursuit et un accent sera mis sur le renforcement de la transparence dans la tarification des services bancaires et financiers et sur l‟accroissement de la concurrence entre les établissements de crédit, au bénéfice des usagers des services bancaires et financiers. Pour ce qui est des perspectives d‟adaptation aux normes internationales, la révision du Plan Comptable Bancaire visant à le rendre conforme aux normes IAS/IFRS en vigueur, sera poursuivie. 131.En direction du nouveau cycle de programmation, le sous-secteur de la microfinance entend se consolider et se pérenniser, à l‟intérieur d‟une dynamique d‟intégration progressive au secteur financier global. Ce mouvement devra toutefois se faire dans le respect de l‟identité du sous-secteur et de son apport spécifique à l‟économie nationale. Deux objectifs stratégiques sont poursuivis: i. diversifier et adapter l'offre de produits et services financiers, à travers la facilitation de l'accès au crédit pour les jeunes et les femmes, le développement des nouveaux moyens de paiement, le renforcement de la présence des institutions de microfinance en zones rurales, la promotion de la finance islamique, la promotion de la culture de l'épargne et l‟amélioration de l'accès des SFD à des services non financiers et en appui technique ; ii. améliorer l'environnement de la microfinance, par le renforcement du cadre régional légal et réglementaire de la microfinance, la promotion des mécanismes de garantie adaptés pour les SFD, la 35 promotion des mécanismes de garantie adaptés pour les SFD, l‟amélioration des systèmes d'information et de gestion des SFD et la mise en place d'une Centrale des Risques pour les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD). 2.3.1.4.4. Communication, infrastructures et services de télécommunication 132. Globalement, les réformes et politiques mises en œuvre dans le sous-secteur des TIC et télécommunications ont permis de noter des avancées significatives. Pour jouer un rôle capital dans la croissance et la production, le sous-secteur des TIC et télécommunications poursuit les objectifs stratégiques suivants: i. développer l'économie numérique, grâce à l‟extension vers une licence globale pour tout opérateur, la création des pôles technologiques et consolidation des incubateurs d‟entreprises en TIC, l‟ appui à l'émergence de l'industrie des TIC, l‟élaboration et mise en œuvre d'une stratégie nationale de développement de l‟économie numérique et la mise en œuvre des mesures incitatives prévues dans le cadre de la loi sur la société de l‟information ; ii. réduire la fracture numérique à travers la mise en place d'infrastructures d‟accès aux TIC, la promotion de l'Internet à très haut débit, le développement du service universel des Télécommunications et le parachèvement du passage de l'audiovisuel analogique au numérique ; iii. démocratiser l'accès et l'utilisation des TIC par la formation et sensibilisation de la population sur les opportunités offertes par le secteur ; iv. promouvoir la bonne gouvernance numérique grâce à l‟amélioration du fonctionnement de l‟administration avec les services en ligne, l‟élaboration d'un Plan National Géomatique (PNG) et l‟élargissement et la consolidation des missions de régulation et d'observatoire ; v. promouvoir la bonne gouvernance audiovisuelle à travers l‟adoption d'un nouveau Code de la Presse, de textes et d'instruments législatifs et réglementaires adaptés, la mise à niveau du dispositif de radiodiffusion nationale par rapport aux standards internationaux et la promotion de contenus éducatifs, culturels, économiques, médicaux dans la production audiovisuelle. 2.3.1.5. Développement intégré de l’économie rurale 133.Toutes choses égales par ailleurs, une croissance de 6% du PIB agricole contribuerait substantiellement à ramener la croissance de l‟économie nationale sur le trend des années 1995-2005, à réduire la dépendance du Sénégal vis-à-vis des importations alimentaires et le déficit de la balance commerciale. Elle améliorerait, en même temps, le niveau de sécurité alimentaire. La cible 12 de l‟OMD-1 serait quasiment atteinte aussi bien au niveau national que dans les villes, mais les zones rurales resteraient encore relativement pauvres. L‟extension des efforts de relance 12 Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour. 36 de l‟agriculture au reste de l‟économie rurale serait alors nécessaire pour faire bénéficier plus équitablement les populations rurales du partage des fruits de la croissance. Il s‟agira de procéder à un meilleur aménagement du territoire, à travers une réallocation des investissements agricoles et ruraux et une plus grande participation de toutes les autres zones rurales à l‟animation de la dynamique de croissance. 134.Le Programme National d'Investissement Agricole (PNIA) dont la finalité consiste à répondre aux défis que la Politique Agricole Commune de la Communauté Economique des Etats de l‟Afrique de l‟Ouest (ECOWAP), pendant sous-régional du Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture Africaine (PDDAA), se propose de relever ce défi. Ainsi, l‟objectif de réduction de moitié de l‟incidence de l‟extrême pauvreté et la faim sera plus à portée si l‟Etat s‟inscrit dans la perspective de consacrer progressivement jusqu‟à 10% de ses ressources internes au développement de l‟agriculture. Les interactions très fortes qui se produisent entre les branches agricoles, ainsi que les flux également importants entre ces dernières et le reste de l‟économie renforcent les effets de la complémentarité entre investissements publics et investissements privés pour constituer un déterminant important de la croissance du PIB global. 135.Dans le contexte global d‟accélération de la croissance, de relance de l‟économie rurale et de développement de l‟agriculture, les filières vivrières trouvent un maximum de débouchés et de chances de concilier l‟amélioration des revenus des producteurs ruraux et la défense du pouvoir d‟achat des consommateurs urbains à travers une plus grande productivité. La relance intégrée de l‟économie rurale sera, en particulier, mise en œuvre à travers les politiques visant le développement des secteurs primaires ou de l‟agriculture au sens large. 136.Pour ce qui concerne la valorisation de l‟économie rurale, la Stratégie met particulièrement l‟accent sur la diversification de la production, la structuration des filières agro-sylvo pastorales, la maîtrise de l‟eau, la réalisation d‟aménagements agricoles, la réduction de la vulnérabilité des activités agricoles, la modernisation des équipements des producteurs, la mise en place d‟infrastructures de soutien à la production, l‟accès à des intrants de qualité, l‟organisation des filières productives, l‟amélioration de la mise en marché des produits et la maîtrise des circuits de commercialisation. La réalisation de ces actions prioritaires crée une chaîne de valeur intra et inter sectoriel dans les sous-secteurs agro-sylvo pastoraux et les services marchands. 2.3.1.5.1. Agriculture 137.Les fortes fluctuations et la tendance à la baisse des rendements des spéculations appellent à mettre davantage l‟accent sur l‟irrigation, la recherche et la vulgarisation agricoles, afin d‟inverser durablement cette tendance. La loi d‟orientation agro-sylvopastorale définit, sur la période 2004-2024, un cadre intégré favorable au développement de l‟agriculture, de l‟élevage et de la sylviculture et à l‟épanouissement des populations rurales. Des initiatives se multiplient pour apporter des réponses pragmatiques aux contraintes du sous-secteur agricole. 37 L‟agriculture dispose d‟une marge de progression pour produire davantage, du fait de la réserve de terres arables et/ou irrigables non encore exploitées, des gains de productivité encore possibles pour la population active rurale, notamment les femmes. L‟agriculture moderne à grande échelle a également des marges de progression. De surcroît, l‟agriculture dans son ensemble peut renforcer ses relations d‟échange avec les autres secteurs, à travers le développement des chaînes de valeur et les activités de transformation. En retour, pour la modernisation, la croissance de l‟agriculture et le développement de PMI et PME rurales, les leviers sur lesquels il faut agir sont les routes et les infrastructures de transport, les TIC, notamment pour l‟accès en temps réel à l‟information sur les marchés des produits agricoles, l‟hydraulique, l‟énergie, le crédit agricole et rural, la mécanisation, l‟instruction et la formation des agriculteurs, l‟agroindustrie et les activités manufacturières. 139.L‟objectif principal de la LOASP est de faire de l‟agriculture le moteur d‟une dynamique de progrès viable. Conformément aux orientations de la LOASP, la présente Stratégie vise à améliorer la contribution de l‟agriculture au développement économique et social. A cet effet, les principaux objectifs spécifiques visés en 2017 sont les suivants : i. augmenter la production et améliorer la productivité agricoles, à travers la modernisation des équipements des exploitations agricoles, la promotion des Pôles d'émergence et des Domaines Agricoles Partagés (DAP), la réalisation et la valorisation des aménagements agricoles, l‟appui à la mise en marché des produits agricoles et maraîchers, le renforcement de l‟accès des producteurs à des crédits agricoles adaptés à leurs besoins, le développement des infrastructures de soutien à la production, la gestion durable des terres et l‟ appui et la valorisation de la recherche agricole ; ii. améliorer le système de pilotage du sous-secteur agricole, par le renforcement du dialogue entre l‟Etat, les organisations professionnelles et les autres acteurs, le renforcement des capacités d‟intervention des structures d'accompagnement, la mise en place d'un système harmonisé de suiviévaluation sensible au genre, l‟élaboration et la mise en œuvre d‟un schéma directeur des statistiques agricoles et l‟adoption d'une nouvelle réforme foncière prenant en compte le cadastre rural et l'accès équitable des acteurs à la propriété foncière. 2.3.1.5.2. Elevage 140.Le sous-secteur de l‟élevage revêt une importance capitale sur le plan économique et social. En effet, ses grandes marges de progression devraient permettre d‟accroître de manière considérable la productivité, les productions et les revenus des éleveurs. Toutefois, cela suppose un changement d‟option et de stratégie, à travers la sécurisation de l‟élevage pastoral et l'émergence d'exploitations de type nouveau bien adaptées aux réalités des marchés. Ainsi, l'orientation globale du sous-secteur est de satisfaire la demande nationale en produits animaux et d‟assurer la promotion socio-économique des acteurs. 138. 38 Les objectifs stratégiques poursuivis par le sous-secteur de l‟élevage sont : i. améliorer la production, la productivité et la compétitivité de l’élevage, à travers l‟intensification et valorisation de la production avicole, l‟amélioration de la production du cheptel, le renforcement des infrastructures et équipements pastoraux, la promotion d'unités modernes de production animale, l‟amélioration des conditions de mise en marché des sous-produits de l'élevage et la mise en place d'un système d‟assurance pastorale ; ii. améliorer le pilotage sectoriel, avec l‟appui aux organisations professionnelles, l‟amélioration du système de suivi-évaluation du soussecteur de l'élevage, l‟amélioration du cadre législatif et réglementaire et le renforcement des capacités d‟intervention des services techniques compétents. 2.3.1.5.3. Pêche et aquaculture 142.L‟objectif global est de faire de la pêche et l‟aquaculture un sous-secteur qui continue d‟apporter une contribution importante à la croissance économique, au bien-être et à l‟alimentation des populations par une gestion pérenne de la rente halieutique et un développement accéléré de la production aquacole et la pêche continentale. 143.Ainsi, le sous-secteur de la pêche et l‟aquaculture poursuit les objectifs suivants : i. gérer durablement la ressource halieutique à travers la mise en œuvre des plans d'aménagement de pêcheries, la promotion de la cogestion dans la pêche artisanale, la promotion d'une politique de restauration et de repeuplement des écosystèmes dégradés et la régulation de l‟accès aux ressources halieutiques ; ii. améliorer la production et la productivité de la pêche et de l'aquaculture grâce à la promotion de l‟aquaculture vivrière et commerciale durable, la facilitation de l‟accès au crédit pour les acteurs de la pêche et de l'aquaculture, la mise en place d'infrastructures de base pour le développement de la pêche continentale et l‟aquaculture et la promotion de la recherche appliquée dans la pêche et l'aquaculture ; iii. valoriser la production halieutique et aquacole, par l‟amélioration des conditions d'accès au marché et de la compétitivité de la filière transformation industrielle, la création de plateformes d'incubation des activités de transformation des produits de la pêche, l‟implantation de laboratoires biotechnologiques dans les zones aquacoles et la restructuration de l‟industrie de transformation des produits de la pêche. 2.3.1.5.4. Hydraulique agricole 144.En plus du potentiel foncier, les ressources en eau sont d‟un niveau très appréciable. Elles sont estimées à plus de 35 milliards de mètres cubes renouvelables dont 31 milliards en eaux de surface (Fleuve Sénégal, Fleuve Gambie, Casamance et la Kayanga) et 4 milliards en eaux souterraines. Ce bilan ne tient pas compte des ruissellements non maîtrisés. Toutefois, le niveau de mobilisation des 141. 39 ressources en eau souterraine (jusque-là utilisées essentiellement pour satisfaire la demande en eau potable) est de l‟ordre de 5,5%. Pour une meilleure visibilité dans le diagnostic et dans la planification de la stratégie, les défis à relever dans le domaine de l‟hydraulique rurale sont à rapporter à la faible valorisation des ressources en eau pour la production agricole. 145.Le domaine de l‟hydraulique agricole poursuit l‟objectif de valoriser les eaux de surface et souterraines pour les activités du secteur primaire, à travers la protection des eaux douces de surface comme souterraines du sel marin et de la pollution, la construction d'infrastructures hydro agricoles structurantes, le transfert des excédents d'eau vers les zones sèches, la maîtrise de l'eau et valorisation des aménagements hydro-agricoles et la maîtrise de l'eau et valorisation des aménagements hydroagricoles. 2.3.1.5.5. Sécurité alimentaire 146.Afin de lutter contre l‟insécurité alimentaire, il faudra s‟inscrire à moyen terme dans la dynamique d‟éradication de l‟extrême pauvreté et de la faim par la promotion de l‟autosuffisance en riz, la diversification des produits alimentaires, l‟accessibilité économique et physique et l‟utilisation des produits alimentaires. Ainsi, la politique de sécurité alimentaire est liée à la modernisation de l‟agriculture et s‟intègre dans une dynamique de développement rural qui comprend un volet important de promotion de l‟irrigation. L‟amélioration de la productivité dans l‟agriculture est à stimuler périodiquement par les investissements publics réalisés dans les infrastructures rurales, la recherche et la vulgarisation agricoles, l‟irrigation et les incitations par les prix, de façon à contribuer directement à la croissance économique, à la réduction de la pauvreté et à l‟amélioration de l‟environnement des affaires, en milieu rural. Aussi, la bonne nutrition et la santé résultent-elles de bonnes pratiques sanitaires et de soins adéquats, ainsi que la consommation diversifiée d‟aliments sains. 147.Avec la formulation du Cadre Stratégique et d‟Impulsion pour l‟accélération de la mise en œuvre des OMD, le plan d‟actions articulé aux initiatives en matière de sécurité alimentaire et de nutrition va permettre d‟accélérer le processus de l‟atteinte des OMD, à l‟horizon 2015. Ce cadre permettra de mieux orienter la mise en œuvre de la SNDES, en levant les goulots d‟étranglement de la productivité du secteur primaire et les contraintes de la nutrition. La Stratégie intègre la dimension régionale de la sécurité alimentaire et du commerce transfrontalier de céréales afin de mieux canaliser leur quantité et la contribution des pays limitrophes en cas de crise alimentaire, à travers une bonne coordination des interventions. 148.Par ailleurs, l‟importation de riz malgré les dispositions idoines que constituent les superficies de terres irrigables et les rendements élevés constitue un paradoxe. Le pays reste dépendant d‟une agriculture sous pluie de faible productivité, d‟infrastructures rurales encore à renforcer, de circuits de commercialisation des produits vivriers encore à améliorer, d‟une économie rurale qui a besoin de nouveaux gains technologiques et d‟un système de veille et d‟alerte précoce plus performant dans la détection et la prévention des risques qui pèsent sur la production et les marchés intérieurs comme extérieurs. Dans une optique d‟éradication de l‟extrême 40 pauvreté et de la faim, les interventions pourront se concentrer autour de la recherche de l‟autosuffisance en riz, et en produits alimentaires. Dans les secteurs contributifs, l‟accent sera mis sur l‟amélioration des productions, le fonctionnement des marchés des produits vivriers et la gestion de la qualité de l‟aide alimentaire. 149.Sur la période de mise en œuvre de la stratégie, les objectifs poursuivis sont : i. renforcer le système de prévention et de gestion des crises alimentaires, par l‟appui au renforcement de la sécurité alimentaire, le renforcement du système d‟alerte précoce et du système d‟information sur les marchés agricoles y compris l'utilisation du Cadre Harmonisé Bonifié. ii. améliorer l’accès à une alimentation saine et nutritive avec la promotion de la diversité alimentaire et le renforcement de la résilience des couches vulnérables. 2.3.1.6. Déploiement industriel et transformation agroalimentaire 150.L‟industrie agroalimentaire doit participer activement à l‟accélération de la croissance, du fait des grandes potentialités agricoles du pays et des capacités réelles et prouvées en matière de diversification des produits transformés d‟origine aussi bien agricole qu‟halieutique et animale. Egalement, la confection textile et l‟industrie automobile sont intégrées à la dynamique de déploiement industriel visée. 151.Ainsi, le déploiement industriel repose sur les objectifs stratégiques suivants : i. renforcer la compétitivité des industries, à travers l‟appui à l'accès au financement des PMI et la mise à niveau des industries, la mise en place d'un système de veille technologique, le renforcement de la normalisation et de la culture de performance et l‟amélioration de l'offre de services aux investisseurs ; ii. impulser le développement industriel endogène, grâce à la polarisation spatiale du développement industriel, l‟implantation en milieu rural et périurbain d'ateliers de production communautaires polyvalents, l‟appui à la création de PMI de fabrication de matériels et outillages et l‟amélioration du dispositif de suivi-évaluation de la politique industrielle. iii. améliorer la compétitivité de l'agro-industrie, par l‟appui au développement d'unités et d'industries de transformation des productions du secteur primaire, la promotion de l'agrobusiness dans la transformation des produits locaux afin de créer un champion sous-régional, l‟appui à la recherche agro-industrielle et agro-alimentaire et le renforcement des capacités techniques et managériales des professionnels de la transformation agroalimentaire. 2.3.1.7. Mines et carrières 152.Le secteur des mines connaît un renouveau récent avec le démarrage de la production d‟or, en plus des phosphates, et les perspectives associées à l‟exploitation des gisements de fer. Pour la rentabilisation des activités minières, il faut agir sur des leviers, en l‟occurrence, les infrastructures d‟accès aux sites miniers 41 et aux marchés, l‟accès à l‟eau, à l‟électricité, à des débouchés extérieurs et le renforcement des capacités de transformation avant exportations. 153.Des réalisations importantes ont été faites. Mais, le sous-secteur a été marqué par des contraintes liées à l‟insuffisance de moyens humains et matériels au niveau de l‟administration minière et la complexité des obligations de formalisation des orpailleurs, consécutivement à leur méconnaissance des textes réglementaires. 154.Le sous-secteur des mines poursuit les objectifs stratégiques suivants : i. accroître la production et améliorer la productivité des mines et carrières, à travers le renforcement de l'implication du secteur privé national dans l'exploitation des mines et carrières, l‟allégement des procédures d‟instruction des titres miniers et autorisations, le renforcement des infrastructures de soutien aux activités géologiques et minières et l‟appui aux exploitants de carrière. ii. promouvoir la gestion participative et inclusive des activités extractives, avec la création dans les régions à vocation minière des clusters pour polariser les activités minières, l‟encadrement des populations locales menant des activités minières, la réduction des effets de l'exploitation des mines et carrières sur l'environnement et la santé des populations locales, la promotion de la prospection minière et l‟amélioration de la transparence dans la gestion des contrats. iii. renforcer la compétitivité du secteur minier par le renforcement des acteurs du sous-secteur des mines. 2.3.1.8. Promotion des autres services et secteurs de production 2.3.1.8.1. Tourisme 155.Le tourisme est considéré comme un des secteurs clés de l‟économie nationale. Son développement fait appel aux services et aux produits des sous-secteurs de l‟agriculture, la pêche, l‟artisanat, la culture, les BTP et du transport. Il fait également appel à la réalisation d‟infrastructures publiques structurantes pour un accès aux sites touristiques, grâce au renforcement du réseau routier, de la vocation des gares et ports et à une mise aux normes des aéroports. Donc, cette dynamique multisectorielle peu valorisée nécessite de repenser le développement du tourisme suivant une demande globale, avec une approche grappe et dans le cadre d‟un partenariat public-privé efficace, associant les collectivités locales. 156.Au regard de la faible maîtrise de l‟impact économique du sous-secteur, l‟objectif global du tourisme vise à améliorer sa visibilité et l‟attractivité de la destination Sénégal en vue d‟accroître sa contribution au développement économique et social. 157.A cet effet, le sous-secteur poursuit l‟objectif stratégique de favoriser une meilleure structuration et améliorer la qualité de l’offre touristique, grâce à la diversification de l‟offre touristique de qualité à travers les potentiels régionaux et les initiatives multisectorielles de développement communautaire durable, l‟aménagement des sites de Pointe Sarène, Mbodiène, Joal Finio, Grande Côte, Iles du Saloum, au développement d'infrastructures structurantes et d'espaces de loisirs au niveau des sites touristiques, à la promotion d'un système de communication et 42 de marketing, la création des conditions favorables à l‟investissement privé et la régulation de l'offre touristique. 2.3.1.8.2. Artisanat 158. Pour permettre à l‟artisanat d‟apporter des revenus substantiels aux acteurs, les politiques s‟articulent autour de l‟objectif stratégique suivant : moderniser l'artisanat et rendre ses produits compétitifs, grâce au renforcement de la base productive et du système d'approvisionnement en intrants et en équipements des artisans, à la facilitation de l'accès au financement des projets artisanaux, au repositionnement de l‟artisanat sur des niches de production à haute valeur ajoutée avec le développement d‟une stratégie de « marques », à la maîtrise et la consolidation des circuits de commercialisation et au renforcement des capacités des artisans y compris professionnalisation. 2.3.1.8.3. Culture 159.Le diagnostic relève que ce sous-secteur est confronté entre autres au manque de visibilité de l‟activité culturelle, au caractère informel de l‟activité, à la dégradation de la production culturelle, à l‟absence d‟une structure de coordination, à l‟insuffisance des moyens alloués et aux lenteurs administratives dans la mobilisation des ressources. La politique à mettre en œuvre a pour objectif global d‟accentuer la promotion de l‟expression de la diversité culturelle pour une meilleure lisibilité de l‟importance économique et sociale de l‟activité culturelle dans le développement du pays. 160.Ce sous-secteur poursuit les objectifs stratégiques suivants: i. accroître le volume et la qualité de la production culturelle, à travers la construction et la réhabilitation d'infrastructures culturelles structurantes, l‟amélioration de l'accès au crédit pour les porteurs de projets culturels, le renforcement de l‟implication des privés dans la promotion culturelle, la promotion de l‟industrie cinématographique, audiovisuelle et de l'édition et la promotion des droits de la propriété intellectuelle et artistique et lutte contre la piraterie ; ii. valoriser le potentiel culturel et les atouts naturels, grâce à la création d'un fonds de solidarité pour la retraite des artistes ; iii. renforcer le pilotage du sous-secteur culturel, par la déconcentration des services culturels, l‟organisation et mise à jour régulière des statistiques culturelles et la professionnalisation des acteurs culturels. III/ Plan Sénégal Emergent 2014-2018 Le Sénégal fait face à des défis critiques qu'il entend relever et par-delà mener à bien ses ambitions à travers un agenda de transformations économiques et sociales, pour se diriger sûrement vers l'émergence. Pour s'inscrire dans cette dynamique de long terme, l‟Etat mise sur des valeurs comme la vertu et la gouvernance au service du développement humain durable. 43 Ainsi, en 2035 la société sénégalaise serait caractérisée par une économie compétitive soutenue par une croissance forte aux fruits mieux répartis, sur l‟ensemble du territoire ; une population instruite, bien formée et engagée au niveau des communautés locales et nationale, une meilleure qualité de vie; la paix, la stabilité et la démocratie ; la bonne gouvernance et l‟aménagement dynamique et équilibré des territoires. Pour y parvenir, le Gouvernement mise d‟abord sur le Plan Sénégal Emergent (PSE) qui vise à mettre en place d‟ici à 2023, un ensemble de projets structurants à fort contenu de valeur ajoutée et d‟emploi. Pour l‟étape intermédiaire de 2018, la stratégie, est déclinée autour de trois axes stratégiques : (i) Transformation structurelle de l‟économie et croissance ; (ii) Capital humain, protection sociale et développement durable ; et (iii) Gouvernance, institutions, paix et sécurité. Aussi, l‟opérationnalisation de la Stratégie exige la mise en place d‟un ensemble de réformes pour accélérer le processus de transformation structurelle susceptible d'accélérer le décollage économique. Cadre fédérateur des interventions et politiques pub liques, le PSE 2014-2018 prend comme repère les orientations gouvernementales et le cadre d‟accélération des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) à l'horizon 2015. Cette présente Stratégie, cherche d‟abord à infléchir d‟ici à l'horizon 2018, les tendances lourdes identifiées par la rétrospective socio -économique. Ensuite, elle voudrait tenir compte des facteurs déterminants et enfin intégrer le jeu des acteurs révélé par la participation des parties prenantes dans la mise en œuvre. Conscient des défis et obstacles susceptibles actuels, le Sénégal mise sur ses atouts et opportunités pour enclencher la marche vers l‟émergence. Il s‟agit, entre autres, de la stabilité politique et la solidité des institutions ; la viabilité du cadre macroécono mique ; le potentiel démographique résultant de la jeunesse de la population ; le potentiel de ressources agricoles et hydro -agricoles ; sa position géographique stratégique ; de réelles potentialités naturelles sous -exploitées ; et le dynamisme de sa diaspora. La mise en œuvre du PSE sera alimentée par les politiques sectorielles et les Cadres de Dépenses Sectoriels à Moyen Terme (CDSMT) qui s‟érigent en instruments opérationnels. A cela s‟ajoutent les instruments innovants de financement de l‟économie, à savoir le FONGIP, le FONSIS, la BNDE, la CDC ou la finance islamique. Cependant, le Plan d‟Actions Prioritaires (PAP 2014-2018) dégage un besoin de financement additionnel de 2 964 milliards de FCFA à rechercher. Pour mobiliser ce gap, le Sénégal organise un Groupe Consultatif les 24 et 25 février 2014 à Paris au siège de la Banque mondiale. Pilier 1 : Transformation structurelle de l‟économie et croissance La transformation de l‟agriculture servira de fer de lance à celle de la structure de l‟économie. Ainsi ses effets économiques et sociaux seront amplifies par la modernisation graduelle de l‟économie sociale, le développement du secteur des mines et de l‟habitat social ainsi que par la mise en place de plateformes logistiques, industrielles et de services. Ainsi, la transformation de la structure de l‟économie se fera selon les leviers suivants : 44 • Le développement de l‟agriculture, de la pêche et de l‟industrie agroalimentaire répond à une triple aspiration : i) Renforcer la sécurité alimentaire du Sénégal et rééquilibrer une balance commerciale dégradée par les importations de produits alimentaires; ii) développer des filières intégrées compétitives, à haute valeur ajoutée ; et iii) préserver les équilibres socioéconomiques et dynamiser l‟économie rurale. • Le développement de l‟habitat social et d‟un écosystème de la construction répond à la nécessité de résorber progressivement le déficit en logements s ociaux, estimé à 300 000 logements, tout en créant une filière de la construction intégrée. • La modernisation graduelle de l‟économie sociale constitue le troisième et dernier moteur sectoriel d‟inclusion et d‟emploi. Elle entend opérer une transition pro gressive et souple de ce secteur vers l‟économie formelle, en augmentant la part des emplois formels. • L‟intérêt de développer le secteur des ressources minières et des fertilisants apparaît multiple : i) rééquilibrage de la balance commerciale, ii) effet d‟entraînement sur le reste de l‟économie (ressources fiscales, industrie, infrastructures), iii) contribution au développement social, en particulier via les mines artisanales. • Faire du Sénégal un hub logistique industriel régional répond à une logique double : i) capitaliser sur les atouts géographiques du pays en le positionnant comme porte d‟entrée de l‟Afrique de l‟Ouest pour les corridors, en particulier pour le Mali ; et ii) amorcer un processus d‟industrialisation indispensable au rééquilibrage pérenne de la balance commerciale. • L‟aspiration du hub multi-services est de : i) faire de Dakar la plateforme régionale tertiaire (sièges d‟entreprises et d‟institutions internationales, santé, éducation, loisirs) ; ii) positionner le Sénégal dans le top 3 des pôles offshoring en Afrique francophone ; et iii) faire du Sénégal une destination touristique de référence (3 millions de touristes). En outre, le PSE promeut les autres services et secteurs de production. En effet de par ses fonctions sociales et économiques, la promotion du sport et de ses activités connexes demeure une priorité. Parallèlement, un accent sur le secteur de la culture pe rmettra de valoriser les potentialités du Sénégal. Pilier 2 : Capital humain, Protection sociale et Développement durable La hausse de la productivité souhaitée est tributaire de la qualité de la main d‟œuvre employée. Parallèlement à la mise à profit du dividende démographique, la Stratégie mise sur la promotion du capital humain, de la protection sociale, de l‟économie verte et du développement durable. En effet, le renforcement de la mise en œuvre et du suivi des politiques de population est capital pour un développement humain durable. La promotion de l‟éducation repose entre autres sur la mise en place d‟un cycle fondamental d‟éducation de base de 10ans, l‟amélioration de la qualité des enseignements et des apprentissages, la promotion de la formation professionnelle orientée vers le marché de l‟emploi ainsi que le développement d‟une gouvernance efficace, efficiente et i nclusive du système éducatif. S‟agissant du domaine de la santé et de la nutrition, un accent particulier sera mis sur l‟hygiène et la promotion d‟habitudes alimentaires saines. Par ailleurs, la promotion du partenariat 45 public-prive, notamment a travers « Dakar Medical City », permettra une meilleure prise en charge des constructions et exploitations des infrastructures de sante. Par ailleurs, dans les domaines de l‟eau potable et l‟assainissement, la Stratégie souligne les objectifs tels que l‟amélioration de l‟accès à l‟eau potable des populations en milieux urbain et rural, le développement de l‟assainissement dans lesdits milieux, la promotion de la gestion intégrée et durable des ressources en eau et de la bonne gouvernance sectorielle. L‟amélioration du cadre de vie repose en partie sur l‟assurance d‟une meilleure planification et gestion de l‟espace des villes et autres agglomérations et l‟amélioration de la qualité du cadre de vie en milieux urbain et rural,. Dans l‟optique de consolider la protection sociale, le PSE mise sur le renforcement de la sécurité sociale des travailleurs et des retraités, l‟amélioration des conditions socio -économiques des groupes vulnérables ainsi que l‟extension de la protection sociale au secteur informel et aux groupes vulnérables. Quant à la prévention et la gestion des risques et catastrophes, ses priorités concernent la prévention et la réduction des risques majeurs de catastrophe et l‟amélioration de la gestion des catastrophes naturelles. Les domaines du développement durable et de l‟environnement poursuivent les objectifs que sont le renforcement des capacités de gestion de l‟environnement et des ressources naturelles, la promotion de l‟économie verte ainsi que la réduction de la vulnérabilité des écosystèmes par rapport aux effets des changements climatiques. Pilier3 : Gouvernance, Institutions, Paix et Sécurité Afin de consolider la paix et la sécurité, le PSE défini des objectifs stratégiques relatifs à la construction de la paix et la cohésion sociale et le renforcement des moyens des forces de sécurité. L‟amélioration de l‟accès, la qualité et l‟efficacité de la justice constituent la priorité dans l e domaine de la promotion de l’Etat de droit, des droits humains et de la justice. S‟agissant de l‟aménagement du territoire, du développement local et de la décentralisation, le PSE vise : la promotion de la viabilité des territoires et des pôles de déve loppement et le renforcement des capacités des collectivités locales. Dans le domaine de la gouvernance stratégique, économique et financière, l‟amélioration de la gestion des finances publiques, la lutte contre la corruption et la nontransparence ainsi que l‟amélioration de la gouvernance économique, restent des objectifs et des pré-requis incontournables de la mise en œuvre du PSE. Stratégie de mobilisation du financement de la stratégie Partant de trois scénarios prévisionnels, le PSE arrime les choix d‟investissements publics, dans un plan d‟actions prioritaires (PAP). Ainsi, le scénario de décollage du PSE traduit les nouvelles aspirations qui mettent l'accent sur l'agriculture, l'énerg ie, les infrastructures structurantes et la satisfaction de la demande sociale. Selon ce scenario, le montant total du financement du PSE 2014 2018 s‟élève à 10 287,6 milliards FCFA, dont 2 964 milliards en ressources additionnelles (1 853 milliards de FCFA auprès des PTF et de 1 111 milliards de FCFA du secteur privé).Pour la mobilisation 46 des ressources additionnelles, l‟Etat privilégiera le respect de la viabilité de la dette publique et de ses engagements internationaux. A cet effet, il optera essentiellement pour des prêts concessionnels et impliquera le secteur privé, à travers des mécanismes de partenariat public-privé, dans le financement des projets structurants. Mise en œuvre et suivi-évaluation du PSE La mise en œuvre du PSE repose sur le Plan d‟Actions Prioritaires retraçant les actions majeures et l‟ensemble des instruments budgétaires et sectoriels. Le suivi et l‟évaluation de la mise en œuvre reposeront sur un dispositif institutionnel et un cadre o pérationnel. Le dispositif institutionnel de suivi comprend au niveau stratégique le Conseil présidentiel d‟orientation, le Comité national de pilotage et la Commission parlementaire de suivi. Quant au niveau opérationnel, y figurent les comités ministériels et les comités régionaux de suivi et d‟évaluation. EN CONCLUSION : Le cadrage macroéconomique : contraintes des finances publiques et endettement La recherche d‟un cadre macroéconomique de qualité ne doit pas se limiter systématiquement au rééquilibrage des finances publiques par la recherche effrénée d‟une augmentation des recettes. Plusieurs actions ont été initiées, allant de l‟élargissement de l‟assiette fiscale par la généralisation de la TVA aux actions visant l‟amélioration du rendement fiscal. L‟amélioration des finances publiques, ces dernières années, s‟est plus effectuée au détriment des comptes d‟exploitation des secteurs et des entreprises. Or, à chaque niveau de déficit public correspond un niveau d‟efficience de l‟économie. Pour mieux s‟inscrire dans une dynamique de flexibilité, ce sont les finances publiques qui devront s‟ajuster au reste de l‟économie. Ainsi, la croissance des recettes fiscales devront provenir essentiellement d‟une augmentation réelle de la production. De plus, en raison de leur rareté une fiscalité plus favorable aux capitaux devra être promue. 47 Par ailleurs, les prérequis de la concurrence pure et parfaite et son prolongement vers le libre échange ne sont réunis nulle part à travers le monde. Les pays industrialisés continuent sous diverses formes à subventionner leurs produits agricoles. La protection demeure une exigence tant pour le secteur rural, soumis à des conditions défavorables que pour l‟industrie qui doit pouvoir ménager sa transition. La définition d‟un espace productif et commercial protégé sur la base de critères précis en termes de valorisation des ressources nationales et d‟intégration sectorielle des activités demeure une priorité. L‟Etat devra parachever son désengagement du secteur productif comme par exemple le secteur de l‟électricité dans lequel la puissance des syndicats et la lourde fiscalité sur le pétrole continue de peser sur le compte d‟exploitation des entre prises et des secteurs. Par exemple, l‟électricité, pour le secteur touristique, représente plus de 15% des charges d‟exploitation. L‟Etat devra également poursuivre le renforcement des politiques de la concurrence, la déréglementation qui réduit les situations de rente et l‟approfondissement des mesures de libéralisation internes qui réduisent les coûts des producteurs domestiques. L‟amélioration de l‟efficacité de la justice par la réduction des délais de procédure judiciaire et la refonte des textes régissant les marchés publics de l‟Etat pourront renforcer la transparence dans la gestion des affaires publiques. 48