« Recherches en Sciences Humaines et Sociales et Cancer »

Lille, le 4 juin 2008
« Recherches en Sciences Humaines et Sociales et cancer »
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« Recherches
en Sciences Humaines et Sociales et Cancer »
Compte rendu de l’après-midi recherche du Mercredi 4 juin 2008,
organisé dans le cadre de la semaine de mobilisation face aux cancers
Nord-Pas de Calais (2
ème
édition)
SOMMAIRE
Introduction .............................................................................................................................................. 2
Véronique PANCRE, Cancéropôle Nord-Ouest
Le dépistage des cancers : enjeux et perspectives.............................................................................. 3
Guy LAUNOY, ERI3 INSERM, CHU de Caen
Médecine Prédictive en cancérologie : enjeux médicaux et psychologiques.................................... 6
Sophie LEJEUNE, Carole FANTINI, Marjolaine CORBEIL et Sylvie MANOUVRIER
CHRU de Lille-Université d’Aix-Marseille 1
La prévention des cancers mammaires et ovariens............................................................................. 9
Philippe VENNIN et Claude ADENIS, Centre Oscar Lambret, Lille
La prise en charge des cancers en psycho-oncologie......................................................................... 11
Michel REICH, Centre Oscar Lambret, Lille
Qualité de vie des couples dont la jeune femme est atteinte d’un cancer du sein............................ 15
Laurence VANLEMMENS, Emmanuelle FOURNIER et Véronique CHRISTOPHE
Centre Oscar Lambret, Lille-Université de Lille 3
Problématiques de l’après-cancer.......................................................................................................... 18
Véronique MERLE et Pierre CZERNICHOW
Département d’épidémiologie et de santé publique, CHU de Rouen
Lille, le 4 juin 2008
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INTRODUCTION
Véronique PANCRE
Bienvenue à tous.
Cette manifestation, organisée par le Cancéropôle Nord-Ouest, s’inscrit dans le cadre de la semaine
régionale de lutte contre le cancer 2008. Cette année, nous avons choisi de consacrer cet après-midi
recherche aux « Recherches en Sciences Humaines et Sociales et cancer ».
En effet, dans le cadre de ses actions de structuration et d’animation de la recherche contre le cancer, le
Cancéropôle Nord-Ouest développe depuis l’an dernier un axe de recherche intitulé « Cancers, Individu et
Société » qui a pour objectif de fédérer et de promouvoir les recherches en sciences humaines et sociales à
l’échelle interrégionale autour de quatre thématiques fédératrices :
1. Le patient et son entourage face à la maladie,
2. Les
contextes et les terminants psycho-sociaux et géographiques des soins, de la prise en charge et
de la survie des patients,
3. Les évaluations économiques, psychologiques et sociologiques des innovations en cancérologie,
4. La représentation et la gestion du risque en milieu professionnel.
Le fil conducteur de cette semaine de mobilisation est « Vie et Cancer » et plusieurs sujets qui sont en
parfaite adéquation avec les problématiques de recherche de cet axe seront abordés :
« Comment se donne-t-on les chances de vivre sans ? » avec trois interventions sur le thème de la
prévention et du dépistage,
« Comment fait-on pour vivre avec ? » avec deux interventions autour de l’accompagnement des patients,
« Comment fait-on pour vivre après ? » avec une intervention sur le thème de la réinsertion sociale et
professionnelle.
Je tenais à remercier tout particulièrement les chercheurs de notre région qui se sont mobilisés aujourd’hui et
tout particulièrement Guy Launoy, qui est venu tout spécialement de Caen, et Véronique Merle et Pierre
Czernichow qui ont fait le déplacement de Rouen.
Bon après-midi à tous !
Lille, le 4 juin 2008
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LE DEPISTAGE DES CANCERS : ENJEUX ET PERSPECTIVES
Guy LAUNOY
ERI 3 INSERM – CHU de Caen
Le principe du dépistage est lié à l’observation des cancers et repose sur l’espoir qu’on peut éviter de mourir
d’un cancer si on le révèle avant que les symptômes ne se manifestent. Dès lors que le pistage s’adresse
à une large population, par définition asymptomatique, ses enjeux dépassent largement les murs des
cabinets médicaux.
I. Les enjeux du dépistage
1. Le point de vue des médecins
Les médecins ont tous croisé un certain nombre de patients souffrant d’un cancer et ainsi éconfrontés à
l’insuffisance des propositions thérapeutiques. De ce fait, le principe du dépistage leur paraît forcément
enthousiasmant. L’implication des médecins se nourrit de leur activité quotidienne.
Cependant, le principe du dépistage met à mal la relation classique médecin patient, dans le cadre de
laquelle le patient est souffrant et demandeur vis-à-vis du médecin. Ce dernier doit en effet s’adresser à des
personnes asymptomatiques et devient le sollicitateur, ce qui s’avère extrêmement déstructurant du rôle du
médecin par rapport au malade. En outre, pour rendre service à quelques rares personnes, le médecin doit
s’adresser à de très nombreuses autres personnes, auxquelles il n’apporte aucun secours. Par son principe
d’action, le dépistage bouleverse le rapport habituel entre un médecin et son patient.
Le médecin s’adresse aux malades soit directement, au sein de son cabinet, soit indirectement, dès lors qu’il
participe à une action de santé publique.
2. Le point de vue de la santé publique
En 2005, le réseau français des registres des cancers recensait 320 000 cas. Les 4 cancers les plus
fréquents (prostate, sein, colon-rectum, poumon), pour lesquels il existe des techniques de dépistage,
représentent 60 % des nouveaux cancers, soit 200 000 cas. En outre, ces cancers, notamment ceux du sein
et de la prostate, participent pour beaucoup à l’augmentation du risque de cancer, sachant par ailleurs qu’à
peu près la moitié de l’augmentation du nombre de cancers en France est due à l’évolution démographique
de la population française.
II. Le relatif intérêt du dépistage
1. Evaluer le dépistage
L’intérêt du dépistage ne peut être prouvé scientifiquement que dès lors qu’on dispose d’essais randomisés.
Ceux-ci consistent à proposer à un échantillon de population A des dépistages fréquents et à ne rien
proposer à un échantillon de population B. Au terme d’un lai de dix à quinze ans, on compare la mortalité
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spécifique par cancer au sein des deux populations. A ce jour, parmi les 4 cancers les plus fréquents, on ne
dispose d’arguments scientifiques justifiant l’intérêt du dépistage que pour les cancers du sein et de la
prostate. Tout dépistage induit un certain nombre d’effets positifs et d’effets délétères, les uns et les autres ne
concernant pas les mêmes individus. Les effets délétères sont les suivants :
Le sur diagnostic
Si certaines personnes pourront être soignées, une partie des cancers que le dépistage fait émerger
n’auraient jamais fait parler d’eux du vivant du patient. Ce phénomène est d’autant plus important que le
cancer évolue lentement, ce qui est notamment le cas du cancer de la prostate.
Les faux positifs
Pour une proportion importante de personnes ayant un test de dépistage positif, les tests
complémentaires ne permettent pas de trouver quelque lésion que ce soit, ce qui suscite des angoisses
et expose des patients bien portant à des complications à l’occasion des examens complémentaires.
Les faux négatifs
Certains patients sont rassurés à tort.
2. L’importance de la balance bénéfice/risque
L’ancien directeur de l’INSERM, Monsieur Phillipe Lazar, disait déjà il y a plus de 10 ans que l’adage « mieux
vaut prévenir que guérir » ne résistait pas à une analyse fouillée. Dans le cadre du dépistage, il est en fait
nécessaire d’apprécier la balance bénéfices risques, en comparant la baisse espérée de la mortalité par
cancer et les complications d’ordre médical (y compris les décès consécutifs à des perforations du colon).
Paul Schaffer, professeur de santé publique à Strasbourg, avait l’habitude d’achever son cours sur le
dépistage en présentant les données suivantes : 1 000 femmes âgées de 50 ans subissent une
mammographie tous les deux ans pendant dix ans, ce qui permet de dépister 29 cancers sur 32 et d’éviter 4
décès sur 12 prévisibles. En outre, 25 femmes auront vu leur maladie diagnostiquée plus précocement sans
que cela ne modifie la date de leur décès, 150 femmes auront subi des examens complémentaires inutiles
(dont 40 avec une biopsie chirurgicale) et 3 femmes auront été faussement assurées. Ces statistiques
datent un peu, mais demeurent représentatives.
Aujourd’hui, le dépistage du cancer du sein est néralisé en France. Le dépistage du cancer de la prostate
est quasiment généralisé, alors qu’on ne dispose pas d’arguments scientifiques justifiant cette pratique. Enfin,
le dépistage du cancer colorectal est en cours de généralisation.
III. Les enjeux du dépistage du cancer en France
Ces enjeux se lisent en grande partie à la lumière du principe fondamental en médecine : « Primum, non
nocere ».
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1. Aliorer les performances du dépistage
Pour les dépistages dont l’efficacité est prouvée, il faut augmenter la performance des tests et réduire leurs
effets délétères. La mammographie numérisée devrait augmenter la fiabilité du dépistage du cancer du sein.
Concernant le cancer colorectal, nous allons passer du test au gaïac à un test immunologique à lecture
automatisée, plus sensible et spécifique. En revanche, il faut proscrire la pratique de dépistage lorsque son
efficacité n’est pas prouvée. Dans l’état actuel des connaissances, il n’existe aucun fondement scientifique
pour proposer un PSA à un homme de plus de 50 ans sans antécédents particuliers et qui ne demande rien.
En France, entre 1985 et 2000, le nombre de cas de cancer a doublé. Chez les femmes, le cancer du sein
est responsable de la moitié de l’augmentation des cancers. Chez les hommes, le cancer de la prostate
représente les trois quarts de l’augmentation du nombre de cancers. Ce phénomène est consécutif à un
dépistage, très diffus et inutile, puisqu’il ne permet pas de faire diminuer la mortalité par cancer de la prostate.
2. Les autres enjeux
L’acceptabilité
L’acceptabilité de la population constitue l’un des enjeux du dépistage. Plus le taux de participation est
élevé, plus les effets en termes de santé publique se font sentir.
L’équité
Malgré la qualité du système de santé français, des disparités sociales et géographiques subsistent en
termes de participation au dépistage. Le taux de participation est inversement corrélé avec l’indice de
précarité.
L’éthique
L’enjeu quantitatif ne doit pas masquer le fait que l’acte de dépistage doit rester la propriété de chaque
individu. Les structures doivent informer chaque patient de l’intérêt potentiel du dépistage et de ses
risques. Le médecin néraliste doit donc jouer un rôle central dans tous les dépistages. De ce point de
vue, je dois vous recommander la lecture de l’ouvrage de Gilbert Welch intitulé « Dois-je me faire tester
pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi ! ».
IV. Conclusion
Le dépistage constitue un objet de recherche qui est très loin d’être épuisé. Davantage que d’autres, ce sujet
nécessite une approche multidisciplinaire. Or, du point de vue de la recherche, ce Cancéropôle est
particulièrement bien placé pour mettre en œuvre ce type d’approche multi disciplinaire.
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