3 Journée Cancer et Sciences Humaines Caen, 14 novembre 2008

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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
3ème Journée
Cancer et Sciences Humaines
Caen, 14 novembre 2008
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
OUVERTURE
Josette TRAVERT
Présidente de l’Université de Caen Basse-Normandie
Jean-Louis GERARD
Directeur de l’UFR de Médecine de Caen
Pierre FORMSTECHER
Président du Cancéropôle Nord-Ouest
Josette TRAVERT
J’ai grand plaisir à être des vôtres ce matin pour cette troisième journée de travail. Je tiens en
premier lieu à saluer le travail collectif réalisé par le Cancéropôle Nord-Ouest pour fédérer les
forces de la recherche, des soins et de la formation. Il constitue une véritable dynamique,
soutenue financièrement par le Conseil Régional. Je me réjouis également de la présence de
Norbert Amsellem, responsable de la politique en sciences humaines de l’Institut National du
Cancer, sans qui ce pôle n’aurait pu émerger, ainsi que de celle du directeur du CHU de Caen.
L’axe « Cancers, Individu et Société » symbolise ce que des universités pluridisciplinaires
peuvent apporter à un sujet extrêmement difficile, qui met en jeu des problématiques de
recherche fondamentales, de prévention, de diagnostic, de traitement, et de société. Pour être
efficaces, celles-ci doivent nécessairement laisser une grande place à l’individu alors que les
inégalités face à la maladie sont manifestes. Les réseaux de la recherche en sciences humaines
fédèrent les chercheurs et sont essentiels pour apporter un regard complémentaire à
l’approche médicale. Les quatre régions couvertes par le Cancéropôle sont également fortes de
leurs registres – outils servant aux études quantitatives et qualitatives – et de leurs CHU.
Beaucoup de projets émergeront probablement dans cet axe. La journée d’aujourd'hui sera
sans nul doute un catalyseur pour qu’il devienne dynamique et riche au sein du Cancéropôle.
Jean-Louis GERARD
L’importance de la recherche en cancérologie à Caen doit être souligné. Il existe suffisamment
d’éléments de travail dans ce domaine pour envisager plus clairement la création d’un institut
de recherche en cancérologie. Les équipes sont en effet nombreuses et la réunion de ces forces
ne pourra que favoriser cette recherche.
« Sciences humaines et cancérologie » est un thème magnifique qui montre l’importance des
conséquences de cette maladie dramatique dans une société qui évolue. Je vous souhaite une
excellente journée de travail.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
Pierre FORMSTECHER
Pour le Cancéropôle Nord-Ouest, l’axe « Cancers, Individu et Société » est extrêmement
important. Le sujet est fascinant tant les recherches à mener sont encore nombreuses en
sciences humaines et sociales.
Les forces en présence à Caen et dans les autres régions couvertes par le Cancéropôle ne sont
pas négligeables et offrent un potentiel intéressant, justifiant la proposition de cet axe de
recherche en 2007 au sein du Cancéropôle. Un appel d’offres vient d’ailleurs d’être lancé dans
le domaine des sciences humaines et sociales, de la santé publique et de l’épidémiologie.
Alors que l’identité du Cancéropôle sera posée en 2010, j’attends de cet axe qu’il puisse faire
émerger une identité collective. L’urgence sociale justifie à lui seul l’intérêt de cet axe. Je
participerai à vos travaux toute la journée, dont je souhaite qu’ils débouchent sur des
propositions concrètes.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
POLITIQUE DE RECHERCHES EN SCIENCES HUMAINES ET
SOCIALES DE L’INCA
Norbert AMSELLEM
Responsable de la politique en Sciences humaines de l’INCa
La mission de l’INCa est de coordonner conjointement l’organisation des soins et la recherche
sur le cancer. Elle implique une double orientation :
•
•
le soutien et l’animation de la recherche ;
la valorisation et le transfert des résultats de ces recherches vers tous les acteurs
concernés.
Au sein de l’INCa, le développement et la promotion des recherches se déploient sous la forme
d’appels à projets compétitifs. Depuis la création de l’Institut en 2005, 63 projets en sciences
humaines et sociales ont été retenus. Les thèmes prioritaires du département « Sciences
humaines, économiques et sociales », discutés au sein d’un comité scientifique, se
décomposent en trois domaines de recherche élargis à la santé publique et à l’épidémiologie :
•
•
•
l’expérience de la maladie, des conditions de vie des patients et de leur famille ;
les transformations actuelles de la cancérologie et du système de soin (impact des
innovations) ;
le cancer et la société (inégalités sociales, représentation sociale de la maladie).
Les premiers travaux de recherche lancés en 2005 parviennent aujourd'hui à leur terme. Les
résultats seront communiqués à l’occasion d’un colloque qui sera organisé à l’automne 2009.
La restitution de ces travaux permettra aux acteurs de terrain de pouvoir s’en saisir.
Notamment, un éclairage particulier sera fait sur deux thèmes principaux : « les patients dans
la vie sociale » (notamment professionnelle) et « les patients et le système de soin » (ex. :
participation aux essais cliniques).
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LE POINT SUR LA MISE EN PLACE DE L’AXE CANCERS,
INDIVIDU ET SOCIETE
Guy LAUNOY
Co-responsable de l’axe « Cancers, Individu et Société », Cancéropôle Nord-Ouest
L’axe « Cancers, Individu et Société » est né au lendemain de la première journée « Cancer et
Sciences humaines » qui s’est tenue le 27 septembre 2006 à Lille, visant au recensement des
équipes travaillant dans le domaine de la recherche en sciences humaines et sociales. Au sein
du Cancéropôle, l’objectif est d’offrir un cadre de cohérence à ces recherches éparses sur les
dimensions psychosociales des cancers, de permettre aux différentes équipes pluridisciplinaires
de se connaître mutuellement, d’enrichir les recherches les unes avec les autres et de faire
émerger un axe fort et original qui soit reconnu au niveau national.
Un premier recensement des singularités du territoire du Cancéropôle Nord-Ouest (couvrant la
Haute-Normandie, la Basse-Normandie, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais) a été réalisé.
Outre les expositions particulières à des substances cancérogènes (amiante) et la présence de
cancers spécifiques (voies aéro-digestives supérieures), il dispose de registres de cancer
fédérés, servant à alimenter les projets de recherche.
C’est ainsi que l’axe « Cancers, Individu et Société » a été organisé autour de quatre
thématiques :
•
Vivre avec le cancer : l’individu et son entourage face à la maladie
La survie des patients atteints de cancer augmente régulièrement en France, ce qui induit
de nouvelles problématiques. Trois thèmes transversaux ont été définis : la place des
proches, le rôle du temps et les réinsertions (sociales, professionnelles et familiales).
Sept études sont en cours à ce sujet, dont trois financées par l’INCa.
•
Contextes et déterminants sociaux et géographiques de la prise en charge et de la
survie
Le contexte social et géographique influe sur la survie. Au-delà de ce constat ont été
identifiés des déterminants individuels (attitude face au dépistage, interprétation des
symptômes, compliance au traitement, compliance au suivi, choix de médecines
alternatives) et collectifs (organisation du système de soins, accès à l’offre de dépistage,
diffusion de l’innovation et des bonnes pratiques médicales, accès aux centres spécialisés).
Plusieurs études sont en cours autour de deux axes : le recours aux médecines non
conventionnelles et les déterminants de la survie.
•
Représentations et gestions du risque en milieu professionnel
L’exposition, dans un cadre professionnel, à l’amiante et aux pesticides a fait l’objet
d’études reconnues par l’INCa. L’une d’elle visait à élaborer un index d’exposition. D’autres
traitent des conséquences psychologiques et sociales d’une exposition à l’amiante, de
l’évaluation de la stratégie de surveillance ou encore des facteurs de la réinsertion
professionnelle.
•
Evaluations des innovations en cancérologie
Deux types d’études sont en cours, d’une part sur les innovations thérapeutiques et d’autre
part sur les innovations dans le domaine du dépistage.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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Si les projets du Cancéropôle sont reconnus au niveau national (voire international), les études
en Sciences Humaines et Sociales ne sont pas suffisamment fédératrices. Il s’agit désormais de
trouver un ou deux axes fédérateurs, qui permettent à toutes les disciplines d’y participer. Le
dépistage des cancers pourrait, en ce sens, être un thème transversal qui nécessite des
approches multidisciplinaires (médecine, sociologie, géographie, psychologie, économie,
épidémiologie, droit). Il est en effet un enjeu de santé publique qui dépasse le cadre médical
et pose des questions sociétales, éthiques et économiques.
Le dépistage suppose de faire face à quatre enjeux, à commencer par ceux de l’efficience et de
la qualité (faire pencher la balance bénéfice/risque au profit du bénéfice), suivis par celui de
l’équité afin de réduire les inégalités sur le territoire. Enfin, l’enjeu de l’éthique est essentiel en
ce que le dépistage présente la caractéristique d’inverser la relation entre le médecin et le
patient. Ce n’est plus le patient qui est demandeur mais le médecin qui va le solliciter pour se
faire dépister, créant de fait de nouvelles conditions éthiques en matière de cancers.
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THEME 1
LES MEMBRES DE LA FAMILLE ET L’ACCOMPAGNEMENT DU
PATIENT CANCEREUX : FAUT-IL LES PENSER COMME
SOURCES DE SUPPORT SOCIAL OU COMME PATIENTS DE
SECOND ORDRE ?
Jean-Louis NANDRINO
Professeur de Psychologie de la Famille à l’Université de Lille III
1) Une hypothèse étiologique familiale
L’importance des facteurs psychologiques et familiaux dans l’étiologie du cancer est une vieille
question.
Dans les années 70, Minuchin a développé l’hypothèse du modèle
psychosomatique, arguant que les familles dont les frontières entre les
familiaux sont enchevêtrées (autonomie individuelle insuffisante, sentiment
excessif, communication surabondante…) constitueraient des profils de familles
de la famille
sous-systèmes
d’appartenance
à risque.
A ce jour, aucune étude n’a pu démontrer que la famille psychosomatique pouvait caractériser
un risque de survenance d’un cancer. Même si certains pensent encore qu’il est aisé d’associer
l’un et l’autre lorsque l’origine de la maladie n’est pas définie, le lien causal n’existe pas. Il
s’agit plutôt d’observer les aménagements au niveau du fonctionnement familial et de la
communication consécutifs au diagnostic ou au traitement.
2) La famille comme support social
Le support social renvoie à un phénomène multidimensionnel :
•
•
•
le réseau de soutien (relations extérieures) du sujet et de sa famille ;
les comportements de soutien dont le patient peut bénéficier (financier, émotionnel,
décisionnel, etc…) ;
la perception du soutien (parfois insuffisante selon le patient).
Dans les années 80, plusieurs modèles psychologiques ont cherché à définir la relation entre le
support social et le niveau de stress, comme par exemple les modèles de type « Buffer ».
Selon ce dernier, l’impact des événements stressants est atténué voire neutralisée par la
présence d’un support social qui diminuerait la détresse ressentie par le patient. Le support
social aurait pour fonction d’éliminer ou de réduire la réponse physiologique au stress. Il
influencerait le choix des stratégies de coping, limiterait les co-morbidités (troubles anxieux et
état dépressif) et allongerait la durée de vie.
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Si le modèle du Buffer est appuyé par certains résultats scientifiques (ex. : niveau moyen de
cortisol salivaire – indicateur de stress – corrélé négativement au type de support social), il
présente néanmoins des limites liées :
•
à la double situation du proche, affecté par la maladie et devant être un soutien efficace
pour le malade ;
•
aux effets de la vie maritale : les hommes mariés sont plus combatifs et moins déprimés
que les hommes célibataires (pas chez les femmes) ;
•
aux effets de l’âge : les patients les plus âgés sont en attente d’optimisme et de support
alors que les plus jeunes sont centrées sur le problème.
Par conséquent, la nécessité d’évaluer la qualité du support est manifeste, et ce de manière
individuelle. Si dans la majorité des cas, les couples répondent aux temps de support par une
augmentation de la proximité, dans d’autres, la recherche d’intimité diminue et l’humeur
négative augmente. Ces résultats montrent le caractère appauvri d’une vision globale. Chaque
couple – ou famille – étant différent, il faut aller vérifier la manière dont il – ou elle –
fonctionne. Il convient par ailleurs de souligner que le support invisible (matériel et affectif)
réduit le niveau de détresse alors que support visible renforce la détresse ou n’a pas d’effet. De
fait, le support est efficace lorsqu’il ne renforce pas un sentiment d’inutilité ou d’impuissance
de la part du patient.
3) La famille en souffrance
Dans les années 90, la famille a commencé à être considérée comme un patient de second
ordre, l’accompagnement d’un proche atteint d’un cancer induisant une véritable souffrance.
D’aucuns ont même considérés que la détresse des proches était équivalente à celle des
patients. Un tiers des aidants naturels souffrent de dépressions ; d’autres développent des
troubles anxieux et une vulnérabilité infectieuse.
Ces observations conduisent à évaluer la charge (ou « fardeau ») de l’aidant naturel afin
d’éviter tout développement de syndromes dépressifs, de troubles familiaux et tout risque de
séparation.
Les effets négatifs de la maladie sur la famille s’expliquent par plusieurs aspects :
•
•
•
•
un changement des rôles au sein de la cellule familiale et la recherche d’un nouveau sens
face à cette évolution;
une diminution du réseau social ;
un poids financier (perte d’emploi pour 25 % des conjoints et charge financière majeure
chez les plus jeunes) ;
une perte de la proximité affective (perte du sentiment d’être un couple ou une famille,
absence de projet pour l’avenir).
Ces effets négatifs sont médiatisés par :
•
•
•
la sévérité de la maladie (sensible surtout pour les femmes), sa durée et les récidives ;
le diagnostic non connu par le proche ;
les facteurs psychologiques ;
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•
•
la qualité de la relation initiale ;
le maintien du réseau social externe à la famille.
4) Accompagner le patient… mais aussi sa famille
Si la famille est évidemment une source de soutien, elle ne l’est pas systématiquement. D’où
l’importance d’évaluer l’ampleur de la détresse psychologique. Cela suppose d’identifier les
caractéristiques de la relation mise en place dans l’accompagnement de la maladie pour
identifier les familles à risques, mobiliser les ressources adaptées et mieux cibler les
programmes d’interventions.
Dans cette optique, plusieurs perspectives de recherches ont émergé, notamment sur la
création de protocoles plus écologiques (carnets journaliers, observations au domicile), sur la
combinaison des mesures biologiques et subjectives (auto-évaluatives) ou encore sur
l’utilisation d’outils plus fins pour mesurer le fonctionnement familial au-delà des mesures de
support social. Sur ce dernier point, il a été démontré que les patientes avec une famille de
faible qualité relationnelle en termes de cohésion et de communication étaient plus anxieuses
et plus dépressives.
Pour ma part, je défends l’idée de proposer une aide aux aidants par :
•
des programmes éducatifs offrant une information sur le processus pathologique de la
maladie, les comportements susceptibles de perturber le quotidien ou encore les
techniques d’aide (ex. : en Australie, le « Living with cancer education Program » dont
l’évaluation est prometteuse) ;
•
des psychothérapies brèves permettant d’améliorer l’humeur, de diminuer la détresse du
proche et d’augmenter le bien-être du patient ;
•
des programmes mixtes d’accompagnement psychologique en groupe (qui sont en cours
d’adaptation).
Un soutien par téléphone pourrait constituer une alternative intéressante à développer dans
les cas d’éloignement géographique ou d’impossibilité de déplacement.
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THEME 2
EPIDEMIOLOGIE DES INEGALITES SOCIALES DE SANTE
Marcel GOLDBERG1,2, Danièle LUCE2, Gwenn MENVIELLE2
1. Professeur d’épidémiologie et de santé publique
à l’Université de Versailles Saint Quentin
2. Inserm Unité 687, Villejuif
Constats
Les inégalités sociales de santé en matière de cancer sont ubiquitaires, quels que soient les
indicateurs retenus (revenu, patrimoine, etc…). Elles concernent non seulement l’incidence et
la mortalité, mais également les comportements à risque.
En Europe, la France arrive en tête des inégalités de santé. Ce problème majeur de santé
publique ne trouve que peu d’écho dans les politiques de soins et de recherches. Les quelques
données ci-après, issues de plusieurs études réalisées en France et dans le monde, montrent
pourtant son importance.
De manière générale, l’espérance de vie diffère de 6,5 années pour les hommes et de
3,5 années pour les femmes selon qu’ils appartiennent à des catégories sociales défavorisées
ou favorisées, au bénéfice de ces dernières. Entre 35 et 64 ans, la probabilité de décéder est
multipliée par deux dans les premières. Ce rapport est de un à deux en termes de probabilité
de contracter une maladie de longue durée et de un à six en termes de probabilité de
connaître une incapacité totale de travail. Ces inégalités se répercutent chez les enfants : ceux
issus de la catégorie sociale la plus basse présentent seize fois plus de risques d’être en
mauvais état de santé que ceux issus de la catégorie sociale la plus haute.
Dans les pays du sud de l’Europe (France, Suisse, Italie), le cancer est une des pathologies qui
explique le plus les différences sociales de mortalité (alors que c’est le cas des maladies
cardiovasculaires dans les pays du nord de l’Europe). Selon le diplôme, chez les hommes, ces
inégalités sont davantage marquées pour les cancers du pharynx et du larynx. Elles sont moins
notables chez les femmes pour lesquels le cancer de l’estomac reste le plus inégalitaire,
talonné par celui de l’utérus et du poumon. Le cancer du sein était jusque lors caractérisé par
un gradiant social inverse, mais la situation est en train de changer : l’association entre le
niveau d’études et la mortalité par cancer du sein tend à disparaître. Cela s’explique par les
femmes les plus jeunes pour lesquelles beaucoup de choses ont changé (cf. âge du premier
enfant).
Selon la trajectoire sociale et financière, les personnes qui ont eu une trajectoire stable (nées
dans une famille d’ouvriers ou de cadres et devenues ouvriers ou cadres) ont deux fois moins
de risque de développer un cancer que les personnes qui ont eu une trajectoire descendante.
Les inégalités sociales de santé sont donc fortes et s’aggravent avec le temps pour les cancers.
Chez les hommes, elles concernent en particulier les cancers du poumon et des voies aérodigestives supérieures (VADS). La situation est particulièrement mauvaise pour les hommes en
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dehors du marché du travail. Chez les femmes, les inégalités en matière de mortalité par
cancer sont moins marquées que chez les hommes mais sont plus importantes aujourd'hui
qu’il y a vingt ans.
Les facteurs explicatifs
1. La distribution des facteurs de risque
La différenciation sociale des problèmes de santé implique que les déterminants de la maladie
sont distribués de manière inégalitaire.
a. Facteurs liés à l’incidence
Les facteurs de risque majeurs sont le tabac pour le cancer du poumon et le tabac et l’alcool
pour ceux des VADS (deux types de cancers particulièrement inégalitaires). Les études ont
montré que les ouvriers et travailleurs manuels buvaient et fumaient plus que les cadres.
Toutefois, elles ont conclu que l’excès de risque était à 51 % lié au tabac pour le cancer du
poumon et à 41 % lié au tabac et à l’alcool pour celui VADS. Par conséquent, la distribution
inégalitaire des déterminants de la maladie n’explique pas tout.
D’autres facteurs de risque existent. Ainsi, environ 30 % de l’excès de risque s’expliquerait par
les expositions professionnelles (tous cancers confondus). Ce taux passe à 40 % pour le cancer
du poumon. Les expositions professionnelles sont donc un contributeur important des
inégalités sociales.
S’y ajoutent pour le cancer du sein des facteurs hormonaux (âge du premier enfant pour le
cancer du sein), des facteurs liés au mode de vie (surpoids, alcool, nutrition, activité physique)
et des facteurs génétiques. Beaucoup d’entre eux sont associés à la position sociale.
b. Facteurs liés à la survie
Dans tous les pays, quel que soit l’indicateur de situation sociale, la survie est plus faible dans
les catégories sociales défavorisées. Les différences de survie sont plus importantes pour les
cancers à pronostic favorable (sein, utérus, colon).
Plusieurs éléments de la situation sociale influencent la survie, à savoir :
•
un diagnostic précoce (les cancers les plus avancés sont constatés chez les personnes d’un
milieu social défavorisé) ;
•
la prise en charge et le traitement (les personnes dont le niveau socio-économique est bas
ont moins recours aux spécialistes et bénéficient peu des centres spécialisés).
Pour le cancer du sein, même si l’amélioration du dépistage et du
aux femmes les plus diplômées, les différences s’estompent en
facteurs liés à la survie ont probablement peu d’effets dans
expliqueraient en partie les inégalités sociales de mortalité dans le
traitement bénéficie surtout
termes de mortalité. Si les
le cancer du poumon, ils
cancer VADS.
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Conclusion
De multiples causes expliquent ainsi les inégalités sociales de santé :
•
•
•
une distribution inégalitaire des facteurs de risques actifs (tabac, alcool) et subis (pollution,
travail) ;
une distribution inégalitaire des facteurs protecteurs (modes de vie, soins) ;
des différences de susceptibilité et de résistance à la maladie (non génétiques).
Pour expliquer ces inégalités, de nombreuses recherches en épidémiologie sociale sont lancées
au niveau international pour mieux comprendre les déterminants de la distribution inégalitaire
des facteurs de risques (ex. : pourquoi les ouvriers fument-ils davantage que les cadres ?), le
rôle des facteurs psychosociaux (contrairement à une idée reçue, le stress est plus important
chez les ouvriers que chez les cadres), le rôle des relations sociales de proximité (individuelles
et collectives) ou encore l’effet cumulatif des facteurs précoces, associés à des conditions
défavorables tout au long de la vie.
L’épidémiologie sociale est, par nature, pluridisciplinaire. Elle doit jouer un rôle prépondérant
dans l’élaboration des politiques de santé publique visant à réduire les inégalités sociales en la
matière.
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THEME 3
DE L’HEREDITE A L’ONCOGENETIQUE :
QUELLES MUTATIONS SOCIOLOGIQUES ?
Marie MENORET
Sociologue, Enseignante à l’Université de Paris 8
Cette communication a proposé une réflexion sur la question de l’innovation en cancérologie.
Pour documenter l’analyse qui en a été présentée, c’est l’exemple des tests de prédisposition
génétique au cancer du sein qui a été retenu. Les critères de cette évaluation sociologique ont
pris pour méthode un axe temporel. Concrètement, cette communication s’est structurée
autour de deux points majeurs. Le premier portait sur le lien potentiel entre innovation
médicale et innovation sociologique. Sur ce premier point, on a utilisé les connaissances que
les historiens et les sociologues de la médecine et de la santé ont produites sur ce sujet
(érosion du modèle de tradition clinique paternaliste, essor de la bioéthique, autonomie des
patients notamment).
Le second a porté sur la question de l’innovation : qu’est-ce qu’une innovation en
cancérologie ? à quoi la reconnaît-on ? qu’est-ce qui la désigne ? En s’appuyant empiriquement
sur la mise en place des tests BRCA et en révélant comment, dans ce domaine, la science
distance la médecine, la communication a montré que, parfois, ce qui se trouve communément
présenté comme une innovation s’inscrit finalement, au moins d’un point de vue sociologique,
dans un cadre qui n’a rien de bien nouveau.
La conclusion ouverte de cette communication a porté sur le fait que l’innovation majeure de
ces dernières décennies en cancérologie n’était sans doute ni pharmacologique ni technique,
mais qu’elle avait plutôt trait au traitement de l’information. Marie Ménoret a rappelé à cet
effet, afin de mesurer le chemin parcouru dans ce domaine, qu’il y a une trentaine d’années à
peine, on ne savait rien du cancer si on n’était pas soi-même médecin.
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THEME 4
CANCERS ET PROFESSION : L’EXPERIENCE DE LA
CONSULTATION DE PATHOLOGIE PROFESSIONNELLE DE
CAEN
Marc LETOURNEUX
Professeur de Santé au Travail au CHU de Caen
Données générales
Sur plus de 250 000 nouveaux cancers dépistés chaque année en France, la part attribuable à
des facteurs de risques professionnels oscille entre 2 et 8 %. Ces 5000 à 20 000 nouveaux cas
par an en France de cancers professionnels concernent des organes extrêmement divers
(appareil respiratoire, vessie, peau, moelle osseuse, foie, cerveau, os, etc…). Ils sont liés à la
présence de substances nocives dans l’environnement, telles que des poussières minérales,
des produits chimiques ou encore des rayonnements. Ainsi, la CNAMTS estime entre 2433 et
5427 le nombre de cancers du poumon pouvant être imputés à un risque professionnel.
Si le nombre de cancers reconnus par la CNAM augmente chaque année, il ne représente que
la petite partie émergée d’un très gros iceberg. En effet, certains cancers d’origine
professionnelle ne sont pas déclarées, d’autres sont diagnostiqués mais non encore identifiés
comme professionnels, sans parler des atteintes non encore symptomatiques.
Il faut souligner que la France dispose d’un système d’indemnisation forfaitaire des maladies
professionnelles. Si tous les indicateurs du tableau sont satisfaits, le caractère professionnel de
la maladie est reconnu sans que le patient n’ait besoin d’apporter la moindre preuve. S’ils ne
sont en revanche pas tous satisfaits, un comité régional se réunit pour déterminer ou non un
lien direct entre la maladie et l’exercice de l’activité professionnelle.
Le contexte normand
1. Quelques chiffres
En matière de maladies professionnelles, le contexte normand est particulièrement lourd.
Outre les pesticides agricoles, la Normandie est exposée au risque majeur de l’amiante. C’est
le cas dans les usines de retraitement (textiles et matériaux de friction), dans les chantiers
navals, dans les centrales thermiques ou encore dans les usines sidérurgiques. La liste n’est
pas exhaustive.
2. La structure de consultation de pathologie professionnelle
La consultation de pathologie professionnelle est animée par trois praticiens hospitaliers à
Caen – une antenne a été créée à l’hôpital de Cherbourg – qui font appel à des consultants sur
certaines spécialités. Elle compte des secrétaires et enquêteurs internes. Cette structure fait
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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l’objet d’une convention avec la CRAM de Normandie et fait partie du Réseau national de
Vigilance et de Prévention des Pathologiques professionnelles.
A Caen, 1700 consultations (représentant 1200 patients) ont été réalisées en 2007, dont
14 % concernaient des cas de cancers essentiellement broncho-pulmonaires. Les catégories
sociales concernées sont majoritairement les artisans et les ouvriers. L’objectif de la
consultation de pathologie professionnel est de favoriser la reconnaissance et l’indemnisation
des maladies professionnelles. Pour ce faire, le patient remplit systématiquement un
questionnaire professionnel standardisé, qui peut être couplé à une expertise de l’emploi en
cause. Un courrier est ensuite rédigé à l’attention du médecin traitant pour l’informer que
l’exposition professionnelle de la personne laisse penser que le risque professionnel pour son
cancer doit être pris en compte. Sur les 153 cas de cancers broncho-pulmonaires enregistrés
dans la structure en 2007, 54 déclarations de maladies professionnelles ont été proposées, soit
35,3 %. Quant aux 17 cancers non pulmonaires (vessie, larynx, peau, etc…), 7 ont fait l’objet
d’une déclaration de maladie professionnelle.
La structure de consultation de pathologie professionnelle du CHU de Caen s’est associée à
d’autres CHU (Bordeaux, Caen, Créteil, Grenoble, Le Havre et Nancy) pour effectuer des
recherches visant à mieux identifier les métiers concernés par un risque professionnel. Le
financement de ces travaux est réalisé par l’AFSSET. En ce qui concerne les mésothéliomes
malins, la structure apporte son soutien au programme de surveillance Mésonat et intervient
chaque fois que l’équipe chargée de surveiller ce risque en éprouve le besoin. Le Programme
National de Surveillance du Mésothéliome constitue un moyen supplémentaire pour repérer les
autres éventuels facteurs de risques associés.
3. Les opportunités régionales pour développer les travaux
Sur le territoire normand, plusieurs éléments concourent à améliorer les connaissances sur les
liens supposés entre exposition et maladie professionnelle. Notamment, dans le Calvados, le
registre des tumeurs digestives et le registre général des cancers constituent une opportunité
manifeste. A Condé-sur-Noireau, 2024 travailleurs de l’amiante ayant travaillé au moins un an
dans l’entreprise, pour lesquels une surincidence très significative des mésothéliomes
péritonéaux a été mise en exergue.
La prévention secondaire
4. La surveillance post-professionnelle « amiante »
La latence longue des maladies liées à l’amiante suppose un dépistage post-professionnel.
Réglementairement, une surveillance post-professionnelle doit intervenir tous les deux ans
(examen clinique, radiographie du thorax et exploration fonctionnelle respiratoire). En 1999,
une conférence de consensus a conclu que la radiographie pulmonaire avait de faibles
performances et qu’un scanner thoracique tous les six ou dix ans était préférable. Face à la
forte demande sociale résultant du drame de l’amiante, le dépistage suppose que la demande
émane du médecin vers son patient. Il ne s’agit pas d’organiser un dépistage de masse mais
un dépistage centré sur les personnes à risque accrus.
La prévention secondaire et la surveillance post-professionnelle amiante sont sous-utilisées par
carence d’informations. Une expérimentation menée en Aquitaine, Normandie et Rhône-Alpes
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
visant à mobiliser les personnes susceptibles d’être concernées par l’amiante pour réaliser un
dépistage et identifier précocement un cancer. La principale difficulté réside dans le fait que
peu de personnes connaissent les fibroses, une pathologie de l’amiante généralement bénigne
et souvent asymptomatique mais génératrice d’angoisse. Cette expérimentation a ainsi montré
que plus de 70 % des maladies professionnelles déclarées étaient liées à une fibrose pleurale.
Ce discours doit être entendu par des populations qui ont la hantise de développer un cancer.
5. De l’intérêt d’une nouvelle conférence de consensus
L’intérêt d’une nouvelle conférence de consensus sur ce système de surveillance postprofessionnelle s’impose face à l’impact des diagnostics de cancer, au dépistage de plaques
pleurales avant tout, aux nombreux modules pulmonaires bénins à surveiller et à l’anxiété
élevée des personnes concernées. Cette nécessité est d’autant plus accrue que la surveillance
post-professionnelle amiante n’a pas encore démontré sa pertinence.
Peut-être des techniques modernes pourraient-elles être mises en œuvre pour des groupes à
haut risque (scanner, expectoration, examen cytologique) ? Une étude réalisée sur 1005
patients pour un suivi post-professionnel amiante a permis de dépister et de prendre en
charge 24 cancers broncho-pulmonaires asymptomatiques. Elle a également permis de définir
la sensibilité et la spécificité des techniques au regard de la taille des nodules. Ce faisant, il
faudra consentir, pour tout nouveau cas de cancers, à ce que 17 personnes soient surveillées
pour le développement hypothétique d’un cancer.
En conclusion, il faut rappeler que les cancers professionnels représentent une importante
question de santé publique. Si les patients sont demandeurs d’un dépistage, ils n’en restent
pas moins inquiets, d’où la nécessité de développer une meilleure information vis-à-vis des
salariés, des responsables d’entreprise et des professionnels de santé afin de favoriser une
véritable prévention primaire et de mettre en œuvre des moyens à la hauteur des enjeux pour
faire évoluer la qualité du suivi médical.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
8 communications sélectionnées
IMPACT DU CANCER DU SEIN SUR LA QUALITE DE VIE DE LA
FEMME JEUNE, ET DE SON PARTENAIRE : CREATION D’UNE
ECHELLE DU VECU DE LA PATHOLOGIE
Emmanuelle FOURNIER1, Laurence VANLEMMENS2
& Véronique CHRISTOPHE1
1
. URECA EA 1059, Equipe « Famille, Santé & Emotion », Université de Lille 3 Domaine
Universitaire du pont de Bois BP60149, 59653 Villeneuve d’Ascq Cedex.
2
. Département de Sénologie, Centre Oscar Lambret,3 rue Frédéric Combemale BP307, 59020
Lille Cedex.
Contacts mail : [email protected]
[email protected]
[email protected]
Collaboration : Institut Gustave Roussy à Villejuif et Centre François Baclesse à Caen.
Financeurs : Ligue Nationale contre le Cancer, Institut Nationale contre le Cancer, les
laboratoires Novartis, Roche et Sanofi-Aventis.
L’étude que nous allons vous présenter part d’un triple constat qui concerne la femme jeune, le
partenaire et le couple.
1. Un triple constat
a. La femme jeune
La femme jeune souffrant d’un cancer du sein doit faire face à des problématiques multiples,
non spécifiques à l’âge mais liées à la maladie et aux traitements, telles les incertitudes,
l’angoisse face à la récidive, la chute des cheveux ou encore la fatigue. Elle est d’autre part
exposée à des problématiques spécifiques au jeune âge que sont l’éducation des enfants en
bas âge, le désir d’enfants, l’activité professionnelle, etc… La majorité des études sur ce sujet
indique que les femmes jeunes touchées par le cancer du sein ont une moins bonne qualité de
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
vie que les femmes plus âgées (plus de troubles émotionnels et dépressifs, plus de difficultés
par rapport à l’image corporelle…).
L’enjeu est de pouvoir déterminer les préoccupations, les difficultés au quotidien des femmes
jeunes, pendant et après les traitements.
b. Le partenaire
Le partenaire d’une femme jeune atteinte d’un cancer du sein est soumis à un certain nombre
de contraintes qui affectent son bien-être et sa qualité de vie en général (impact émotionnel,
impact sur sa vie quotidienne, bouleversement de l’organisation familiale). Ces répercussions
ont été étudiées selon le concept de « fardeau ». Les données de la littérature confirment que
les hommes dont la partenaire est atteinte d’un cancer sont en moins bonne santé que la
moyenne.
Prendre en compte le vécu du partenaire, c’est aussi prendre en compte le vécu de la patiente
c. Le couple
Les difficultés rencontrées suite à la maladie et à ses traitements peuvent avoir des
répercussions sur la vie conjugale. Quelques études s’intéressant à ce thème montrent que ces
répercussions peuvent entraîner une rupture de la vie conjugale surtout s’il existait des
difficultés conjugales avant l’annonce du cancer du sein.
Prendre en compte le vécu du couple en tant que tel ne peut être que formateur et prometteur
pour une meilleure compréhension du vécu de chacun
2. L’étude
a. Objectif
L’étude a pour objectif de déterminer le vécu psychologique, émotionnel, familial et social du
cancer du sein pour la patiente jeune et son partenaire, dans le but de créer un outil de
mesure de l’impact du cancer du sein sur la qualité de vie de la femme jeune et de son
partenaire.
b. Méthodologie
Nous avons opté pour une approche qualitative sur la base d’entretiens individuels non
directifs de femmes de moins de 45 ans au moment du diagnostic (soit 69 couples rencontrés),
en couple depuis au moins six mois et suivies pour un cancer du sein non métastatique. Une
question de départ était posée : « Pourriez-vous me parler des modifications que la maladie a
provoquées dans votre vie quotidienne ? » Le participant répondait librement à cette question,
le psychologue menant l’entretien ne faisant que des relances ou des reformulations. Ces
femmes étaient réparties en quatre groupes : les patientes sous chimiothérapie, les patientes
sous Herceptin, les patientes sous hormonothérapie et les patientes sous surveillance.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
c. Analyse
L’analyse des entretiens s’est effectuée en deux étapes : 1) nous avons tout d’abord effectué
une revue de la littérature des études et des questionnaires mesurant le mesurant le vécu,
l’impact, la qualité de vie des femmes ayant un cancer du sein. Dix dimensions sur lesquelles
la maladie et les traitements peuvent avoir un impact sont prédominants dans la littérature :
la dimension psychologique, la dimension physique, la dimension professionnelle, la dimension
« couple et sexualité », la dimension sociale, la dimension spirituelle, la dimension familiale, la
dimension économique, la dimension soignante et la dimension domestique. 2) La seconde
étape a été de retranscrire chacun des entretiens et de coder chaque segment de récits de vie
selon ces 10 dimensions. Au final, 985 segments ont été retenus pour l’analyse des résultats.
d. Résultats
Sur les 985 segments retenus, 26 % ont une tonalité positive et 69% ont une tonalité
négative. Les conséquences de la maladie ne sont donc pas uniquement négatives. Les
dimensions à tonalité positive sont surtout les dimensions familiales, sociales et de couple.
Sur les 10 dimensions étudiées, les dimensions spirituelle et soignante ont été très peu
évoquées. Elles ne seront donc pas retenues dans le questionnaire final.
L’analyse des composantes patientes vs partenaires a permis de mettre en évidence des
différences pour 5 dimensions. En effet, les patientes font davantage référence aux dimensions
psychologique, physique, professionnelle, sociale et familiale. Il y aurait donc moins d’impact
dans ces dimensions pour les partenaires que pour les patientes. Toutefois, les partenaires
évoquent tout de même ces dimensions. Cela montre donc que la maladie et les traitements
provoquent des effets sur ces 8 dimensions et ceci pour les partenaires et les patientes.
L’analyse de la composante de l’étape du traitement a mis en évidence qu’il existe peu de
différences entre les groupes de traitement (chimiothérapie, herceptin, hormonothérapie et
surveillance), ce qui signifie que la maladie et les traitements provoquent des répercussions
tout au long des traitements et même après les traitements pour les patientes mais aussi pour
leur partenaire.
3. Conclusion
Les résultats ci-dessus montrent qu’il est important de s’intéresser au partenaire en ce que la
maladie de la patiente provoque des répercussions dans sa vie, ainsi qu’aux femmes sous
surveillance.
Le questionnaire sera composé de huit dimensions: psychologique, physique, professionnelles,
couple, sociale, familiale, économique et domestique. Il a été travaillé et validé par un groupe
de patientes et de partenaires. Il est actuellement en cours de création pour une validation
quantitative à grande échelle.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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VIVRE AVEC UN PROCHE ATTEINT D’UN CANCER DES VOIES
AERO-DIGESTIVES SUPERIEURES : CONJUGALITE ET
TEMPORALITE DE LA MALADIE
Emmanuel BABIN1 & Guillaume GRANDAZZI1, 2
1
. ERI3 INSERM EA 3936, Equipe « Cancers et Populations », Université de Caen Faculté de
Médecine CHU Côte de Nacre, 14000 Caen.
2
. Centre d’Etudes et de Recherche sur les Risques et les Vulnérabilités (CERReV) EA 3918,
Université de Caen Basse-Normandie, Esplanade de la Paix, F-14302 Caen Cedex.
Contacts mail : [email protected]
[email protected]
1. Contexte de la cancérologie ORL
Emmanuel BABIN
En France, les cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS) représentent environ
12 % de l’ensemble des cancers et occasionnent 9000 décès par an. L’alcool et le tabac sont
les deux facteurs de risques prédominants. Ce cancer concerne à 90 % des hommes, âgés
entre 55 à 60 ans et issus, dans 60 % des cas, du milieu ouvrier. L’objectif des thérapeutes est
d’offrir un maximum de quantité et de qualité de vie aux personnes atteintes de ces cancers.
La problématique des cancers VADS est complexe en ce qu’ils touchent des zones importantes
du corps humain quant à leur impact sur la sociabilité. Les patients rencontrent en effet des
difficultés pour manger, respirer et parler. Ces atteintes fonctionnelles vont avoir des
répercussions sur le plan psychosocial.
Dans la plupart des cas, les lésions sont très avancées et nécessitent des interventions
mutilantes. Dans le cas d’une laryngectomie, le patient respire par le cou et n’a plus de voix.
S’il peut se satisfaire de ne plus avoir de cancer, il doit parvenir à vivre avec cette mutilation.
Dans le cas d’un cancer de la mandibule, outre les difficultés pour manger et parler, le patient
subit un préjudice esthétique grave. Quand la maladie échappe au traitement, l’état
d’avancement de la tumeur ne permet que des soins de support. Parfois, l’odeur
nauséabonde se dégageant des lésions conduit les patients et leur famille à se couper du
monde. Ces pathologies très particulières entraînent donc automatiquement une répercussion
sur les conjoints.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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2. Approche sociologique
Guillaume GRANDAZZI
Les cancers VADS sont très particuliers du fait des handicaps fonctionnels qu’ils entraînent et
de leurs importantes répercussions sur l’identité des malades et de leur conjoint. Cela renvoie
à la question du stigmate souvent particulièrement visible. Au-delà du handicap, ce cancer
pose la question du rapport entre monstruosité (liée à la maladie et aux traitements mutilants)
et humanité.
Afin de passer de l’approche médicale à l’approche sociologique de ce cancer, nous avons
cherché à avoir une vision qualitative de l’expérience de la maladie et de sa gestion dans la vie
quotidienne, en mettant l’accent sur le vécu des proches.
Les résultats de cette étude sont issus d’entretiens de patients et conjoints vivant depuis cinq
ans avec la maladie. Après le double choc de l’annonce de la maladie et des traitements
mutilants, le bouleversement biographique est manifeste pour le conjoint comme pour le
patient. S’engage alors un processus de déconstruction et de reconstruction dont le conjoint
est partie prenante. L’intériorisation du rôle de « rempart familial » contre la maladie entraîne
inévitablement souffrance et usure.
Notre étude essaie de mettre l’accent sur l’importance de la temporalité dans cette maladie.
Celle-ci s’entend en termes de relations au sein du couple. Bien souvent, les couples dont l’un
des partenaires ont un cancer VADS entraîne une diminution des relations affectives et la fin
des relations sexuelles. La temporalité s’entend également en termes d’infantilisation du
malade et de besoin d’autonomie de la part des conjoints. Le délitement des liens sociaux est
également une réalité pour ces derniers qui, durant la maladie, vivent dans un état de
suspension.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
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L’EXPERIENCE DU CANCER EN PHASE DE REMISSION : VIDE
THERAPEUTIQUE ET RECOURS NON CONVENTIONNELS EN
HAUTE-NORMANDIE
Emilie LEGRAND1 & Patrice COHEN1
1
. Groupe de Recherche Innovation et Sociétés (GRIS) EA 3232, Université de Rouen,
Rue Lavoisier, 76821 Mont Saint Aignan.
Contacts mail : [email protected]
[email protected]
Emilie LEGRAND
Je souhaite rendre compte de la manière dont les personnes en phase de rémission vivent
l’expérience de la maladie et expliquer pourquoi elles peuvent se tourner vers des recours non
conventionnels.
1. Cadre de l’étude
Cette étude a été menée en Haute-Normandie dans le cadre d’une recherche collective,
financée par l’INCa, portant sur le cancer et les recours non conventionnels. Les résultats sont
issus de 36 entretiens réalisés avec des malades atteints de cancer (du sein et hématologiques
essentiellement), dont une majorité en rémission. Pour faire face à cette étape de la
trajectoire, certains ont recours aux médecines non conventionnelles. Ces recours ont pu être
initiées avant la phase de rémission, au moment des traitements ou de l’annonce voire exister
avant et indépendamment de l’événement cancer ou existé indépendamment de la maladie. En
revanche, ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est bien le sens que revêtent de telles pratiques
dans l’expérience de la maladie à ce moment particulier de la trajectoire qu’est la rémission.
2. Les implications de la maladie en phase de rémission
L’expérience de la maladie chronique est celle de l’incertitude. Le malade qualifié en rémission
par le corps médical n’est ni malade ni guéri, et porte à cet égard une forte incertitude à court,
moyen et long terme.
En phase de rémission, les interactions avec le monde médical se modifient sensiblement. Ces
dernières tendent à se relâcher par contraste avec le surinvestissement dont le malade a fait
l’objet pendant toute la phase aigue. Un sentiment de vide thérapeutique s’instaure alors.
Dans le même temps, les médecins incitent fortement les patients à « vivre comme avant ».
Or, il n’est plus possible de vivre ni même d’être comme avant. Cela engendre, dans une
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
majorité des cas, une rupture biographique (Bury, 1982), et, une perte de soi (Charmaz,
1987).
Le décalage est ainsi manifeste entre les injonctions et l’offre du corps médical et les
perceptions et besoins des personnes en rémission.
Les recours non conventionnels peuvent être appréhendés comme une action visant à faire
face à cette incertitude pour :
•
Recréer du lien thérapeutique
Les recours non conventionnels constituent une ressource pour gérer les risques de
récidive. Il s’agit pour la personne d’engager une action de détoxification (compléments
alimentaires), de renforcer son système immunitaire et ses énergies (acupuncture) ou
encore de s’informer dans l’espace public. L’objectif est de se prémunir d’un terrain propice
au cancer.
•
Donner du sens à l’expérience et à l’étiologie de la maladie
Cette dimension, essentiellement symbolique, a pour objectif d’agir sur les risques de
récidive en s’attachant à l’état mental, c'est-à-dire par une action sur l’état psychique.
3. Conclusion
Les recours non conventionnels représentent ainsi un message d’espoir, le vide médical
constituant un interstice dans lequel les patients en rémission s’engouffrent. Ils sont pour eux
une ressource leur permettant de gérer l’incertitude et les risques sous-jacents à la phase de
rémission. Les recours non conventionnels proposent finalement une fiction significative aux
patients, aspect souvent négligé dans l’approche officielle.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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Caen, le 14 novembre 2008
EVALUATION DE L’INTERET D’UNE CONSULTATION
MULTIDISCIPLINAIRE D’AIDE A LA REPRISE DU TRAVAIL
APRES UN CANCER
Laetitia ROLLIN1, Jean François GEHANNO1 & Jean François CAILLARD1
1
Service de Médecine du Travail et de Pathologie Professionnelle - CHU de Rouen,
Pavillon de l'Aubette CHU CH. Nicolle, 76031 Rouen Cedex.
Contacts mail : [email protected]
1. Constat
La difficulté des personnes atteintes d’un cancer pour rester en activité professionnelle est
manifeste. Pour exemple, Paraponaris et al. 2008 observaient que 83 % d’entre elles
travaillaient au moment du diagnostic, ce taux chute à 57 % deux ans plus tard. Le maintien
de l’emploi est pourtant un élément important en ce qu’il représente une source de revenus,
une réintégration sociale et une victoire sur la maladie. D’où la création de cette consultation
d’aide à la reprise du travail après un cancer.
2. Fonctionnement de la consultation
Pour faire face aux difficultés de réinsertion sociale des malades atteints de cancer, la
consultation d’aide à la reprise au travail a été créée en 2006 dans le centre de consultations
de pathologies professionnelles et environnementales du CHU de Rouen. Elle est
pluridisciplinaire : un médecin du Travail, une assistante sociale et un psychologue se
réunissent autour du patient. A notre connaissance, seules 2 consultations de ce type existent
en France (Rouen et Strasbourg).
Le premier entretien dure environ une heure et quart. En présence du médecin et de
l’assistante sociale, il a vocation à :
•
•
•
•
faire le bilan de la maladie et de ses séquelles ;
réaliser un récapitulatif du cursus professionnel dans l’optique de proférer un conseil
optimal ;
faire un point sur le statut actuel de la personne (sans travail, en arrêt maladie, en
invalidité…) et sur sa situation financière et familiale ;
identifier d’éventuels obstacles à la reprise du travail.
De son côté, le patient présente son projet professionnel (reprendre son poste, se reconvertir
ou cesser son activité professionnelle). S’il n’en a pas, nous l’incitons à y réfléchir.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
24
3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
A l’issue de cette première consultation, nous étudions l’adéquation du projet professionnel
avec l’état de santé de la personne, l’informons sur les possibilités de reprise (ex. : temps
partiel thérapeutique) et la conseillons sur les démarches à engager formalisées sous forme
d’une ordonnance (ex. : proposition d’une consultation avec un psychologue, mise en relation
avec le médecin du Travail, reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, programme de
la prochaine consultation de suivi). Enfin, avec son accord, nous rédigeons systématiquement
un courrier aux médecins la prenant en charge (médecins traitant, cancérologue, médecin du
travail).
L’objectif de cette première consultation est d’aider et de guider le patient, tout en le rendant
autonome et en accordant une importance à ses choix. Les consultations suivantes sont
l’occasion de rediscuter avec lui de l’évolution de sa situation. Le cas échéant, si nous l’avons
perdu de vue, nous le re-contactons de manière proactive.
3. Les premières données observées
Depuis 2006, nous avons reçu 52 patients (dont 43 femmes), âgés en moyenne de 45 ans.
S’ils venaient en majorité de la Seine-Maritime et de l’Eure, d’autres ont fait le trajet depuis le
Calvados, l’Orne ou encore Paris. Cela démontre l’existence d’une demande.
Les patients sont adressés par les psychologues, les médecins spécialistes oncologues, les
assistantes sociales, les médecins du travail ou encore les associations. Certains patients font
eux-mêmes la démarche après avoir vu des brochures dans les cabinets de consultation.
La première consultation a lieu en moyenne neuf mois après la fin du traitement, On observe 2
catégories de patients : patients consultant très précocement pendant ou juste après les
traitements, et patients consultant tardivement, bien souvent lorsque l’arrêt maladie arrive à
son terme. Plus les personnes viennent nous consulter tôt, plus nous avons le temps d’engager
les démarches quant à la recherche ou l’aménagement de poste.
Au moment du diagnostic, 81 % des patients travaillaient, alors qu'au moment de la
consultation, seuls 15% travaillent. Plusieurs éléments représentant des contraintes à la
reprise du travail sont retrouvés fréquemment.
•
le curage ganglionnaire axillaire dans le cas des cancers du sein (contre indication au port
de charges lourdes) ;
•
une asthénie intense (pour 67 % des personnes rencontrées) ;
•
des éléments psychologiques non négligeables, à savoir le syndrome de Damoclès,
l’acceptation du handicap, le syndrome du "survivant dans le milieu du travail" (c'est-à-dire
que les collègues se sont organisés sans la personne et que la réintégration est difficile) ou
encore un syndrome dépressif dans 42 % des cas.
Les personnes sont souvent impatientes de reprendre le travail car cette étape marque la fin
de la maladie. Cependant, nous insistons sur le fait que la reprise doit se faire dans les
meilleures conditions possibles. En effet, lorsque le patient tente une reprise et qu'il s'agit d'un
échec, la 2ème tentative de reprise est beaucoup plus difficile du fait de la perte de confiance…
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
4. Conclusion
Les patients sont demandeurs d’une consultation d’aide à la reprise du travail. Les patients
témoignent souvent d'une sensation de vide après les thérapeutiques lourdes. La consultation
peut être importante à ce moment. En termes de délai, mieux vaut favoriser les consultations
précoces. Globalement, la reprise du travail est un processus complexe, d’où la perspective
d’aller plus loin dans l’analyse de cette consultation en étudiant les facteurs déterminants de la
reprise.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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IMPACT DE L’HYPNOSE SUR L’IMMUNITE ET LES RYTHMES
BIOLOGIQUES CHEZ LES PATIENTS CANCEREUX TRAITES EN
PALLIATIF
Fabrice KWIATKOWSKI1, 2, Pr. Alain BLANCHET1
& Pr. Yves Jean BIGNON 2
1
. UFR 7 Psychologie Pratiques Cliniques et Sociales, Université Paris VIII, 2 rue de la Liberté,
93526 Saint Dénis Cedex 02.
2
. CLCC Centre Jean Perrin, 58 rue Montalembert B.P. 392,
63011 Clermont-Ferrand Cedex 01.
Contacts mail : [email protected]
Fabrice KWIATKOWSKI
Je vais vous présenter les éléments qui ont concouru à envisager la mise en place d’un essai
visant à valider une approche psychologie grâce à son éventuel impact biologique.
1. Constat
De nombreux travaux ont déjà été réalisés sur les facteurs psychologiques intervenant dans
l’étiologie du cancer et dans l’évolution de la pathologie. Les essais thérapeutiques sont
également nombreux dans ce domaine, sans parler de l’apport de la psycho-neuroimmunologie et de la chronologie.
Dans le cadre de la pathologie cancéreuse, les divers domaines d’intervention sur les facteurs
psychologiques ne présentent pas le même avantage. La psychanalyse n’a pas apporté la
preuve de son efficacité. Les thérapies cognitives et comportementales améliorent
essentiellement la qualité de vie et le coping. Les interventions socio-éducatives semblent
intéressantes tant pour les conjoints et les proches que pour les patients. Au-delà, la
psychologie clinique ou l’hypnose constituent de nouvelles pistes à explorer.
La réalisation d’essais dans ce domaine peut poursuivre quatre types d'objectif : l’amélioration
de la survie globale, l’amélioration de la survie sans rechute/progression, l’amélioration de la
qualité de vie et la diminution de la douleur et des effets secondaires. Un nouvel objectif
intermédiaire nous semble devoir être ajouté : l’amélioration de l’immunité.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
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2. De l’importance de l’immunité comme objectif intermédiaire
L’immunité est un objectif extrêmement important. Elle est non seulement caractérisée par des
paramètres standard (comptages lymphocytaires, activité cytotoxique des NK…), mais
également par la rythmicité de ses composantes.
Dans les mélanomes, on observe des régressions spontanées résultant apparemment d'une
réaction immunitaire. Dans les greffes de moelle, le traitement est efficace en partie grâce à la
GvH. Par ailleurs, on observe 7 % de résorption spontanée dans les cancers du sein in situ.
Enfin, certaines tumeurs restent silencieuses (cf. thyroïde, prostate) tandis que d’autres
disparaissent en ne laissant que des métastases.
Quant à la rythmicité circadienne, plusieurs raisons nécessitent d’y porter une attention
particulière. Notamment, la diminution de l'amplitude du rythme circadien de la mélatonine
(hormone du sommeil, essentielle pour la régulation des rythmes chronobiologiques) est liée
au processus de vieillissement. De plus, la perturbation des rythmes biologiques est un facteur
de mauvais pronostic dans le cancer du côlon. Enfin, la supplémentation en mélatonine (à
20h) semble améliorer la survie des patients cancéreux.
Différents leviers peuvent ainsi être actionnés au niveau immunitaire pour améliorer la survie
des patients, sachant que plusieurs facteurs modulent les rythmes circadiens de la
mélatonine (le tabac, l’alcool, une opération avec anesthésie, l’âge, les saisons, la douleur et la
dépression, la pathologie cancéreuse).
3. L’approche psychologique du patient cancéreux
a. Interventions psychosociales
Ainsi, les interventions psychosociales pourraient influencer le cycle circadien de production de
la mélatonine en traitant la dépression, en aidant à la réduction des addictions, en améliorant
le contrôle et l'estime de soi, en promouvant une activité physique et cérébrale diurne, et en
favorisant un sommeil naturel et une vie plus saine. D’autres moyens pourraient également
être utilisés, tels que l’alimentation, les antioxydants (en préventif) et la supplémentation en
mélatonine (dose < 10 mg) dont l’action anticancéreuse est multiple.
b. Hypnose
L’hypnose apparaît comme un moyen intéressant en ce sens qu’elle a montré une efficacité
dans les pathologie auto-immunes et qu'il est possible de conditionner une réponse
immunitaire chez l'animal. Elle constitue un outil de choix comme moyen d'investigation
psychologique, pour les thérapies brèves et comme levier agissant sur le système immunitaire.
De nombreuses études ont déjà permis de démontrer l’impact de l’hypnose chez les patients
cancéreux en termes :
•
•
•
•
•
d’amélioration de la réponse à la chimiothérapie ;
de rebond immunitaire ;
de qualité de vie et de bien-être ;
de prise en charge de la douleur ;
de prise en charge de l’anxiété et de la dépression ;
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
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•
de réduction des effets secondaires (nausées, vomissements, bouffées de chaleur).
Ne provoquant aucun effet délétère avéré, l’hypnose constitue un domaine expérimental
prometteur en particulier pour les patients cancéreux en situation palliative, d’autant qu’elle
bénéficie d’une opinion positive tant de la part du corps médical que des patients.
4. Conclusion
Tous ces éléments nous conduisent à proposer un essai prospectif randomisé, qui débutera
en 2009. Il sera constitué de deux groupes (patients traités en soins palliatifs ou avec un
cancer de stade évolué, dont l’espérance de vie est supérieure à six mois) :
•
un groupe de 100 patients suivra un traitement standard ainsi que six à huit séances
d’hypnose ericksonienne par semaine ;
•
un autre groupe de 100 patients suivra un traitement standard mais sera mis sur liste
d’attente quant aux séances d’hypnose.
Cet essai a pour objectif une variation de 20 % d’un des marqueurs de l’immunité, une
amélioration des rythmes circadiens, de la qualité de vie, une diminution de la douleur et
éventuellement l’augmentation de la survie globale. Le protocole sera composé de
prélèvements sanguins et salivaires, de relevés de température, de l’étude du sommeil et des
rythmes, ainsi que de questionnaires de qualité de vie, d'anxiété/dépression à J0 et J60.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
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IMPACT DU PARTAGE SOCIAL DES EMOTIONS SUR LE
RESSENTI EMOTIONNEL ET LES STRATEGIES DE COPING
DANS LE CADRE DES CANCERS HEREDITAIRES DU SEIN ET
DE L’OVAIRE
Christelle DUPREZ1*, Véronique CHRISTOPHE1*, Philippe VENNIN2*,
Claude ADENIS2, & Michel REICH2
1. URECA EA 1059, Equipe « Famille, Santé & Emotion », Université de Lille 3 Domaine
Universitaire du pont de Bois BP60149, 59653 Villeneuve d’Ascq Cedex.
2
. Département de Sénologie, Centre Oscar Lambret, 3 rue Frédéric Combemale BP307, 59020
Lille Cedex.
*Auteurs correspondants
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Le contexte
Entre 5 et 10 % des cancers du sein et de l’ovaire ont une origine héréditaire. Une femme
asymptomatique qui est porteuse d’une mutation délétère sur l’un des deux gènes dont la
mutation prédispose à ce type de cancer (BRCA1, BRCA2) a entre 60 et 80 % de risque d’avoir
un cancer du sein au cours de sa vie, et entre 10 et 50 % de risque de cancer de l’ovaire.
Dans ce cadre, la consultation d’oncogénétique permet d’identifier les femmes qui sont
porteuses d’une mutation sur l’un de ces gènes, afin de leur proposer un dépistage plus
précoce et plus fréquent, voire une chirurgie préventive. Se pose dès lors la question de
l’impact émotionnel de la consultation d’annonce du résultat du test génétique.
1. Objectifs et méthodologie de l’étude
L’étude recouvre trois objectifs :
•
déterminer si l’impact émotionnel de l’annonce du résultat du test génétique et les
stratégies mises en place pour y faire face diffèrent selon le type de résultat reçu ;
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
•
déterminer si les femmes asymptomatiques parlent de leur test génétique avec leur
entourage ;
•
déterminer si le partage social a un impact bénéfique sur le ressenti émotionnel.
29 femmes asymptomatiques, dont 8 n’étaient pas porteuses de la mutation, ont répondu au
questionnaire avant la consultation d’annonce de leur résultat personnel, dix jours après et
trois mois plus tard. Le questionnaire recueillait quatre types d’indices : les indices de partage
social quant au test génétique, les affects ressentis, le niveau de dépression et les stratégies
de coping.
2. Les résultats
a. L’impact émotionnel de l’annonce du résultat et les stratégies mises en place pour y faire
face
Les affects négatifs et le niveau de dépression ne diffèrent pas selon le statut génétique des
consultantes (porteuses versus non porteuses de la mutation délétère) et n’évoluent pas au
cours du temps : les femmes qui sont porteuses de la mutation n’ont pas un ressenti
émotionnel plus négatif que celui des femmes qui n’en sont pas porteuses.
En revanche, on constate une augmentation des affects positifs au cours du temps : 10 jours
et 3 mois après l’annonce du résultat de leur test génétique, les consultantes ressentent
davantage d’affects positifs qu’avant d’avoir connaissance de leur résultat, et ce qu’elles soient
porteuses ou non de la mutation.
Aucun des trois types de stratégies de coping évalué (coping centré sur le problème, coping
centré sur l’émotion, coping centré sur la recherche de soutien social) n’est par ailleurs affecté
par le statut génétique des consultantes. En revanche, on observe une augmentation au cours
du temps du recours aux stratégies de coping centré sur le problème et sur la recherche de
soutien social.
b. Le partage du test génétique avec l’entourage
Avant la consultation d’annonce et 10 jours après, l’ensemble des consultantes ont parlé de
leur test avec leur entourage. Trois mois après l’annonce du résultat, on note encore une forte
proportion de consultantes en ayant parlé (environ 70 %), ce taux de partage social n’étant
pas affecté par le résultat du test génétique. La diminution du taux de partage au cours du
temps n’est pas, elle non plus, significative.
Ces résultats sont intéressants, car ils laissent supposer que l’information médicale est bien
transmise dans la famille. Ceci est particulièrement important dans le cadre de la consultation
d’oncogénétique, où seuls les membres de la famille peuvent communiquer l’information,
l’onco-généticien n’étant pas habilité à prendre contact lui-même avec les membres de la
famille n’étant pas venus consulter.
c. Le bénéfice du partage social du test génétique
Trois mois après l’annonce, le fait de parler du résultat du test génétique n’est prédicteur ni
des affects positifs ou négatifs ni du niveau de dépression. Il l’est en revanche du type de
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stratégie de coping mis en œuvre. Ainsi, les femmes qui sont porteuses de la mutation et qui
parlent de leur test génétique avec les membres de leur famille ont davantage recours à une
stratégie de coping centré sur le problème et à une stratégie de coping centré sur la recherche
de soutien social. A l’opposé, les femmes qui ne sont pas porteuses de la mutation et qui
parlent de leur test génétique ont moins recours à une stratégie de coping centré sur
l’émotion.
Conclusion
Il apparaît à travers les résultats de notre étude que le statut génétique des consultantes
n’affecte pas leur ressenti émotionnel. Ce dernier apparaît par ailleurs se réguler au cours du
temps.
La consultation d’annonce du résultat du test génétique génère par ailleurs du partage social
dans une forte proportion, laissant ainsi apparaitre la transmission de l’information dans la
famille.
Enfin, le partage social trois mois après l’annonce n’est pas prédicteur du bien-être
psychologique des consultantes. Il l’est en revanche de la façon dont elles font face au résultat
de leur test. La communication intrafamiliale relative au test génétique se révèle donc avoir un
impact sur la façon dont les femmes font face au résultat du test génétique.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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MISE EN PLACE D’UN PROGRAMME DE DEPISTAGE PRECOCE
DU CANCER DE LA VESSIE D’ORIGINE PROFESSIONNELLE ET
VALIDATION DE NOUVEAUX TESTS DE DEPISTAGE
Antoine KUNTZ1, Antoine GISLARD1, Jean François GEHANNO1,
Christian PFISTER2
1
2
Service de Médecine du Travail et de Pathologie Professionnelle - CHU de Rouen, Pavillon de
l'Aubette CHU CH. Nicolle, 76031 Rouen Cedex.
Service d’Urologie - CHU de Rouen, Pavillon Derocque - Rez de Chaussée, 1 rue de Germont,
76031 Rouen Cedex.
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Ce protocole de recherche, qui est sur le point de débuter, concerne une population d’anciens
salariés exposés à des cancérogènes de vessie. Il a pour objectif de suivre médicalement cette
cohorte (dépistage du cancer de la vessie tous les deux ans) et d’évaluer l’intérêt de nouvelles
techniques de dépistage.
1. Introduction
Chaque année en France, entre 625 et 1110 nouveaux cas de cancers de la vessie sont
attribuables à des expositions professionnelles (soit 14,2 %). Les cancérogènes sont présents
dans beaucoup de secteurs industriels (notamment en Haute-Normandie) et se décomposent
en plusieurs grandes familles :
•
les amines aromatiques (industrie des colorants, du caoutchouc et des matières
plastiques), dont la pénétration est cutanée ;
•
les hydrocarbures aromatiques polycycliques (fumée de cigarette, dérivés de houille,
cokeries, fonderies, production d’aluminium…), dont la pénétration est respiratoire ;
•
les nitrosamines (industrie du caoutchouc) et les solvants chlorés.
2. La surveillance médicale des salariés exposés
Le législateur a prévu une surveillance médicale renforcée pour les salariés exposés, qui
comporte un examen clinique annuel, une cytologie urinaire et une recherche d’hématurie
microscopique tous les six mois.
Au moment de leur départ en retraite, l’employeur et le médecin du travail doivent depuis
2001 fournir aux salariés une attestation d’exposition, les informant de ce à quoi ils ont été
exposés et de l’intérêt de poursuivre la surveillance (l’âge moyen au diagnostic est de 70 ans
et l’incidence du cancer de la vessie est très faible avant 60 ans).
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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La loi prévoit à ce titre, une surveillance post professionnelle des salariés exposés à des
cancérogènes. Elle consiste, pour les cancérogènes de vessie, en un examen clinique avec une
recherche d’hématurie et une cytologie urinaire tous les deux ans, examens pris en charge par
le Fonds d’Action Sanitaire et Sociale.
Une étude a montré que les fonds alloués à cette surveillance étaient sous-utilisés. Témoin
indirect de l’insuffisance de cette surveillance, le taux de reconnaissance en maladie
professionnelle des cancers de la vessie d’origine professionnelle, qui n’est que de 1 % (<10
cas par an jusqu’en 2003).
3. L’importance du dépistage et ses enjeux
Le pronostic des cancers de la vessie dépend de la précocité de leur diagnostic. 70 % des
tumeurs sont superficielles au diagnostic avec une survie à cinq ans de 80 à 90 %. Plus le
diagnostic est tardif, plus on se trouve face à des tumeurs infiltrantes avec une survie à cinq
ans de 40 à 70 %, d’où l’intérêt d’un dépistage précoce.
Deux outils de dépistage sont actuellement utilisés : la bandelette urinaire (à la recherche
d’une hématurie), qui offre une bonne sensibilité mais qui n’est pas spécifique, et la cytologie
urinaire, très spécifique mais ayant une sensibilité médiocre (<50 %). De nouvelles
techniques, non invasives, ont été mises en évidence : les marqueurs tumoraux (uCyt+TM) qui
présentent une bien meilleure sensibilité (87 à 95 %) et la recherche de mutations génétiques
(FGFR3) dont la sensibilité varie selon les études entre 62 et 86 %.
4. Objectif et méthodologie de l’étude
L’objectif de l’étude est de constituer un groupe de sujets à risque de développer un cancer de
la vessie du fait de leurs expositions professionnelles passées, de réaliser le suivi post
professionnel prévu par la législation et d’évaluer l’intérêt de l’intégration de ces deux
nouvelles techniques (uCyt+TM et FGFR3) dans le protocole de dépistage.
Avec l’expérience de la consultation de pathologie professionnelle du CHU de Rouen, nous
allons nous focaliser sur 250 anciens salariés de deux entreprises de fabrication de colorants
de l’agglomération de Rouen. Une consultation leur sera proposée via un courrier. Nous
procèderons à une reconstitution des expositions professionnelles, un examen clinique et un
recueil d’urine (50 ml d’urine pour la recherche d’hématurie, la cytologie et la réalisation des
tests uCyt+TM et FGFR3). Un suivi sera réalisé tous les deux ans. Avec 250 sujets, nous nous
attendons à dépister 1 à 3 cas de cancer par an.
Nous envisageons d’élargir le recrutement à 1500 sujets dans le Cancéropôle Nord-Ouest, soit
une détection attendue de 8 à 10 cas par an de carcinome vésical, ce qui permettrait de
comparer statistiquement les tests.
Dans ce contexte, un accompagnement médico-psychologique apparaît indispensable eu égard
à l’annonce de la positivité d’un test de dépistage et à l’impact psychologique du dépistage
d’un cancer.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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ETUDE PSYCHOCOGNITIVE DE L’INTERACTION
MEDECIN/PATIENT LORS DE PRESENTATION DE TESTS DE
DEPISTAGE DU CANCER COLORECTAL EN MEDECINE
GENERALE : DE L’EVALUATION DU RISQUE A LA PRISE DE
DECISION
Emilie MARCHAL1, Marie MARTIN1, Agnès SALINAS
1
1. Centre d’Etudes et de Recherche sur les Risques et les Vulnérabilités (CERReV) EA 3918,
Université de Caen Basse-Normandie, Esplanade de la Paix, F-14302 Caen Cedex.
Contacts mail : [email protected]
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[email protected]
Marie MARTIN
En préambule, il faut préciser que notre étude est en cours d’achèvement.
1. Objectif de l’étude
L’objectif final de l’étude est d’augmenter la participation du public visé par un dépistage du
cancer colorectal. De fait, le dépistage de masse n’est efficace qu’à la condition d’une
participation importante. Alors que seuls 40 % des personnes visées y apportent une réponse
favorable, les formats de présentation de la proposition du test de dépistage doivent être
améliorés.
2. Cadre théorique et dispositif expérimental
Au niveau théorique, nous avons pris appui sur trois volets :
•
•
•
l’approche psycholinguistique in extenso ;
l’analyse de la communication verbale ;
l’analyse de la communication non verbale.
Le dispositif expérimental se décompose également en trois phases. En accord avec les
médecins et leurs patients, nous avons filmé les entretiens de proposition du test de
dépistage. Nous avons ensuite étudié les mesures attitudinales concernant l’intention de la
pratique du dépistage, puis établi des grilles d’observation et d’analyse de la communication
entre le patient et son médecin afin de procéder à des analyses psycholinguistiques
quantitatives et qualitatives.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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Caen, le 14 novembre 2008
Emilie MARCHAL
La grille d’observation et d’analyse verbale se décompose en six fonctions de la
communication : informative, phatique, expressive, métacognitive, socioaffective et
sociocognitive (formes d’expressions personnelles). Un dernier élément concerne le feed-back
(positif ou négatif).
Marie MARTIN
La grille d’analyse du système gestuel fait ressortir deux attitudes principales :
•
des gestes phatiques (hochement de tête et contact visuel), qui permettent de réguler le
flux de la parole et le maintien de l’écoute ;
•
des gestes adaptateurs (bras croisés, trituration d’un crayon, frottement de l’oreille, ces
deux derniers traduisant un stress, une anxiété ou une angoisse), qui répondent à un
besoin d’adaptation du sujet à l’environnement sans être en lien direct avec le discours.
3. Premiers résultats
Emilie MARCHAL
Parmi les premiers résultats, il faut souligner l’apparition concomitante des fonctions
informative et socioaffective. Des systèmes de compensation entre patient et médecin peuvent
par ailleurs se mettre en place en ce qui concerne la gestion du stress. Lors d’un stress
envahissant chez l’un des deux sujets, un transfert d’angoisse peut apparaître.
Du côté du médecin, la fonction métacognitive est absente lorsque la fonction informative
domine : plus il semble stressé, plus le don d’information est important. La gestion de
l’entretien se fait alors de façon inconsciente. La fonction métacognitive apparaît quand les
fonctions expressive et phatique dominent : la gestion consciente de l’entretien par le médecin
semble alors être facilitée.
4. Conclusion
Le stress est particulièrement présent dans ces entretiens de proposition du dépistage, ce qui
est un frein à une communication efficace, surtout si l’entretien n’est pas géré de façon
consciente. Nous remarquons que l’une des stratégies de maîtrise du stress des médecins est
de se réfugier dans une communication verticale dans laquelle le don d’informations domine et
le patient a peu de place pour s’exprimer. Pourtant nos analyses montrent que la stratégie la
plus propice à une gestion consciente et efficace de l’entretien semble plutôt être la mise en
place d’une dynamique horizontale de l’entretien, qui laisse une place plus importante au
patient pour exprimer son vécu, ses représentations négatives et ses angoisses, et donne plus
de temps au médecin pour choisir les meilleurs arguments face à l’individualité du patient.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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Marie MARTIN
Nous avons identifié un panel de facteurs perturbateurs et observé que dans l’idéal, le médecin
pourrait détecter les réticences du patient et mieux s’apercevoir des leviers opérationnels
possibles. Nos analyses nous ont permis de poser les jalons d’un guide à l’action, pour mieux
aider le médecin à conduire son entretien favorisant une prise de décision positive du patient.
Axe 5 : « Cancers, Individu et Société »
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3ème journée Cancer et Sciences humaines
Caen, le 14 novembre 2008
Remise des prix pour les trois meilleures
communications
Pierre FORMSTECHER, président du cancéropôle Nord-Ouest, remet le premier prix à
Emilie LEGRAND pour ses travaux sur les recours non conventionnels des patients en phase de
rémission.
Le deuxième prix revient à Emilie MARCHAL et Marie MARTIN pour leur étude psychocognitive
de l’interaction médecin/patient lors de présentation de tests de dépistage du cancer colorectal
en médecine générale.
Enfin, le troisième prix est attribué à Laetitia ROLLIN pour son évaluation de l’intérêt d’une
consultation multidisciplinaire d’aide à la reprise du travail après un cancer.
Pierre FORMSTECHER félicite tous les jeunes chercheurs qui ont présenté leur communication
pour la qualité de leurs recherches.
Conclusion
Guy LAUNOY
Je suis pour ma part extrêmement satisfait de cette journée d’échanges. Le dynamisme
démontré par les jeunes chercheurs dans leur communication est tout à fait encourageant et
nous donne à tous de l’énergie pour développer la recherche dans le domaine du cancer et des
sciences humaines et sociales.
Merci à tous pour votre écoute.
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