Le Mur de l´Atlantique en Aquitaine 1940-1944

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Le Mur de l´Atlantique
en Aquitaine 1940-1944
Peter GAIDA
La France dans l´Europe d´Hitler
La France fut avec la Belgique le seul pays lequel Hitler
aurait vue de ses yeux. L´expérience des tranchées dans
le Nord de la France évacuée et détruite pendant la Première Guerre mondiale marque profondément le jeune
Hitler, alors que la langue et la culture française lui demeurent étrangères. Son image de la France reste dominée par la guerre.
Issue de cette expérience, il développe dans l´entredeux-guerres une idéologie, fixée dans les deux tomes
de son ouvrage « Mein Kampf », qui anticipe tous les
buts de sa future politique : La révision du traité de
Versailles et la conquête de « l´espace vital à l´Est
» pour le peuple allemand. La seule possibilité envisageable pour la reconquête des territoires perdus demeure une nouvelle guerre contre la France. En juin
1920, il écrit dans le premier tome : « (…) même si
nous sommes sans défense, nous ne craignons pas une
guerre contre la France ».
Dans son deuxième tome, il rectifie sa vision de l´avenir
de l´Allemagne. La reconquête de l´Alsace-Lorraine,
qualifiée désormais de « sottise politique », cède à
1
l´idée d´ une « politique d´espace » : la conquête de
nouveaux territoires pour le peuple allemand dans le
monde. La France demeure un « ennemi héréditaire »,
dont il souhaite toujours la destruction, mais son rôle se
transforme d´un but à un moyen afin d´avoir les mains
libres pour une fin plus grande : La conquête de l´Union
soviétique. Bien avant d´accéder au pouvoir, il dessine
ainsi les lignes de sa politique pour deux nouvelles
guerres en Europe.
Avec son accès au pouvoir, Hitler entame la réalisation
de son programme politique guidé par son idéologie. La
conquête de la Tchécoslovaquie et de la Pologne, toutes
les deux alliées de la France, restent nécessaire afin
pouvoir entamer l´attaque contre la France, et une alliance avec l’Italie reste indispensable en vue d´une attaque de la Union soviétique.
Deux évènements mondiaux dirigent Hitler vers une alliance avec l´Italie. En mai 1936, l´Italie de Mussolini
entame la conquête de l´Abyssinie en Afrique. Hitler
soutient cette mainmise italienne sur l’Afrique et obtient en contrepartie l´abandon italien d´une annexion
du Tyrol, territoire revendiqué par Mussolini. Le deuxième évènement, la guerre civile en Espagne, mènent
les deux dictatures vers un premier engagement commun pour soutenir le putsch militaire du général Franco,
2
aboutissant à un « axe Berlin - Rome », alors que la
France et l´Angleterre poursuivent une politique de
non-intervention : La guerre d´Espagne devient ainsi le
prologue de la Deuxième Guerre Mondiale.
Après le rapprochement avec l´Italie, Hitler signe le 23
août 1939 un pacte de non-agression avec Staline. Ainsi, il écarte le danger d´une attaque soviétique pendant
sa guerre à l´Ouest, seule la Pologne reste encore à conquérir pour avoir le « dos libre ». Le 31 août, Hitler
signe sa directive n°1 pour l´attaque de la Pologne et
déclenche ainsi la Seconde Guerre mondiale. Le lendemain commence l´attaque de l´armée allemande contre
la Pologne, et deux jours plus tard, la France et l´Angleterre déclarent la guerre à l´Allemagne. Quatre semaines plus tard seulement, la Pologne vaincue présente
sa capitulation pendant que les armées alliées demeurent dans la défensive à la frontière allemande : C´est la
« drôle de guerre ».
Après dix mois d´attente, les chars allemands percent le
11 mai 1940 les lignes françaises dans les Ardennes et
parviennent en onze jours à traverser le Nord de la
France jusqu´à Calais. Ainsi, le front allié est coupé en
deux. Les six semaines suivantes, la Wehrmacht occupe
plus de la moitié de la France, et le plus grand pouvoir
militaire sur le continent est vaincu. Par la défaite fran3
çaise, Hitler achève son premier but : La révision de la
défaite allemande de 1918 et la destruction de « l´ennemi héréditaire ». La victoire sur la France devient la
« plus grande victoire d´Hitler ».
Ensuite, il se tourne vers l´Angleterre. Puisqu´une entente politique avec l´Angleterre reste inconcevable, Hitler décide sa soumission par un débarquement sur l´île,
l´opération « Otarie ». Cependant, l´autre coté de la
Manche, les avions allemands se heurtent à un système
de défense anglais très efficace qui permet à l´aviation
anglaise de gagner la guerre dans l´air. En décembre
1940, Hitler doit déclarer que la « bataille aérienne de
l´Angleterre » est perdue, et que l´invasion de l´île est
abandonnée.
De ce fait, déjà en 1940, Hitler perd sa première bataille. Il se détourne de l´Angleterre, imbattable dans
une guerre « éclair », et il entame les préparatifs pour sa
deuxième guerre, la conquête de « l´espace vital à
l´Est ». En décembre 1940, il signe sa directive no 21
pour une attaque contre l´Union Soviétique, l´opération
« Barbarossa ». Bien que la menace à l´Ouest ne soit
pas maitrisée, Hitler modifie de ce fait profondément sa
stratégie et prend le risque d´une guerre sur deux fronts.
Pour l´historien allemand E. Jäckel, ce changement
dans sa stratégie fut « la décision la plus lourde de con4
séquences qu´Hitler ait jamais prise. » Finalement, fin
1941, quand la menace d´une invasion alliée se concrétise avec l´entrée en guerre des États-Unis, l´armée allemande construit un important système de défense sur
la côte atlantique, le « mur de l´Atlantique ». Pour sa
réalisation, Hitler délègue les travaux à une nouvelle
organisation civile : « l´Organisation Todt ».
L´Organisation Todt (OT)
En 1938, selon une idée du dictateur allemand, une
nouvelle structure pour les travaux publics est créée
dans le IIIe Reich. Cette organisation, qui porte le nom
de son directeur, l´ingénieur Fritz Todt, se développe
rapidement et devient un outil indispensable pour
l´infrastructure, la défense et la production industrielle
dans « l’Europe d´Hitler ». Plus d´un million volontaires, travailleurs forcés et prisonniers de guerre réalisent pour l´Organisation Todt d’immenses projets, qualifiés par les Alliés le « plus important programme de
construction depuis l´empire romain ».
F. Todt est aviateur pendant la Première guerre mondiale et écrit une thèse sur les « problèmes en matière
de construction des routes en bitume » à l´université de
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Munich. Ensuite, il adhère au parti nazi NSDAP et dirige à partir de 1936 la division technique du parti. Todt
possède de grandes qualités d’organisation et parvient à
enthousiasmer ses collaborateurs. Jusqu´à sa mort mystérieuse dans un accident d´avion en février 1942, il
reste un fidèle adepte d´Hitler. Après la nomination
d´Hitler au poste de chancelier en février 1933, le dictateur annonce un grand projet de construction d´autoroutes et charge F. Todt de sa réalisation, en tant que
nouveau « inspecteur général pour les routes ». A partir
de 1933, plus de 100.000 ouvriers entament la construction de près de 4.000 kilomètres d´autoroutes dans le
Reich. Fin 1938, l´ingénieur Todt est également chargé
de la construction des voies stratégiques. Son organisation construit ainsi les voies pour les « guerres éclairs »
d´Hitler.
En mai 1938, Hitler demande de bâtir en face de la
« ligne Maginot », la défense frontalière française, une
ligne de défense allemande similaire, nommée le « mur
de l´Ouest ». Mais l´ampleur de la tâche dépasse les
pionniers de l´armée, et l´OT, déjà rodée et expérimentée par la construction des routes, est chargée de réaliser
ce projet. Afin de structurer cette organisation civile
d´une façon militaire, un leader nazi, X. Dorsch, est
nommé « délégué spécial pour la gestion militaire » :
De fait, l´organisation Todt se prépare pour la guerre.
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Après la mort de F. Todt, son organisation est intégrée
dans le ministère d´armement du Reich sous la direction
de l´architecte A. Speer. Speer réunit dans ses mains
toute la production de la machine de guerre allemande,
et le nouveau dirigeant transforme l´OT, qui était jusque
là plutôt un relais d´entreprises, en un relais entre
l´armée et l´industrie. A côté de l´armée, elle prend désormais le rôle d´un instrument important pour la guerre
et d´un garant indispensable pour l´exploitation des territoires occupés : Elle devient un pilier étatique de la
dictature nazie en Europe d´Hitler.
Un gigantesque appareil avec plus de 50.000 employés
dirige pendant quatre ans de son siège de Berlin une
armée d´ouvriers. Au début, le personnel se recrute
parmi les Allemands volontaires ou réquisitionnés.
Mais avec la guerre en France commence le recours à
des étrangers, soit attirés par le salaire, soit forcés par
les autorités. Au cours des conquêtes allemandes en Europe, des milliers d´hommes et de femmes, surtout en
Russie, en Pologne et en France deviennent des travailleurs forcés pour le III. Reich. En 1943/44, l´OT emploie environ 1,4 millions de personnes. Pour tous ses
projets, l´OT signe des contrats avec des entreprises allemandes et étrangères. Ces contrats fixent le cadre de
la coopération dans laquelle l´OT se charge de tous les
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coûts. Seuls les salaires restent à la charge de l´entreprise. Comme modèle servait le « contrat de service
franco-allemand » mettant la fixation des prix à la disposition de l´entreprise. La coopération avec l´OT fut
ainsi une bonne affaire.
Déjà en mai 1940, pendant l´attaque contre la France,
on crée une première unité spéciale de l´OT, le « groupe
d´intervention Ouest ». Des ouvriers, sont réunis dans
des « colonnes de travailleurs du front » pour exercer
des tâches normalement effectuées par les pionniers de
l´armée. Le 1er mai 1940, F. Todt s´adresse à ses ouvriers et définit les nouvelles tâches pendant la guerre :
« L´ouvrier du front restera toujours aux côtés du soldat
du front. Ceci sera la devise de l´organisation Todt dans
le combat désormais commencé ».
Pendant la guerre contre la France et pour la première
fois dans l´histoire militaire, un corps d´ingénieurs et
d’ouvriers civils est directement employé dans une bataille. Plus de soixante entreprises et 20.000 ouvriers
suivent, dans des autocars et des camions, l´armée allemande en France. Fin 1941, l´organisation Todt installe
son nouveau fief à Paris, et selon un rapport anglais,
elle dispose en 1945 de 600.000 personnes. Parmi eux,
d’après le témoignage de son directeur X. Dorsch, seuls
24.000 ouvriers sont des Allemands. La majeure partie
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du personnel sont des étrangers, soit volontaires, soit
prisonniers de guerre ou travailleurs forcés. Aux PaysBas, le « groupe Ouest » emploie 60.000 travailleurs
civils, en Belgique, il dispose de 50.000 prisonniers de
guerre.
En France, elle reçoit déjà en été 1940 les premiers prisonniers de guerre, venant du camp de prisonniers de
Besançon. Ensuite, elle dispose de 10.000 Juifs ayant
perdu leur nationalité française et mis à disposition par
le régime de Vichy. Près de Boulogne, l´OT installe
plusieurs camps de travailleurs, recevant également des
Juifs belges, et des entreprises allemandes emploient
plus de 2.000 Juifs pour la construction des fortifications jusqu´en octobre 1942, date de leur déportation à
Auschwitz. Après des négociations avec Vichy,
l´organisation Todt en France reçoit également 6.000
jeunes venant des « chantiers de Jeunesse ». Vichy met
ensuite à sa disposition 14.000 Juifs et Polonais ainsi
que 50.000 ouvriers du ministère des Ponts et Chaussées.
Finalement, l´OT utilise également des prisonniers criminels, et en avril 1944, la centrale de Berlin envoie des
équipes de « mixtes », c´est-à-dire des personnes ayant
des origines juives, pour le travail en France. Avec son
personnel, le groupe d´intervention Ouest bâtit au total
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plus de 16.000 constructions de fortification, onze
blockhaus pour sous-marins ainsi que de nombreux
blockhaus pour des avions, les missiles (V1, V2) et
l’industrie. Rien que dans la France occupée, l´OT
Ouest utilise plus de 16 millions de m3 de béton, un volume qui correspond à celui de 65 centrales nucléaires
modernes.
La France occupée 1940-1944
La France occupait une place particulière en Europe
d´Hitler étant divisée en cinq parties : le Nord fut attaché à la Belgique, l´Est fut attaché au Reich, et une
ligne de démarcation divisait la France en territoire occupée et non-occupée. La zone occupée fut administrée
par l´armée allemande, une partie du Sud-Est fut administrée par l´Italie. Seul le Sud restait jusqu’en novembre 1942 sous contrôle d´un nouveau régime français installé à Vichy.
Avec l´occupation allemande commence l´exploitation
organisée des ressources françaises. Par l´armistice, la
France est chargée d´entretenir l´armée allemande, et le
coût excessif, fixé à 400 millions de francs, aurait suffi
pour l´entretien d´une armée de 18 millions d´hommes.
Au cours de l´occupation, la France a du payer 33 mil10
liards Reichsmark de frais d´occupation, et, dans le
cadre du clearing, elle a accumulé huit milliards
Reichsmark sur des comptes allemands jamais réglés.
Mais, pour l´administration du pays, les militaires allemands dépendent de la coopération des autorités françaises qui sont contrôlées par un nouveau régime installé en zone non occupée à Vichy. Pendant l´attaque
contre la France, le gouvernement se refuge à Bordeaux, et le 22 juin, Maréchal Pétain, nouveau chef d´Etat, signe à Compiègne un armistice avec le vainqueur.
En octobre 1940, il rencontre Hitler à Montoire et il lui
propose sa collaboration par une poigné des mains
symbolique. Le régime de Vichy obtient ainsi en politique étrangère la possibilité d´une collaboration volontaire avec le III. Reich et en politique intérieure la possibilité d´engager une « Révolution nationale ».
Aucun autre pays en Europe d´Hitler a entrepris autant
des reformes radicales que l´Etat français. Bien que des
divers mouvements conservateurs et fascistes se sont
disputés pour la direction politique de la « France nouvelle », l´économie et la société libérale ainsi que le
système parlementaire furent leurs ennemis communs.
Dans l´économie, on remplace le marché libre par une
direction étatique. Les syndicats et les associations des
patrons sont abolis et remplacés par des « comités
11
d´organisation », crées dans tous les secteurs économiques et composés des patrons influents. Le contrôle
de l´économie passe ainsi dans les mains de quelques
industriels et bureaucrates pronazis.
Le régime de Vichy conçoit également le cadre législatif pour l´exploitation de la main d´œuvre les deux cotés
du Rhin. Déjà en juillet 1940 débute les négociations
sur le sort des 1, 6 millions de prisonniers de guerre
dans le Reich. Afin d´obtenir leur retour, le régime se
nomme soi-même leur protecteur et rompre de ce fait
avec la convention de La Hague. Ensuite, elle permet la
déportation des prisonniers étrangers dans le Reich. En
juin 1942, le régime installe la „Relève“, l´échange de
trois ouvriers volontaire contre un prisonnier de guerre.
Mais la « Relève » connaît seulement un faible succès,
et le régime ordonne un service de travail pour toute la
population : En septembre 1942, il ordonne une loi pour
un service de travail de tous les hommes entre 18 et 50
ans, et en février 1943, une loi sur le « Service de travail obligatoire » (STO) obligeant des classes d’âge entières de travailler pour le Reich. Le régime établit ainsi
son propre appareil de réquisition et de déportation qui
épargne les autorités allemandes intervenir par ses
propres moyens.
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Mais le régime de Vichy ne se contente de fournir la
main d´œuvre pour l´Europe d´Hitler, il demande également de contribuer à sa défense. Coté officielle, les
militaires français et allemands négociés à partir de
1940 sur une collaboration dans les colonies. Face à des
victoires anglaises en Afrique de l´Ouest, le régime demande de pouvoir défendre ses colonies contre l´ennemi commun, l´Angleterre. Pendant que les militaires
cherchent à trouver un terrain d´entente, les négociations échouent au refus d´Hitler.
Face à la menace d´un débarquement allié en France, le
régime cherche également à participer au mur de l´Atlantique. Pour Pétain, l´engagement français au mur est
une question de la souveraineté du régime. Avec une
participation française, le régime cherche à démontrer
sa valeur en tant que véritable partenaire, mais la demande française tombe dans les oreilles sourdes du dictateur allemand. Une participation française au mur ne
voit pas le jour, la côte atlantique en France reste en tant
que « territoire militaire interdit » dans les mains allemandes.
Ce « territoire militaire interdit » sur la côte est crée dès
le début de l´occupation, tout au long d´une « ligne côtière interdite ». Large de dix kilomètres, ce territoire
côtière demeure sous le contrôle militaire allemand. Il
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devient d´abord terrain préparatif pour l´invasion de
l´Angleterre : l´armée française doit se retirer, et toutes
les installations militaires sont réquisitionnées par
l´armée allemande.
En hiver 1940 débute les premières réquisitions de la
main d´œuvre locale pour les fortifications côtières.
Dans le Nord, l´armée allemande demande les préfets
de mettre à sa disposition 500 ouvriers par département,
au cas de refus, les ouvriers sont jugés devant un tribunal militaire pour « sabotage de la collaboration francoallemande ». En janvier 1944, le territoire côtier interdit
est élargis jusqu’à 30 kilomètres et nommée « zone de
combat » : l´armée allemande reçoit ainsi le contrôle
totale sur l´homme et le matériel.
Par la suite, 100.000 personnes du département du Nord
sont évacuées, après le débarquement, 200.000 personnes de plus doivent quitter les départements de la
Manche. Face à l´avance des Alliées en France, la
Wehrmacht abandonne son plan initial de déporter cette
population évacuée dans le Reich. A coté de la main
d´œuvre, l´armée allemande procède également à la réquisition du matériel industriel. Bien que les autorités
militaires ordonnent une réglementation pour toutes réquisitions en France, l´organisation Todt entreprend de
propres confiscations sans autorisation officielle. Afin
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d´éviter une perte du matériel, l´industrie du bâtiment fort présent sur la côte atlantique - cherche rapidement
une collaboration avec l´OT. Finalement, le sauvetage
du matériel et le paiement des services deviennent les
préoccupations principales de toute l´économie française.
La collaboration de l´économie française
Par l´occupation de la France, le régime nazi met la
main sur un de plus important pouvoir économique dans
le monde avec une industrie développée, un capital liquide et une main d´œuvre qualifiée. En conséquence,
l´économie française devient pour la machine de guerre
allemande une « perle » dans l´Europe d´Hitler qui contribue la partie majeure des efforts industriels, financiers et sociaux de tous les pays occupés. Avant la défaite, l´industrie française mobilisée pour la guerre travaille à pleine capacité. Après l´armistice, face à des
réquisitions et la fuite de la population, la collaboration
avec le vainqueur demeure le seul moyen d´éviter la catastrophe économique. Vu le succès de la guerre éclair
allemande, les patrons préparent immédiatement leur
position dans le nouvel ordre économique en Europe.
Quant au régime de Vichy, il reste par sa demande des
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contreparties dans l´échange économique francoallemand la « cinquième roue de la carrosse ».
Le début de la collaboration économique est marqué par
le « transfert de commande ». En automne 1940, H. Göring, chargé du plan de quarte ans pour l´économie du
III. Reich, demande de transférer les commandes industrielles en pays occupés. Afin de convaincre les industriels français, les autorités allemandes organisent une
foire industrielle en 1941 à Paris avec des produits à fabriquer en France. La foire est un grand succès, environ
80 percent des produits allemands trouvent un fabricant
français.
La France devient par la suite le plus important partenaire commerciale pour le IIIe Reich. D´octobre 1940 à
avril 1944, l´armée allemande fait passer des commandes dans l´ordre de 460 milliards francs à environ
3600 entreprises françaises. Pendant quatre ans, l´industrie d´aviation et d´acier travaillent à 100 percent,
les chantiers navals, l´industrie automobile et du bâtiment travaillent à 80 percent pour l´économie de guerre
allemande. Pendant l´occupation, le France fut « l´établie prolongé » du III. Reich.
Mais l´intérêt allemand à l´économie ne se limite à une
délocalisation de la production, il touche également les
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participations financières en France et en Europe. Pour
les banques françaises et ses actionnaires, la vente des
actions étrangères ou la rentrée du capital allemand est
une bonne affaire assurant à la machine de guerre allemande le contrôle sur les matières premières en Europe
occupées. Parmi des nombreux cas de vente de titres ou
de participations, l´affaire d´une « société allemande
pour la production de pesticides », la DEGESCH AG,
relève encore des questions. Cette sœur du géant chimique IG FARBEN, impliquée dans la production du
gaz « Zyklon B » pour les camps d´extermination,
fonde avec l´entreprise française UGINE une société
mixte afin de produire des pesticides en France. En seulement trois ans, cette nouvelle société franco-allemande, la DURFERRIT-SOFUMI, parvient à tripler
son capital, sans que le besoin de pesticides augmente
essentiellement. Par conséquent, on peut se demander
dans quelle mesure cette entreprise était impliquée dans
la livraison du gaz dans le Reich pour l´holocauste.
Quant à l´industrie du bâtiment, l´OT prend le contrôle
sur la distribution du ciment et devient de ce fait un partenaire incontournable. Cependant jusqu´en 1942, la
collaboration demeure volontaire. L´armée et l´OT emploient d´abord des entreprises allemandes qui euxmêmes cherchent leurs sous-traitants sur place. Seulement à partir du mai 1942, avec la demande des autori17
tés allemandes d´une consultation obligatoire pour toute
construction dépassant les 20.000 francs, l´industrie du
bâtiment entière passe sous le contrôle de l´occupant.
Un bon exemple de la collaboration volontaire est
l´entreprise familiale SAINRAPT & BRICE, la cinquième du pays. Sous la direction de P. Brice, un ingénieur brillant, l´entreprise parvient en quatre ans de
multiplier son capital par treize : Avec un chiffre
d´affaire de 900 millions par la construction de blockhaus pour armes, équipes et carburant, SAINRAPT &
BRICE arrive à gagner environ 280 millions de francs.
Pour cette entreprise, le mur de l´Atlantique est une très
bonne affaire.
Au total, les gains de l´industrie du bâtiment étaient
considérables. Selon une étude de la CGT de 1948, plus
de 153 entreprises ont pu multiplier leur chiffre
d´affaire par rapport à l´avant-guerre par cinquante percent, 85 entreprises l´ont multiplié par 100 percent, et
36 même par 200 percent. Le volume de tous les travaux français au mur de l´Atlantique est estimé à 16
milliards de francs.
Quant aux ouvriers, ils se dirigent vers les chantiers sur
la côte afin d´éviter la déportation vers le Reich par le
STO. Fin 1944, l´industrie du bâtiment emploie un tiers
de la population travaillant pour l´occupant.1[8] En cas
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de manque, le « délégué pour la main d´œuvre » se
chargeait de livrer les travailleurs forcés nécessaires.
Dans une lettre à Hitler, F. Sauckel se vante d´avoir livré à l´OT « sans cesse de la main d´œuvre nouvelle
afin de garantir la construction du mur de l´Atlantique. » Selon l´historien économique Alain Milward, le
mur fut le « plus grand projet de construction de l´économie nationale pendant l´occupation. » Rien qu´en
1943/44, le Reich transfère 18 milliards de francs à
l´OT et 14 milliards à la marine afin de payer les entreprises chargées avec sa construction. De l´argent public
est ainsi transféré par les frais d´occupation sur des
comptes privés des entrepreneurs. En fin compte, la société française a financé la construction du mur, pendant l´industrie du bâtiment a pu s´enrichir par une
étroite collaboration avec l´OT dans la construction de
la « forteresse Europe ».
La "forteresse "Europe"
Après l´expérience de la guerre des tranchées pendant la
Première Guerre moniale, on construit en Europe dans
les années trente des nombreuses lignes de défense.
Aux Pays-Bas, on construit la « forteresse Hollande »,
en France, on bâti toute au longue de la frontière allemande la « ligne Maginot ». Quant aux fortifications
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allemandes, Hitler lui-même est personnellement impliqué dans leurs planifications. Déjà en 1938, il rédige
une note avec des plans détaillés pour des blockhaus : le
« mur de l´Ouest » et le « mur de l´Atlantique » sont ses
idées.
Début 1938, le IIIe Reich entame la construction du
« mur de l´Ouest ». En mai, Hitler ordonne à Todt de
bâtir une ligne de fortification allemande face à la
« ligne Maginot ». Plus de 23.000 bunkers doivent assurer qu´une attaque française n´a pas lieu quand la Wehrmacht occupe la Tchécoslovaquie. En septembre 1938,
la première partie est achevée, et Hitler annonce fièrement la mise en service de 14 000 bunkers, soi-disant
pour la protection de la paix : « J´ai entrepris le plus
grand effort de tous les temps afin de servir à la paix. »
La construction du « mur de l´Ouest » engendre un perfectionnement dans la construction militaire. En deux
ans, les pionniers de la Wehrmacht réalisent plusieurs
séries de modèles de blockhaus standardisés, les « Regelbauten », permettant un calcul d´avance du matériel
et une construction rapide sans soucis du terrain. Par ces
modèles, l´emploi de l´organisation Todt avec ses ingénieurs et ouvriers civils pour la construction de
blockhaus devient désormais réalisable et efficace. Par
cette évolution, les « Regelbauten » servent comme
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modèle pour toutes les fortifications allemandes pendant la Deuxième guerre mondiale. Après l´occupation
de la zone libre en France, on bâti sur la côte d´Azur le
« Südwall » ; en Russie, on entame en été 1943 la construction du « Ostwall » ; en Italie, on commence en juin
1943 la « ligne de Got-hes ». Mais la plus grande ligne
de défense devient le nouveau mur à l´Ouest, le « mur
de l´Atlantique ».
En décembre 1941, Hitler réalise que les côtes atlantiques de son empire sont menacées, et il ordonne la
création d´une ligne de fortification en Norvège, aux
Pays-Bas, en Belgique et en France. A ses généraux, assez sceptiques à son idée, il avoue dans une conférence : « Je ne peux plus dormir une seule nuit tranquille quand je pense que les Américaines et Anglais
débarqueront en France (…) Je me fixerais en France
comme le chancre. ».
Malgré un effort gigantesque, l´OT ne parvient à réaliser le si nommé « programme de 15.000 blockhaus »
jusqu´en mai 1943. Bien qu´elle coule 600.000 m 3 par
mois - un volume qui corresponde à deux centres nucléaires modernes -, elle achève jusqu´en printemps
1944 seulement 40 percent du programme des blockhaus prévus pour le mur. La vision gigantesque d´Hitler
reste impossible en si peu de temps. En novembre 1943,
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Hitler demande son meilleur soldat, le Maréchal E.
Rommel, de forcer les travaux. Le nouveau « inspecteur
pour les fortifications à l´Ouest », conscient d´un éventuel débarquement en Normandie, modifie avec beaucoup d´engagement le programme et entame la fortification des plages par l´installation de plus d´un million
d´obstacles. La « chaine de perles en béton » prend enfin la forme d´une ligne de défense.
Le jour du plus grand débarquement dans l´histoire militaire, l´opération « Overlord », les Alliées doivent
faire face - malgré toutes les difficultés allemandes - à
la plus grande ligne de fortifications dans l´histoire depuis le Limes romain. Début 1944, le mur de
l´Atlantique est équipé avec 3.000 canons d´artillerie
lourde et 2.000 canons antichars dans 8.000 bunkers
achevés, pour lesquels on à coulé dix millions m3 de
béton, un volume correspondant à 40 centres nucléaires
modernes.
Cependant, le mur d´Hitler reste vivement critiqué par
ses propres généraux. Les chefs de la Wehrmacht voient
très vite qu´il reste impossible de combler un manque
d´hommes par des fortifications. Par exemple, le général de la 15ième armée en France note en octobre 1943 :
« Le mur de l´Atlantique n´est pas un « mur », mais
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plutôt une mince ligne souvent interrompue, avec
quelques points plus stables. »
Quant à la tactique, elle reste mal conçue par les deux
responsables du mur, le Maréchal E. Rommel le et le
général Rundstedt. Rommel préconise une ligne fixe
avec le soutien des chars sur la plage, pendant que
Rundstedt insiste sur une tactique souple avec des chars
dans l´arrière-pays. En fin compte, cette « controverse
de chars » paralyse la défense allemande même après
l´invasion alliée. De plus, l´armement du mur demeure
inapproprié. Le mur reçoit plus de cent types de canons
différents, et l´approvisionnement en munition se révèle
difficile. Quant à canons, la majorité est inadéquate
pour une défense contre des navires. Parmi 2.000 canons de l´armée de terre, seul 39 disposent d´une munition capable de percer un navire blindé, et seul la moitié
est capable de toucher en grande distance. Coté armement, le mur demeure un « requin sans dents ».
Le manque de chars et l´armement inapproprié rendent
une véritable défense impossible pour l´infanterie allemande sur la côte normande. Face à la supériorité des
Alliées, fort de 600 navires et de 12.000 avions, elle ne
peut ni éviter ni retarder le débarquement allié. Après
un jour de durs combats, les Alliées percent le 7 juin
1944 le mur de l´Atlantique en Normandie, et la « forte23
resse Europe » est prise d´assaut. Le soi-disant « imprenable rempart » se révèle le plus grand factice de la
guerre.
Les quatre mois suivants, les Alliées libèrent toute la
France, seul quelques unités allemandes restent isolées
dans des « forteresses » et défendent encore des ports et
les estuaires de la façade atlantique. De ce fait, malgré
la fin des hostilités en France, la guerre sur le mur de
l´Atlantique en Bretagne, en Charente et en Aquitaine
continue jusqu´à la capitulation du IIIe Reich en mai
1945.
Aquitaine sous l´occupation allemande
Durant l´Occupation, la région d´Aquitaine fut par sa
frontière avec l´Espagne un avant-poste stratégique
pour l´Europe d´Hitler. Cependant, les côtes aquitaines
ne sont conquises par Hitler mais échangées contre le
Massif Central et la vallée de la Loire pendant les négociations pour l´armistice. Hitler agrandi ainsi la France
« libre » et occupe en contrepartie pacifiquement les
côtes du Sud-ouest. Déjà en juin 1940, l´armée allemande avance jusqu´à la frontière espagnole, fin 1940,
24
des unités importantes sont envoyées en pays basque
pour les préparatifs de l´opération « Félix ».
Afin de priver l´Angleterre de sa base à Gibraltar et de
verrouiller la Méditerranée, Hitler prévoit d´occuper l´
Espagne. Le 23 octobre, Hitler rencontre le dictateur
espagnol à Hendaye pour le convaincre d´entrer en
guerre contre l´Angleterre mais Franco refuse une participation espagnole à la guerre d´Hitler, et l´opération
« Félix » est finalement abandonnée.
Pour l´administration de la région, le commandant militaire pour la France (MBF) installe en septembre 1940
le nouveau district « Bordeaux », comprenant les départements Basses-Pyrénées, Landes, Gironde, Charente et
Charente Intérieure. Son siège est installé à Bordeaux,
les grandes villes reçoivent des commandants locaux.
En tant que district autonome, il existe seulement
quinze mois : en janvier 1942, il est attaché au district
militaire « Nord-Ouest ».
Avec l´occupation par l´armée allemande, l´Aquitaine
fut également lieu de combat. En août 1940, les Alliées
bombardent la base sous-marine de Bordeaux, provoquant la mort de 250 civils. A partir de novembre 1943,
ils bombardent également en tout 43 fois la base aérienne près de Bordeaux. La population de la région su25
bit ainsi la tactique des Alliées, qui en fin compte cherchait à les libérer de l´occupation allemande.
La région connait également une forte migration. Les
Pyrénées deviennent pour beaucoup de poursuivis la
dernière sortie de l´Europe d´Hitler. Mais la frontière
espagnole est particulièrement surveillée par 2.000
douaniers bavarois qui deviennent par leur expérience
montagnarde un grand obstacle pour une fuite de l´autre
coté de la montage vers l´Espagne ou le Portugal. Pendant quatre ans, de milliers de Résistants, de communistes et des Juifs tentent de quitter l´Europe d´Hitler
par les Pyrénées, mais parmi les environ 120000 tentatives de traverser les colles, seul un tiers parvient de
passer la frontière. La plupart d´eux est soit arrêté par
les douaniers allemands ou espagnols, soit mort dans la
montage, environ cent personnes meurent dans des
camps d´internement espagnols. Pour le contrôle de la
frontière, le régime de Franco, le nouvel Etat français et
l´occupant collaborent étroitement.
L´administration régionale collabore également en matière de main d´œuvre. Le département Gironde se révèle un modèle pour le départ des ouvriers dans le
Reich dans le cadre de la « Relève » et du STO : en
tout, plus de 10000 hommes et femmes de la Gironde
partent pour le Reich. Quant à l´organisation Todt sur
26
place, elle reçoit 8000 ouvriers pour ses chantiers. Dans
le département de Landes, la « Relève » connait un
moindre succès. Jusqu´en juin 1942, seul 239 hommes
se présentent pour le départ volontiers, mais après
l´institution du STO, 6.000 partent dans le Reich, et 756
ouvriers travaillent sur place pour l´OT. En pays
basque, 650 ouvriers partent volontairement en Allemagne, et 3000 personnes sont forcées de quitter le pays
par le STO. L´OT, fort présente dans le port de
Bayonne, reçoit 1.300 hommes, et une centaine
d´ouvriers construit également une « deuxième ligne »
dans l´arrière-pays. Afin de forcer les réquisitions, les
autorités allemandes ordonnent une pénalité de mille
francs à toute personne n´ayant pas suivie la réquisition.
Malgré la menace, la plupart d´hommes préfèrent se cacher dans des fermes ou dans la forêt des Landes, en
pays basque, la résistance crée même un groupe « antidéportation ».
Le département des Landes est également très tôt un
foyer pour la résistance. Fin 1940, les premiers cercles
établissent des imprimeries illégales, et en juillet 1942,
un groupe nommé « organisation civile et militaire »
(OCM) compte 360 membres. Ces activités débutent
par la distribution des tracts et par l´organisation des
évasions à travers la frontière. En novembre 1942, fourni en armes et explosives par parachutage, ils entre27
prennent en coopération avec des commandos anglais
des actes de sabotage contre les voies ferrées et commettent des attentats contre l´occupant. Quant au mur
de l´Atlantique dans la région, il fut également la cible
d´espionnage. Deux étudiants en médecine, en permission de rentrer en zone côtière, rassemblent pendant
deux ans des renseignements sur les blockhaus sur le
bord de l´estuaire de la Gironde, transmises ensuite aux
Alliées. Leur hôpital St. André à Bordeaux se développe par la suite en lieu de résistance, abritant également des Juifs, des pilotes anglais et des évadés. La détermination d´une profession contribue à la connaissance alliée du mur en Aquitaine.
Bordeaux, ville stratégique du IIIe Reich
Le 16 juin 1940, le conseil des ministres décide de proposer à l´Allemagne un armistice, et Maréchal Pétain
est chargé de constituer un nouveau gouvernement. En
conséquence, une partie du gouvernement part de Bordeaux avec le paquebot Masilia vers les colonies, et un
secrétaire d´Etat, le général Ch. de Gaulle, quitte la ville
par avion pour Londres. A Bordeaux, la IIIe République
se divise en adversaire et sympathisant de l´armistice, et
la ville devient le lieu de naissance de la politique col28
laborationniste. Quand les troupes allemandes entrent
dans la ville, ils assistent à un spectacle surprenant : le
préfet offre des fleurs au commandant allemand, et le
maire organise un banquet à la mairie. Dès le départ, la
collaboration est très étroite : avant que le régime ordonne l´internement des « ennemis du régime » en septembre 1940, la police de Bordeaux procède à l´internement de personnes suspectes. La politique et l´administration régionale acceptent volontairement la collaboration avec l´occupant.
En juin 1942, la direction de police de Bordeaux connait un changement décisif : M. Papon devient le nouveau préfet de police. Chargé en juillet 1942 de la déportation des Juifs, il organise leur départ par la gare de
Bordeaux ou ils se retrouvent dans des catacombes sous
la gare, récemment redue publique par la SNCF. La déportation des Juifs girondins par M. Papon échappe de
telle sorte aux habitants, et les trous de balle dans les
catacombes indiquent des premières exécutions. De
1.600 Juifs déportés de Bordeaux à Auschwitz, uniquement trente survivent l’holocauste.
Papon démontre sa hâte de servir à l´occupant également dans la liquidation des biens juifs. Selon un de ses
rapports non daté à la police allemande, il rapporte que
le nouveau « commissariat pour des questions juives » a
29
procédé à « l´aryanisation » des près de mille entreprises et terrains juives. La plupart des biens est vendue
avant que le régime confirme officiellement les confiscations. Quant aux autorités allemandes, ils se contentent d´un rapport mensuel. Face à la dépossession systématique des Juifs par les autorités françaises, il convient de supposer qu´ils étaient vraisemblablement au
courant leur sort.
Autre que la déportation et la dépossession des Juifs, les
autorités locales rendent également service pour les réquisitions dans le Reich. Assisté par une presse publiant
des articles enthousiastes pour le travail en Allemagne,
jusqu´en janvier 1943, 10.000 ouvriers partent volontairement dans le cadre de la « Relève » pour le travail en
Allemagne. Avec l´introduction du STO, la police de
Bordeaux crée même une unité spéciale pour la chasse
aux réfractaires, la si nommée « brigade des oisifs ». En
août 1943, Vichy félicite la ville pour ses efforts : « En
ce qui concerne les résultats déjà acquis par les opérations pour la Relève, la région de Bordeaux se situe
parmi les trois meilleurs. » La région de Bordeaux évolue ainsi en pilier du travail forcé pour le III. Reich.
A coté d´une administration efficace, la ville dispose
aussi d´un de plus important port en France, fort intéressant pour l´occupant. Le port de Bordeaux compte
30
avant la guerre parmi le plus grand, avec le passage de
3.000 bateaux par ans transportant en 1938 un million
tonnes de charbon et d´huile. Le port bordelais évolue
pendant la guerre en un lieu stratégique : Il devient le
port d´attache pour le commerce avec les alliées allemands, l´Espagne et le Japon. La marine allemande organise des nombreux allers-retours des navires commerciaux, amenant des métaux du Japon dans la ville,
transférés ensuite sur les rails vers le Reich. Dans trois
ans, les bateaux nommés « forceurs du blocus », transportent au total 217.000 tonnes de marchandises entre le
Japon et Bordeaux. Le port de Bordeaux sert ainsi au
III. Reich de s´approvisionner avec des matières indispensables pour l´économie de guerre.
Autre que le port, Bordeaux possède également des
grands vins, vite convoités par l´occupant. Dès juin
1940, un jeune commerçant de Brême, H. Boemers, débarque à Bordeaux et organise pendant quatre ans en
tant que « délégué pour l´import » la vente des vins
bordelais vers le Reich. Par Boemers, les négociants
bordelais disposent d´un moyen confortable pour la
vente dans le Reich, et le paiement s´effectue discrètement par des banques américaines Entre 1942 et 1943,
le jeune négociant allemand vende un million hectolitres vers le Reich, voire sept percent de l´export français de 15 millions hectolitres au total
31
Quant aux ressources humaines, en septembre 1942 débute la réquisition de la main d´ouvre par la ville vue le
maigre résultat de la « Relève » avec seulement 725 volontiers. Le préfet envoie des nombreuses listes aux
maires, et jusqu´en avril 1943, 4.000 hommes se présentent dans le bureau de l´OT. Les critères du choix
restent obscurs, la plupart des réquisitionnés sont des
employés sans expérience dans le bâtiment. L´OT évolue ainsi en plus grand employeur de la ville : en juin
1944, 31.000 ouvriers travaillent pour l´OT, 15.000
pour la marine allemande et l´armée de l´Air. Au total,
100.000 personnes travaillent dans la région de Bordeaux pour l´occupant. Afin de protéger la base marine
et aérienne, la ville, faisant partie du mur de l´Atlantique, est fortifiée par vingt points d´appui sur les
grands axes. Jusqu´en juin 1944, l´OT construit plus de
70 blockhaus à Bordeaux et dans ses environs.
En juillet 1944, le port de la ville est aussi la cible d´un
étonnant acte de sabotage. Un mois après l´invasion alliée en Normandie, les troupes allemandes à Bordeaux
reçoivent l´ordre de quitter la ville. Afin de d´empêcher
un débarquement allié à Bordeaux, le commandant est
sollicité de détruire le port et les quais engendrant la
mort de la population dans les environs. Cependant, le
plan est déjoué par un jeune allemand, H. Stahlschmidt,
32
officier de la Wehrmacht. Etant responsable pour le
bunker avec les amorces nécessaires pour la destruction
des quais, ce jeune soldat, ayant des bonnes relations
avec des Français, décide de les faire exploser afin de
rendre une destruction de la ville impossible. Questionné sur ses raisons, il déclare après la guerre : « La conscience est plus importante que la discipline. ».Le 27
août 1944, l´armée allemande quitte la ville restée sans
dommage. Afin d´empêcher un débarquement éventuel,
l´occupant détruit quand même quelques installations
portuaires, et la Gironde est rendue innavigable par plus
des deux cents navires coulés. Après la guerre, des travaux importants sont nécessaires pour dégager le fleuve, et jusqu´à présent, quelques épaves demeurent toujours dans la Gironde.
La base sous-marine de Bordeaux
La guerre allemande contre la France est autant le début
des hostilités sur terre que le départ d´une guerre maritime dans l´océan Atlantique. Pendant six ans, les Alliées se livrent à une bataille acharnée avec des sousmarins allemands stationnés dans les ports en France.
Afin de protéger « l´arme sous-marins » des bombardements alliés, l´OT construit dans un douzain de ports
des gigantesques blockhaus et réalise de ce fait un de
33
plus grand programme de construction de toute la
guerre. L´emploi allemand des sous-marins connait au
début de la guerre maritime des succès spectaculaires :
jusqu´en décembre 1940, la connaissance du code de
communication britannique et la tactique d´une attaque
« en meute » permettent aux sous-marins allemands de
détruire cinq cents navires de commerce anglais. Leur
succès provoquent une crise dans l´approvisionnement
de l´Angleterre, les importations diminuent de dix, les
livraisons en huile même de cinquante percent.
En en mars 1941, les Alliées parviennent de reverser la
situation. Ils capturent un sous-marin abandonné par
l´équipage et trouvent à l´intérieur une machine à déchiffrer le code de communication allemand. Dès mai
1941, le service de renseignements britannique est capable de décrypter les ordres radiodiffusés de la marine
allemande et de connaitre les positions des sous-marins.
La perte d´une machine à déchiffrer, tombée dans les
mains des Alliées, décide la guerre maritime dans
l´Atlantique. Un autre coup fatal devient la chasse des
Alliées aux ravitailleurs allemands, les « vaches à lait »
fournissant aux sous-marins en mer le carburant nécessaire. Leur perte détruit d´un coup le système d´approvisionnement de la marine allemande. Jusqu´à fin 1943,
elle plus de la moitié de ses quatre cents sous-marins.
Avec la fin de la flotte des sous-marins allemands, le
34
III. Reich perd le prologue de l´invasion alliée sur le
continent européen, la « bataille maritime dans
l´Atlantique ».
Cependant, pendant quatre ans, la marine allemande
dispose par l´occupation de la côte française de nouveaux ports évitant aux sous-marins des longs retours
vers les ports du Reich. Pour K. Dönitz, commandant de
la marine allemande, les ports français sont d´une
grande importance stratégique. Déjà avant la signature
de l´armistice, l´OT commence à bâtir la première base
marine à Lorient, d´autres bases sont construites à
Brest, St. Nazaire, La Pallice et Bordeaux. Pour les
bases sous-marines, on coule près de quatre millions m3
de béton au cours de quatre ans. Chaque blockhaus nécessite 20.000 hommes et 2.000 camions, et la plupart
d´ouvriers et du matériel sont français. L´OT distribue
les chantiers par loterie aux entreprises car l´intérêt est
important et les sommes investies sont tout à fait considérables : chaque base se chiffre à 400 millions de
francs, et les chantiers promettent des profits de 300
percent.
A Bordeaux, après sa mise en service, le bunker abrite
des sous-marins de la 12ième flottille allemande. Elle arrive en octobre 1942 à Bordeaux, composée de 22 sousmarins d´attaque et de 21 sous-marins ravitailleur, les
35
« vaches à lait ». La flottille opère dans l´Atlantique et
dans l´océan Indien ou elle coule au total 104 navires
alliés. Un de ce bateau, la « U 196 », effectue avec 225
jours en mer la plus longue traversée sans escale pendant toute la guerre. Par les ravitailleurs, cette flottille
est d´une grande importance car elle amène le carburant
au front maritime sans que les sous-marins d´attaque
doivent retourner dans les ports. Pour des plus grandes
capacités, la marine allemande transforme plusieurs
sous-marins d´attaque en « vache à lait ». Les travaux
sont effectués par une entreprise allemande établie à
Bordeaux, les chantiers navals BLOHM & VOSS.
Les chantiers navals BLOHM & VOSS d´Hambourg
sont avec la DESCHIMAG AG à Brême le plus grand
constructeur de sous-marins dans le III. Reich. Avec des
nombreux docks et 12.000 ouvriers, l´entreprise est capable de construire 38 bateaux en même temps. A coté
des navires, BLOHM & VOSS construit également des
avions et devient au cours de la guerre un fournisseur
important pour l´armée allemande.
A Bordeaux, la nouvelle base de sous-marins est
d´abord dirigée par l´armée, ensuite, on cherche une entreprise privée pour les travaux de réparation et
d´entretien. Fin 1942, la marine allemande négocie avec
BLOHM & VOSS, déjà présent à La Pallice. En oc36
tobre, l´entreprise est chargée de la direction du chantier
naval, et la marine cède ses installations gratuitement
aux hambourgeois. De plus, la marine à Bordeaux se
charge de tous les besoins : BLOHM & VOSS reçoit
une récompense de 60.000 francs par mois, les salaires,
les impôts et les taxes à l´Etat français sont également
payés par la marine. Pour chaque ouvrier, l´entreprise
perçoit 1.200 francs par jour alors que les salaires perçus demeurent bien inférieurs. Par exemple, un contremaitre allemand reçoit 240 francs, le reste, 960 francs,
demeurent à la disposition de l´entreprise. On peut supposer que l´entreprise ait pu gagner beaucoup d´argent à
Bordeaux.
Le temps de travail est fixé à dix heures par jour, mais il
n´existe que sur le papier. Une note non daté d´un bureau allemand à Paris, responsable pour le chantier navals, révèle que « chez BLOHM & VOSS, un temps de
travail de vingt heures par jour n´est pas rare (…). Les
gens sont crevés et s´effondreront bientôt ». Afin de garantir à la marine une rapide réparation des sous-marins,
l´entreprise ne connait aucune limite. En résultat,
BLOHM & VOSS transforme pendant deux ans neuf
sous-marins d´attaque en ravitailleur. De plus, l´entreprise se charge de l´entretien de tous les navires, et, en
septembre 1943, elle est également responsable pour
l´entretien de l´artillerie sur la côte : BLOHM & VOSS
37
à Bordeaux évolue de ce fait en réparateur du Mur en
Aquitaine.
Les "Espagnols rouges" de l´OT
Après la victoire de Franco dans la guerre civile,
l´Espagne connait un exode des milliers de républicains
et des « brigades internationales » vers la France. Les
deux ans suivants, plus d´un demi million d´hommes,
femmes et enfants fuient devant le régime de Franco
l´autre coté des Pyrénées. Afin d´héberger les réfugiés,
le gouvernement français crée dès le printemps 1939
des nombreux « camps d´accueil », entre autres à Vernet, Rivesaltes, Septfonds et Gurs. Dans cette centaine
de camps, les conditions restent précaires, dépendant
des autorités locales : les réfugiés souffrent de maladies
et de sous-alimentation, les lazarets sont surpeuplés,
dans le camp de Catus, ils se nourrissent même de
l´herbe.
Avec l´occupation et la prise du pouvoir de Pétain, les
réfugiés deviennent la victime d´une persécution, déportation et exploitation systématique par le régime de
Vichy. En février 1941, Pétain rencontre le dictateur espagnol à Montpellier et échange une liste avec 800 personnalités espagnoles à arrêter. Par la suite, l´occupant
38
et la police vichyssoise procèdent à des nombreuses arrestations, et le Président de la République de Catalogne
est livré à Franco et exécuté en Espagne.
Cependant, la majorité des réfugiés espagnols demeure
en France et serve comme main d´œuvre au régime afin
de substituer les hommes français, prisonniers de guerre
dans le Reich. Vichy modifie les camps d´accueil en un
complexe système d´internement pour toute sorte
d´ennemi du régime, comme des étrangers, communistes, francs-maçons, Juifs, et Gitanes. Les gens venus
en France en fuite devant Hitler deviennent maintenant
la victime de la politique antisémite et xénophobe de
régime de Vichy.
Pour leur emploi dans l´économie, Vichy constitue en
septembre 1940 des « groups de travailleurs étrangers »,
les GTE. Environ trois cents groups avec des Espagnols, Juifs et Polonais sont mis à la disposition de
l´économie française. Le ministère de l´Intérieure se
charge de l´organisation et l´armée française garde les
camps. Environ 70.000 Espagnols travaillent pendant
quatre ans dans la zone non occupée dans l´agriculture,
des mines et dans l´industrie pour le régime de Vichy.
A partir de 1941, Vichy met les GTE à la disposition de
l´occupant. L´emploi des Espagnols pour la construc39
tion des bases sous-marines sur la façade atlantique est
une initiative française : avec les réquisitions de la main
d´œuvre française par l´occupant, Vichy propose les
étrangers en espèrent d´épargner ses citoyens. Les Espagnols arrivent ainsi sur les chantiers de l´organisation
Todt et doivent construire les blockhaus à Cherbourg,
Lorient, La Rochelle, St. Nazaire et à Bordeaux.
L´Organisation Todt sépare les Espagnols selon leur attitude politique en deux groupes : les sympathisants du
régime de Franco sont employés dans le transport recevant un salaire et un bon traitement. Souvent, ils viennent volontairement à l´OT afin de fuir les camps.
Quant aux républicains, anarchistes et communistes, les
« Espagnols rouges », ils sont qualifiés travailleurs forcés et exploités gratuitement par l´OT.
En janvier 1943, Hitler se prononce en faveur du
l´emploi des Espagnols dans l´OT, et il demande un bon
traitement des Espagnols. Face à leur attitude politique
contre le fascisme, il ajoute qu´un « bon traitement
idéologique ne peut faire du mal. » Un « bon traitement
idéologique » se traduit pour les troupes chargées de
surveiller les Espagnols par une brutalité au quotidien :
dans les Landes, un group d´Espagnols subit chaque
matin une exécution fictive, ensuite, l´officier allemand
40
avertit que chaque fuite sera punie par dix véritables
exécutions.
De plus, OT crée ses propres camps de travailleurs,
nombreux en Aquitaine. Près de la base sous-marine à
Bordeaux, elle établit le camp « OT-Lindemann », ensuite, on établit trois autres dans les banlieues (Bouscat,
Blanquefort et Floirac). Afin d’héberger les 3.000 ouvriers venus pour la fortification de l´estuaire de la Gironde, on crée quatre camps près de Soulac.
Début 1944, la station balnéaire de Soulac accueille
aussi un camp pour réfractaire du STO. Une centaine
d´hommes est envoyée dans le nouveau camp où ils
dorment dans des baraquements en bois sur la terre battu, après une journée de travail de 12 heures. Le camp
est surnommé « le paradis ». Les travailleurs du camp
« le paradis » viennent tous d´un camp d´internement
français à Mérignac près de Bordeaux.
Les prisonniers de ce camp servent à l´occupant également comme otages. Suite à un ordre d´Hitler, la
Wehrmacht applique le si nommé « code d´otage »,
prévoyant une exécution de cent personnes pour un Allemand tué dans un attentat. Quand en octobre 1941 un
officier allemand est tué à Bordeaux, la Wehrmacht
choisit cent prisonniers du camp français à Mérignac, et
41
le 24 octobre, la moitié d´eux est exécutée dans le camp
allemand près de Souge.
Le camp à Souge sert ensuite jusqu´en août 1944 pour
trente autres exécutions de masse : le 28 juillet 1942, on
exécute 70, le 11 janvier 1944, 20 personnes. Les victimes sont des communistes, des Polonais, des Juifs et
probablement des Espagnols. Au total, l´armée allemande exécute à Souge 330 personnes, dans la région
de Bordeaux, 806 personnes trouvent la mort par le
« code d´otage » d´Hitler. Pendant un certain temps, le
camp à Souge héberge selon un témoignage également
des « Espagnols rouges », employés pour la construction de la base sous-marine à Bordeaux. Le camp est
hautement surveillé par des commandos de l´OT, le
transport vers le chantier est effectué par train. L´alimentation est sommaire, et les gardes manifestent une
brutalité exemplaire : chaque matin, ils réveillent les
prisonniers par des frappes sur les ventres. Dans les
deux ans de leur séjour à Souge, 68 d´entre eux trouvent
la mort dans des conditions jamais éclairées.
La forteresse "Gironde-sud"
Le mur de l´Atlantique sur les côtes aquitaines s´étend
sur 260 kilomètres de l´estuaire de la Gironde par des
42
longues plages sableuses des Landes jusqu´à la côte rocheuse en pays basque. Puisque la côte dispose que de
quelques ports, et l´arrière-pays faisant barrage par des
grands lacs et des forêts, elle n´est que peu fortifiée par
l´armée allemande. Seuls les ports de Bayonne et de St.
Jean-de-Luz, le bassin d´Arcachon et l´estuaire de la
Gironde sont développés en « zone de défense ». Au
début de l´occupation, les travaux de fortification
s´effectuent par des entreprises venues volontaires sur
les chantiers ayant signées des contrats individuels avec
l´OT ou l´armée allemande. Rien qu´à l´estuaire de la
Gironde, une douzaine d´entreprises allemandes, françaises et belges s´installent à Soulac. Mais pour le personnel, l´OT nécessite l´aide des autorités françaises par
STO. Les maires, chargés de trouver des personnes à
réquisitionnés, sont instruit par les préfets de s´adresser
au familles nombreuses et d´indiquer les salaires élevés
de l´OT. De plus, les maires remboursent les frais de
voyage. Les ouvriers sont ainsi appâtés par les salaires dans une période de guerre - pour un engagement chez
l´OT.
Début 1944, dans certains communes, la population
masculine entre 16 et 60 ans travaillent à 90 percent sur
les chantiers du mur. Les équipes se recrutent parmi les
locaux, par exemple à St. Jean-de-Luz, de cinquante Allemands travaillant pour l´OT, un seul reste sur le chan43
tier avec 250 Français. La tache de l´OT se réduit à la
direction, en Gironde, même la comptabilité est dans les
mains des Français.
En août 1944, 15.000 personnes travaillent sur les chantiers du mur. Plus que la moitié sont des étrangers :
8.000 travailleurs forcés espagnols, mille prisonniers de
guerre nord-africains, et un nombre inconnu des soldats
sénégalais. L´autre moitié sont des Français : 2.000 en
pays basque, 4.000 en Gironde et dans les Landes. Au
total, l´OT emploie 35.000 et l´armée 15.000 personnes
en Aquitaine, comptant les entreprises sous-traitantes,
au moins 60.000 ouvriers et prisonniers sont employés
en Aquitaine afin de construire des bunkers pour les
soldats allemands.
Quant aux soldats allemands, ils sont surtout préoccupés par la surveillance des chantiers. Trois divisions
d´infanterie avec des soldats âgés et mal équipés occupent les stations balnéaires, cinq groups d´artillerie sont
chargés de l´artillerie lourdes. Deux autres groups d´artillerie de réserve, équipés avec des chevaux, sont stationnés dans l´arrière-pays. Au total, les gardiens du
mur en Aquitaine se chiffrent à environ 14.000 hommes.
44
Le contact avec l´ennemi se limite pour les troupes allemandes au mur à des nombreux bombardements aériens. En avril 1942, les Alliées décident également un
débarquement sur la côte basque, l´opération « Myrmidon », afin de détruire le port de Bayonne, en contact
commercial avec l´Espagne. Un commando anglais de
3.000 hommes tente le 2 avril de débarquer sur la plage
près de Bayonne, mais les fortes vagues rendent un accotement impossible. En plus, les navires anglais sont
découverts par la garde de côte allemande et se livrent
une courte bataille d´artillerie nocturne sans pertes. Ensuite, opération est abandonnée, et les navires rentent en
Angleterre. Cette « invasion miniature » demeure le
seul accrochage entre Alliés et Allemands sur le mur en
Aquitaine.
Au total, l´organisation Todt construit en Aquitaine une
chaine de positions militaires avec près de 700 blockhaus équipés de plus de 200 canons d´artillerie, en juin
1944, 129 blockhaus sont encore en construction. La
structure du mur se compose de « points d´appuis »,
armés avec des canons lourds, et de « nids de résistance » avec des armes légers. La plupart des « points
d´appuis » se trouvent sur la côte basque, seul les bords
du large estuaire de la Gironde sont transformés en
« forteresses » avec l´ordre personnel d´Hitler de les défendre « jusqu´à la dernière balle ».
45
Dans le Médoc on construit la « forteresse Girondesud ». Les travaux débutent en août 1942. La direction
de l´OT à Bordeaux installe une antenne dans un hôtel à
Soulac, et deux cents hommes de l´OT prennent en
main les chantiers rejoins par des entreprises allemandes, françaises et belges. En deux ans, l´OT construit avec 3.000 ouvriers dans la « forteresse » plus de
cent « points d´appui » et de « nids de résistance » avec
plus de cent d´armes d´artillerie. La forteresse est conçue comme une petite ville. En tout, l´OT bâti 172
blockhaus reliés par un réseau téléphonique et par une
station radio.[12] Pour l´alimentation on entretient une
boulangerie, un abattoir, une usine à pâte et deux
fermes, entretenues par deux compagnies d´agriculture.
Elle héberge également une salle d´opération, un parc
automobile, une armurerie et un laboratoire afin de distiller de l´alcool.
Quant la Wehrmacht quitte la France en juin 1944, environ 4.000 hommes se retirent le 24 août dans la « forteresse Gironde-sud », et, après l´arrivée des Alliées en
septembre 1944 à la frontière du Reich, les nombreuses
forteresses isolées sur la cote atlantique restent des
« poches » allemandes en France.
46
En printemps 1945, les troupes français de libération
décident d´attaquer les « poches sur la façade maritime ». Le 18 avril 1945, les « forces françaises de l´intérieur » (FFI) commencent l´attaque sur la « forteresse
Gironde-sud » : afin de briser la défense sévère des Allemands dans leur forteresse, l´aviation américaine soutient l´attaque par des bombardements avec du napalm.
Après des sévères combats, les troupes françaises avancent vers le centre de la forteresse, et le 19 avril 1945,
les derniers défendeurs allemands de la forteresse se
rendent finalement aux Français. Deux semaines avant
la capitulation de l´Allemagne nazi en mai 1945, la
« poche du Médoc » est prise d´assaut, et l´Aquitaine se
libère de sa propre main de l´occupation allemande.
47
L´Organisation Todt en Europe 1940-1945
48
Forteresses (F) et zones de défense (V) du Mur de l´Atlantique
49
Positions du Mur de l´Atlantique en Aquitaine
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