Le bypass, une option chirurgicale pour traiter l

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MAGAZINE santé
Cette page Magazine santé
est réalisée en collaboration
avec l’Hôpital du Jura et le
Service cantonal de la santé
publique.
Le bypass, une option chirurgicale
pour traiter l’obésité morbide
V KILOS EN TROP L’Hôpital du Jura propose des opérations de chirurgie bariatrique (du grec «baros»
qui signifie poids et «iatros» médecin) visant à soigner les patients atteints d’obésité sévère. Une intervention
efficace à la technique bien rôdée, mais qui n’est pas anodine, tant sur le plan physique que psychologique
L
e bypass, c’est un peu le dernier recours des personnes atteintes d’obésité sévère. Ces
patients sont souvent passés
par de nombreux régimes, tentant par
tous les moyens de perdre du poids,
mais ces diètes mènent souvent à un
effet de «yoyo»: le poids perdu est repris, et même davantage, parce que
ces régimes ne prennent pas en compte la sensation d’appétit ou de satiété.
Or, un tel surpoids est délétère pour la
santé, notamment pour le système
cardiovasculaire, les articulations et,
en tant que facteur de risque, pour le
diabète.
Le bypass gastrique proximal consiste à réduire la taille de l’estomac et à
rappondre l’intestin grêle à cette petite
poche. L’estomac ainsi divisé conserve
un cinquième de son volume originel
pour atteindre la taille d’une tasse à expresso. Ce court-circuit conduit le patient à ressentir très vite la sensation de
satiété, ainsi qu’à réduire les calories
absorbées par l’intestin. Cette opération à l’efficacité reconnue dure une
heure environ et s’effectue par laparoscopie, sous anesthésie générale. Ses
conséquences: la perte de 60 à 70 %
du poids excédentaire.
Une approche globale
de l’obésité
L’obésité est l’un des fléaux de l’époque moderne. Pour la combattre, l’Hô- Après l’opération, il est nécessaire de reprendre une activité physique afin d’éviter de perdre trop de muscle.
pital du Jura a mis sur pied une équipe
On s’assure également que le can- Dr Ralph Peterli qui effectue les opépluridisciplinaire, unique en Suisse ro- multidisciplinaire où chaque cas est
didat est informé des risques ainsi rations tout en formant Cesare Mamande, regroupée dans la «consulta- évalué.»
que des conséquences à vie de l’in- razzi), et même si l’équipe n’est comtion de l’obésité», sur le site de Delétervention. Ces sujets sont abordés posée que de professionnels compémont. Elle se compose d’un médecin La sélection
lors des séances en groupe destinées tents encadrant les patients aussi
diabétologue et endocrinologue, d’une des candidats
Toutes les personnes atteintes à la préparation au bypass. «Une sé- bien avant, pendant, qu’après l’interdiététicienne, d’une spécialiste de l’activité physique, d’une psychologue de d’un surpoids ne sont pas suscepti- lection fine, prenant en compte des vention, les risques demeurent.
Les patients doivent impérativela santé et, bien sûr, d’un chirurgien. bles d’être opérées: leur indice de critères physiques, psychologiques
Lorsqu’un candidat à l’opération se masse corporelle (IMC, calcul pour et motivationnels, est capitale», sou- ment être suivis à vie. Des carences
présente à la consultation – souvent une personne de 92 kg dont la taille ligne le Dr Grimm. Entre la première en micronutriments, tels les sels miune femme âgée de 20 à 40 ans – il est est de 1,68 m: 92/1,68/1,68=32,6 kg/ prise de contact et l’opération, il faut néraux et les vitamines, sont une
conséquence néfaste très fréquente.
reçu par le Dr Jean-Jacques Grimm, en- m2) doit être au-dessus de 35 pour la compter au minimum trois mois.
Ainsi, 24 mois après l’intervention,
docrinologue et responsable du pôle: prise en charge de l’intervention par
98% des patients en souffrent. Pour
«Sont évoqués alors l’histoire du poids l’assurance maladie. Les candidats Peu de risques,
certains d’entre eux, il faudra s’asde la personne, sa situation familiale et doivent aussi avoir subi une prise en mais des conséquences
«Le bypass est une opération bien treindre à la prise quotidienne de 8
sociale, son état de santé, physique et charge nutritionnelle ou d’activité
psychologique, ses activités physiques physique par une personne compé- rôdée, mais il reste un acte chirurgi- comprimés et à subir une injection
et ses habitudes alimentaires. Ensuite, tente durant deux ans. Par ailleurs, cal, avec tous les risques que cela im- trimestrielle pour pallier ce déficit, et
chaque patient sera vu individuelle- les patients qui souffrent de troubles plique», souligne le Dr Cesare Maraz- cela à vie. De plus, 10 à 20 % des opément par la diététicienne, la psycholo- du comportement alimentaire (bou- zi, chirurgien à l’hôpital de Delé- rés souffrent d’un syndrome de
gue et la spécialiste de l’activité physi- limie ou alimentation anarchique) mont. Même si l’Hôpital du Jura dumping (dû au fait que les aliments
que. Le feu vert pour la préparation au doivent traiter ces problèmes avant jouit de la longue expérience du Cla- «tombent» trop vite dans les intesraspital de Bâle (avec la présence du tins, causant nausées, malaises et
bypass est donné à l’issue du colloque d’envisager l’opération.
hypotension) ainsi que de douleurs
abdominales. Des mesures nutritionnelles permettent le plus souvent de venir à bout de ces symptômes.
Les «gros» sont stigmatisés. Ils sont l’objet de moque- du gibier). Au fil des siècles, les Pima sont devenus des
ries et parfois victimes de discrimination, à l’embauche «stockeurs» hors pair… Un atout qui devient une tare lors- Bouleversement
par exemple. Or, l’attitude de la société envers les person- que la nourriture est en abondance toute l’année.
des habitudes
La composante psychologique n’est pas à négliger: des
nes en surpoids est tributaire d’une vision erronée de cetAprès une telle opération, le mode
te maladie – parce que c’en est une – qui implique tout à la études ont montré que nombre de personnes obèses ont de vie est drastiquement changé:
fois des facteurs génétiques, psychologiques et familiaux: subi des maltraitances dans leur enfance. Selon les psy- «Avant, je mangeais trois fois par
«On ne devient pas gros simplement parce qu’on mange chologues, la couche de graisse serait une sorte de protec- jour. Maintenant, je me nourris égatrop», s’agacent en cœur Valérie et les docteurs Grimm et tion vis-à-vis des autres et du monde.
lement à 10 heures et 16 heures», téEnfin, il faut savoir que les personnes appartenant aux moigne Valérie, 37 ans, opérée il y a
Marazzi.
La sélection naturelle a privilégié les sujets capables de couches sociales défavorisées sont plus à même de déve- un an. Elle peut manger de tout,
stocker de la graisse, car pendant des millénaires l’hom- lopper cette maladie: «Les aliments bon marché sont de mais toujours en petite quantité: «Si
me n’a pas vécu dans la période d’abondance actuelle. Un moins bonne qualité nutritive et sont souvent très gras. l’on mange de la raclette, je ne peux
exemple patent: les Pima, une tribu amérindienne d’Ari- De plus, les loisirs et les sports qui permettent de lutter en manger que deux; et deux ou trois
zona dont les membres sont quasiment tous obèses et ce contre la sédentarité (cause première du surpoids) sont bouts de pain si c’est de la fondue.»
depuis l’arrivée des «blancs». La raison? Jadis, l’année se davantage accessibles aux personnes à haut revenu», dé- Des changements d’habitudes qui
découpait en deux: une partie de bombance, et une partie plore l’endocrinologue.
touchent indirectement l’entourage,
AM d’où l’importance de son soutien.
de jeûne (dû aux conditions climatiques et à la migration
L’obésité, une véritable maladie
16 | Mercredi 28 mai 2014 | Le Quotidien Jurassien
PHOTO H-JU
Après l’opération, il est nécessaire
de reprendre une activité physique
afin d’éviter de perdre trop de muscle (lorsqu’on maigrit, on perd de la
graisse, mais aussi du muscle) et
surtout parce qu’une solution si radicale n’a de sens que si elle vise la santé globale du patient, ce à quoi veille
particulièrement l’équipe de la
consultation sur l’obésité. Par ailleurs, la perte de poids peut parfois
nécessiter une opération de chirurgie esthétique afin de retirer la peau
excédentaire, mais, sauf nécessité
médicale, elle n’est pas prise en charge par l’assurance de base.
Une liberté retrouvée
Valérie a perdu 40 kilos depuis
l’opération. «Cette intervention a
changé ma vie, mais je suis
consciente d’avoir eu beaucoup de
chance. Je n’ai eu à subir aucune
conséquence néfaste.» Si c’était à refaire, elle le referait, sans hésiter une
seconde, tant les bénéfices lui semblent grands: «Je peux jouer avec
mes filles sans m’essouffler; j’ai pu
commencer la zumba, ce dont je rêvais; et je ne crains plus de devoir
m’asseoir dans un avion!» Et c’est
non sans enthousiasme que Valérie
évoque son nouveau goût pour le
shopping et la possibilité de porter
des talons hauts…
«Ce que pensent les autres, je ne
m’en suis jamais vraiment occupée,
mais, moi-même, j’avais de la peine
à me regarder dans la glace. A présent, je me sens plus belle, mieux
dans ma peau.» Un plus, certes,
mais qui n’était pas l’objectif premier de Valérie: «L’important pour
moi, c’était avant tout la santé.»
ALAN MONNAT
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