Le bypass, une option chirurgicale pour traiter l

16 | Mercredi 28 mai 2014 | Le Quotidien Jurassien
MAGAZINE santé
Cette page Magazine santé
est réalisée en collaboration
avec l’Hôpital du Jura et le
Service cantonal de la santé
publique.
Lobésité, une véritable maladie
du gibier). Au fil des siècles, les Pima sont devenus des
«stockeurs» hors pair… Un atout qui devient une tare lors-
que la nourriture est en abondance toute l’année.
La composante psychologique n’est pas à négliger: des
études ont montré que nombre de personnes obèses ont
subi des maltraitances dans leur enfance. Selon les psy-
chologues, la couche de graisse serait une sorte de protec-
tion vis-à-vis des autres et du monde.
Enfin, il faut savoir que les personnes appartenant aux
couches sociales défavorisées sont plus à même de déve-
lopper cette maladie: «Les aliments bon marché sont de
moins bonne qualité nutritive et sont souvent très gras.
De plus, les loisirs et les sports qui permettent de lutter
contre la sédentarité (cause première du surpoids) sont
davantage accessibles aux personnes à haut revenu», dé-
plore l’endocrinologue.
AM
Les «gros» sont stigmatisés. Ils sont l’objet de moque-
ries et parfois victimes de discrimination, à l’embauche
par exemple. Or, l’attitude de la société envers les person-
nes en surpoids est tributaire d’une vision erronée de cet-
te maladie parce que c’en est une qui implique tout à la
fois des facteurs génétiques, psychologiques et familiaux:
«On ne devient pas gros simplement parce qu’on mange
trop», s’agacent en cœur Valérie et les docteurs Grimm et
Marazzi.
La sélection naturelle a privilégié les sujets capables de
stocker de la graisse, car pendant des millénaires l’hom-
me n’a pas vécu dans la période d’abondance actuelle. Un
exemple patent: les Pima, une tribu amérindienne d’Ari-
zona dont les membres sont quasiment tous obèses et ce
depuis l’arrivée des «blancs». La raison? Jadis, l’année se
découpait en deux: une partie de bombance, et une partie
de jeûne (dû aux conditions climatiques et à la migration
Le bypass, une option chirurgicale
pour traiter lobésité morbide
V
KILOS EN TROP L’Hôpital du Jura propose des opérations de chirurgie bariatrique (du grec «baros»
qui signifie poids et «iatros» médecin) visant à soigner les patients atteints d’obésité sévère. Une intervention
efficace à la technique bien rôdée, mais qui n’est pas anodine, tant sur le plan physique que psychologique
Après l’opération, il est nécessaire de reprendre une activité physique afin d’éviter de perdre trop de muscle. PHOTO H-JU
Après l’opération, il est nécessaire
de reprendre une activité physique
afin d’éviter de perdre trop de mus-
cle (lorsqu’on maigrit, on perd de la
graisse, mais aussi du muscle) et
surtout parce qu’une solution si radi-
cale n’a de sens que si elle vise la san-
té globale du patient, ce à quoi veille
particulièrement l’équipe de la
consultation sur l’obésité. Par ail-
leurs, la perte de poids peut parfois
nécessiter une opération de chirur-
gie esthétique afin de retirer la peau
excédentaire, mais, sauf nécessité
médicale, elle n’est pas prise en char-
ge par l’assurance de base.
Une liberté retrouvée
Valérie a perdu 40 kilos depuis
l’opération. «Cette intervention a
changé ma vie, mais je suis
consciente d’avoir eu beaucoup de
chance. Je n’ai eu à subir aucune
conséquence néfaste.» Si c’était à re-
faire, elle le referait, sans hésiter une
seconde, tant les bénéfices lui sem-
blent grands: «Je peux jouer avec
mes filles sans m’essouffler; j’ai pu
commencer la zumba, ce dont je rê-
vais; et je ne crains plus de devoir
m’asseoir dans un avion!» Et c’est
non sans enthousiasme que Valérie
évoque son nouveau goût pour le
shopping et la possibilité de porter
des talons hauts…
«Ce que pensent les autres, je ne
m’en suis jamais vraiment occupée,
mais, moi-même, j’avais de la peine
à me regarder dans la glace. A pré-
sent, je me sens plus belle, mieux
dans ma peau.» Un plus, certes,
mais qui n’était pas l’objectif pre-
mier de Valérie: «L’important pour
moi, c’était avant tout la santé.»
ALAN MONNAT
Dr Ralph Peterli qui effectue les opé-
rations tout en formant Cesare Ma-
razzi), et même si l’équipe n’est com-
posée que de professionnels compé-
tents encadrant les patients aussi
bien avant, pendant, qu’après l’inter-
vention, les risques demeurent.
Les patients doivent impérative-
ment être suivis à vie. Des carences
en micronutriments, tels les sels mi-
néraux et les vitamines, sont une
conséquence néfaste très fréquente.
Ainsi, 24 mois après l’intervention,
98% des patients en souffrent. Pour
certains d’entre eux, il faudra s’as-
treindre à la prise quotidienne de 8
comprimés et à subir une injection
trimestrielle pour pallier ce déficit, et
cela à vie. De plus, 10 à 20 % des opé-
rés souffrent d’un syndrome de
dumping (dû au fait que les aliments
«tombent» trop vite dans les intes-
tins, causant nausées, malaises et
hypotension) ainsi que de douleurs
abdominales. Des mesures nutri-
tionnelles permettent le plus sou-
vent de venir à bout de ces symptô-
mes.
Bouleversement
des habitudes
Après une telle opération, le mode
de vie est drastiquement changé:
«Avant, je mangeais trois fois par
jour. Maintenant, je me nourris éga-
lement à 10 heures et 16 heures», té-
moigne Valérie, 37 ans, opérée il y a
un an. Elle peut manger de tout,
mais toujours en petite quantité: «Si
l’on mange de la raclette, je ne peux
en manger que deux; et deux ou trois
bouts de pain si c’est de la fondue.»
Des changements d’habitudes qui
touchent indirectement l’entourage,
d’où l’importance de son soutien.
On s’assure également que le can-
didat est informé des risques ainsi
que des conséquences à vie de l’in-
tervention. Ces sujets sont abordés
lors des séances en groupe destinées
à la préparation au bypass. «Une sé-
lection fine, prenant en compte des
critères physiques, psychologiques
et motivationnels, est capitale», sou-
ligne le Dr Grimm. Entre la première
prise de contact et l’opération, il faut
compter au minimum trois mois.
Peu de risques,
mais des conséquences
«Le bypass est une opération bien
rôdée, mais il reste un acte chirurgi-
cal, avec tous les risques que cela im-
plique», souligne le Dr Cesare Maraz-
zi, chirurgien à l’hôpital de Delé-
mont. Même si l’Hôpital du Jura
jouit de la longue expérience du Cla-
raspital de Bâle (avec la présence du
multidisciplinaire chaque cas est
évalué.»
La sélection
des candidats
Toutes les personnes atteintes
d’un surpoids ne sont pas suscepti-
bles d’être opérées: leur indice de
masse corporelle (IMC, calcul pour
une personne de 92 kg dont la taille
est de 1,68 m: 92/1,68/1,68=32,6 kg/
m2) doit être au-dessus de 35 pour la
prise en charge de l’intervention par
l’assurance maladie. Les candidats
doivent aussi avoir subi une prise en
charge nutritionnelle ou d’activité
physique par une personne compé-
tente durant deux ans. Par ailleurs,
les patients qui souffrent de troubles
du comportement alimentaire (bou-
limie ou alimentation anarchique)
doivent traiter ces problèmes avant
d’envisager l’opération.
Le bypass, c’est un peu le der-
nier recours des personnes at-
teintes d’obésité sévère. Ces
patients sont souvent passés
par de nombreux régimes, tentant par
tous les moyens de perdre du poids,
mais ces diètes mènent souvent à un
effet de «yoyo»: le poids perdu est re-
pris, et même davantage, parce que
ces régimes ne prennent pas en comp-
te la sensation d’appétit ou de satiété.
Or, un tel surpoids est délétère pour la
santé, notamment pour le système
cardiovasculaire, les articulations et,
en tant que facteur de risque, pour le
diabète.
Le bypass gastrique proximal consis-
te à réduire la taille de l’estomac et à
rappondre l’intestin grêle à cette petite
poche. L’estomac ainsi divisé conserve
un cinquième de son volume originel
pour atteindre la taille d’une tasse à ex-
presso. Ce court-circuit conduit le pa-
tient à ressentir très vite la sensation de
satiété, ainsi qu’à réduire les calories
absorbées par l’intestin. Cette opéra-
tion à l’efficacité reconnue dure une
heure environ et s’effectue par laparos-
copie, sous anesthésie générale. Ses
conséquences: la perte de 60 à 70 %
du poids excédentaire.
Une approche globale
de l’obésité
L’obésité est l’un des fléaux de l’épo-
que moderne. Pour la combattre, l’Hô-
pital du Jura a mis sur pied une équipe
pluridisciplinaire, unique en Suisse ro-
mande, regroupée dans la «consulta-
tion de l’obésité», sur le site de Delé-
mont. Elle se compose d’un médecin
diabétologue et endocrinologue, d’une
diététicienne, d’une spécialiste de l’ac-
tivité physique, d’une psychologue de
la santé et, bien sûr, d’un chirurgien.
Lorsqu’un candidat à l’opération se
présente à la consultation – souvent
une femme âgée de 20 à 40 ans il est
reçu par le Dr Jean-Jacques Grimm, en-
docrinologue et responsable du pôle:
«Sont évoqués alors l’histoire du poids
de la personne, sa situation familiale et
sociale, son état de santé, physique et
psychologique, ses activités physiques
et ses habitudes alimentaires. Ensuite,
chaque patient sera vu individuelle-
ment par la diététicienne, la psycholo-
gue et la spécialiste de l’activité physi-
que. Le feu vert pour la préparation au
bypass est donné à l’issue du colloque
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