au quotidien
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novembre/décembre 2011 n° 61 Transversal
par Kheira Bettayeb
Comment bien équilibrer
son diabète ?
Si la plupart des personnes séropositives et diabétiques surveillent leur infection par
le VIH, seule une minorité d’entre elles a un diabète équilibré. Or contrôler son diabète
est vital, d’autant qu’il existe des traitements efficaces. Précisions.
L
a majorité des personnes vivant avec le VIH (PVVIH)
et diabétiques ne contrôlent pas leur diabète : tel est
le constat alarmant fait par Caroline Henry et ses
collègues du CHU de Grenoble lors d’une étude publiée
en août dernier. Les chercheurs ont suivi 748 PVVIH dont
29 diabétiques. Et ils ont observé un diabète équilibré
chez seulement 22 % d’entre elles, alors que 93 % ont un
bon contrôle du VIH. La raison est que beaucoup pensent
que cette maladie liée à un excès de sucre dans le sang
est moins grave que le VIH. « L’infection par le VIH et le
diabète sont perçus comme des maladies potentiellement
létales par 96 % versus 71 % des patients », précisent les
auteurs. Pourtant, les PVVIH sont fréquemment atteintes
du diabète de type 2 (DT2), dit aussi « diabète de l’adulte »
ou « acquis », contrairement au diabète de type 1, dit
« de l’enfant » et dû à une prédisposition génétique. En
effet, le risque pour une personne séropositive de déve-
lopper un DP2 est multiplié par 4 comparé à la popula-
tion générale (dont 5 % souffrent de diabète). Au bout de
trois ans de trithérapies, 5 % à 10 % des patients sont
connus comme diabétiques, mais d’autres l’ignorent. Et
les médecins craignent une explosion du nombre de cas
dans le futur. Certes, surveiller à la fois son infection par
VIH et son diabète est une double contrainte. Mais comme
le risque est également double, cela en vaut vraiment la
peine. « Ce serait dommage de bien traiter le VIH et de
subir, au final, les complications du diabète, souligne
Patrick Vexiau, chef du service de diabétologie à l’hôpital
Saint-Louis (Paris) et secrétaire général de l’Association
française des diabétiques. Il est crucial que chacun se
prenne en charge dès le début. »
Quels sont les risques ? Si l’hyperglycémie (fort taux de
sucre dans le sang) n’est pas contrôlée, elle peut conduire
avec le temps à des atteintes graves de l’œil, du rein, des
nerfs et des artères. Selon l’OMS, « plus de 50 % des
diabétiques meurent d’une maladie cardio-vasculaire ».
Or une mauvaise observance du traitement du diabète
augmente le risque de voir survenir ces complications.
De plus, si les diabétiques non infectés par le VIH déve-
loppent ces complications « seulement » au bout d’une
dizaine d’années, ce risque est accéléré chez les diabé-
tiques séropositifs. Car les PVVIH vieillissent plus vite que
la population générale. Or le vieillissement est un facteur
qui augmente ce risque de complications.
Quelles sont les causes ? Le risque accru de diabète est dû
à plusieurs facteurs liés à l’infection par le VIH elle-même :
les anomalies de la répartition des graisses (lipodystro-
phies), qui fondent au niveau du visage, des fesses et
des membres (lipoatrophies) ou s’accumulent au niveau
du ventre, des seins, du cou, etc. (lipohypertrophies) ; la
présence d’autres maladies comme l’hépatite C et cer-
tains traitements antirétroviraux (lire encadré ci-contre).
Ces facteurs induisent une insulinorésistance pouvant
aboutir à un diabète (lire encadré p. 34). De façon directe
ou indirecte et via des mécanismes non complètement
élucidés à ce jour. Concernant les antirétroviraux, « on
pense qu’ils induisent l’insulinorésistance en perturbant
le fonctionnement des compartiments cellulaires produi-
sant de l’énergie, les “mitochondries”. On pense qu’ils
détruisent également les cellules “bêta” du pancréas,
Quels sont les antirétroviraux à risque ?
Certains inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase
inverse (AZT, d4T, ddI) et les inhibiteurs de protéases
(sauf l’atazanavir).
Selon une étude suisse réalisée sur 6 513 personnes
vivant avec le VIH, l’exposition aux médicaments
suivants comporte un risque accru de diabète :
•indinavir(Crixivan®, inhibiteur de protéase) :
deux fois plus de risque ;
•d4Tencombinaisonavecle3TC(lamivudine,
Epivir®) : trois fois plus de risque ;
•d4TencombinaisonavecleddI(didanosine,
Videx®) : trois fois plus de risque ;
•ddIetténofovir(Viread®) : quatre fois plus de risque.
au quotidien
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par Kheira Bettayeb
qui secrètent l’insuline », précise Patrick Vexiau. Outre
les causes spécifiques aux PVVIH, des facteurs de risque
communs à la population générale entrent aussi en jeu :
l’âge, le surpoids et l’obésité, le sexe masculin et une
prédisposition familiale.
Comment prévenir ? En se faisant dépister et en luttant
contre les facteurs de risque. « Le dépistage annuel est
très important, souligne David Zucman, infectiologue à
l’hôpital Foch (Suresnes). Il faut s’inquiéter dès que la
glycémie à jeun atteint 1 g/L, et non 1,26 g/L, quand le
diabète est déjà là. Plus on s’en occupe tôt, plus c’est
réversible. » En cas de « prédiabète » ou de « syndrome
métabolique », il faut absolument arrêter le tabac et sur-
veiller son alimentation avec un(e) diététicien(ne). Avant
tout, diminuer les apports en graisse (fromage, charcu-
terie, beurre,…), aliments beaucoup plus caloriques que
les sucres lents (féculents, pain). « Abaisser ses apports
caloriques permet de lutter contre la graisse au niveau
du ventre et améliore la sensibilité à l’insuline », explique
David Zucman. Il faut pratiquer une activité sportive. « Son
bénéfice a pu être démontré chez les patients séroposi-
tifs », indique le rapport Yeni 2010. « Le sport stimule la
consommation de sucre par les muscles sollicités et aug-
mente la sensibilité de l’organisme à l’insuline », précise
David Zucman. Enfin, les antirétroviraux à risque peuvent
être remplacés par d’autres (comme l’atazanavir).
Définition du DT2
Le diabète de type 2 (DT2) est une maladie chro-
nique survenant lorsque l’organisme ne secrète
pas assez d’insuline et est moins sensible à l’ac-
tion de cette hormone. Normalement, cette molé-
cule fabriquée par le pancréas favorise l’entrée
du glucose (un sucre) dans les cellules et abaisse
ainsi le taux de sucre dans le sang (glycémie).
Mais dans le cas du DT2, cette insuline dysfonc-
tionne : « Plusieurs facteurs spécifiques ou non à
l’infection par le VIH peuvent induire une insu-
linorésistance, c’est-à-dire que l’insuline peine
à faire entrer le sucre dans les cellules, précise
David Zucman. La sécrétion d’insuline va alors
augmenter pour essayer de “forcer” l’entrée du
sucre dans les cellules afin de maintenir une gly-
cémie normale. Mais, à la longue, cette mesure
ne suffit plus, le pancréas s’épuise, la sécrétion
d’insuline chute et le sucre s’accumule dans
le sang (hyperglycémie). Lorsque la glycémie
atteint ou dépasse 1,26 g/L, c’est le diabète. »
Contacts
Actions Traitements
www.actions-traitements.org
Ligne d’écoute thérapeutique :
+33 (0)1 43 67 00 00
(du lundi au vendredi de 15 h à 18 h)
Pour aller plus loin
Rapport Yeni 2010 : téléchargeable
gratuitement sur www.sante.gouv.fr
Autosurveillance de sa glycémie
Toute personne diabétique peut surveiller sa gly-
cémie seule, avec un système facile d’utilisation.
L’objectif est d’assurer une surveillance régulière,
dans la vie quotidienne. Les gestes, simples, seront
appris avec un médecin traitant ou un diabéto-
logue : le sang est prélevé après une petite piqûre
quasi indolore au bout d’un doigt, avec un appareil
spécial « autopiqueur ». Une goutte est déposée
sur une bandelette ou une électrode insérée dans
un lecteur de glycémie. En France, il existe une
quinzaine de lecteurs sur le marché. Le prix moyen
d’un lecteur est de 60 , celui de 50 bandelettes
20 . L’ensemble est intégralement remboursé,
dans la limite de 200 bandelettes par an pour les
diabétiques sans insuline.
Comment « guérir » ? « Le diagnostic d’un diabète doit
conduire, le plus tôt possible, à une consultation en dia-
bétologie », souligne le rapport Yeni. Orchestré par un
diabétologue, le suivi est identique à celui de tous les
diabétiques : en plus des recommandations de prévention
cardio-métaboliques (lire ci-dessus), les patients diabé-
tiques devront bénéficier d’examens complémentaires et
adaptés à réaliser tous les ans, voire tous les trois mois
pour certains. Pour ce qui est du traitement même, il se
base, comme celui des diabétiques séronégatifs, sur des
antidiabétiques oraux permettant d’abaisser la glycémie
(metformine, sulfamides,…). Mais du fait de la prédomi-
nance de l’insulinorésistance dans la physiopathologie du
diabète associé au VIH, le traitement sera débuté par une
ou plusieurs molécules insulinosensibilisatrices, comme
la metformine. Et si le diabète est pris en charge trop tard,
il faudra deux à trois injections d’insuline par jour.
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