par Kheira Bettayeb au quotidien Comment bien équilibrer son diabète ? Si la plupart des personnes séropositives et diabétiques surveillent leur infection par le VIH, seule une minorité d’entre elles a un diabète équilibré. Or contrôler son diabète est vital, d’autant qu’il existe des traitements efficaces. Précisions. L a majorité des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et diabétiques ne contrôlent pas leur diabète : tel est le constat alarmant fait par Caroline Henry et ses collègues du CHU de Grenoble lors d’une étude publiée en août dernier. Les chercheurs ont suivi 748 PVVIH dont 29 diabétiques. Et ils ont observé un diabète équilibré chez seulement 22 % d’entre elles, alors que 93 % ont un bon contrôle du VIH. La raison est que beaucoup pensent que cette maladie liée à un excès de sucre dans le sang est moins grave que le VIH. « L’infection par le VIH et le diabète sont perçus comme des maladies potentiellement létales par 96 % versus 71 % des patients », précisent les auteurs. Pourtant, les PVVIH sont fréquemment atteintes du diabète de type 2 (DT2), dit aussi « diabète de l’adulte » ou « acquis », contrairement au diabète de type 1, dit « de l’enfant » et dû à une prédisposition génétique. En effet, le risque pour une personne séropositive de développer un DP2 est multiplié par 4 comparé à la population générale (dont 5 % souffrent de diabète). Au bout de trois ans de trithérapies, 5 % à 10 % des patients sont connus comme diabétiques, mais d’autres l’ignorent. Et les médecins craignent une explosion du nombre de cas Quels sont les antirétroviraux à risque ? Certains inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (AZT, d4T, ddI) et les inhibiteurs de protéases (sauf l’atazanavir). Selon une étude suisse réalisée sur 6 513 personnes vivant avec le VIH, l’exposition aux médicaments suivants comporte un risque accru de diabète : • indinavir (Crixivan®, inhibiteur de protéase) : deux fois plus de risque ; • d4T en combinaison avec le 3TC (lamivudine, Epivir®) : trois fois plus de risque ; • d4T en combinaison avec le ddI (didanosine, Videx®) : trois fois plus de risque ; • ddI et ténofovir (Viread®) : quatre fois plus de risque. dans le futur. Certes, surveiller à la fois son infection par VIH et son diabète est une double contrainte. Mais comme le risque est également double, cela en vaut vraiment la peine. « Ce serait dommage de bien traiter le VIH et de subir, au final, les complications du diabète, souligne Patrick Vexiau, chef du service de diabétologie à l’hôpital Saint-Louis (Paris) et secrétaire général de l’Association française des diabétiques. Il est crucial que chacun se prenne en charge dès le début. » Quels sont les risques ? Si l’hyperglycémie (fort taux de sucre dans le sang) n’est pas contrôlée, elle peut conduire avec le temps à des atteintes graves de l’œil, du rein, des nerfs et des artères. Selon l’OMS, « plus de 50 % des diabétiques meurent d’une maladie cardio-vasculaire ». Or une mauvaise observance du traitement du diabète augmente le risque de voir survenir ces complications. De plus, si les diabétiques non infectés par le VIH développent ces complications « seulement » au bout d’une dizaine d’années, ce risque est accéléré chez les diabétiques séropositifs. Car les PVVIH vieillissent plus vite que la population générale. Or le vieillissement est un facteur qui augmente ce risque de complications. Quelles sont les causes ? Le risque accru de diabète est dû à plusieurs facteurs liés à l’infection par le VIH elle-même : les anomalies de la répartition des graisses (lipodystrophies), qui fondent au niveau du visage, des fesses et des membres (lipoatrophies) ou s’accumulent au niveau du ventre, des seins, du cou, etc. (lipohypertrophies) ; la présence d’autres maladies comme l’hépatite C et certains traitements antirétroviraux (lire encadré ci-contre). Ces facteurs induisent une insulinorésistance pouvant aboutir à un diabète (lire encadré p. 34). De façon directe ou indirecte et via des mécanismes non complètement élucidés à ce jour. Concernant les antirétroviraux, « on pense qu’ils induisent l’insulinorésistance en perturbant le fonctionnement des compartiments cellulaires produisant de l’énergie, les “mitochondries”. On pense qu’ils détruisent également les cellules “bêta” du pancréas, novembre/décembre 2011 n° 61 Transversal 33 au quotidien par Kheira Bettayeb qui secrètent l’insuline », précise Patrick Vexiau. Outre les causes spécifiques aux PVVIH, des facteurs de risque communs à la population générale entrent aussi en jeu : l’âge, le surpoids et l’obésité, le sexe masculin et une prédisposition familiale. Comment prévenir ? En se faisant dépister et en luttant contre les facteurs de risque. « Le dépistage annuel est très important, souligne David Zucman, infectiologue à l’hôpital Foch (Suresnes). Il faut s’inquiéter dès que la glycémie à jeun atteint 1 g/L, et non 1,26 g/L, quand le diabète est déjà là. Plus on s’en occupe tôt, plus c’est réversible. » En cas de « prédiabète » ou de « syndrome métabolique », il faut absolument arrêter le tabac et surveiller son alimentation avec un(e) diététicien(ne). Avant tout, diminuer les apports en graisse (fromage, charcuterie, beurre,…), aliments beaucoup plus caloriques que les sucres lents (féculents, pain). « Abaisser ses apports caloriques permet de lutter contre la graisse au niveau du ventre et améliore la sensibilité à l’insuline », explique David Zucman. Il faut pratiquer une activité sportive. « Son bénéfice a pu être démontré chez les patients séropositifs », indique le rapport Yeni 2010. « Le sport stimule la consommation de sucre par les muscles sollicités et augmente la sensibilité de l’organisme à l’insuline », précise David Zucman. Enfin, les antirétroviraux à risque peuvent être remplacés par d’autres (comme l’atazanavir). Définition du DT2 Le diabète de type 2 (DT2) est une maladie chronique survenant lorsque l’organisme ne secrète pas assez d’insuline et est moins sensible à l’action de cette hormone. Normalement, cette molécule fabriquée par le pancréas favorise l’entrée du glucose (un sucre) dans les cellules et abaisse ainsi le taux de sucre dans le sang (glycémie). Mais dans le cas du DT2, cette insuline dysfonctionne : « Plusieurs facteurs spécifiques ou non à l’infection par le VIH peuvent induire une insulinorésistance, c’est-à-dire que l’insuline peine à faire entrer le sucre dans les cellules, précise David Zucman. La sécrétion d’insuline va alors augmenter pour essayer de “forcer” l’entrée du sucre dans les cellules afin de maintenir une glycémie normale. Mais, à la longue, cette mesure ne suffit plus, le pancréas s’épuise, la sécrétion d’insuline chute et le sucre s’accumule dans le sang (hyperglycémie). Lorsque la glycémie atteint ou dépasse 1,26 g/L, c’est le diabète. » 34 Transversal n° 61 novembre/décembre 2011 Autosurveillance de sa glycémie Toute personne diabétique peut surveiller sa glycémie seule, avec un système facile d’utilisation. L’objectif est d’assurer une surveillance régulière, dans la vie quotidienne. Les gestes, simples, seront appris avec un médecin traitant ou un diabétologue : le sang est prélevé après une petite piqûre quasi indolore au bout d’un doigt, avec un appareil spécial « autopiqueur ». Une goutte est déposée sur une bandelette ou une électrode insérée dans un lecteur de glycémie. En France, il existe une quinzaine de lecteurs sur le marché. Le prix moyen d’un lecteur est de 60 €, celui de 50 bandelettes 20 €. L’ensemble est intégralement remboursé, dans la limite de 200 bandelettes par an pour les diabétiques sans insuline. Comment « guérir » ? « Le diagnostic d’un diabète doit conduire, le plus tôt possible, à une consultation en diabétologie », souligne le rapport Yeni. Orchestré par un diabétologue, le suivi est identique à celui de tous les diabétiques : en plus des recommandations de prévention cardio-métaboliques (lire ci-dessus), les patients diabétiques devront bénéficier d’examens complémentaires et adaptés à réaliser tous les ans, voire tous les trois mois pour certains. Pour ce qui est du traitement même, il se base, comme celui des diabétiques séronégatifs, sur des antidiabétiques oraux permettant d’abaisser la glycémie (metformine, sulfamides,…). Mais du fait de la prédominance de l’insulinorésistance dans la physiopathologie du diabète associé au VIH, le traitement sera débuté par une ou plusieurs molécules insulinosensibilisatrices, comme la metformine. Et si le diabète est pris en charge trop tard, il faudra deux à trois injections d’insuline par jour. Contacts Actions Traitements www.actions-traitements.org Ligne d’écoute thérapeutique : +33 (0)1 43 67 00 00 (du lundi au vendredi de 15 h à 18 h) Pour aller plus loin Rapport Yeni 2010 : téléchargeable gratuitement sur www.sante.gouv.fr