Particules urbaines et céréalières, micro-organismes, mycotoxines et pesticides

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Particules urbaines et céréalières,
micro-organismes, mycotoxines et pesticides
Particles from food grain loading and of urban
origin: analysis of microorganisms, mycotoxin
and pesticide contents
Jean-Paul Morin1, David Preterre2, Frantz Gouriou3, Véronique Delmas2, Anne François4, Nicole Orange2,
Anne Grosboillot2, Cécile Duclairoir-Poc2, Maddalena Moretti2, Olivier Maillot2, Olivier Lesouhaitier5
Résumé
Les envols de poussières lors des chargements des navires au niveau du terminal céréalier du Port de Rouen posent
la question de l’exposition des riverains, en termes de nuisance visuelle (nuages de poussières, dépôts et salissures) mais
aussi d’une nocivité éventuelle des particules. L’étude s’efforce d’apporter des éléments de réponse, d’une part sur les
concentrations en nombre et en masse, d’autre part sur la granulométrie, et enfin sur le contenu éventuel en pesticides,
mycotoxines, et en micro-organismes (bactéries, levures et moisissures) en allant jusqu’à aborder l’évaluation du danger
associé à la population bactérienne en proximité des silos céréaliers.
Mots-clés
particules, silos céréaliers, granulométrie, pesticides, mycotoxines, micro-organismes
Abstract
Ship loading with food grains emits important amount of particulate matter in the close vicinity of Rouen harbor terminal.
The question was to identify beside the visual aspect of emissions (particle wakes, deposits and dirtiness) a potential danger
for the populations living in the close vicinity of the harbor terminals involved in food grain ship loading. The study brings
information concerning size number and mass distribution of the particles, the particle content for pesticide, mycotoxins
and micro-organism flora (bacteria, yeasts and fungi). Bacterial associated danger has been assessed using a dedicated
virulence test.
Keywords
food grain silos, particulate matter size distribution, pesticides, mycotoxins, bacteria, yeasts, fungi
(1) Coordinateur - EA4651 – Aliments, Bioprocédés, Toxicologie Environnements, Faculté de médecine-pharmacie, F76000
Rouen (2) Partenaire
(3) Partenaire - CERTAM, Centre d’Étude et de Recherche Technologique en Aérothermodynamique et Moteurs,
F 76800 – Saint-Étienne-du-Rouvray
(4) Partenaire – Air Normand, F-76000 Rouen(5) Partenaire – LMSM (Laboratoire de Microbiologie Signaux et
Microenvironnement), université de Rouen, F-27000 Évreux
Synthèse de l’étude « Particules urbaines et céréalières, micro-organismes, mycotoxines et Pesticides
(PUC2MP) ». (Rapport complet téléchargeable sur le site http://www.airnormand.fr)
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE N° 217 - JANVIER-MARS 2013
https://doi.org/10.4267/pollution-atmospherique.759
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ARTICLES - Recherches
1. Contexte
Cette étude s’est intéressée d’un point de vue métrologique et analytique à la qualité des aérosols de poussières émis lors du chargement de navires vraquiers
avec des céréales au niveau du terminal céréalier du
port de Rouen. Cette activité portuaire conduit à des
nuisances visuelles (dépôts de poussières) qui préoccupent la population riveraine sur l’éventuelle nocivité
de ces poussières, notamment en termes de contenu
en pesticides, de qualité microbiologique et de présence de toxines potentiellement produites par certains
micro-organismes.
Pour cette étude, des prélèvements en toute proximité
du panache de poussières ont été effectués sur trois sites
avec l’autorisation des exploitants, de façon à échantillonner d’importantes quantités de poussières, à déterminer
leur distribution en taille, en concentrations, en nombre et
en masse. Une gamme importante de pesticides (insecticides, herbicides et antifongiques) a été recherchée dans
ces prélèvements, ainsi qu’un certain nombre de mycotoxines. D’autre part, l’isolement des bactéries, levures et
moisissures présentes dans l’air, a permis une description
quantitative et qualitative de ces populations. Une étude de
la résistance aux antibiotiques et de la virulence vis-à-vis de
Caenorhabditis elegans, modèle toxicologique alternatif,
pour les souches bactériennes représentatives de chacun
des prélèvements, ont apporté des éléments pour aborder
l’évaluation des dangers associés à ces bactéries aéroportées. Il est à noter que l’aspect allergène lié aux constituants
des céréales n’a pas été étudié. L’étude n’a pas porté non
plus sur les poussières déposées à distance des silos.
2. Typologie des sites de prélèvement
et instrumentation
Les mesures ont été réalisées sur deux types de sites :
• des sites « urbains » de référence qui permettent
le suivi de l’exposition moyenne de la population
aux phénomènes de pollution atmosphérique dits
« de fond » dans les centres urbains. Il s’agit, d’une
part, de la station de mesure urbaine CHS d’Air
Normand située dans le parc du centre hospitalier
psychiatrique à Saint-Étienne-du-Rouvray dans
l’agglomération rouennaise (nommé dans ce
rapport St-Étienne CHS ou Rouen) et, d’autre part,
de l’espace vert situé au sein de l’IUT d’Évreux
(nommé dans ce rapport Évreux IUT ou Évreux).
• des sites « silos céréaliers à l’émission », situés
dans l’enceinte des établissements, dans la zone
représentative du niveau maximum de poussières
émis lors d’un chargement de navire céréalier. La
population exposée est, dans ce cas, celle des
travailleurs. Les sites sont nommés dans ce rapport :
Silo 1, Silo 2 et Silo 3.
2
Le matériel et les méthodes utilisés tout au long de
l’étude sont résumés dans le tableau 1.
3. Résultats
3.1. Granulométrie des particules
3.1.1. Répartition en nombre
Les résultats globaux obtenus sur l’ensemble des
campagnes sont synthétisés dans la figure 1.
On retrouve ici une contribution maximale en nombre
des particules dont la taille est comprise entre 2,5 et 10
µm. Cette répartition correspond aux conclusions d’une
précédente étude réalisée chez des riverains d’un silo
portuaire (Air Normand, rapport n° E, 04-07)
3.1.2. Répartition en masse
Les résultats globaux obtenus sur l’ensemble des
campagnes sont synthétisés dans la figure 2. Bien
que les concentrations en nombre soient très faibles,
les concentrations massiques atteignent des niveaux
de l’ordre du mg/m3 (en PM40, équivalent TSP). Ceci
est lié à la taille importante des particules.
Il est intéressant de noter que dans l’environnement industriel céréalier, que ce soit en nombre ou
en concentration massique, les fractions de grandes
tailles PM10 et TSP représentent les fractions ayant la
plus forte contribution par rapport aux PM1 et PM2.5.
Ce phénomène est d’autant plus marqué pour la
représentation en concentration massique.
La fraction PM2.5-10 représente environ 10 % de la
masse estimée, la fraction PM10-40 représente environ
90 % de la masse estimée en TSP.
3.2. Résultats des analyses de pesticides
Les analyses de pesticides ont été réalisées par le
laboratoire Micropolluants Technologies à Thionville
selon la norme XP X43-059 (septembre 2007).
(Sur 40 substances analysées en 2008, en rapport
avec l’activité céréalière ; 42 substances analysées en
2009 en référence à la liste socle des pesticides couramment analysés au niveau national).
Durant les campagnes, le classement des pesticides détectés dans les 3 familles (fongicides, herbicides et insecticides) indique une prédominance des
insecticides lorsque l’on se trouve en proximité des
silos (Figure 3).
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Tableau I. Matériel et méthodes.
Equipment and methods.
Granulomètre optique (PCS-Palas)
Décrire en détail la fraction particulaire correspondant aux poussières
céréalières (analyse par comptage)
Granulomètre inertiel (ELPI-Dekati)
Obtenir un complément d’informations sur la fraction fine
et ultrafine des particules
(analyse par comptage)
Microbalance (TEOM-R&P)
Évaluer les concentrations massiques et estimer les répartitions
massiques des données PCS
Volet pesticides
Préleveur haut débit DA 80
Mégatec équipé d’une tête TSP
Prélèvements sur filtres en fibre
de quartz et mousses polyuréthane selon la norme XP
X43-058 (septembre 2007)
Volet mycotoxines
Préleveur haut débit DA 80 Mégatec
En 2008 : tête TSP et
PM2.5 microns
En 2009 : tête PM10 microns
Prélèvements sur filtres
en fibre de quartz
Volet caractérisation
des particules
Aérobiocollecteurs à impaction
AirTest Omega (LCB-France)
Aspiration d’air et impaction des micro-organismes
dans un milieu gélosé (OGA
et PDA pour levures-moisissures et TSA pour bactéries)
Incubation à 30 °C ou 15 °C
Volet micro-organismes
Isolement des souches
numération, identification
Recherche des résistances aux antibiotiques des bactéries
Étude de cytoxicité des bactéries pour évaluer leur
virulence modèle Caenorhabditis elegans
Figure 1. Distribution numérique des concentrations
particulaires de poussières céréalières en fonction de la taille
des particules – résultats moyens campagne PUC2MP.
Number distribution of particle concentrations from food
grain loading according to the size of particles – campaign
PUC2MP, results as means +- standard deviation.
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Figure 2. Distribution massique des concentrations particulaires
en fonction de la taille des particules – campagne PUC2MP,
résultats moyens.
Mass-distribution of total suspended particle concentrations
from food grain loading according to the size of particles –
campaign PUC2MP, results as means +- standard deviation.
3
ARTICLES - Recherches
(10 prélèvements)
(3 prélèvements)
Figure 3. Familles de pesticides présentes par type de site (en nombre de détections).
Presence of pesticide families by type of site (in number of detections).
Figure 4. Concentrations de pesticides par type de site.
Pesticide concentrations according to sampling sites.
La gamme des concentrations est très nettement supérieure en proximité des silos qu’en milieu urbain (figure 4).
3.2.1. Résultats obtenus en milieu urbain
Les mesures effectuées en milieu urbain indiquent
nettement
• la présence d’herbicides, en particulier la
Trifluraline, l’Oxadiazon et la Pendiméthaline
(mesurée seulement depuis 2009) ;
4
• la présence d’insecticides : lindane (Gamma
HCH) et Chlopyrifosethyl ;
• la présence de fongicides (mesurée seulement
depuis 2009) : le Chlorothalonil. Tous ces composés sont présents à des concentrations couramment observées en air urbain selon
les données de l’atlas des mesures hebdomadaires
de pesticides en 2000-2006 réalisé par ATMO
France. Et ils ne semblent donc pas être spécifiquement associés à l’activité de chargement de navires
céréaliers.
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3.2.2. Résultats obtenus autour des sites silos
céréaliers à l’émission
Les mesures effectuées sur les sites des silos dans
le nuage de poussières lors du chargement d’un
navire céréalier, indiquent nettement :
• la présence d’insectides à des concentrations
très largement au-dessus des limites de détection.
Celui qu’on trouve en quantité la plus importante –
à des concentrations comprises entre 18 et 80 ng/
m3 – et le plus fréquemment est le malathion (utilisé
pour le stockage des céréales, interdit à la vente
depuis 2008, mais autorisé jusqu’à écoulement des
stocks), ensuite la deltamethrine sur l’un des sites
(Silo 1) en 2008. À titre de référence, le malathion a
été mesuré sur des sites de proximité des silos 1, 2
et 3 à Quenneport en mai 2004 et à Dieppedalle en
août 2004, chez des riverains qui hébergeaient les
appareils de prélèvements. Plusieurs prélèvements
ont été faits sur chaque site d’une durée de 2 à 4
jours. Des concentrations de malathion de 1 à 35
ng/m3 ont été enregistrées à Quenneport. Des
concentrations de malathion de 1 à 51 ng/m3 ont
été enregistrées à Dieppedalle (cf. rapport d’étude
numéro 04-07 d’Air Normand) ;
• l’absence d’herbicide en grande quantité ;
• la présence de fongicides (folpel et chlorothalonil).
Les fongicides n’étaient pas analysés en 2008 (mis
à part une substance). On dispose donc seulement
des prélèvements sur les sites Silo 3 et Silo 2 en
2009.
3.3. Résultats des dosages de mycotoxines
Les analyses de mycotoxines ont été réalisées par
le laboratoire SGS (Saint-Étienne-du-Rouvray).
Il n’a pas été détecté de concentrations de mycotoxines supérieures aux limites de détection analytiques dans les prélèvements effectués au cours de
l’année 2008. Ce qui nous avait conduits à n’effectuer
que des prélèvements en TSP au cours des campagnes de prélèvements en 2009.
Dans le prélèvement réalisé au silo 3 le 24 juin 2009
pour une coupure granulométrique TSP, il a pu être
détecté une concentration supérieure aux limites de
quantification de la méthode de mesure pour l’Ochratoxine A, avec une concentration de 9 ng/filtre qui correspond à 0,09 ng/m3 d’air compte tenu du volume d’air
filtré (99 m3). Cette concentration est nettement plus
faible que celle rapportée par Selim et al. (1998) qui a
mesuré lors de la récolte et le déchargement de grains
de maïs des concentrations en mycotoxines dans l’air
comprises entre 5 et 421 ng/m3. Les autres prélèvements n’ont pas permis de détecter des teneurs en
mycotoxines supérieures aux seuils de détection ana-
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lytique. Cette faible présence de mycotoxines dans le
panache de poussières céréalières lors du chargement
est sans doute le signe d’une bonne conservation des
grains au cours du stockage, mais ceci devrait être plus
directement confirmé par des analyses directes des
mycotoxines d’échantillons de blés. Sur ce point, l’absence de mycotoxines au-dessus du seuil de détection
analytique n’a pu être vérifiée que sur un unique échantillon de blé (le 24/06/2009 silo 3), le seul qui a été prélevé directement au cours des campagnes.
Ces données pourront être rapprochées des résultats de la flore fongique.
3.4. Résultats pour les micro-organismes
• Les analyses dans l’air des levures-moisissures
et des bactéries ont été réalisées par le laboratoire
LMSM (Laboratoire de Microbiologie Signaux et
Microenvironnement) à Évreux.
• La population bactérienne est équivalente en
concentration à celle des levures-moisissures en hiver
dans l’air urbain. Par contre, au niveau des nuages
de poussières, la flore bactérienne est globalement
plus importante que la flore fongique. Globalement,
les concentrations en micro-organismes sont
plus importantes dans l’air chargé de poussières
céréalières, que dans l’air urbain (figures 5 et 6).
De façon générale, il est connu que les moisissures
peuvent poser problème à cause des mycotoxines,
de leur pathogénie ou de leur pouvoir allergène.
Globalement, les genres Penicillium et Cladosporium
sont présents sur tous les sites et de façon majoritaire. Concernant les espèces potentiellement problématiques, il y a la présence dans l’air urbain ou
au niveau des panaches de poussières d’Aspergillus flavus, et de quelques espèces préoccupantes de
Penicillium. Fusarium section Discolor n’a été détecté
qu’au niveau d’un silo.
Tout d’abord, ces espèces sont capables de produire
des mycotoxines à savoir des aflatoxines (Aspergillus
flavus), du déoxynivalénol, de la zéaralénone (Fusarium
section Discolor) et de l’ochratoxine A (Penicillium).
Mais les résultats ont montré que la présence de ces
souches n’est que rarement associée avec la présence
de mycotoxines dans l’air. D’autre part, Aspergillus
flavus est la cause de nombreuses maladies de type
respiratoire chez les personnes immunodéprimées.
De plus, parmi les genres de moisissures trouvées,
Penicillium, Cladosporium, Alternaria et Aspergillus
sont responsables d’allergies au niveau respiratoire,
mais aucun dosage de molécules allergènes n’a été
effectué dans le cadre de cette étude.
Au final, pratiquement les mêmes espèces préoccupantes sont globalement présentes dans l’air urbain et en
5
ARTICLES - Recherches
Figure 5. Concentration (échelle logarithmique) en levures-moisissures dans l’air urbain (Rouen et Évreux) et
dans l’air au niveau des silos, pour les campagnes II et III.
Concentration (logarithmic scale) yeasts-mildew in urban air (Rouen and
Évreux) and in air at the level of silos, for campaigns II and III.
Figure 6. Concentrations dans l’air (UFC/m3 en échelle logarithmique) de la flore bactérienne totale, des
bactéries à Gram+ et des bactéries à Gram- en milieu urbain (Évreux et Rouen) ou au niveau des silos.
Concentration in air (UFC/m3 in logarithmic scale) of the total bacterial flora, Gram+
and Gram- strains in urban air (Évreux and Rouen) or at the level of silos.
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proximité des silos, mais elles se trouvent en concentrations plus élevées au niveau de ces derniers. La différence
entre l’air urbain et l’air au niveau des panaches réside
donc essentiellement dans une augmentation du risque
causée par une concentration microbienne plus élevée,
mais ce risque reste dans les deux cas difficile à quantifier.
Pour les levures, aucune espèce pathogène stricte
n’a été mise en évidence, ni aucune espèce opportuniste préoccupante.
Pour la flore bactérienne, le groupe majoritaire est
celui des bacilles à Gram + non sporulants et à catalase + sur tous les sites et quelle que soit la saison, à
l’exception du silo 3. Pour ce dernier, les prélèvements
ont été effectués plus au cœur du panache de poussières que pour les deux autres silos.
De fait, la composition bactérienne de l’air est modifiée
par la présence des nuages de poussières céréalières,
d’où une augmentation de la proportion d’entérobactéries, quelle que soit la saison. Les entérobactéries
sont associées aux céréales augmentant ainsi leur prépondérance au niveau des panaches de poussières à
proximité des silos (Tableau II). Selon la température
d’incubation utilisée pour la croissance des souches
bactériennes prélevées dans l’air, une flore différente est
sélectionnée, la température de 15 °C favorisant la présence des bactéries du genre Pseudomonas.
L’utilisation de milieux sélectifs a permis de détecter la présence de certaines espèces potentiellement
pathogènes comme Bacillus cereus et Staphylococcus
aureus. La recherche des résistances aux antibiotiques
a mis en évidence que la majorité des souches (85 %)
possèdent moins de trois résistances, ce qui n’est pas
alarmant. Toutefois, aussi bien au niveau urbain qu’au
niveau des silos, quelques souches de Pseudomonas ou
d’entérobactéries présentent des résistances acquises,
de même il a été trouvé des souches multirésistantes
de Staphylococcus aureus. Les tests de virulence sur C
elegans ont mis en évidence que toutes les souches testées présentent une virulence intermédiaire, à l’exception de quelques souches qui sont moins virulentes qu’E.
Coli OP50, le témoin de non-virulence (figure 7). De
même, les souches les plus virulentes s’avèrent significativement moins virulentes que le témoin de virulence
Pseudomonas aeruginosa PAO1, qui est un pathogène
opportuniste de référence. Il a été également mis en évidence que ni l’origine des souches (Rouen, Évreux ou
les silos), ni la saison de récolte, ni le groupe bactérien
auquel elles appartiennent n’a d’impact sur la virulence.
D’autre part, la virulence ne semble pas être corrélée à
la résistance aux antibiotiques. Enfin, le test sur C. elegans d’une culture globale de la population bactérienne
récoltée lors du prélèvement apparaît constituer un bon
indicateur de la virulence de l’ensemble des souches
prélevées. Et les plus fortes concentrations en pesticides
observées dans les nuages de poussières céréalières
ne semblent pas avoir d’impact sur la virulence bactérienne qui reste équivalente, quelle que soit l’origine des
souches.
Donc, nous pouvons émettre l’hypothèse d’après
l’étude de virulence sur les souches représentatives,
que les populations bactériennes prélevées au niveau
des silos ne présentent pas un danger plus important
que celui de l’air urbain. Toutefois, comme pour les moisissures, la concentration plus importante au niveau des
silos augmente vraisemblablement le risque.
Tableau II. Fréquence moyenne toutes saisons confondues des groupes bactériens les plus représentés dans
les populations bactériennes urbaines ou des panaches (température d’incubation de 30 °C).
Mean frequency of most represented bacteria groups in bacterial populations isolated from
the urban air and the wakes of cereal loadings (temperature of incubation of 30 °C).
Groupes
majoritaires
Bacilles à
Gram +
catalase + non
sporulant
Bacilles à Gram
– non fermentaires oxydase –
Bacilles à Gram
– non fermentaire oxydase +
(Pseudomonas)
Bacilles à Gram
+ sporulant
Entérobactéries
Air urbain
Air au niveau des panaches
Fréquence moyenne
Exemples de genres
ou d’espèces
Fréquence
moyenne
Exemples de genres
ou d’espèces
42 %
Leifsonia,
Arthrobacter
27 %
Leifsonia, Clavibacter
12 %
Acinetobacter
17 %
Pseudomonas
syringae
9 %
Pseudomonas
fluorescens
10 %
Pseudomonas
fluorescens
9 %
Bacillus licheniformis
3 %
Bacillus thurengiensis
7 %
Serratia odorifera
30 %
Pantoea agglomerans
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ARTICLES - Recherches
Figure 7. Cytotoxicité des bactéries les plus virulentes issues des prélèvements faits en zone urbaine
(bleu) ou au niveau des silos (rose) ; E : été ; H : hiver. Standard virulent (PAO1) ; Leifsonia xyli subsp
xyli ; Arthrobacter chlorophenol ; Serratia odorifera ; Herminiimonas arsenicoxydans ;
standard
avirulent ;
Erwinia tasmaniensis ET1 ; Erwinia tasmaniensis ET1 ;
Pseudomonas syringae.
Bacterial cytotoxicity of the most virulent strains collected from urban
samples (blue) or from silo samples (pink); E: summer; H: winter.
4. Conclusion Générale
En conclusion de ces travaux, bien que les concentrations de particules céréalières puissent être très élevées en toute proximité du panache de poussières au
cours du chargement de bateaux au niveau des silos
céréaliers, il ne nous a pas été possible de mettre en
évidence un danger spécifique lié à une présence préoccupante de mycotoxines, ou d’une flore bactérienne
ou fongique particulière. La seule réserve concerne
les concentrations microbiennes plus importantes au
niveau des nuages de poussières, qui est susceptible
d’augmenter le risque par rapport à l’air urbain.
En ce qui concerne la présence de pesticides ajoutés par les exploitants en vue de la conservation des
céréales, les données toxicologiques disponibles ne
permettent pas de conclure sur les risques aigus ou
chroniques associés à leur usage.
Les résultats obtenus en granulométrie confirment
que les particules céréalières se situent en nombre
8
très majoritairement dans la fraction supérieure à
2,5 µm et en masse dans la fraction supérieure à 10
µm. Ces fortes tailles confèrent à ces particules la
propriété d’être assez faiblement inhalables et donc
d’en limiter à ce titre l’impact sanitaire éventuel en
tant que particules inhalées. Les phénomènes de
dilution des panaches apparaissent assez rapides et
comme l’ont montré les résultats des campagnes de
mesures effectuées par le réseau Air Normand, en
zones riveraines des silos, des dépassements occasionnels de la valeur limite journalière de 50 µg/m3 ont
pu être observés en zone urbaine pour les PM10 en
relation avec l’activité de chargement des céréales.
La valeur limite de la directive européenne qui impose
de ne pas dépasser ce seuil plus de 35 jours par an,
bien qu’approchée, est à ce jour respectée selon
les études effectuées par le réseau Air Normand.
Toutefois un suivi régulier des PM10 semble devoir être
recommandé sur les sites riverains pour vérifier régulièrement la conformité des résultats de mesures aux
directives européennes.
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