Particules urbaines et céréalières, micro-organismes, mycotoxines et pesticides

1POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE N° 217 - JANVIER-MARS 2013
Résumé
Les envols de poussières lors des chargements des navires au niveau du terminal céréalier du Port de Rouen posent
la question de l’exposition des riverains, en termes de nuisance visuelle (nuages de poussières, dépôts et salissures) mais
aussi d’une nocivité éventuelle des particules. L’étude s’efforce d’apporter des éléments de réponse, d’une part sur les
concentrations en nombre et en masse, d’autre part sur la granulométrie, et enn sur le contenu éventuel en pesticides,
mycotoxines, et en micro-organismes (bactéries, levures et moisissures) en allant jusqu’à aborder l’évaluation du danger
associé à la population bactérienne en proximité des silos céréaliers.
Mots-clés
particules, silos céréaliers, granulométrie, pesticides, mycotoxines, micro-organismes
Abstract
Ship loading with food grains emits important amount of particulate matter in the close vicinity of Rouen harbor terminal.
The question was to identify beside the visual aspect of emissions (particle wakes, deposits and dirtiness) a potential danger
for the populations living in the close vicinity of the harbor terminals involved in food grain ship loading. The study brings
information concerning size number and mass distribution of the particles, the particle content for pesticide, mycotoxins
and micro-organism ora (bacteria, yeasts and fungi). Bacterial associated danger has been assessed using a dedicated
virulence test.
Keywords
food grain silos, particulate matter size distribution, pesticides, mycotoxins, bacteria, yeasts, fungi
Jean-Paul Morin1, David Preterre2, Frantz Gouriou3, Véronique Delmas2, Anne François4, Nicole Orange2,
Anne Grosboillot2, Cécile Duclairoir-Poc2, Maddalena Moretti2, Olivier Maillot2, Olivier Lesouhaitier5
Particules urbaines et céréalières,
micro-organismes, mycotoxines et pesticides
Particles from food grain loading and of urban
origin: analysis of microorganisms, mycotoxin
and pesticide contents
(1) Coordinateur - EA4651 – Aliments, Bioprocédés, Toxicologie Environnements, Faculté de médecine-pharmacie, F76000
Rouen (2) Partenaire
(3) Partenaire - CERTAM, Centre d’Étude et de Recherche Technologique en Aérothermodynamique et Moteurs,
F 76800 – Saint-Étienne-du-Rouvray
(4) Partenaire – Air Normand, F-76000 Rouen(5) Partenaire – LMSM (Laboratoire de Microbiologie Signaux et
Microenvironnement), université de Rouen, F-27000 Évreux
Synthèse de l’étude «Particules urbaines et céréalières, micro-organismes, mycotoxines et Pesticides
(PUC2MP)». (Rapport complet téléchargeable sur le site http://www.airnormand.fr)
https://doi.org/10.4267/pollution-atmospherique.759
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE N° 217 - JANVIER-MARS 2013
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ARTICLES - Recherches
1. Contexte
Cette étude s’est intéressée d’un point de vue métro-
logique et analytique à la qualité des aérosols de pous-
sières émis lors du chargement de navires vraquiers
avec des céréales au niveau du terminal céréalier du
port de Rouen. Cette activité portuaire conduit à des
nuisances visuelles (dépôts de poussières) qui préoc-
cupent la population riveraine sur l’éventuelle nocivité
de ces poussières, notamment en termes de contenu
en pesticides, de qualité microbiologique et de pré-
sence de toxines potentiellement produites par certains
micro-organismes.
Pour cette étude, des prélèvements en toute proximité
du panache de poussières ont été effectués sur trois sites
avec l’autorisation des exploitants, de façon à échantillon-
ner d’importantes quantités de poussières, à déterminer
leur distribution en taille, en concentrations, en nombre et
en masse. Une gamme importante de pesticides (insecti-
cides, herbicides et antifongiques) a été recherchée dans
ces prélèvements, ainsi qu’un certain nombre de myco-
toxines. D’autre part, l’isolement des bactéries, levures et
moisissures présentes dans l’air, a permis une description
quantitative et qualitative de ces populations. Une étude de
la résistance aux antibiotiques et de la virulence vis-à-vis de
Caenorhabditis elegans, modèle toxicologique alternatif,
pour les souches bactériennes représentatives de chacun
des prélèvements, ont apporté des éléments pour aborder
l’évaluation des dangers associés à ces bactéries aéropor-
tées. Il est à noter que l’aspect allergène lié aux constituants
des céréales n’a pas été étudié. L’étude n’a pas porté non
plus sur les poussières déposées à distance des silos.
2. Typologie des sites de prélèvement
et instrumentation
Les mesures ont été réalisées sur deux types de sites:
des sites «urbains» de référence qui permettent
le suivi de l’exposition moyenne de la population
aux phénomènes de pollution atmosphérique dits
«de fond» dans les centres urbains. Il s’agit, d’une
part, de la station de mesure urbaine CHS d’Air
Normand située dans le parc du centre hospitalier
psychiatrique à Saint-Étienne-du-Rouvray dans
l’agglomération rouennaise (nommé dans ce
rapport St-Étienne CHS ou Rouen) et, d’autre part,
de l’espace vert situé au sein de l’IUT d’Évreux
(nommé dans ce rapport Évreux IUT ou Évreux).
des sites «silos céréaliers à l’émission», situés
dans l’enceinte des établissements, dans la zone
représentative du niveau maximum de poussières
émis lors d’un chargement de navire céréalier. La
population exposée est, dans ce cas, celle des
travailleurs. Les sites sont nommés dans ce rapport:
Silo 1, Silo 2 et Silo 3.
Le matériel et les méthodes utilisés tout au long de
l’étude sont résumés dans le tableau1.
3. Résultats
3.1. Granulométrie des particules
3.1.1. Répartition en nombre
Les résultats globaux obtenus sur l’ensemble des
campagnes sont synthétisés dans la gure 1.
On retrouve ici une contribution maximale en nombre
des particules dont la taille est comprise entre 2,5 et 10
µm. Cette répartition correspond aux conclusions d’une
précédente étude réalisée chez des riverains d’un silo
portuaire (Air Normand, rapport n°E, 04-07)
3.1.2. Répartition en masse
Les résultats globaux obtenus sur l’ensemble des
campagnes sont synthétisés dans la gure 2. Bien
que les concentrations en nombre soient très faibles,
les concentrations massiques atteignent des niveaux
de l’ordre du mg/m3 (en PM40, équivalent TSP). Ceci
est lié à la taille importante des particules.
Il est intéressant de noter que dans l’environne-
ment industriel céréalier, que ce soit en nombre ou
en concentration massique, les fractions de grandes
tailles PM10 et TSP représentent les fractions ayant la
plus forte contribution par rapport aux PM1 et PM2.5.
Ce phénomène est d’autant plus marqué pour la
représentation en concentration massique.
La fraction PM2.5-10 représente environ 10 % de la
masse estimée, la fraction PM10-40 représente environ
90% de la masse estimée en TSP.
3.2. Résultats des analyses de pesticides
Les analyses de pesticides ont été réalisées par le
laboratoire Micropolluants Technologies à Thionville
selon la norme XP X43-059 (septembre 2007).
(Sur40 substances analysées en 2008, en rapport
avec l’activité céréalière; 42 substances analysées en
2009 en référence à la liste socle des pesticides cou-
ramment analysés au niveau national).
Durant les campagnes, le classement des pesti-
cides détectés dans les 3 familles (fongicides, herbi-
cides et insecticides) indique une prédominance des
insecticides lorsque l’on se trouve en proximité des
silos (Figure 3).
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Volet caractérisation
des particules
Granulomètre optique (PCS-Palas) Décrire en détail la fraction particu-
laire correspondant aux poussières
céréalières (analyse par comptage)
Granulomètre inertiel (ELPI-Dekati)
Obtenir un complément d’in-
formations sur la fraction ne
et ultrane des particules
(analyse par comptage)
Microbalance (TEOM-R&P) Évaluer les concentrations mas-
siques et estimer les répartitions
massiques des données PCS
Volet pesticides Préleveur haut débit DA 80
Mégatec équipé d’une tête TSP
Prélèvements sur ltres en bre
de quartz et mousses polyu-
réthane selon la norme XP
X43-058 (septembre 2007)
Volet mycotoxines
Préleveur haut débit DA 80 Mégatec
En 2008: tête TSP et
PM2.5 microns
En 2009: tête PM10 microns
Prélèvements sur ltres
en bre de quartz
Volet micro-organismes
Aérobiocollecteurs à impaction
AirTest Omega (LCB-France)
Aspiration d’air et impac-
tion des micro-organismes
dans un milieu gélosé (OGA
et PDA pour levures-moisis-
sures et TSA pour bactéries)
Incubation à 30 °C ou 15 °C
Isolement des souches
numération, identication
Recherche des résistances aux antibiotiques des bactéries
Étude de cytoxicité des bactéries pour évaluer leur
virulence modèle Caenorhabditis elegans
Tableau I. Matériel et méthodes.
Equipment and methods.
Figure 1. Distribution numérique des concentrations
particulaires de poussières céréalières en fonction de la taille
des particules – résultats moyens campagne PUC2MP.
Number distribution of particle concentrations from food
grain loading according to the size of particles – campaign
PUC2MP, results as means +- standard deviation.
Figure 2. Distribution massique des concentrations particulaires
en fonction de la taille des particules – campagne PUC2MP,
résultats moyens.
Mass-distribution of total suspended particle concentrations
from food grain loading according to the size of particles –
campaign PUC2MP, results as means +- standard deviation.
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE N° 217 - JANVIER-MARS 2013
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La gamme des concentrations est très nettement supé-
rieure en proximité des silos qu’en milieu urbain (gure 4).
3.2.1. Résultats obtenus en milieu urbain
Les mesures effectuées en milieu urbain indiquent
nettement
la présence d’herbicides, en particulier la
Triuraline, l’Oxadiazon et la Pendiméthaline
(mesurée seulement depuis 2009);
la présence d’insecticides : lindane (Gamma
HCH) et Chlopyrifosethyl;
la présence de fongicides (mesurée seulement
depuis 2009): le Chlorothalonil.
Tous ces composés sont présents à des concen-
trations couramment observées en air urbain selon
les données de l’atlas des mesures hebdomadaires
de pesticides en 2000-2006 réalisé par ATMO
France. Et ils ne semblent donc pas être spécique-
ment associés à l’activité de chargement de navires
céréaliers.
Figure 3. Familles de pesticides présentes par type de site (en nombre de détections).
Presence of pesticide families by type of site (in number of detections).
Figure 4. Concentrations de pesticides par type de site.
Pesticide concentrations according to sampling sites.
(10 prélèvements) (3 prélèvements)
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3.2.2. Résultats obtenus autour des sites silos
céréaliers à l’émission
Les mesures effectuées sur les sites des silos dans
le nuage de poussières lors du chargement d’un
navire céréalier, indiquent nettement:
la présence d’insectides à des concentrations
très largement au-dessus des limites de détection.
Celui qu’on trouve en quantité la plus importante –
à des concentrations comprises entre 18 et 80 ng/
m3 – et le plus fréquemment est le malathion (utilisé
pour le stockage des céréales, interdit à la vente
depuis 2008, mais autorisé jusqu’à écoulement des
stocks), ensuite la deltamethrine sur l’un des sites
(Silo 1) en 2008. À titre de référence, le malathion a
été mesuré sur des sites de proximité des silos 1, 2
et 3 à Quenneport en mai 2004 et à Dieppedalle en
août 2004, chez des riverains qui hébergeaient les
appareils de prélèvements. Plusieurs prélèvements
ont été faits sur chaque site d’une durée de 2 à 4
jours. Des concentrations de malathion de 1 à 35
ng/m3 ont été enregistrées à Quenneport. Des
concentrations de malathion de 1 à 51 ng/m3 ont
été enregistrées à Dieppedalle (cf. rapport d’étude
numéro 04-07 d’Air Normand);
l’absence d’herbicide en grande quantité;
la présence de fongicides (folpel et chlorothalonil).
Les fongicides n’étaient pas analysés en 2008 (mis
à part une substance). On dispose donc seulement
des prélèvements sur les sites Silo 3 et Silo 2 en
2009.
3.3. Résultats des dosages de mycotoxines
Les analyses de mycotoxines ont été réalisées par
le laboratoire SGS (Saint-Étienne-du-Rouvray).
Il n’a pas été détecté de concentrations de myco-
toxines supérieures aux limites de détection analy-
tiques dans les prélèvements effectués au cours de
l’année 2008. Ce qui nous avait conduits à n’effectuer
que des prélèvements en TSP au cours des cam-
pagnes de prélèvements en 2009.
Dans le prélèvement réalisé au silo 3 le 24 juin 2009
pour une coupure granulométrique TSP, il a pu être
détecté une concentration supérieure aux limites de
quantication de la méthode de mesure pour l’Ochra-
toxine A, avec une concentration de 9 ng/ltre qui cor-
respond à 0,09 ng/m3 d’air compte tenu du volume d’air
ltré (99 m3). Cette concentration est nettement plus
faible que celle rapportée par Selim et al. (1998) qui a
mesuré lors de la récolte et le déchargement de grains
de maïs des concentrations en mycotoxines dans l’air
comprises entre 5 et 421 ng/m3. Les autres prélève-
ments n’ont pas permis de détecter des teneurs en
mycotoxines supérieures aux seuils de détection ana-
lytique. Cette faible présence de mycotoxines dans le
panache de poussières céréalières lors du chargement
est sans doute le signe d’une bonne conservation des
grains au cours du stockage, mais ceci devrait être plus
directement conrmé par des analyses directes des
mycotoxines d’échantillons de blés. Sur ce point, l’ab-
sence de mycotoxines au-dessus du seuil de détection
analytique n’a pu être vériée que sur un unique échan-
tillon de blé (le 24/06/2009 silo 3), le seul qui a été pré-
levé directement au cours des campagnes.
Ces données pourront être rapprochées des résul-
tats de la ore fongique.
3.4. Résultats pour les micro-organismes
Les analyses dans l’air des levures-moisissures
et des bactéries ont été réalisées par le laboratoire
LMSM (Laboratoire de Microbiologie Signaux et
Microenvironnement) à Évreux.
La population bactérienne est équivalente en
concentration à celle des levures-moisissures en hiver
dans l’air urbain. Par contre, au niveau des nuages
de poussières, la ore bactérienne est globalement
plus importante que la ore fongique. Globalement,
les concentrations en micro-organismes sont
plus importantes dans l’air chargé de poussières
céréalières, que dans l’air urbain (gures 5 et 6).
De façon générale, il est connu que les moisissures
peuvent poser problème à cause des mycotoxines,
de leur pathogénie ou de leur pouvoir allergène.
Globalement, les genres Penicillium et Cladosporium
sont présents sur tous les sites et de façon majori-
taire. Concernant les espèces potentiellement pro-
blématiques, il y a la présence dans l’air urbain ou
au niveau des panaches de poussières d’Aspergil-
lus avus, et de quelques espèces préoccupantes de
Penicillium. Fusarium section Discolor n’a été détecté
qu’au niveau d’un silo.
Tout d’abord, ces espèces sont capables de produire
des mycotoxines à savoir des aatoxines (Aspergillus
avus), du déoxynivalénol, de la zéaralénone (Fusarium
section Discolor) et de l’ochratoxine A (Penicillium).
Mais les résultats ont montré que la présence de ces
souches n’est que rarement associée avec la présence
de mycotoxines dans l’air. D’autre part, Aspergillus
avus est la cause de nombreuses maladies de type
respiratoire chez les personnes immunodéprimées.
De plus, parmi les genres de moisissures trouvées,
Penicillium, Cladosporium, Alternaria et Aspergillus
sont responsables d’allergies au niveau respiratoire,
mais aucun dosage de molécules allergènes n’a été
effectué dans le cadre de cette étude.
Au nal, pratiquement les mêmes espèces préoccu-
pantes sont globalement présentes dans l’air urbain et en
1 / 8 100%

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