COMMISSION DU
Génie BIOMOLÉCULAIRE
Le présent document rassemble les actes du
séminaire international que la Commission du génie
biomoléculaire (CGB) a tenu les 8 et 9 novembre 2004
sur la stabilité et l'instabilité des génomes.
Confrontée à l’analyse des risques liés à la dissémination
d’OGM dans l'environnement, la Commission du génie
biomoléculaire a souhaité actualiser ses connaissances sur les
points suivants :
quels sont les remaniements génomiques (spontanés ou consécutifs au
croisement, au stress, …) identifiés dans les espèces végétales et quelles en
sont les conséquences ?
quels sont les mécanismes d’intégration des transgènes et les modifications
non intentionnelles de la structure de l’ADN liées à l’insertion d’ADN ?
quelles sont les conséquences potentielles de l’insertion aléatoire d’ADN
rétroviral lors de tentatives de thérapie génique ?
C’est pourquoi, nous avons décidé d’organiser ce séminaire de travail sur « La
fluidité des génomes et ses conséquences ». Nous espérons ainsi faire le point
sur ces différentes questions et encourager des axes de recherches sur les
questions restant à résoudre.
Marc Fellous
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INSTABILITÉ
DES GÉNOMES
VÉGÉTAUX
pages 2,3
I. De la téosinte au maïs
La téosinte est une espèce très buissonnante,
domestiquée vers 9 000 av. J.C., qui a commencé à
ressembler au maïs actuel (sept à huit rangées d’une
quinzaine de grains chacun) vers 4 400 avant J.C. avant
d’évoluer vers des types très différents.
La domestication du maïs a été très rapide. En moins
de 3 000 ans, des maïs primitifs ont été cultivés, les
épis comptant déjà une cinquantaine de graines, contre
une dizaine pour la téosinte. Des études ont montré
que cette domestication semble être passée par un
goulot d’étranglement, avant de s’ouvrir vers une
nouvelle variabilité. Il y a également eu une sélection
allélique très précoce. Dès 2 500 av. J.C., nous sommes
passés au maïs moderne, avec une très forte réduction
allélique sur les principaux gênes.
A partir de cette domestication, la culture du maïs s’est
propagée vers l’Amérique du Nord et vers l’Amérique
du Sud, avec d’importantes variations liées aux écarts
de température, les cycles étant deux fois plus longs
dans le Nord que dans le Sud. Les grains cultivés dans
les zones septentrionales de l’Amérique du Nord sont
dits « cornés » (Northern Flint) et ceux cultivés plus au
sud, « dentés ».
II. L’origine des maïs
européens
La culture du maïs aurait été introduite en Espagne par
Christophe Colomb avant de se développer dans les
autres pays européens, mais certains généticiens
soupçonnent l’existence d’autres trajets. Un travail
réalisé sur une centaine de lignées européennes a, en
effet, montré que la diversité des maïs européens était
incluse dans la diversité des maïs américains, avec des
similitudes très fortes entre les maïs du sud de
l’Espagne et des Caraïbes, les maïs d’Europe du Nord et
le Northern Flint, les maïs d’Italie et d’Amérique du
Sud, avec enfin un groupe original dans les Pyrénées.
L’analyse des fréquences alléliques montre donc que le
maïs européen ne serait pas seulement venu des
Caraïbes. Les résultats de l’analyse moléculaire
suggèrent même une forte contribution du matériel
Northern Flint que l’on retrouve tel quel en Europe du
Nord et qui a donné naissance, après hybridation, aux
variétés traditionnelles des latitudes moyennes.
Qui a pu ramener ces espèces en Europe ? Peut-être les
expéditions françaises du XVIème siècle (Verrazano,
Cartier…), sans doute aussi les expéditions espagnoles.
Ces expéditions ont probablement chargé du maïs pour
leur voyage de retour mais nous n’avons
malheureusement aucune trace écrite de son
introduction en Europe.
L’adaptation du maïs en Europe du Nord n’est donc pas
le résultat d’un lent processus de migration mais d’une
arrivée de matériel plus précoce.
III. Quelques exemples de
variabilité allélique
La recherche du polymorphisme allélique permet de
trouver de très fortes similitudes, mais aussi des
différences entre espèces. L’étude de la voie de
biosynthèse de la lignine – qui dépend de nombreux
facteurs (développement, stress, attaques
microbiennes, attaques pathogènes, chocs thermiques)
– sur une trentaine de lignées a par exemple révélé un
nombre très important d’haplotypes. D’autres exemples
sur des caractères différents (longueur du cycle
végétatif, qualité du grain…) ont également montré,
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Génie BIOMOLÉCULAIRE
VARIABILITÉ ALLÉLIQUE CHEZ LE MAÏS
ALAIN TOPPAN
BIOGEMMA
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sur la douzaine de lignées testées, une variété
importante dans les séquences.
Comment expliquer cette variabilité allélique ? Si l’on
sélectionne les plantes en fonction de la résistance de
leur tige, on observe déjà une évolution très forte au
bout de six générations. En revanche, une sélection sur
le critère du rendement n’a pas révélé de forte
variation des séquences alléliques.
Pour résumer, le processus de domestication d’une
espèce est mal connu. Il s’accompagne généralement
d’une réduction de la variabilité génétique par rapport
aux ancêtres sauvages. Dans le cas du maïs, il y a eu
passage par un goulet d’étranglement (population
réduite et réduction allélique), mais, malgré ce
phénomène, le maïs a conservé une forte variabilité
allélique.
IV. Quelle extrapolation aux
transgènes ?
Le transgène intégré correspond à une séquence
fonctionnelle. Il n’a aucune raison de se comporter
différemment des séquences endogènes qui peuvent
subir des mutations ponctuelles. La faible taille des
séquences introduites atténue cette probabilité mais ne
l’annule pas.
Parmi les hypothèses possibles, il peut y avoir des
mutations silencieuses, des mutations affectant
l’expression et le phénotype, des duplications suivies
ou non de mutations.
Quelles en sont les conséquences, comment les repérer
et quand ? D’abord par le phénotype. Cela est évident
pour un caractère simple (résistance à un herbicide),
un peu moins pour un caractère complexe (tolérance à
la sécheresse) ou quantitatif mais nous aurons sans
doute des remontées d’information à partir des
agriculteurs, premiers concernés, et des techniciens
agricoles. Il ne faut pas oublier que c’est aussi un des
rôles de la biovigilance.
Comment alors remédier aux éventuels problèmes ? Il
est fortement probable que les mutations n’affecteront
pas l’ensemble des variétés ayant reçu un transgène.
La solution consiste à produire des semences à
nouveau à partir du matériel non muté (semences de
bases).
I
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COMMISSION DU
Génie BIOMOLÉCULAIRE
pages 4,5
?QUESTIONS
DANS LA SALLE
Michel CABOCHE (INRA)
Qu’est-ce qui explique les différences entre le
Northern Flint et les espèces dentées ?
Alain TOPPAN (Biogemma)
Les maïs américains tardifs sont de type denté. Leurs
cycles sont très longs, leur productivité est forte mais
ils ont besoin d’une température élevée. En Amérique
du Nord, les maïs Northern Flint sont de type corné.
En Europe, l’expansion des hybrides vers le Nord n’a
pu se faire que parce que nous exploitons des
espèces hybrides, entre maïs corné et maïs denté.
Yves BRYGOO (CGG)
Tous les allèles présents dans le maïs actuel sont-ils
présents dans la téosinte ?
Alain TOPPAN
Je ne le crois pas. Certains caractères présents dans
le maïs actuel ne sont pas présents dans la téosinte.
Henri DARMENCY (INRA)
La classification en deux groupes, « corné » et
« denté », correspond-elle bien à la réalité des
sélectionneurs ?
Alain TOPPAN
Les sélectionneurs travaillent sur six ou huit groupes
à partir desquels ils constituent des lignées et
fabriquent des hybrides. Parmi ces groupes, on
retrouve le matériel denté, le matériel corné ainsi que
des groupes intermédiaires.
Chantal BARTHOMEUF (INSERM)
Peut-il y avoir synthèse de phytoallexine dans le maïs ?
Si l’on utilise du maïs transgénique pour fabriquer
des protéines susceptibles d’être consommées, la
variabilité du génome pourrait-elle entraîner des
risques toxiques liés à la présence de phytoallexine ?
Alain TOPPAN
La phytoallexine est un composé issu du métabolisme
secondaire ayant une activité anti-microbienne qui
peut parfois être toxique. Je ne crois pas que cela ait
été observé chez le maïs mais je resterais très
prudent dans ma réponse.
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Dans les années 70, Susumu Ohno a écrit que « si
l’évolution relevait uniquement de la sélection naturelle,
les bactéries n’auraient donné naissance qu’à d’autres
bactéries. La création des vertébrés à partir des
organismes unicellulaires aurait été impossible, de tels
sauts dans l’évolution nécessitant la création de nouveaux
gènes avec de nouvelles fonctions. Seul le gène redondant a
pu échapper à la pression de la sélection naturelle,
accumuler de nouvelles mutations et former un nouveau
gène ». La duplication des gènes est ainsi un phénomène
essentiel dans l'évolution des espèces.
I. Les mécanismes de
duplication des gènes
Il existe des mécanismes de duplication « à petite
échelle » comme, par exemple, la duplication en
tandem, la transposition ou les remaniements (ou
enjambements). Ici je parlerai surtout de la duplication
de gènes par polyploïdie.
II. L’origine des gènes
dupliqués
La polyploïdie a été définie chez l'Homme comme étant
« un état anormal de cellules possédant un nombre de
chromosomes supérieur à 2n ». Par contre, c’est un état
fréquemment rencontré chez les plantes et qui peut
résulter d’un croisement interspécifique
(allopolyploïdie) ou d’une croisement intraspécifique
(autopolyploïdie). On a estimé qu'entre 40 % et 70 %
des plantes terrestres ont subi un événement de
duplication relativement récent et la proportion réelle
est probablement encore plus importante.
III. Un génome modèle :
Arabidopsis
Cette espèce a été choisie comme modèle parce qu'elle
présente le plus petit génome chez les plantes
supérieures (125 Mpb). La séquence complète de son
génome a été la première établie pour un eucaryote
supérieur. Le génome était présumé diploïde, il
comporte 5 chromosomes, a une structure simple et est
très proche d'espèces cultivées comme le chou, le navet
ou le colza (Brassicaceae) (Figure 1).
I
PHÉNOMÈNES DE DUPLICATION DE GÉNOMES
AVEC ÉLIMINATION OU SPÉCIALISATION DES
GÈNES DANS LES SEGMENTS DUPLIQUÉS
RICHARD COOKE
CNRS, UNIVERSITÉ DE PERPIGNAN
LASTRUCTURE DES DUPLICATIONS DANS LE GÉNOME D'ARABIDOPSIS
THALIANA. LES RÉGIONS IDENTIFIÉES COMME ÉTANT DUPLIQUÉES
SONT REPRÉSENTÉES PAR DES COULEURS ET DES MOTIFS IDEN-
TIQUES. LENOM DES PAIRES DE BLOCS IDENTIFIENT LE OU LES
CHROMOSOMES IMPLIQUÉS ET LEURS POSITIONS SUR LE(S) CHROMO-
SOME(S). PAR EXEMPLE, I-IVA EST LA PREMIÈRE PAIRE DES BLOCS
DUPLIQUÉS ENTRE LES CHROMOSOMES I ET IV. LES OVALES ROUGES
REPRÉSENTENT LES CENTROMÈRES.
FIGURE 1 :
De grandes duplications
dans le génome d’Arabidopsis
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