Impact du changement climatique sur la stabilité des cavités souterraines 30 mars 2010 Risques d’effondrement des cavités souterraines : l’INERIS étudie le rôle du changement climatique Expert des risques du sol et du sous-sol depuis plus de 60 ans, l’INERIS s’intéresse au rôle du changement climatique sur les risques d’effondrement des cavités souterraines. Plusieurs études expérimentales visent à accroître les connaissances concernant l’impact, sur la stabilité des cavités, de l’augmentation des variations du niveau des nappes d’eaux souterraines, phénomène lié aux évolutions du climat. Les premiers travaux ont permis d’observer un effet potentiel sur la résistance de la roche. D’après les prévisions du GIEC1, le régime des précipitations devrait évoluer : sous nos latitudes, les précipitations hivernales augmenteraient et les précipitations estivales diminueraient alors que la survenue d’événements pluvieux exceptionnels serait plus probable. Ces évolutions sont susceptibles d’influer sur le phénomène de « battement des nappes », c’est-à-dire la variation du niveau des nappes d’eaux souterraines. Par ce biais, la stabilité des cavités souterraines pourrait en être affectée, augmentant ainsi les risques d’effondrement. Dans le cadre de la maîtrise et de la gestion des risques liés aux cavités, l’INERIS poursuit des recherches sur le comportement mécanique des ouvrages souterrains. L’émergence des questions posées par le changement climatique a conduit ses experts à lancer plusieurs études expérimentales dans l’optique d’accroître les connaissances scientifiques sur le lien entre climat et risques d’effondrement des cavités. L’Institut assure le suivi sur le long terme d’une carrière de craie à Estreux (Nord). Les premiers travaux sur des échantillons de matériau rocheux ont montré une diminution de la résistance à la compression de la roche à l’état saturé en eau. Des ouvertures et fermetures de fissures dans le matériau ont également été relevées lors des cycles de saturation/désaturation. L’INERIS a également porté son attention sur le rôle des eaux souterraines sur la résistance des ouvrages dans le cadre des études du GISOS2 sur l’ennoyage des anciennes mines de fer de Lorraine. Les chercheurs ont constaté une baisse de la résistance à la compression du minerai de fer en fonction de son degré de saturation ainsi qu’une plus grande propension à la rupture à long terme d’échantillons rocheux en conditions saturées. L’Institut effectue également un travail d’analyse du retour d’expérience de l’effondrement de la carrière de Lorroy (Seine et Marne), consécutif aux crues exceptionnelles de 1910, dont c’est l’anniversaire cette année. Les sites de la carrière de craie de Saint Martin le Nœud (Oise) et des terrains gypseux de Villepinte (Seine Saint Denis) ont enfin été instrumentés récemment pour recueillir des données quantitatives (battement de la nappe) et qualitatives (caractéristiques physico-chimiques des eaux souterraines). L’INERIS possède des compétences approfondies en géosciences, appliquées à la maîtrise des risques du sol et du sous-sol. L’Institut s’appuie sur une grande culture expérimentale, en laboratoire et sur le terrain au travers d’expérimentations in situ à grande échelle. Sa longue expérience en fait un expert du diagnostic de risque d’instabilité des terrains et un spécialiste de l’aide à la gestion et à la surveillance des zones à risques. L’INERIS intervient dans la gestion des risques d’effondrement de cavités souterraines et des risques d’éboulements de fronts rocheux. L’Institut vient également en appui des pouvoirs publics dans l’élaboration des Plans de Prévention des Risques Naturels et sur l’analyse de l’impact d’aléas naturels sur la sécurité de sites industriels sensibles. 1 Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat. 2 Groupement d’Intérêt Scientifique sur la sécurité des Ouvrages Souterrains. Changement climatique et stabilité des cavités souterraines : Premiers constats des études INERIS Fort de ses compétences en géosciences appliquées aux risques du sol et du sous-sol, l’INERIS mène des recherches sur le comportement mécanique des ouvrages souterrains dans une optique de maîtrise et de gestion des risques d’effondrement des cavités. L’émergence de questions posées par le changement climatique dans ce domaine a conduit les experts de l’Institut à s’intéresser à l’impact du facteur climat sur la stabilité des cavités et à lancer plusieurs études expérimentales dans l’optique d’accroître les connaissances sur ce phénomène. D’après les prévisions du Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat (GIEC), le réchauffement de l’atmosphère par les gaz à effet de serre induit des phénomènes tels que l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations. En France, l’un des deux modèles utilisés3, celui de Météo France, prévoit, dans l’hypothèse d’un doublement progressif du taux de CO2, un réchauffement en hiver (1° à 2°C), un peu plus élevé dans le Sud Est que dans le reste de la France, des anomalies thermiques (>2°C) dans le Sud au printemps et une élévation >2°C des températures moyennes sur tout le territoire en été et en automne. Une augmentation en volume (+7%) des précipitations est mise en évidence, ainsi qu’une plus grande disparité régionale des précipitations et un accroissement des contrastes saisonniers. Les précipitations hivernales augmenteraient, tandis que les précipitations estivales diminueraient ; la survenue d’événements pluvieux exceptionnels serait en outre plus probable. Cette évolution dans le régime des précipitations est susceptible d’influer sur le phénomène de « battement des nappes », c’est-à-dire la variation du niveau des nappes d’eaux souterraines. Par ce biais, la stabilité des cavités souterraines pourrait en être affectée, augmentant ainsi les risques d’effondrement. L’étude du site expérimental d’Estreux (Nord) L’Institut assure le suivi, sur le long terme, d’une carrière de craie abandonnée depuis plus de 50 ans, située à Estreux (Nord) près de Valenciennes. La carrière, d’une superficie totale de 10ha, est peu profonde (20m) et a été exploitée selon la méthode des chambres et piliers abandonnés. La craie extraite possède une texture fine, une porosité moyenne de 37% et une teneur en eau moyenne de 20%. L’humidité relative mesurée dans la carrière est comprise, selon les saisons, entre 80% et 100%. La carrière d’Estreux est instrumentée depuis 2003, après des périodes d’ennoyage et de dénoyage successifs. Les instruments mis en place sur les piliers et au sein des galeries ont pour objectif de mesurer l’évolution dans le temps de plusieurs paramètres : température et hygrométrie du massif rocheux et de l’air des galeries, pression interstitielle, niveau des paramètres physico-chimiques de l’eau dans les galeries, déformation des piliers. D’ores et déjà, diverses expérimentations menées à l’INERIS à l’aide du Microscope Electronique à Balayage ont permis d’observer à très petite échelle des modifications de la structure de la roche en faisant varier la teneur en eau des échantillons prélevés. Les analyses concluent à une baisse de la résistance à la compression de la roche à l’état saturé, par rapport à son degré de résistance à l’état sec. Comme pour de nombreuses craies, la valeur de résistance à l’état sec est divisée par deux dès que l’échantillon est saturé (on passe de 10,3 MPa à 5,3 MPa). Des ouvertures et fermetures de fissures dans le matériau rocheux ont été relevées lors des cycles de saturation/désaturation. La succession de cycles de ce type, qui résulterait des modifications saisonnières des caractéristiques de l’atmosphère souterraine et des battements de la nappe, pourrait faciliter la formation d’un état de fragilité des massifs rocheux, favorable au développement de ruptures. 3 Le modèle du Centre National de Recherches Météorologiques et celui développé par l’Institut Pierre Simon Laplace (MIES, 2000). Le cas des mines de fer de Lorraine4 L’Institut a une expérience riche dans l’analyse et le suivi de l’ennoyage des anciennes mines de fer de Lorraine. En tant que membre du GISOS5, l’INERIS a participé à plusieurs études (analyses de laboratoire, expérimentation in situ, modélisations…) dont certaines conclusions portent sur l’impact des eaux souterraines sur le comportement des massifs rocheux. • La baisse de la résistance à la compression du minerai de fer en fonction de son degré de saturation est voisine de 50% pour une humidité relative passant de 80 à 100%. • Une accélération nette des déformations intervient lorsque l’humidité relative passe de 90% à 100% (ennoyage total des échantillons analysés). En conditions saturées, on constate une plus grande propension à la rupture de l’échantillon à long terme. • Lors d’expérimentations in situ (ennoyage artificiel de deux piliers isolés par des murs de coffrage), les méthodes d’auscultation ont mis en évidence une progression de la frange des terrains « déconsolidés » en bordure de piliers entre la fin et le début de l’ennoyage. • Les dégradations induites par l’ennoyage concernent les secteurs déjà dégradés préalablement ou dans lesquels on observe la présence de minéraux sensibles à l’eau. L’effondrement de la carrière de Lorroy (Seine et Marne) Un bon exemple d’interactions entre les instabilités d’ouvrages souterrains et les phénomènes climatiques exceptionnels est illustré par les crues catastrophiques de janvier 1910 qui affectèrent l’Ile-de-France et dont c’est l’anniversaire cette année. Le 21 janvier 1910, la carrière de craie de Lorroy, près de Château-Landon (Seine et Marne) s’est effondrée, en lien direct avec la crue d’un affluent de la Seine, le Loing, faisant 7 morts et 7 blessés. Les témoignages d’époque ont souligné la remontée brutale d’eau dans les galeries, jusqu’alors sèches, le matin de la catastrophe. La nature du matériau (très forte sensibilité de la craie à l’eau) semble avoir joué un rôle majeur dans le déclenchement de certaines zones d’effondrement proches des entrées. L’INERIS effectue actuellement un travail d’analyse en retour d’expérience, en étroite collaboration avec le Laboratoire Régional de l’Est Parisien, pour mieux comprendre les mécanismes qui ont joué dans la catastrophe de 1910. La remontée des nappes en Picardie en 2001 Dans le cadre de l’élaboration de Plans de Prévention des Risques Naturels (Courcelles Epayelles…), l’INERIS a étudié le rôle de la remontée exceptionnelle des nappes du plateau picard, au printemps 2001, dans les effondrements d’habitations de plusieurs communes du nord de la France (Artois, Picardie, Normandie…). Les phénomènes d’effondrement de ces habitations, sous-minées par des cavités à faible profondeur situées en partie dans la craie, étaient dus à la perte de résistance des structures (toit des cavités, soutènements maçonnés) à l’occasion de grands événements pluvieux ayant conduit à la remontée exceptionnelle de la nappe phréatique. Lors des études techniques postérieures réalisées pour la mise en place de PPRN, les observations ont mis en évidence que la saturation des sols avait affecté des couloirs de fracturation naturelle karstifiés, dans la craie, au droit des vallées sèches. 4 M. Ghoreychi, Coupled processes involved in post-mining, Invited Lecture, Proc. of the Intenat. Symp. EUROCK2006, 9-12 mai 2006, Liège (Belgique), A. Van Cotthem, R. Charlier, JF. Thimus, JP. Tshibangu (Eds), Tayler and Francis 2006, London, pp. 45-53. Wassermann, J., Senfaute, G., Homand, F., Amitrano, D., 2004. Auscultation microsismique de l'ennoyage du site expérimental de Tressange - Bassin ferrifère lorrain. Journées Nationales de géotechnique et de géologie de l'Ingénieur (JNGG), Lille, 28-30 juin 2004, 425-434. Souley, M., Thoraval, A., 2004. Modélisation hydromécanique de l'ennoyage partiel d'un site expérimental dans une mine de fer de Lorraine. Journées Nationales de géotechnique et de géologie de l'Ingénieur (JNGG), Lille, 28-30 juin 2004, 493-502. INERIS, Rapport de synthèse de la mission d'expertise Internationale sur l'ennoyage ou le non-ennoyage du bassin nord ferrifère lorrain. Rapport référencé INERIS-DRS-01-27861/R02 daté du 23 novembre 2001. 5 Groupement d’Intérêt Scientifique sur la sécurité des Ouvrages Souterrains, qui comprend l’INERIS, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), l’Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL) et l'École Supérieure Nationale des Mines de Paris (ENSMP). www.gisos.org. Les études qui démarrent : Saint Martin le Nœud (Oise) et Villepinte (Seine Saint Denis) Pour aller plus loin dans l’étude de cette thématique, l’INERIS a instrumenté plusieurs cavités souterraines dans des contextes géologiques différents : la carrière de craie de Saint Martin le Nœud (Oise) et les terrains gypseux de Villepinte (Seine Saint Denis) où sont apparus des vides souterrains. La carrière de Saint Martin Le Nœud, déjà ennoyée dans sa partie basse, renferme une vingtaine de lacs souterrains. Les terrains gypseux du Bassin Parisien abritent des cavités formées par dissolution, souvent à l’origine de fontis en surface lorsqu’elles se forment dans des masses de gypse entre 10 et 20m de profondeur. Dans les deux cas, l’instrumentation doit permettre d’étudier les réponses des massifs rocheux aux variations quantitatives (battement de la nappe) et qualitatives (caractéristiques physicochimiques) des eaux souterraines. Comment les eaux souterraines influencent-t-elles la stabilité des cavités ? Alors que la variation des températures extérieures est considérée comme un facteur d’effet négligeable sur la stabilité des cavités souterraines, l’impact du changement climatique en termes de modification du régime des eaux souterraines est, à l’inverse, susceptible de jouer un rôle important sur le comportement mécanique des ouvrages souterrains. Les zones soumises à des battements de nappes (assèchement ou humidification d’ouvrages rocheux) sont des contextes défavorables à la stabilité des massifs rocheux : la perturbation des conditions hydriques (ennoyage ou dénoyage des cavités) peut s’avérer, dans certaines circonstances, un facteur aggravant qui augmente les probabilités de rupture des ouvrages à court terme. Les mécanismes d’impact de l’eau sur le comportement des ouvrages souterrains Le battement des nappes pourrait influer sur la résistance des ouvrages. La résistance est directement liée à la circulation de l’eau au sein des matrices rocheuses. Plus un roche est perméable et poreuse, plus elle sera sensible au contact avec l’eau. On constate, lorsque l’on mesure la résistance d’échantillons rocheux à la compression en faisant varier leur teneur en eau, une baisse significative de la résistance à l’état saturé par rapport à la résistance à l’état sec. Ce phénomène a notamment été observé par l’INERIS sur des échantillons provenant du site expérimental de la carrière de craie d’Estreux (Nord). A l’exception des roches les plus imperméables (granits) ou au contraire les plus sensibles à la teneur en eau (argile, craie), la majorité des roches perdent 30 à 50% de leur résistance entre ces deux états de saturation. L’eau a des effets sur les discontinuités de la roche, les massifs rocheux étant généralement des milieux fissurés ou fracturés. L’écoulement au sein d’un milieu fracturé suit des processus où la pression de l’eau et le comportement mécanique du massif sont interdépendants. Les ouvertures et fermetures de ces discontinuités peuvent avoir un impact direct sur la stabilité du massif (ruptures en traction) ou sur sa dégradation (propagation de fractures existantes). Le comportement de la matrice rocheuse saturée en eau est un autre mécanisme en cours d’étude. Les matériaux rocheux saturés présentant une importante microporosité sont sensibles au développement, en leur sein, de contraintes fortes liées à la rétention d’eau. Un effet dit de « succion » caractérise l’action des forces de capillarité qui s’opposent à l’expulsion de l’eau contenue dans la roche, lorsque celle-ci est en contact avec un milieu moins humide. En cas d’ennoyage progressif, cet effet diminue jusqu’à s’annuler et a ainsi des conséquences, dans certaines circonstances, sur la résistance des ouvrages. Ce phénomène, également relevé par l’Institut dans le cadre de l’expérimentation d’Estreux, est susceptible d’être amplifié lorsque l’ouvrage est soumis à des cycles de saturation/désaturation, qui peut faciliter l’apparition de fissures et microfissures. Par ailleurs, la diminution des contraintes (effet de « décharge ») que subit un ouvrage ennoyé peut paradoxalement le rapprocher de son seuil de rupture (diminution des contraintes horizontales, qui s’opposent à la déformation latérale des piliers de soutènement de la cavité). Enfin les conditions hydriques sont susceptibles d’agir sur certaines roches disposées à des transformations physico-chimiques lorsqu’elles sont mises en contact avec l’eau ou au contraire asséchées : gonflement-rétraction, délitement, dissolution-recristallisation. Ce dernier phénomène est particulièrement important dans le cadre de la formation des cavités naturelles. D’autres mécanismes de dégradation sont associés à l’amplitude et à la rapidité des modifications hydrauliques, augmentant les risques de rupture. La recrudescence d’épisodes courts de fortes précipitations entraînerait la saturation des terrains de recouvrement et, en augmentant ainsi le poids des terrains situés au-dessus des cavités, peut induire un risque de mise en charge hydraulique. En cas d’écoulement important dans une cavité, le ruissellement est par ailleurs susceptible de modifier la géométrie des vides, par le déplacement de terrains déconsolidés (éboulis, remblais). La modification, sous l’effet du changement climatique, de l’activité microbiologique, qui semble jouer un rôle dans les phénomènes physico-chimiques qui président au « vieillissement » des massifs rocheux, est également une question étudiée par les experts. L’impact du changement climatique sur les eaux souterraines 6 L’INERIS s’appuie sur les travaux de recherche sur les eaux souterraines effectués notamment par le BRGM pour développer ses analyses. L’impact global du changement climatique sur les eaux souterraines est une question émergente complexe, due aux lacunes de connaissances dans ce domaine soulignées par le rapport du GIEC de 2008. Les eaux souterraines, comparées aux eaux de surface, n’ont jusqu’à présent pas été suffisamment étudiées sous l’angle du changement climatique. Pour dissiper ces incertitudes, seules des approches régionales permettront d’obtenir des informations quantitatives fiables. En France, si l’on excepte l’usage hydroélectrique, les eaux souterraines représentent 45% des ressources en eau exploitées. D’après les premiers travaux de recherche, les variations climatiques n’agissent pas de façon homogène sur la recharge des nappes : certaines nappes sont sensibles aux évolutions, d’autres plus résistantes comme les nappes captives. Parmi les nappes potentiellement les plus sensibles, on peut citer : les nappes libres étendues et à forte capacité de stockage (aquifères poreux situés sous les plaines et plateaux – Bassin Parisien, Beauce et Brie) ; les nappes de faible étendue et de faible capacité (aquifères fissurées du socle et roches volcaniques – Massif Central) ; les nappes karstiques à fort taux de renouvellement (circulation rapide et stockage modéré – Jura, Causses, Quercy, pourtour méditerranéen) ; les nappes alluviales en fond de vallée (en lien étroit avec un cours d’eau). L’impact prévisible du climat sur les eaux souterraines est aujourd’hui discuté par les experts : pour les nappes soumises à un régime climatique tempéré comme en France, les avis convergent vers une amplification du phénomène de battement des nappes. Cette évolution générale, dont le degré d’impact reste à évaluer en fonction de caractéristiques locales (conditions climatiques, comportement des nappes et des sols…), serait due au changement du régime de précipitations, qui combine une augmentation en période hivernale (recharge des nappes plus importante) et une diminution en période estivale (appauvrissement de la ressource). L’exploitation des ressources par l’homme est un autre facteur à considérer : l’amplification des sécheresses estivales devrait accroître les besoins en eau d’origine souterraine, surtout dans les régions d’irrigation intensive (Bassin Parisien, Ouest et Sud-Ouest). L’assèchement des eaux de surface dans cette période amènera à exploiter de manière accrue les eaux souterraines. L’impact du changement climatique pourrait également avoir un aspect qualitatif si l’augmentation de la recharge hivernale des nappes se traduisait par l’infiltration d’eaux moins minéralisées. Ce phénomène serait susceptible d’influer sur l’agressivité de l’eau vis-à-vis de la roche, facteur particulièrement important dans le phénomène de karstification des roches carbonatées. 6 Pour en savoir plus, consultez les sites du BRGM : www.brgm.fr; www.ades.eaufrance.fr, ainsi que les rapports du GIEC, Climate Change and Water. IPCC Technical Paper VI: 2, 2008, 14 p. et de l’ONERC, Changement climatique. Coûts des impacts et pistes d’adaptation. Rapport au Premier ministre et au Parlement. La Documentation française, Paris 2009, 193 p. Les cavités souterraines en France La France compte plusieurs centaines de milliers de cavités souterraines, d’origine anthropique ou naturelle. Les cavités anthropiques Les cavités anthropiques résultent de l’activité humaine : les opérations d’extraction des ressources du sous-sol en sont les principales causes. Les mines et carrières sont exploitées à des fins industrielles (hydrocarbures, sels, métaux…) mais aussi par le BTP (calcaire, gypse, ardoise, craie…) et l’agriculture (craie tendre pour l’amendement des sols). Pour les mines, aujourd’hui presque toutes abandonnées, on peut citer • les bassins ferrifères lorrain et normand ; • les bassins houillers du nord de la France, de la Provence, de la Loire et de la Lorraine ; • les bassins salifères lorrain, alsacien et landais ; • les mines de métaux non ferreux des massifs montagneux (Massif Central, Pyrénées, Alpes). Les carrières souterraines, dont une partie est toujours en activité, sont réparties sur l’ensemble du territoire • dans la région parisienne (craie, gypse, calcaire), • dans le nord de la France, en Normandie et Picardie (craie), • dans le Val de Loire et en Gironde (calcaire), • en région Provence Alpes Côte d’Azur (pierre à ciment, calcaire, gypse). D’autres utilisations expliquent la présence de cavités dans le sol français : habitations et stockage de biens comme des abris, caves, sapes de guerre. Ces cavités sont souvent de moins grandes dimensions et de moins grande profondeur que les carrières et mines, mais elles sont moins faciles à localiser avec précision (lignes de front de la Première Guerre Mondiale pour les sapes ; les vallées de la Loire, de la Seine, de la Garonne pour les habitats troglodytes…). Les cavités naturelles Les cavités naturelles sont des vides qui se créent dans le sous-sol, sous l’effet de l’érosion due à l’action des eaux souterraines (dissolution) sur les roches. Elles sont moins bien connues et identifiées que les cavités anthropiques, du fait du manque de données disponibles. Les couches géologiques les plus solubles, composées de roches carbonatées (calcaire, dolomie, craie…) ou d’évaporites (gypse, sel, anhydrite…), sont les lieux privilégiés de phénomène de dissolution. Les roches carbonatées, dont les mécanismes de dissolution sont appelés « karstification », suivent une évolution généralement lente à l’échelle humaine. En revanche, les cavités issues de formations gypseuses ou salifères ont une cinétique d’évolution beaucoup plus rapide, en lien avec la vitesse du processus de dissolution. En France, les zones de dissolution de gypse (Bassin Parisien, Côte d’Azur), les secteurs karstiques calcaires (Jura, Quercy, Causses, Provence, Languedoc, Préalpes, Pyrénées, Cévennes) et crayeux (Bassin Parisien) sont les plus sensibles. L’INERIS et la prévention des risques de mouvements de terrain L’INERIS possède des compétences approfondies en géosciences, appliquées à la maîtrise des risques du sol et du sous-sol. L’Institut s’appuie sur une grande culture expérimentale, en laboratoire et sur le terrain au travers d’expérimentations in situ à grande échelle. Sa longue expérience en fait un expert du diagnostic de risque d’instabilité des terrains et un spécialiste de l’aide à la gestion et à la surveillance des zones à risques. L’INERIS est ainsi en mesure de faire des préconisations concernant la maîtrise des risques et la prévention des incidents que pourraient occasionner des phénomènes du type mouvements de terrain. L’Institut développe des partenariats pour une meilleure connaissance des risques naturels : Un laboratoire de recherche commun avec l’Ecole des Mines de Nancy et l’Ecole de Géologie de Nancy, le LAEGO. Des partenariats universitaires (Ecole des Mines de Paris, INSA de Lyon, Institut Polytechnique de Grenoble, Institut de Physique du Globe de Paris et Strasbourg, Université de Kiel, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne). Des collaborations avec des organismes de recherche (LCPC, BRGM, ANDRA, IRSN, IFP…) En parallèle au développement de travaux de recherche et d’expertise, les équipes basées à Nancy se chargent d’une surveillance opérationnelle (24h/24) des zones à risques de mouvement de terrain. Cette activité est mise au service des pouvoirs publics, des collectivités et d’exploitants. L’INERIS travaille plus particulièrement sur cinq aspects du risque naturel : l’étude des risques d’effondrement de cavités souterraines, l’étude des risques d’éboulements de fronts rocheux, l’appui aux pouvoirs publics dans l’élaboration des Plans de Prévention des Risques Naturels, l’impact du changement climatique sur les risques de mouvements de terrain, l’impact d’aléas naturels sur la sécurité de sites industriels sensibles. L’étude des risques d’effondrement de cavités souterraines Le savoir-faire de l’INERIS se déploie dans deux domaines : L’expertise sur la stabilité des terrains qui comprend des études de modélisation, le diagnostic des risques et l’évaluation des techniques de comblement. o Les interactions entre le sol et le bâti ou les infrastructures sont étudiées dans le cadre des risques urbains (élaboration d’Atlas des Risques Départementaux, missions de diagnostic pour des collectivités dans les Bouches-du-Rhône…). o Des techniques de comblement ou remblayage des vides souterrains sont analysées (en 2003, étude d’un remblaiement partiel d’une exploitation de gypse à Livry-Gargan ; en 2004, étude d’une méthode de remblayage à la Bauxaline® sur une ancienne carrière de pierre à Peynier). La participation à des programmes de recherche sur la détection des cavités et le processus de dégradation des roches. o Le programme de développement de méthodes géophysiques de détection et de diagnostic des cavités abandonnées (cavités salines de Lorraine, marnières de HauteNormandie) a permis de perfectionner des outils d’auscultation du sous-sol par la technique de sismique réflexion haute résolution (SHR). o Depuis 2001, l’INERIS s’intéresse aux phénomènes complexes de « vieillissement » des cavités et analyse l’influence de la dégradation mécanique d’origine physique et physicochimique sur la stabilité des carrières de gypse et de craie à Estreux (Nord). o L’INERIS apporte son expertise en écoute microsismique dans l’objectif de détecter les signes précurseurs au développement d’instabilités géologiques (affaissement, effondrement). L’étude des risques liés aux éboulements de versants rocheux L’étude des versants rocheux à l’INERIS concerne trois champs de recherche : En 2001 et 2002, l’Institut a participé au programme européen PROTECT pour mettre au point une technique de surveillance des effondrements des falaises maritimes, testée à Mesnil Val, dans le pays de Cau. Cette technique combine approche géotechnique et microsismique. Le site des Rochers de Valabres, dans la vallée de la Tinée, est le siège d’expériences pour évaluer le comportement des versants, conduites depuis 2001 en partenariat avec le LAEGO, le LCPC, le laboratoire Géoscience-Azur (Université de Nice-CNRS). Depuis 2004, le site est utilisé dans le cadre du projet ANR STABROCK, destiné à développer un système de surveillance des risques d’éboulement de versants exposés aux effets des changements climatiques. L’INERIS effectue des recherches sur les phénomènes couplés hydromécaniques relatifs aux milieux rocheux fracturés. Des expériences ont été menées en 2005 en collaboration avec le laboratoire Géoscience-Azur sur le site de Coaraze (Alpes-Maritimes). L’instrumentation en 2009 du site de Séchilienne (Isère) permettra d’étudier, en partenariat avec le CETE de Lyon, l’intérêt de la surveillance microsismique pour suivre les mécanismes de dégradation des versants dans le contexte d’un massif instable. L’appui technique aux Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN) L’INERIS intervient en tant qu’expert dans la cartographie des aléas et la réalisation des études techniques pour les PPRN. L’Institut a réalisé de nombreux PPRN « mouvements de terrain », notamment liés à la présence de cavités souterraines, en particulier pour les préfectures de l’Aisne, des Bouches du Rhône, de l’Oise et de la Gironde. L’INERIS apporte son appui aux services de l’Etat dans la conduite du processus de concertation, notamment grâce à la réalisation d’outils (film pédagogique en 2004 puis guide méthodologique pour l’élaboration des PPRN cavités souterraines en 2008 ; guide technique de mise en sécurité des populations face au risque d’effondrement des cavités souterraines en 2006). L’impact du changement climatique sur les mouvements de terrain L’INERIS s’investit de plus en plus dans l’étude du comportement des sols sous l’effet du changement climatique. En 2006, l’Institut a engagé un programme de recherche sur l’analyse et la modélisation des mécanismes de retrait-gonflement de certains sols argileux sous l’effet des variations climatiques. L’Institut participe également au programme ANR « analyse du retrait-gonflement et de ses incidences sur les constructions » avec un ensemble de douze partenaires. Ses travaux concernent la définition de solutions constructives pour diminuer la vulnérabilité des constructions. L’INERIS anime le groupe « impact du changement climatique sur les risques naturels de mouvements rocheux » au sein d’un vaste programme sur l’adaptation au changement climatique piloté par le MEEDDM. Les NaTech : les sites industriels face aux aléas naturels Accidents provoqués par les aléas naturels (séismes, inondations, tempêtes…), les NaTech reflètent une certaine vulnérabilité des sites industriels. Déjà présent sur cette thématique, l’INERIS a engagé un programme de recherche spécifique sur trois ans, APSYRIS, et une action d’appui aux pouvoirs publics, qui privilégient une approche globale et pluridisciplinaire. APSYRIS vise à comprendre et réduire la vulnérabilité des équipements et des installations industrielles face aux événements naturels. L’objectif de cette démarche est de consolider une expertise technique et opérationnelle reposant sur une analyse des accidents NaTech, sur une connaissance des bonnes pratiques en France et au-delà de nos frontières et sur une analyse des besoins des services de l’État. L’INERIS en bref 20 ans d’existence et 60 ans d’expérience : un expert héritier d’un savoir-faire issu des secteurs des mines, de l’énergie et de la chimie. L’INERIS, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministère chargé de l’environnement, a été créé en 1990. Il est né d’une restructuration du Centre de Recherche des Charbonnages de France (CERCHAR) et de l’Institut de Recherche Chimique Appliquée (IRCHA), et bénéficie d’un héritage de plus de 60 ans de recherche et d’expertise reconnues. • Un effectif total de 582 personnes dont 338 ingénieurs et chercheurs. • 40 spécialistes des géosciences basés à Nancy dans le cadre d’activités de recherche et d’expertise sur les risques liés à l'Après-Mine. • Un siège dans l’Oise, à Verneuil-en-Halatte : 50 hectares, dont 25 utilisés pour des platesformes d’essais, 25 000 m2 de laboratoires. Domaines de compétence : Risques accidentels : sites Seveso, TMD, malveillance, dispositifs technologiques de sécurité, GHS Risques chroniques : pollution de l’eau et de l’air, sols pollués, substances et produits chimiques, CEM, REACh, environnement-santé Sols et sous-sols : cavités, après-mine, émanations de gaz, filière CCS Certification, formation, outils d’aide à la gestion des risques Activité (quelques chiffres) : Recettes : 63 M€ en 2008 LOLF : 55 % Contrats : 45 % Recherche amont et partenariale : 25 % Appui aux pouvoirs publics : 50 % Expertise réglementaire 25 % Expertise conseil 3 M€ de CA à l’export en particulier en Europe et en Afrique méditerranéenne. Une déontologie et une gouvernance reconnues de longue date • Des règles de déontologie encadrent l’indépendance des avis de l’INERIS. Un comité indépendant suit l’application de ces règles et rend compte chaque année depuis 2001 directement au Conseil d’Administration. • Un conseil scientifique et des commissions scientifiques évaluent les projets de recherche ainsi que les équipes depuis 1997. Un comité d’éthique suit les pratiques de recours et d’essais en animalerie. • L’INERIS est certifié ISO 9001 : 2000 depuis 2001 ; plusieurs laboratoires disposent d’agréments COFRAC ou BPL. Acteur de l’Europe de la recherche, l’INERIS s’intègre à l’Europe de l’expertise • L’INERIS assure le secrétariat de la plate-forme European Technology Platform on Industrial Safety qui rassemble plus de 150 partenaires publics ou privés. Son succès a conduit la DG Recherche à confier à ETPIS des thématiques telles que les nanotechnologies. • L’Institut est engagé dans plusieurs partenariats pérennes issus de projets européens : le GEIE EU-Vri avec la fondation allemande Steinbeis (plus de 100 M€ en 2006 en recherche partenariale), L-Surf Services (partenaires suédois, allemands et suisses)… Une démarche de développement durable Conformément au Contrat d’objectifs le liant avec son autorité de tutelle, l’INERIS a engagé une démarche de développement durable qui repose sur une recherche d’économies et de pratiques éthiques : un accord d’entreprise en faveur du travail des handicapés a par exemple été signé en septembre 2007 et un audit énergétique a été réalisé afin de veiller à une utilisation optimale des énergies.