ne, qui montre une augmentation des
infections à méningocoque dans les se-
maines suivant le pic épidémique de
grippe [4]. Plus récemment, une étude
menée dans un centre d’entraînement
de l’armée de l’air grecque lors d’une
flambée d’infections à méningocoque
retrouvait chez 27 % des sujets testés la
preuve biologique d’une infection ré-
cente par le virus influenza [5].
LES CONCEPTS
PHYSIOPATHOLOGIQUES
Plusieurs phénomènes expliquent ces
interactions entre virus influenza et
germes pathogènes attestées par l’épi-
démiologie. Tout d’abord les infections
méningococciques et pneumococciques
ont en commun un certain nombre
d’éléments pathogéniques dans leur po-
tentiel invasif, pour l’adhésion à l’épi-
thélium respiratoire, la colonisation et
l’invasion de l’épithélium : les deux
germes ont, l’un comme l’autre, des mo-
lécules d’adhésion ; ils peuvent se faufi-
ler entre les cellules épithéliales,
rompre la barrière intercellulaire et pas-
ser dans le courant sanguin, provoquant
bactériémies, septicémies et ménin-
gites.
Les effets cellulaires du virus grippal se
manifestent au niveau de la muqueuse
respiratoire par une paralysie ciliaire et
une destruction massive de l’épithé-
lium, ainsi qu’une expression des néore-
cepteurs à l’adhésion. Il se produit une
adhésion et une colonisation des poly-
nucléaires neutrophiles, une leucopénie
locale, puis une apoptose des polynu-
cléaires neutrophiles et la mise en place
d’un métabolisme oxydatif des polynu-
cléaires neutrophiles responsable au ni-
veau local de la destruction des cellules.
Par ailleurs, le virus grippal altère pro-
fondément les fonctions chémotac-
tiques et phagocytaires des monocytes
et des macrophages. Au total, l’infection
par le virus influenza provoque non
seulement une destruction de l’architec-
ture naturelle protectrice de la muqueu-
se respiratoire, mais également, dans le
même temps, une immunodépression
localisée et très intense pendant
quelques jours.
Un modèle animal élaboré à l’Institut
Pasteur de Paris (J.M. Alonso, CNR
Neisseria) montre que l’inoculation res-
piratoire du virus influenza à la souris
déclenche la sécrétion de cytokines et
en particulier d’interféron gamma et
d’interleukine de type 1, qui atteignent
un pic au septième jour. Ces cytokines
pourraient avoir un rôle majeur dans la
sensibilité de l’épithélium respiratoire à
une surinfection bactérienne. Chez les
souris infectées par le virus influenza,
l’inoculation d’un pneumocoque est lé-
tale lorsqu’elle est réalisée au septième
jour de l’infection grippale [6] ; une ino-
culation de la bactérie réalisée plus pré-
cocement ou plus tardivement n’a en re-
vanche aucun effet.
L’infection virale par le virus influenza
paraît donc préparer l’épithélium pour
le rendre très vulnérable pendant une
période bien précise, une surinfection
par des bactéries invasives survenant
pendant cette fenêtre de particulière
vulnérabilité risquant d’avoir des consé-
quences graves allant jusqu’au décès.
Ces données physiopathologiques expé-
rimentales animales ne peuvent certes
pas être transposées totalement à
l’homme ; elles corroborent toutefois les
données épidémiologiques qui témoi-
gnent de la plus grande fréquence des
surinfections bactériennes après le pic
d’infection grippale, avec un petit déca-
lage d’une semaine à quinze jours entre
les deux types d’infection, l’une prépa-
rant l’expression pathogène de l’autre.
Il existe donc très certainement une
sensibilité transitoire aux infections
bactériennes même après une primo-in-
fection grippale modérée, voire après
une grippe asymptomatique.
Autre élément, probablement essentiel,
de l’association entre infection à virus
influenza et surinfection bactérienne : la
neuraminidase. Le virus influenza et le
pneumocoque ont tous deux une neura-
minidase, et il existe entre ces deux neu-
raminidases une synergie qui est létale
dans le modèle animal. L’action de la
neuraminidase aboutit à un clivage des
acides sialiques, récepteurs libres pour
l’adhésion et l’invasion bactérienne ;
c’est ainsi, grâce à cette molécule qui se
dépose au niveau de l’épithélium, que le
virus grippal favorise l’adhésion bacté-
rienne. L’activité neuraminidase est va-
riable selon les souches virales ; elle est
liée à la mortalité, plus étroitement avec
le virus H3N2 qu’avec le H1N1. Dans le
modèle de surinfection expérimentale
utilisant des souris infectées avec le vi-
rus grippal puis avec du pneumocoque
au septième jour, qui est la période de
vulnérabilité particulière, on a pu mon-
trer qu’un traitement de ces animaux
avec une antineuraminidase (oseltami-
vir) permet de réduire la mortalité. Cet
effet protecteur est plus important
lorsque le traitement est donné en pro-
phylactique qu’en curatif retardé (J5),
en association avec une antibiothérapie.
Le traitement par oseltamivir a égale-
ment pour effet de diminuer l’adhérence
des polynucléaires neutrophiles.
Ces résultats obtenus avec le modèle
animal permettent de penser qu’un trai-
tement antiviral donné au cours d’une
infection grippale peut protéger d’une
surinfection bactérienne.
PLACE DES VACCINS
CONTRE LES INFECTIONS À
GERMES INVASIFS
Le vaccin contre le pneumocoque et le
vaccin contre le méningocoque C ont
des indications actuelles bien définies,
hors pandémie grippale. Pour le vaccin
méningococcique conjugué C, le Haut
Conseil de santé publique s’est pronon-
cé au printemps 2009 pour la vaccina-
tion systématique avec une seule dose
des nourrissons âgés de douze à vingt-
quatre mois, avec un rattrapage étendu
jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans révolus
selon le même schéma vaccinal à une
dose [7].
La France est aujourd’hui l’un des pays
d’Europe qui a le taux le plus élevé d’in-
fections à méningocoque C, même si ce
taux a relativement peu augmenté au
cours des dix dernières années. L’infec-
tion à méningocoque C est ainsi respon-
sable dans notre pays de 30 décès par
Médecine
& enfance
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