dOSSIER Biologie Végétale - Université Paul Sabatier

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BIOLOGIE VÉGÉTALE
Les plantes recèlent-elles
encore des secrets ?
Elles ont beau être nos alliées depuis la nuit des temps, les plantes ne
cessent de nous étonner et leur potentiel reste encore loin d’être
complètement exploité…
>>> Raoul RANJEVA, directeur de recherche
CNRS au Laboratoire « Surface cellulaire et
signalisation chez les végétaux »
(SCSV, unité Mixte UPS/CNRS).
Visiting Miler Professor UC Berkeley
>>> Zinnia Elegans : plante horticole fleurissant
nos jardins utilisée en laboratoire pour étudier
la vascularisation chez les végétaux.
La contribution des végétaux à notre qualité de
vie est tellement naturelle qu’il arrive qu’on en
oublie l’importance. Les plantes fournissent à
l’homme, en effet, la base de sa nourriture mais
également de nombreux matériaux pour la
construction ou pour l’habillement. Capables de
synthétiser de très nombreuses substances qui
leur sont spécifiques, les plantes sont connues
pour être des sources de médicaments et pour
égayer les paysages par la variété de leurs formes.
A ces propriétés exceptionnelles, il faut rajouter
le caractère renouvelable (en principe) des
ressources végétales et l’effet protecteur de la
végétation contre l’érosion des sols. Les végétaux
ont aussi permis de découvrir des lois de portée
générale en biologie : la transmission
mendélienne des caractères génétiques,
les transposons (gènes sauteurs) ou, encore
récemment, le rôle de l’ARN interférant dans
la régulation de l’expression des gènes. Plus
spécifiquement, la compartimentation génétique
est particulièrement marquée chez les plantes
puisque, dans la cellule végétale, s’expriment
trois génomes : nucléaire, mitochondrial et
plastidial.
Ces propriétés, ainsi que la simplicité
morphogénétique qui permet de contrôler leur
processus de dédifférenciation/différenciation,
font des plantes un modèle singulier d’étude
du processus de développement.
L’exploitation extensive et intensive des
ressources a fragilisé le caractère renouvelable
des espèces végétales jusqu’à remettre en cause
notre mode de vie. Dans les pays développés, le
souci est maintenant de passer de la production
quantitative à la production qualitative avec
l’impératif de la préservation de l’environnement.
Dans ce contexte, les potentialités des végétaux
sont à explorer et à approfondir par les chercheurs.
Dialogues chimiques
Comprendre les dialogues chimiques et
physiques entre les plantes et leur
environnement devient un enjeu vital et
constitue en soi un thème de recherche
important sous le terme « signalisation ».
>>>
L’Institut Fédératif de Recherche 40
La communauté scientifique toulousaine impliquée dans l’étude des plantes comprend, en plus des acteurs universitaires
présents dans les laboratoires SCSV et EDB, une communauté beaucoup plus large regroupée dans un Institut Fédératif
de Recherche, l’IFR40, intitulé « Agrobiosciences, interactions et biodiversité ». Cet institut créé en 1996 réunit aujourd'hui
environ 350 personnes réparties dans 6 unités de recherche* représentant 5 établissements publics : UPS, CNRS, INRA,
INP-ENSAT et L’ENFA, auxquels est associée la société Biogemma Mondonville.
Depuis sa création, l'IFR40 a pour objectif de promouvoir et de fédérer sur Toulouse l'ensemble des recherches dans le
domaine de la biologie et de la microbiologie végétales, en particulier les mécanismes de développement et de signalisation
cellulaire, et les interactions entre les plantes et les microorganismes pathogènes ou symbiotiques. L'entrée en 2007
de l'UMR «EDB» a permis d'intégrer les dimensions adaptative et évolutive.
La recherche réalisée à l’IFR 40 est pluridisciplinaire, elle s’appuie sur des plates-formes mutualisées de haute technologie
et labellisées au plan national.
Les travaux menés dans le cadre de cet Institut contribuent au développement d'une agriculture plus soucieuse
de l'environnement, génératrice de produits de meilleure qualité ou adaptés à de nouvelles filières de transformation.
Ils concernent également la préservation et la gestion de la biodiversité.
* laboratoire « Surfaces Cellulaires et Signalisation chez les Végétaux » (CNRS/UPS), laboratoire « Evolution et Diversité Biologique » (CNRS/UPS/ENFA), « Laboratoire des
Interactions Plantes Microorganismes » (CNRS/INRA), laboratoire « Symbiose et Pathologies des Plantes » (INP/ENSAT), laboratoire « Génomique et Biotechnologie des Fruits »,
(INRA/INP-ENSAT), « Centre National de Ressources Génomiques Végétales » (INRA).
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Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 9
Biologie Végétale
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>>> Les connaissances de base acquises devraient
ensuite, ou en parallèle, permettre d’agir de
manière raisonnée. Ainsi, favoriser les
interactions entre plantes et microorganismes
(bactéries, champignons) vivant en symbiose
avec elles et leur apportant les éléments
minéraux nécessaires est essentiel pour limiter
l’apport d’engrais chimiques. De même, stimuler
les mécanismes de défenses naturelles contre les
agresseurs biologiques, rendre les plantes plus
aptes à utiliser les ressources en eau, à s’adapter
à des terrains salés et à la sécheresse, et
orienter la qualité du bois formé naturellement
sont également des bases du développement
durable.
Atteindre de tels objectifs vitaux nécessite
l’intégration des concepts et méthodologies
de la biologie moderne (du gène à la biologie
des systèmes) en essayant de comprendre
les nouvelles propriétés qui émergent
à chaque niveau d’organisation.
>>> Culture de cellules isolées de feuilles de Zinnia
elegans observées en microscopie à fluorescence
mettant en évidence les cellules impliquées dans
la vascularisation. (Plateforme Microscopie Imagerie
cellulaire) de l'IFR40. (Copyright Labo SCSV).
Le dispositif toulousain en sciences végétales
est organisé pour répondre à ces défis
scientifiques et sociétaux. Dans ce cadre,
l’université Paul Sabatier occupe une place
centrale en assurant sa double mission de
formation et de recherche en collaboration avec
le CNRS et l’INRA.
Les sciences végétales sont un champ de
recherche vaste et essentiel pour l’homme,
aujourd’hui et pour sa qualité de vie demain.
Contact : [email protected]
L’offre de formation en biologie
et technologie du végétal
L’université Paul Sabatier offre, souvent en
collaboration avec d’autres établissements, une
large palette de formations en biologie et
technologies du végétal. Ces formations sont
inscrites dans le dossier du pôle de compétitivité
AgriMip Innovation, et sont regroupées à l’UPS
avec les formations de microbiologie sous le thème
Microbiologie-Agrobiosciences.
Plusieurs niveaux de diplôme sont proposés :
> Une licence professionnelle (co-habilitée avec
l’Ecole Nationale de Formation Agronomique)
sur les aspects des biotechnologies végétales et
leur application à la sélection variétale.
> Un master professionnel de Bioingénierie
option Biotechnologie végétale.
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> Un master recherche « Biosciences Végétales
», (co-habilité avec l’ENSA de Toulouse)
La poursuite en doctorat dans un des laboratoires
de l’IFR 40 s’effectue dans le cadre de deux filières
(« Développement des plantes » et « Interaction
plantes-microorganismes ») de l’Ecole Doctorale
Sciences Ecologiques Vétérinaires Agronomiques et
Bioingénieries (SEVAB).
Contact : Christophe Roux, Professeur UPS
([email protected])
Site : www.scsv.ups-tlse.fr rubrique
« sites pédagogiques »
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Biologie Végétale
Dans les gènes
de l’eucalyptus
Gérer une forêt exige des outils de plus en plus sophistiqués. Des outils
moléculaires permettent ainsi d’améliorer la production du bois. Exemple de
l’eucalyptus.
>>> Jacqueline Grima-Pettenati, DR CNRS, et
son équipe du Laboratoire « Surfaces
cellulaires et signalisation chez les végétaux »
(unité mixte UPS/CNRS)
L’accroissement de la population humaine s’accompagne
d’une demande toujours plus forte en bois, aussi bien
comme source d’énergie que de bois matériau et
de fibres, alors que la surface totale des forêts tend
à diminuer. Conséquence directe, une aggravation
de l’état des forêts naturelles dont le cycle de
renouvellement n’arrive plus à compenser les
prélèvements. Par ailleurs, l’utilisation de plantations
forestières à forte croissance et à courte rotation fait
partie des solutions envisagées pour créer des puits
à CO2 atmosphérique afin de lutter contre le
réchauffement climatique. Préserver les forêts naturelles
et répondre à ces demandes rend stratégique
le développement de programmes d’amélioration
génétique des arbres cultivés en vue d’augmenter
la contribution des plantations industrielles,
aussi bien en terme de quantité que de qualité.
>>> Eucalyptus dalrympleana,
Longages (Haute Garonne)
Eucalyptus
Sélection génétique
>>> Chantal Teulières, Professeur UPS, et
son équipe du Laboratoire « Surfaces
cellulaires et signalisation chez les végétaux »
(unité mixte UPS/CNRS)
Excellent puit à carbone, l’eucalyptus est la première
espèce de plantation industrielle dans le monde.
Présentant une capacité exceptionnelle de croissance,
même sur des sols pauvres, cet arbre est surtout
recherché pour la qualité de ses fibres adaptées à
la fabrication de la pâte à papier. En France,
l’implantation d’une espèce rustique a débuté en Midi
Pyrénées sous l’impulsion de l’industrie papetière locale
et avec le soutien du Conseil Régional.
Mais la sensibilité au gel de l’eucalyptus limite son aire
d’implantation, en particulier en France, et restreint
également sa production de biomasse. La tolérance au
froid et la qualité du bois sont donc aujourd’hui les
deux caractères ciblés pour l’amélioration génétique
de l’eucalyptus. Les programmes traditionnels
d’amélioration n’ont permis de sélectionner que
des variétés tolérant -18°C, ce qui reste insuffisant
pour éliminer le risque des planteurs.
Les propriétés intrinsèques du bois chez les ligneux
dépendent directement des parois secondaires
des cellules du bois. Ces parois sont en très grande
partie formées de cellulose et de lignines dont les
proportions relatives affectent directement la qualité
du bois. Créer de nouvelles variétés dont les teneurs
en polymères au niveau des parois seraient différentes
permettrait donc de produire du bois mieux adapté
aux besoins.
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La sélection génétique classique chez les arbres forestiers se
heurte à des contraintes spécifiques : évaluation tardive
des caractères cibles, complexité des caractères, longueur
des générations. Ainsi, l’identification directe des gènes
impliqués dans le contrôle des caractères d’intérêt
constitue une étape incontournable pour l’application
de la sélection assistée par marqueurs.
Les chercheurs des deux équipes ont isolé une large
collection de gènes d’eucalyptus dont 26 000 ont été
séquencés. Grâce à l’analyse de puces à ADN contenant
plusieurs milliers de ces gènes, nos équipes ont identifié
ceux dont l’expression semble corrélée à la tolérance au
froid ou à la formation du bois. Le rôle biologique de ces
gènes majeurs est actuellement vérifié par l’étude des
conséquences de leur sur- ou sous-expression dans la
plante. Les résultats obtenus permettront tout d’abord
la progression des connaissances fondamentales sur
le développement et les mécanismes adaptatifs
des végétaux. Ensuite, les différences au niveau de la
séquence de ces gènes dans les populations naturelles
d’eucalyptus sont recherchées et analysées en regard avec
la variabilité des tolérances au froid et des qualités de bois.
Les polymorphismes ainsi révélés sur les gènes d’intérêt
pourront alors potentiellement servir de marqueurs pour
une sélection précoce des meilleures variétés.
Contact : [email protected] et
[email protected]
Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 9
Biologie Végétale
Parois végétales :
une polyvalence utile à l’homme
Cellulose, pectines et lignines jouent des rôles clefs au cours du développement
des plantes et de leurs interactions avec des facteurs environnementaux. Ces
bio-polymères constituent l’essentiel d’une biomasse valorisable.
>>> Elisabeth JAMET, DR CNRS, et son équipe
Protéines pariétales et développement du
laboratoire Surfaces Cellulaires et Signalisation
chez les Végétaux (SCSV, unité mixte UPS/CNRS).
Les parois végétales, structures semi-rigides entourant
les cellules et autorisant le port dressé des plantes,
constituent environ 80% de la biomasse. Elles sont
valorisables sous forme de bois, pâte à papier, fibres
textiles, gélifiants pour l’industrie agroalimentaire,
fourrage pour les animaux ou biocarburants. Les
possibilités de modulation de la composition et de la
structure des parois au cours du développement et des
interactions avec l’environnement sont au cœur de
nos recherches.
Protéines polyvalentes et flexibles
>>> Déborah GOFFNER, CR CNRS, et son équipe
Différenciation du xylème et dynamique pariétale
du laboratoire Surfaces Cellulaires et Signalisation
chez les Végétaux (SCSV,unité mixte UPS/CNRS).
Tous les constituants pariétaux sont remodelables
afin de faire face aux exigences du développement ou
des contraintes environnementales. Cette polyvalence
et cette flexibilité sont rendues possibles par l’activité
des protéines pariétales. Les parois primaires sont
constituées de réseaux de polysaccharides : la cellulose
forme des microfibrilles parallèles ; les hémicelluloses
entourent et relient entre elles ces microfibrilles ; les
pectines forment un gel qui détermine le degré de
porosité des parois et participe à l’adhésion cellulaire.
Dans les tissus spécialisés tels les vaisseaux, des
parois secondaires riches en lignines sont mises en
place. A ces polymères, il faut ajouter des réseaux de
protéines structurales et de nombreuses protéines
mobiles ou en interaction avec eux. Nous avons
entrepris des analyses protéomiques des parois de la
plante modèle Arabidopsis ce qui a permis d’obtenir
la première description des répertoires de protéines
pariétales de différents types cellulaires.
Actuellement, environ un quart des protéines prédites
pour être adressées aux parois d’Arabidopsis ont été
identifiées et distribuées en huit classes
fonctionnelles. Une telle variété est à l’image de la
diversité des rôles joués par les parois et de leur
dynamique. Par exemple, les expansines tirent leur
nom de leur capacité à permettre le glissement des
fibres de cellulose. Les peroxydases et les laccases
modulent le degré de polymérisation des protéines
structurales et des lignines. Outre ces familles
de protéines, nous avons mis en évidence des
protéines majeures dont la fonction n’est pas connue.
Nous recherchons maintenant leurs rôles, avec
la perspective de trouver de nouvelles fonctions
pour les parois.
Au coeur des stratégies de recherches
agronomiques et bio industrielles
Nous cherchons également à comprendre les
mécanismes moléculaires conduisant à la mise en
place d’une paroi secondaire par la cellule végétale.
Pour mener à bien ce projet, des approches
multidisciplinaires (génomiques, génétiques,
physiologiques) sont développées en partant d’une
plante modèle (Arabidopsis thaliana) et en allant vers
une plante d’intérêt agronomique (Zea mays). Nous
disposons aujourd’hui d’un large panel de plantes
(mutants ou transformants) altérées dans
l’élaboration et l’assemblage des parois cellulaires.
Ces mutants ou transformants sont des outils de
choix pour découvrir le rôle et la fonction des gènes et
leur étude a d’ores et déjà permis des avancées
significatives dans le domaine. Au delà d’un aspect
fondamental, la découverte de tels gènes a des
retombées significatives dans les secteurs
agronomiques (alimentation animale) et bio
industriels (production de bioéthanol). En effet,
avec l’épuisement des énergies fossiles à l’échelle
planétaire, les recherches visant à valoriser la
biomasse lignocellulosique (parois) s’intensifient.
Nous nous attachons maintenant, en partenariat
avec des chimistes, à définir l’idéotype des plantes
à vocation énergétique du futur.
Contacts : [email protected] et
[email protected]
>>> Deux éléments de vaisseau conducteur de sève montrant une ornementation de la paroi
secondaire de type réticulé et ponctué. La lignine a été colorée en rouge par le phloroglucinol.
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Site laboratoire : http://www.scsv.ups-tlse.fr
Biologie Végétale
Comprendre
la communication des plantes
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Elles réagissent à la lumière et à la température, adaptent leur reproduction à leur
environnement, combattent leurs agresseurs… Au cœur de ces réponses, le calcium…
>>> Benoît RANTY, CR CNRS,
Comme tous les êtres vivants, les plantes sont
constamment en interaction avec les paramètres de
l’environnement et leurs variations (lumière,
température, qualité des sols, agresseurs) vis-à-vis
desquels elles adaptent leur programme de
développement et de reproduction. Cette aptitude à
percevoir des informations physiques ou chimiques
et à les convertir en un code interprétable par la
machinerie cellulaire repose sur des réseaux de
signalisation dont la compréhension constitue l’un
des enjeux de la biologie intégrative. Le calcium est
l’un des principaux messagers qui véhiculent dans la
cellule l’information nécessaire à l’établissement des
réponses biologiques aux stimuli de l’environnement.
Dans ce cadre, les activités du laboratoire SCSV
consistent à élucider le sens des messages calcium
produits dans les cellules végétales en réponse à des
signaux externes, et à déchiffrer les systèmes
d’interprétation des informations transmises par ce
messager.
Jean-Philippe GALAUD, MCF UPS,
Christian MAZARS, CR CNRS
au laboratoire Surfaces Cellulaires et
Message calcium
Signalisation chez les Végétaux
(SCSV, Unité mixte UPS/CNRS)
Pour détecter en temps réel les variations du taux de
calcium dans les cellules végétales, nous utilisons
l’aequorine, une protéine d’origine animale qui émet
de la lumière lors d’une stimulation calcique. Les
cellules végétales, dotées de cette protéine après
transformation génétique, ont montré que
l’amplitude, la durée, la fréquence et la localisation
du message calcium fournissent un potentiel
combinatoire, apte à générer une partition, ou
signature calcique, propre à chaque stimulus initial.
La perturbation artificielle de cette signature nous
permet en outre d’appréhender l’importance du
message calcium dans l’établissement des réponses
biologiques observées.
Les outils moléculaires de décodage des signaux
calcium englobent à la fois des protéines liant le
calcium (qui assurent les fonctions de récepteurs
primaires) et leurs cibles respectives. Bien que le
calcium serve de messager intracellulaire chez tous
les organismes, les plantes se distinguent par une
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>>> Plantes d’Arabidopsis cultivées en situation de déficit hydrique.
La plante de gauche a été génétiquement modifiée et est déficiente
pour un gène de signalisation calcium.
gamme de récepteurs primaires et de cibles propres
au règne végétal, sur lesquels nous focalisons nos
études. Les ressources génétiques récemment
développées à partir de plantes-modèles telles
qu’Arabidopsis thaliana, nous aident à apprécier le
caractère essentiel des récepteurs primaires pour
activer les réponses des plantes aux facteurs de
l’environnement. Les méthodes biochimiques et
génétiques d’analyse des interactions moléculaires
sont exploitées en vue d’identifier les événements
de signalisation allant des cibles immédiates des
récepteurs jusqu’aux stades ultimes des cascades
de signalisation.
Stress salin et hydrique
Toutes les données acquises montrent que le calcium
est un commutateur central dans les réponses des
plantes à l’environnement. La modulation des voies
de signalisation associées à cet ion a déjà permis
d’augmenter la tolérance des plantes au stress salin
et au stress hydrique.
Contacts : [email protected]
[email protected]
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Biologie Végétale
PLANTES ET MICROBES :
un vieux couple plein d’avenir
La compréhension des symbioses qui perdurent depuis des centaines de millions
d’années entre les champignons microscopiques et des plantes est en pleine
progression.
>>> Monique GARDES, Professeur à l’UPS, au
Laboratoire « Evolution et Diversité Biologique »
(EDB, unité mixte UPS/CNRS) et son équipe.
>>> Guillaume BÉCARD, Professeur à l’UPS,
directeur du SCSV (unité mixte UPS/CNRS)
et son équipe.
>>> Jean-Jacques BONO, Chargé de recherche
Il y a 450 millions d’années, lorsque les continents
n’étaient pas encore séparés et que les premières
formes animales présentes dans les océans étaient
encore très primitives, des végétaux commençaient à
s’adapter à la vie sur la terre solide. Un examen au
microscope des organes primitifs (fossilisés) qui leur
servaient de racines, permet d’observer dans les
tissus internes la présence de champignons
microscopiques. On les connaît aujourd’hui sous le
nom de champignons endomycorhiziens. Ils vivent
en symbiose avec près de 80% des espèces végétales,
depuis les mousses jusqu’aux plantes à fleurs, et
sont présents dans tous les écosystèmes. Tout en
colonisant les cellules racinaires des plantes, ils
forment en prolongement un mycélium externe très
dense qui s’étend dans le sol au-delà du système
racinaire. Ce mycélium extrait les ressources
hydriques et minérales du sol et les draine jusqu’aux
racines en échange de sucres fournis par la plante.
Mieux nourrie et hydratée, la plante-hôte est en
meilleure santé et croît plus rapidement.
INRA et Annick BARRE, Maître de conférences
à l’UPS, et leur équipe du SCSV.
A
B
>>> Symbiose endomycorhizienne associant
les racines des plantes (ici les racines
de la plante modèle Medicago truncatula) et
certains champignons du sol (ici Gigaspora rosea).
A : Champignon à l’extérieur
de la racine observé à la loupe binoculaire.
B : Champignon à l’intérieur de la racine
observé au microscope.
Réduire les engrais et l’irrigation
Plusieurs raisons ont justifié l’intérêt que porte la
communauté internationale à cette symbiose
depuis plusieurs décennies : le fait qu’elle soit très
ancienne, son succès écologique remarquable et les
perspectives de plus en plus concrètes qui s’ouvrent
à son exploitation agronomique pour réduire les
besoins en engrais et en irrigation.
A Toulouse, les recherches visent à mettre en
évidence les mécanismes cellulaires et moléculaires
qui font que deux partenaires symbiotiques
peuvent interagir de façon aussi intime et durable,
un peu comme les mitochondries et les cellules
eucaryotes le font depuis plus longtemps encore.
Deux équipes du laboratoire SCSV, en
collaboration étroite avec des équipes INRA,
cherchent à caractériser la nature chimique des
molécules les plus importantes échangées entre les
partenaires. Ce sont généralement des molécules
de faible taille moléculaire. On évalue l’importance
de leur rôle par des approches génétiques. Ces
molécules-signal, sorte de clés d’entrée, ont leur
« serrure » correspondante, qu’on appelle des
récepteurs et qu’on cherche aussi à isoler et à
décrire grâce aux approches de la biochimie
structurale. Les recherches dans ce domaine se
sont considérablement accélérées ces dernières
page 9
années. Elles ont été stimulées par les données
acquises en génomique végétale et par une
découverte qui a surpris les chercheurs : la
symbiose fixatrice d’azote qui associe les
légumineuses et les bactéries rhizobia, et la
symbiose endomycorhizienne, pourtant très
différente et beaucoup plus ancienne, que
partagent certaines voies de signalisation et de
reconnaissance. Ceci suggère que des langages
moléculaires très conservés permettent aux plantes
de reconnaître les microbes bénéfiques avec
lesquels s’associer et ceux contre lesquels elles
doivent déclencher leurs systèmes de défense.
Associations préférentielles
Il reste de nombreuses boîtes noires et
d’importantes recherches à faire pour comprendre
plus finement comment les plantes interagissent
avec les microorganismes. A une échelle moins
réductionniste, une équipe d’écologie du
laboratoire EDB essaie de comprendre quels sont
les mécanismes à l’origine de la diversité fongique
dans notre f lore actuelle et des associations
préférentielles qu’on observe dans la nature entre
génotypes végétaux et fongiques. Ces recherches
font appel à des méthodes de phylogénie
moléculaire et d’identification génétique et à des
puces à ADN, pour reconnaître le champignon
dans la racine. La caractérisation des champignons
associés à différentes plantes hôte dans des
environnements variés permet de faire émerger les
profils de distribution des espèces et des individus,
et donc les processus d’assemblages de la diversité
dans le temps et dans l’espace. Ainsi, des données
récentes ont révélé des communautés fongiques
très riches et diversifiées dans des habitats non
perturbés par l’homme depuis plusieurs centaines
d’années. Au contraire, les habitats soumis à
de fortes perturbations anthropiques semblent
favoriser des communautés essentiellement
constituées d’espèces pionnières à large spectre de
distribution ainsi que des populations d’individus
éphémères incapables de coloniser durablement
leur environnement.
Contacts : [email protected]
[email protected]
[email protected]
Biologie Végétale
Comment expliquer la grande
diversité des plantes à fleurs ?
Si la variété des plantes à fleurs émerveille le promeneur, elle constitue un
véritable casse-tête pour les biologistes. Une variété qui ne serait pas
uniquement le fruit du hasard…
>>> André PORNON, Maître de conférences UPS et
Christophe THÉBAUD, Professeur UPS et
leurs équipes du laboratoire Evolution et
Diversité Biologique (EDB, Unité mixte UPS/CNRS).
Les plantes à fleurs (ou Angiospermes) forment une
composante majeure de la biodiversité terrestre,
englobant de 250 000 à 400 000 espèces réparties
en 460 familles. Cette lignée évolutive, apparue
il y a environ 130 millions d’années, surpasse en
nombre et abondance tout autre groupe de plantes
et domine la végétation terrestre depuis environ
100 millions d’années. La formation très rapide,
à l’échelle des temps géologiques, d’une biodiversité
d’une richesse inouïe du point de vue des formes et
des modes de vie a longtemps constitué pour les
biologistes un « abominable mystère », selon la
formule utilisée par Charles Darwin pour décrire
son incapacité à comprendre les causes du
phénomène. Car l’explication traditionnelle qui
consiste à présenter les nouvelles possibilités
reproductives offertes par la fleur, en particulier
la pollinisation par les insectes, comme le facteur
déclenchant de l’explosion du nombre d’espèces
paraît trop simple. Récemment, l’analyse
moléculaire de la diversification des familles de
plantes à fleurs au cours de l’évolution a montré
que la biodiversité actuelle est le résultat d’au
moins 10 épisodes de multiplication intense
du nombre d’espèces. Ces épisodes semblent
correspondre à des périodes où les conditions
environnementales ont été grandement modifiées
par les variations du climat. Ainsi, l’évolution
de la biodiversité des plantes à fleurs
dépendrait fortement du contexte
géographique et historique, ainsi que des
mécanismes moléculaires et écologiques
qui peuvent influencer le rythme de la
formation de nouvelles espèces en
réponse aux variations de
l’environnement.
Arbres d’Amazonie
>>> Antirrhinum : un système modèle en écologie
évolutive pour l'étude de l'évolution des plantes
à fleurs; ici, Antirrhinum majus visité par
un bourdon pollinisateur dans les Pyrénées.
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Le laboratoire EDB s’intéresse à ces
problèmes en privilégiant deux axes de
recherches. Le premier concerne la mise
en place de la biodiversité, en utilisant
les arbres des forêts humides d’Amérique
du Sud comme système biologique de
référence. Ces forêts abritent plus de
70 000 espèces de plantes à fleurs,
avec par endroits jusqu’à 300 espèces
d'arbres par hectare (40 au maximum en Europe).
Mais cette biodiversité n’est pas uniformément
répartie. En Amazonie, des parcelles forestières
éloignées de 100 km possèdent seulement un tiers
de leurs espèces d’arbres en commun. Les théories
classiques de l’écologie ont longtemps considéré
qu’une telle hétérogénéité spatiale de la biodiversité
ne dépendait que des changements de substrat ou
des conditions climatiques actuelles. Des modèles
mathématiques inspirés de la théorie neutraliste
de l’évolution (selon laquelle le hasard est le
premier moteur de l’évolution avant la sélection
naturelle) montrent que les différences observées
sont fonction du contexte géographique de la
formation des espèces. Ainsi, à l’échelle de
l’Amazonie, de nombreuses espèces sont absentes
de certaines régions simplement parce qu’elles
n'ont pas encore eu le temps de s'y disperser.
Gueules-de-loup
Le deuxième axe porte sur les mécanismes de
la formation des espèces, et tente d’expliquer
la mise en place des différences morphologiques et
fonctionnelles chez les gueules-de-loup
(Antirrhinum). Le genre Antirrhinum comprend un
grand nombre d’espèces, très différentes les unes
des autres du point de vue de la morphologie et
de l’écologie, malgré une différenciation récente.
Des analyses génétiques et moléculaires montrent
que les différences très marquées de la couleur des
fleurs entre les espèces s’expliquent par l’évolution
d’un petit nombre de gènes dont l’action influence
l’intensité de deux grands types de pigments
(anthocyanes, aurones) dans la fleur. Par ailleurs,
l’étude de la variabilité naturelle chez certaines
espèces des Pyrénées indique que la sélection
naturelle est impliquée dans l’évolution des
différences de couleur de fleurs et a joué un rôle
important dans la formation des espèces. Ces
recherches doivent permettre de mieux comprendre
la nature des changements moléculaires impliqués
dans les premiers stades de la formation des espèces
et de déterminer si l’adaptation à des
environnements différents est le véritable moteur
de la biodiversité chez les plantes à fleurs.
Contact : [email protected]
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Biologie Végétale
Vers un vaccin
pour les plantes
Les produits phytosanitaires classiques posent de graves problèmes pour
l’environnement et la santé humaine. La compréhension des mécanismes de
l’immunité végétale pourrait nous sortir de cette ornière.
>>> Arnaud BOTTIN, Maître de conférences UPS,
membre de l’équipe IPM du Laboratoire « surfaces cellulaires
et signalisation chez les végétaux » (unité mixte UPS/CNRS)
Depuis l’invention de l’agriculture, l’homme doit faire
face au fléau que représentent les maladies affectant
les cultures. Les champignons filamenteux sont les plus
dévastateurs des microorganismes parasites des
plantes. Au cours du XXème siècle, des produits
phytosanitaires issus de la chimie ont été largement
utilisés afin de lutter contre ces agents pathogènes.
Plusieurs dizaines de milliers de tonnes de fongicides
sont encore répandus sur les cultures chaque année en
France, posant de graves problèmes pour
l'environnement et la santé humaine. Pour développer
de nouvelles stratégies de lutte, il est nécessaire de
comprendre comment les champignons attaquent les
plantes, et comment celles-ci s’en défendent. En effet,
les plantes ont un système de défense naturel, qui
présente des points communs avec l'immunité innée
des animaux.
La reconnaissance de molécules « antigènes »
(appelées éliciteurs) produites par les parasites entraîne
des réactions de rejet de l'agresseur. Un conflit
moléculaire s'engage alors entre les deux partenaires,
dont l’issue détermine le devenir de l'interaction
(maladie ou résistance). Les travaux effectués au sein
du laboratoire SCSV s'attachent à identifier les
acteurs clés de ce conflit en utilisant comme modèle
biologique la légumineuse Medicago truncatula en
interaction avec les champignons Colletotrichum et
Aphanomyces, responsables respectivement de maladies
foliaires et racinaires. La pertinence de ce modèle tient
en particulier au fait que les légumineuses sont
devenues la source majeure de protéines pour les
animaux d’élevage depuis l’interdiction des farines
animales dans leur alimentation, et représentent
également une
source de
protéines de plus
en plus
importante dans
l’alimentation
humaine.
Immunité
végétale
>>> Protection des plantes par des éliciteurs : des plantes de Medicago truncatula
ont été inoculées par l’agent de l’anthracnose Colletotrichum trifolii soit directement (A)
soit après un traitement par des éliciteurs induisant l’immunité végétale (B).
On observe que les plantes traitées par les éliciteurs ont résisté, tandis que celles
qui n’ont pas reçu le traitement ont été tuées par le parasite.
Deux éliciteurs
ont d’ores et déjà
été caractérisés
parmi les
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protéines extracellulaires des champignons parasites :
une pectinase, enzyme d’attaque des parois végétales,
et une lectine liant la cellulose végétale. D’autres
éliciteurs sont en cours d’identification par analyse des
séquences obtenues dans le cadre d‘un projet de
séquençage du génome d’Aphanomyces mené en
collaboration avec le Génoscope d’Evry. L’analyse des
relations structure-fonction de ces protéines permet de
définir les domaines moléculaires responsables de leur
perception par les cellules végétales. Un objectif à
moyen terme est d’identifier les récepteurs impliqués
dans cette perception, ainsi que les voies de
signalisation qui sont à la base de l’immunité végétale.
Par ailleurs, un couple de lignées sensibles et
résistantes de M. truncatula a été sélectionné pour
chaque parasite étudié, et l’analyse génétique de leur
descendance a permis d’identifier des déterminants
impliqués de façon majeure dans la résistance. Leur
clonage moléculaire est en cours. Enfin, l’étude
simultanée de l’expression d’un grand nombre
de gènes par utilisation de « puces à ADN »
(étude transcriptomique) a permis l'identification
d’ensembles de gènes induits au cours de la mise en
place de la défense. Des études complémentaires sont
en train de préciser le rôle de ces gènes dans
la résistance.
De nouveaux produits phytosanitaires
Une application de l'activité des éliciteurs est
de les utiliser comme des « vaccins » naturels dont
l’application au champ permet d’immuniser les
cultures. Malgré des essais prometteurs, le
développement commercial de ce type de produits se
heurte à des problèmes d'efficacité par rapport aux
traitements fongicides classiques. En collaboration
avec plusieurs industriels, nous cherchons à optimiser
ces produits en couplant des approches de génomique
fonctionnelle (étude du transcriptome des plantes
traitées) avec des essais au champ (protection des
cultures). L'enjeu de ces recherches est de proposer
des solutions aux contraintes actuelles de
l'agriculture, à savoir satisfaire la demande
alimentaire tout en préservant
l'environnement.
Contact: [email protected]
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