L'évolution:
une histoire des idées
Hervé Le Guyader et Jean Génermont
a vie sur Terre a une histoire, une longue histoire
puisque des traces de l'activité d'êtres vivants ont
été détectées dans des roches formées il y a 3 800 mil-
lions d'années. Les péripéties de cette histoire ont
engendré la diversité actuelle du monde vivant : aussi ne
saurait-on comprendre celle-ci sans se placer dans une
perspective évolutive.
Pour cette raison, il est indispensable de reconsti-
tuer l'histoire de la vie et d'identifier les causes des évé-
nements qui la tissent.
Ce n'est que dans la seconde moitié du
XIXe
siècle
que la notion d'évolution s'est imposée dans les milieux
scientifiques. En revanche, l'idée que la biodiversité est
structurée est plus ancienne. Elle est issue des premières
recherches sur la classification des êtres vivants. Les clas-
sifications anciennes, fondées sur l'utilité des organismes
pour l'homme, étaient à l'évidence subjectives. En réac-
tion se multiplièrent, dès l'aube du
XVIIe
siècle, les tenta-
tives de définition de critères et de systèmes de classifica-
tion aussi objectifs que possible. D'un auteur à l'autre, les
critères proposés n'étaient pas les mêmes, et pourtant cer-
tains groupements se retrouvaient d'une classification à
l'autre, indépendamment du «système». Il apparut par
ailleurs que la diversité des organismes s'accommodait
bien d'une classification hiérarchique. Dès lors, on pou-
vait conclure, avec Cari von Linné (1707-1778), à l'exis-
tence d'un «ordre souverain de la nature» et à celle d'une
classification «naturelle» qu'il fallait approcher.
C'est à Linné qu'on doit
le principe des unités systé-
matiques emboîtées, ou
taxons — règne, classe,ordre,
genre, espèce, variété —, struc-
ture conservée par la suite
avec une multiplication des
niveaux taxinomiques (dont
celui de la famille, entre
l'ordre et le genre).
A
cet
emboîtement, on fit corres-
pondre par la suite le principe
de subordination des carac-
tères : il consiste à identifier, à
chaque niveau de la classifi-
cation, les caractères perti-
nents pour définir les taxons.
Ainsi les caractères de défini-
tion des genres sont subor-
donnés aux caractères de défi-
nition des ordres, eux-mêmes
subordonnés aux caractères
de définition des classes...
Par exemple, le chevreuil
(
Capreolus capreolus)
se
1. PIERRE BELON
(1517-1564),
médecin et naturaliste français, publie en
1555
une
His-
toire de la nature des Oiseaux, avec leurs descriptions et naïfs portraicts retirez du naturel.
Sur cette planche, il rapproche le squelette de l'homme et celui de
l'oiseau. C'est la pre-
mière intuition d'une unité de plan chez les vertébrés.