MÉDECINE VÉTÉRINAIRE Par JOCELYN DUBUC, médecin vétérinaire, professeur, Département de sciences cliniques, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal Un deuxième test de gestation peut être payant Puisque la rentabilité d’une entreprise laitière est étroitement liée au nombre de vêlages, réaliser un deuxième test de gestation peut être payant! MAINTENIR UN TAUX DE SAILLIE ÉLEVÉ Selon leurs besoins et leurs intérêts, les producteurs laitiers font souvent appel à leur médecin vétérinaire pour les aider dans la gestion de la reproduction de leur troupeau. Ces consulta- tions peuvent porter, entre autres, sur la mise en place d’une stratégie de gestion de la reproduction ou encore sur FIGURE 1 – INCIDENCE MOYENNE DE MORTALITÉ EMBRYONNAIRE DURANT LA PÉRIODE DE GESTATION CHEZ 100 VACHES HOLSTEINS GESTANTES 30 % de vaches gestantes affectées par une mortalité embryonnaire Il y a deux composantes cruciales pour qu’un producteur reçoive une paie à la fin de chaque mois. Premièrement, il faut que les vaches vêlent régulièrement. Deuxièmement, il faut produire un lait de qualité (comptages bactériens et cellulaires inférieurs aux normes) pour qu’il soit accepté par l’usine de transformation. Il n’est donc pas surprenant que les producteurs laitiers accordent une grande importance à la gestion de la reproduction du troupeau dans le but de maximiser le nombre de vêlages chaque année. La rentabilité de leur entreprise en dépend! les options disponibles pour améliorer la situation lorsqu’il y a un problème. Bien que les approches utilisées puissent varier d’un médecin vétérinaire à l’autre, les principes guidant la mise en place d’une stratégie de gestion de la reproduction d’un troupeau sont souvent les mêmes. Un de ces principes importants est de maintenir un taux élevé de saillie (c’est-à-dire de saillir le plus grand nombre de vaches admissibles à la saillie durant une période donnée). Pour optimiser les saillies des vaches admissibles, une détection précoce des vaches non gestantes après la saillie est primordiale. 25 20 15 10 5 0 1 à 10 11 à 20 21 à 30 31 à 40 41 à 50 51 à 60 61 à 70 71 à 280 Jours de gestation LA CHRONIQUE VÉTÉRINAIRE EST SOUS LA RESPONSABILITÉ D’UN COMITÉ DE RÉDACTION QUI RÉVISE CHACUN DES ARTICLES AVANT PUBLICATION. GILLES FECTEAU, FMV Saint-Hyacinthe, coordonnateur du comité de rédaction; PAUL BAILLARGEON, ZOETIS; GUY BOISCLAIR, Merck santé animale; YVES CARON, Clinique vétérinaire St-Tite; ANNIE DAIGNAULT, Clinique vétérinaire Saint-Césaire; MAXIME DESPÔTS, Clinique vétérinaire St-Louis-Embryobec; DAVID FRANCOZ, FMV Saint-Hyacinthe; JEAN-PHILIPPE ROY, FMV Saint-Hyacinthe; ISABELLE VEILLEUX, Clinique vétérinaire Centre-du-Québec; NICOLE RUEST, Clinique vétérinaire Centre-du-Québec. Pour questions ou commentaires : [email protected]. 42 NOVEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS UN PREMIER TEST POUR DÉTERMINER LESQUELLES NE SONT PAS GESTANTES Il est important de noter que l’intérêt principal du médecin vétérinaire lors du premier diagnostic de gestation est d’identifier celles qui ne sont pas gestantes. Cette situation peut sembler étrange à première vue, mais l’idée ici est de trouver les vaches non gestantes pour pouvoir les saillir de nouveau rapidement afin d’éviter la perte de temps entre le vêlage et la saillie fécondante (réduction des jours ouverts). Pour un diagnostic plus rapide des vaches non gestantes dans un troupeau, plusieurs outils peuvent être utilisés tels que des diagnostics précoces des vaches non gestantes (avec ou sans l’aide de l’échographie), des visites du médecin vétérinaire plus fréquentes, une meilleure détection des retours en chaleur des vaches et une présynchronisation hormonale des vaches. UN DEUXIÈME TEST POUR CONTRER LA MORTALITÉ EMBRYONNAIRE Lorsqu’une telle stratégie de gestion de la reproduction est mise en place dans un troupeau, il n’est pas rare que le médecin vétérinaire recommande la réalisation d’un deuxième test de gestation sur les vaches diagnostiquées gestantes lors du premier examen. On pourrait croire que cette procédure est superflue, mais des résultats de recherche sur le sujet justifient cette étape supplémentaire. La raison principale pour vouloir effectuer un deuxième diagnostic de gestation est qu’environ 10 % des vaches identifiées gestantes entre 30 et 50 jours de gestation perdront cette gestation dans les 30 jours suivants, et ce, dans un troupeau tout à fait normal. La perte de ces gestations, aussi appelée « mortalité embryonnaire », est un phénomène normal (voir encadré). Les causes sont nombreuses : les plus fréquentes étant un mauvais développement de l’embryon (ex. : anomalie congénitale ou gène létal), une production insuffisante de progestérone (hormone permettant le maintien de la gestation) par la mère, ou un environnement utérin néfaste à la croissance de l’embryon (ex. : infection à l’utérus ou endométrite). LA MORTALITÉ EMBRYONNAIRE L’incidence de mortalité embryonnaire est à son maximum durant les 50 premiers jours de vie de l’embryon. En fait, la majorité des mortalités embryonnaires passent inaperçues, puisqu’elles se produisent surtout avant les 30 premiers jours de gestation, et donc avant le premier diagnostic de gestation (voir la figure 1). Ainsi, en voulant diagnostiquer les vaches non gestantes plus rapidement, on hausse généralement en même temps la détection des mortalités embryonnaires, ce qui peut se traduire par une augmentation du nombre de cas diagnostiqués par année. Dans cette situation, il est important de comprendre que cette hausse de la mortalité embryonnaire n’est pas causée par le médecin vétérinaire, mais plutôt par le fait qu’il y a plus de mortalités embryonnaires dans les premiers jours de gestation et que celles-ci n’étaient pas diagnostiquées auparavant. Il existe aussi une panoplie de causes pouvant faire augmenter l’incidence de mortalité embryonnaire dans un troupeau telles qu’une urée sanguine trop élevée et des infections bactériennes ou virales. Dans un cas problème, le médecin vétérinaire pourrait vouloir procéder à une investigation plus poussée de la situation. LES MÉTHODES DE DIAGNOSTIC Un deuxième diagnostic de gestation peut être réalisé de différentes façons. L’approche la plus répandue dans les fermes du Québec, mais aussi en Amérique du Nord, est de réaliser une palpation transrectale dans le but de confirmer la présence d’une gestation. Cette procédure peut être appliquée avec ou sans l’aide de l’échographie. Si l’échographie est utilisée dans certains troupeaux, le but peut être d’identifier le sexe du fœtus, la présence de jumeaux ou de valider la viabilité de l’embryon. OBJECTIFS DES DIAGNOSTICS DE GESTATION PREMIER DIAGNOSTIC DE GESTATION Identifier les vaches non gestantes pour les resaillir rapidement DEUXIÈME DIAGNOSTIC DE GESTATION Confirmer la présence de la gestation et trouver les mortalités embryonnaires La deuxième approche est le dosage de protéines produites par le fœtus ou le placenta. Ces protéines sont appelées « protéines associées à la gestation » ou PAG. Le dosage des PAG peut être réalisé au laboratoire à partir du sang ou du lait. Étant donné que la concentration des PAG peut rester élevée relativement longtemps dans le sang des vaches même après la fin ou la perte de la gestation, certains facteurs importants sont à considérer dans l’interprétation du résultat de ces tests. Il est donc pertinent d’en parler avec votre médecin vétérinaire pour discuter des différentes approches disponibles pour votre troupeau en considérant leurs avantages et inconvénients. Au final, il est important de faire un deuxième diagnostic pour confirmer le maintien de la gestation chez les vaches qui ont été identifiées gestantes avant 50 jours de gestation, et ce, peu importe le test utilisé. UNE COMBINAISON GAGNANTE En résumé, l’objectif du premier examen de gestation est de trouver rapidement les vaches non gestantes dans un troupeau alors que l’objectif du second examen est de confirmer le maintien de la gestation environ un mois plus tard. Il existe de multiples façons de mettre en place une stratégie pour respecter ces deux objectifs. N’hésitez pas à en discuter avec votre médecin vétérinaire lors de sa prochaine visite. NOVEMBRE 2014 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 43