Œil et Physiologie de la Vision - I-3 I-3. LES PARAMETRES DE LA STIMULATION VISUELLE Florence Rigaudière Jean-François Le Gargasson Yvon Grall Pour citer ce document Florence Rigaudière, Jean-François Le Gargasson et Yvon Grall, «I-3 : LES PARAMETRES DE LA STIMULATION VISUELLE», Oeil et physiologie de la vision [En ligne], I-La stimulation visuelle, mis à jour le 18/06/2013, URL : http://lodel.irevues.inist.fr/oeiletphysiologiedelavision/index.php?id=152, doi:10.4267/oeiletphysiologiedelavision.152 Plan LES FACTEURS TEMPORELS Variation brève d'un paramètre de la stimulation Flashs et structures alternantes Stimulations flashs Stimulations structurées Fréquences temporelles Stimulations flashs : fréquences temporelles Stimulations structurées : fréquence d’alternance et fréquence temporelle LES FACTEURS ENERGETIQUES Niveau lumineux de la stimulation Stimulation flash Damier alternant Damier onset-offset Organisation spatio-temporelle de la luminance des damiers Niveau lumineux de l’ambiance Ambiance photopique Ambiance scotopique LES FACTEURS SPATIAUX Surfaces stimulantes Stimulations flashs Stimulations structurées Contrastes lumineux LES FACTEURS SPECTRAUX Les stimulations flashs Flashs achromatiques Flashs chromatiques Stimulations structurées Composition spectrale des ambiances CONCLUSION 1 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 2 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Texte intégral Seuls les principaux paramètres de la stimulation visuelle mis en oeuvre pour l’exploration fonctionnelle sont décrits ici regroupés autour de quatre facteurs : temporels, énergétiques, spatiaux et spectraux. En tenant compte des contraintes du système visuel et combinés de façons judicieuses, ils activent de façon prépondérante telle ou telle partie de la chaîne visuelle. Les signaux alors émis et recueillis loin des sources génératrices peuvent correspondre à la réponse spécifique de la partie ciblée de la chaîne visuelle, après traitements adaptés du signal. LES FACTEURS TEMPORELS Ce sont les incontournables de l’exploration de la fonction visuelle. Seules des stimulations présentant des variations brèves dans le temps d’un de leurs paramètres, sont susceptibles d’induire des modifications d’activité synchrones de groupes cellulaires, détectables et enregistrables loin des sources génératrices. Variation brève d'un paramètre de la stimulation Cette variation brève permet la synchronisation des variations de polarisations cellulaires ou des modulations de fréquences temporelles des potentiels d'action d'un nombre suffisant de cellules. Emises de façon synchrone, ces variations deviennent discernables du bruit de fond (électrorétinographique ou électro-encéphalographique) et permettent l’apparition d’une réponse après traitement de signaux recueillis loin des sources génératrices. Cette réponse n'est en aucun cas le reflet de l'activité continue du système testé, mais bien celle liée à sa modification d’activité grâce à la variation brève du paramètre choisi de la stimulation. Ainsi une absence de réponse électrophysiologique ne signifie-t-elle pas nécessairement que le message ne parvient pas ou n’est pas traité au niveau visuel testé, mais peut signifier que le nombre de cellules dont l'activité est synchronisée est insuffisant pour entraîner une réponse discernable du bruit de fond. Flashs et structures alternantes Les stimulations flashs et structurées sont les deux stimulations classiquement utilisées en exploration de la fonction visuelle. Elles présentent toutes deux une variation brève d'un de leurs paramètres. Stimulations flashs La stimulation flash correspond à une énergie lumineuse délivrée durant un temps bref de quelques millisecondes voire de quelques microsecondes, provenant d’une source primaire ou projetée sur une surface totalement réfléchissante devenant alors une source secondaire. Cette énergie lumineuse est mesurée en candela par mètre carré pour une seconde (cd.m-2.s), ce qui représente la luminance visuelle de la stimulation si elle était délivrée durant une seconde (ou 1000 ms). La valeur de la luminance visuelle de la stimulation flash de référence préconisée par la communauté internationale des électrophysiologistes -International Society for Clinical Electrophysiology of Vision(ISCEV : http://www/iscev.org) doit se situer entre 1,5 et 3 cd.m-2.s [Brigell et al., 2003], [Marmor et al., 2004b]. 3 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Exemple. Un flash de 3 cd.m-2.s, s’il dure 5 ms, a une luminance visuelle L1 : L1x5=3x1000 soit L1=600 cd.m-2 ; s’il dure 10 ms, sa luminance visuelle L2 est : L2x10=3x1000 soit L2=300 cd.m-2. Les stimulations flashs actuellement utilisées en exploration visuelle sont générées par des diodes. L'énergie maximale est émise et cesse pratiquement instantanément, la durée du flash étant de quelques millisecondes (figure I-3-1). Elles sont mises en œuvre pour générer l’ERG flash et les PEV flash. Stimulations structurées Une stimulation structurée n’est autre que l’organisation de la luminance de stimulation et de ses variations, dans l’espace et dans le temps. En damier C’est la stimulation la plus couramment utilisée en exploration de la fonction visuelle. A l’intérieur de cette surface dite damier, deux cases sont juxtaposées régulièrement et alternativement avec des luminances visuelles différentes, l’une maximale dite L max et l’autre minimale dite Lmin avec Lmax>Lmin. Le damier est vu sous un angle d’environ 15 degrés. Bien que parfaitement perçu ce damier n'est pas capable d’évoquer un signal suffisant pour générer une réponse discernable loin des sources génératrices. Pour ce faire, il faut introduire une variation brève d'un de ses paramètres pour synchroniser un nombre important de réponses cellulaires, qui sont alors enregistrables à distance de leur origine. Le damier alternant avec lui-même La variation brève peut être réalisée par la variation rapide de la luminance de deux cases juxtaposées A et B. La luminance maximale Lmax de la case A prend une valeur minimale Lmin quand, conjointement, la luminance minimale Lmin de la case B qui lui est juxtaposée, prend la valeur maximale Lmax ; ces variations donnent l’impression que les cases du damier « alternent », d’où la dénomination de « damier alternant avec luimême » qui, dans la pratique, est dit damier alternant (figure I-3-2 – figure I-3-2 animée). Cette stimulation est utilisée pour générer les réponses rétiniennes maculaires : c’est l’ERG pattern ou P-ERG, ainsi que les réponses maculaires amplifiées et associées aux modes de conduction le long des voies visuelles : c’est le potentiel visuel évoqué par un damier alternant dit PEV damier. Le damier alternant avec un champ lumineux homogène La variation brève de la stimulation structurée peut être réalisée par disparition de l'organisation spatiale de la luminance visuelle au profit d’un champ lumineux homogène, donc non structuré. La luminance visuelle du champ lumineux homogène est en pratique égale à la luminance visuelle moyenne des cases soit (Lmax+Lmin)/2. Le damier est dit alternant avec un champ lumineux homogène ou, selon les conventions habituelles, damier onset-offset ; la phase onset correspond à la présence du damier et la phase offset à celle du champ lumineux homogène (figure I-3-3 – figure I-3-3 animée, figure I-3-4). Cette stimulation est mise en œuvre pour évoquer des potentiels visuels dit PEV onsetoffset. 4 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 En hexagones La surface stimulante est centrée sur la zone fovéale et vue sous un angle de 40 à 50 degrés. Selon les protocoles, elle peut être divisée en 61 hexagones (figure I-3-5 – figure I-3-5 animée) ou 103 ou plus, disposés en anneaux autour d’un hexagone central, la taille de chacun augmentant avec l’excentricité. Chaque hexagone prend successivement et de façon aléatoire dans le temps, une luminance maximale puis nulle, donnant l’impression d’un scintillement. Cette stimulation est utilisée pour générer des réponses rétiniennes de zones réparties sur tout le pôle postérieur (40 à 50 degrés centraux) ; l’ensemble des réponses est à la base de l’ERG multifocal. Fréquences temporelles Après une variation brève d'un des paramètres de la stimulation, les signaux émis par le ou les groupes cellulaires testés sont d'amplitudes trop faibles pour émerger de l'activité physiologique environnante considérée comme un « bruit de fond » par rapport à ce signal. Pour que ce signal soit discernable, il faut procéder à son « amplification » par rapport au bruit de fond. Les techniques classiques de traitement du signal nous enseignent qu’il est possible d’avoir une amélioration du rapport signal sur bruit de fond par sommationmoyennage. En répétant par exemple la stimulation n fois puis en effectuant une sommation-moyennage des signaux successivement recueillis, on obtient une amélioration du signal par rapport au bruit de fond, proportionnelle à la racine carrée du nombre de sommations soit n permettant l’apparition d’une réponse, alors discernable du bruit de fond. La répétition dans le temps de la variation brève d’un paramètre de la stimulation peut se faire à des fréquences temporelles différentes qui mettent en activité des circuits neuroniques différents. Différentes définitions sont à préciser. Stimulations flashs : fréquences temporelles La stimulation flash peut être répétée de façon périodique au bout d’une durée identique à elle-même ; cette durée est la période, elle s’exprime en seconde (figure I-3-1). Le nombre de répétitions de la stimulation par seconde correspond à l’inverse de la période, c’est la fréquence temporelle. Elle s'exprime en hertz (Hz), unité homogène à l’inverse d’une seconde. Fréquences temporelles pour les ERG flash Pour les ERG flash, les fréquences temporelles habituellement utilisées sont 0,75 Hz (une stimulation toutes les 1,3 seconde), 0,5 Hz (une stimulation toutes les 2 secondes), 0,1 Hz (une stimulation toutes les 10 secondes), 2 Hz (un stimulation toutes 500 ms) à 30 Hz (une stimulation toutes les 33 ms) selon la séquence choisie de l’ERG flash. Fréquences temporelles pour les PEV flash Les fréquences temporelles sont comprises soit entre 1 et 2 Hz générant des PEV flash transitoires, soit entre 8 et 12 Hz, générant des PEV flash stationnaires. Stimulations structurées : fréquence d’alternance et fréquence temporelle La répétition de la variation brève du paramètre stimulant obéit à plusieurs définitions. 5 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Damier alternant Fréquence d’alternance On peut caractériser la variation de luminance de chaque case du damier alternant par sa fréquence d'alternance. Elle correspond aux nombres de changements de luminance subis par une case, par seconde (figure I-3-4). ° Fréquence d’alternance pour les P-ERG. La fréquence d'alternance du damier utilisée pour générer les P-ERG est comprise entre 2 et 6 Hz, celle habituellement choisie est de 6 Hz. ° Fréquence d’alternance pour les PEV damier. Les fréquences d'alternance sont soit comprises entre 1 et 2 Hz générant des PEV damier transitoires, soit entre 8 et 12 Hz générant des PEV damier stationnaires. Fréquence temporelle Pour le damier alternant, elle correspond au nombre de retours par seconde, à sa configuration initiale. Cette fréquence temporelle est la moitié de la fréquence d'alternance, puisqu'il faut deux alternances pour former une période c'est-à-dire pour revenir à la configuration initiale. La précision dans le vocabulaire utilisé est importante mais, en pratique, la fréquence d’un damier alternant correspond à sa fréquence d’alternance (figure I-3-4). Damier onset-offset Fréquence temporelle ou fréquence d’apparition Dans le cas d’un damier onset-offset, la fréquence temporelle correspond à la fréquence d'apparition du damier. Cette stimulation n’est utilisée que pour générer des PEV onsetoffset. La période étant habituellement 0,5 s (500 ms), la fréquence temporelle du damier est de 2 Hz. Elle n’est cependant pas suffisante pour caractériser la stimulation (figure I-3-4). Durée de présentation du damier En effet à l’intérieur de la période, la durée de présentation du damier peut être longue -de l’ordre de 200 ms-, suivie d’un champ lumineux durant 300 ms. Elle peut aussi être brève -de l’ordre de 50 ms-, suivie d’un champ lumineux durant 450 ms. La fréquence temporelle du damier est identique dans les deux cas. Il est donc indispensable de préciser la durée de présentation du damier -phase onset- et la durée du champ homogène -phase offset- qui occupe le reste de la période (figure I-3-4). Les caractéristiques temporelles de la stimulation sont des aspects fondamentaux pour l’obtention de réponses électrophysiologiques significatives. Leur application est envisagée dans les chapitres relatifs à chacun des signaux concernés. LES FACTEURS ENERGETIQUES Les stimulations utilisées en exploration de la fonction visuelle sont le plus souvent des sources non ponctuelles, caractérisées par leur luminance visuelle. Pour recueillir des réponses physiologiques reproductibles, la mise en oeuvre de stimulation de niveau lumineux mésopique doit être évitée. Ce n’est cependant pas toujours le cas, compte tenu des contraintes techniques et environnementales. La stimulation est délivrée dans une ambiance qu’il convient de définir et dont le niveau lumineux modifie le fonctionnement des groupes cellulaires qui y sont soumis. Pour être stimulante, la luminance visuelle de la stimulation doit toujours être d’un niveau supérieur à celui de l’ambiance dans laquelle elle est délivrée. 6 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Niveau lumineux de la stimulation La luminance visuelle des stimulations flashs ou structurées s’exprime différemment. Stimulation flash La valeur de la luminance visuelle de référence internationale du flash dit « SF » -Standard Flash- varie entre 1,5 et 3 cd.m-2.s. Si sa durée est 5 ms, sa luminance est comprise entre 300 et 600 cd.m-2, c’est un niveau lumineux photopique, utilisé dans la plupart des conditions stimulantes. Un autre niveau de luminance visuelle est recommandé par l’ISCEV en exploration de la fonction visuelle, inférieur de 2,5 unités logarithmique à celui du flash de référence soit d’une luminance visuelle diminuée par un facteur 10 -2,5. Or 10-2,5 = 1/317 ce qui correspond, pour une stimulation de 5 ms, à des niveaux lumineux compris entre 0,9 et 1,8 cd. m-2. Ces niveaux appartiennent au domaine mésopique. Il est donc préférable de mettre en œuvre une stimulation inférieure de 3 unités logarithmiques au niveau de référence, c’est-à-dire de luminance visuelle divisée par 103 , ce qui correspond, pour une stimulation de 5 ms, à des niveaux lumineux compris entre 0,3 et 0,6 cd.m-2. Bien qu’appartenant strictement au domaine mésopique, cette stimulation permet de sélectionner majoritairement le fonctionnement du système des bâtonnets. Damier alternant La luminance visuelle d’un damier alternant avec lui-même est caractérisée par son niveau lumineux moyen Lmoyen=(Lmax+Lmin)/2 qui est le même quelle que soit la configuration présentée. L'éclairement rétinien global reste constant au cours du temps. Un même niveau lumineux moyen peut correspondre à des répartitions spatiales énergétiques différentes ; par exemple une luminance moyenne de 75 cd.m -2 peut être obtenue avec Lmax1= 150 cd.m-2 et Lmin1= 0 cd.m-2, ce qui correspond à la répartition énergétique habituellement obtenue quand un damier est généré sur un écran ; ce même niveau lumineux moyen peut être obtenu avec la configuration suivante : Lmax2= 100 cd.m-2 et Lmin2= 50 cd.m-2, correspondant à une répartition spatiale énergétique différente (figure I-3-6). Pour mieux caractériser le niveau lumineux d’un damier alternant, il faut aussi tenir compte de la répartition spatiale de l’énergie correspondant au contraste lumineux spatial défini par C=(Lmax-Lmin)/(Lmax+Lmin). La figure I-3-6 illustre trois profils de luminance possibles pour damiers montrant l’importance de définir le niveau lumineux moyen et le contraste lumineux spatiaux. En (1) et (2), les niveaux lumineux moyens sont identiques (75 cd.m-²) alors que les contrastes lumineux spatiaux sont différents : C1=(150-0)/(150+0)=1, C2=(100-50)/(100+50)=0,3 ; en (3), le niveau lumineux moyen est inférieur au précédent, par contre, le contraste C3 est identique à C1, égaux à un (C1= C3=1) puisque les deux valeurs minimales de la luminance sont nulles. Damier onset-offset Le damier onset-offset est aussi caractérisé par son niveau lumineux moyen : Lmoyen=(Lmax+Lmin)/2. Il doit alterner avec un champ homogène de luminance visuelle égale au niveau lumineux moyen du damier. Comme pour le damier alternant, l'éclairement rétinien moyen semble rester constant au cours du temps (figure I-3-7). 7 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Organisation spatio-temporelle de la luminance des damiers Cette constance de l’éclairement rétinien moyen, obtenue avec un damier alternant ou onset-offset, ne doit pas faire conclure à l’équivalence des stimulations. Une différence existe entre ces deux structures si on considère la répartition respective de la luminance visuelle sur une surface stimulée donnée et à un moment donné, en s’intéressant au contraste lumineux spatial et/ou temporel (voir plus loin). Niveau lumineux de l’ambiance L'ambiance lumineuse dans laquelle la stimulation est délivrée correspond à celle qui règne soit dans la pièce où sont pratiquées les explorations fonctionnelles, soit dans la coupole de stimulation. La coupole de stimulation est une surface en demi-sphère sur laquelle sont délivrées des stimulations flashs et dans laquelle il est possible de maintenir un fond adaptant ou une ambiance d’un niveau lumineux donné. Ambiance photopique La luminance visuelle d'une ambiance photopique (Lambiance) est généralement de l’ordre de 30 cd.m-2, suffisante pour que les bâtonnets fonctionnent en mode saturation. La stimulation est efficace si sa luminance visuelle (Lstim) est supérieure à celle de l'ambiance. C'est la différence de la luminance entre la stimulation et l'ambiance qui est efficace (Lstim-Lambiance). Il est important que cette différence reste positive et suffisante pour générer des réponses d'amplitudes discernables. Une stimulation de luminance visuelle inférieure à celle de l'ambiance (Lstim-Lambiance<0) n’est, en aucun cas, efficace. Ambiance scotopique L'ambiance de niveau lumineux scotopique correspond à l'obscurité et, en pratique, à l'extinction de la lumière dans la pièce ou à l'absence de fond adaptant dans la coupole. D'un point de vue métrologique, leur luminance visuelle est loin d’être nulle, puisqu'il faut des conditions expérimentales très strictes pour avoir le noir, c’est-à-dire des niveaux lumineux scotopiques inférieurs à 10-3 cd.m-2. En pratique, l’obscurité ou niveau lumineux de l’ambiance dite « scotopique » correspond à une luminance visuelle de l’ordre de 5.10-2 cd.m-2 qui, d’un point de vue purement métrologique appartient au domaine mésopique. On comprend alors pourquoi la luminance visuelle minimale utilisée pour la stimulation est préférablement de l’ordre de 0,5 cd.m-2 pour être d’un niveau supérieur à celui de cette ambiance obscure. Les stimulations structurées sont habituellement présentées dans une ambiance obscure. Ceci permet au sujet de regarder le champ structuré sans être distrait par l'espace environnant. LES FACTEURS SPATIAUX Une stimulation est définie par sa surface, sa structure et son contraste, mais également par la surface et la localisation de rétine stimulée. Les réponses électrophysiologiques dépendent de chacun de ses éléments. 8 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Surfaces stimulantes Stimulations flashs En pratique, les flashs émis par une source primaire sont projetés sur une surface totalement réfléchissante d'environ un mètre carré, en forme de demi-sphère : cette coupole est vue sous un angle visuel proche de 130 degrés. Cette stimulation est dite aussi plein champ (full field en anglais ou Ganzfeld en allemand). Les yeux du sujet sont placés près du centre de la coupole. Note : Das Ganzfeld est un nom commun allemand signifiant le plein-champ. La majuscule est de règle pour tous les noms communs allemands. La luminance visuelle de la source initiale, exprimée en cd.m-2.s, est transmise au système visuel par cette large surface réfléchissante qui devient une source secondaire. Le système visuel est donc formellement stimulé par un éclairement visuel, exprimé en lux. En pratique, on exprime l’énergie visuelle reçue par l’œil par la valeur de la luminance visuelle de la source primaire. Stimulations structurées La surface stimulante structurée -ou damier- doit être vue sous un angle d’environ 15 degrés pour stimuler les aires maculaires (figure I-3-8). Exprimer une surface en angle visuel permet sans autre précision, d’adapter la taille de la surface regardée à la distance à laquelle elle est vue (figure I-3-9). Le damier se compose de la répétition dans l’espace de deux carrés (ou cases) alternativement l’un de luminance maximale (dit « blanc ») et l’autre de luminance minimale (dit « noir »). Le carré unitaire est caractérisé par l'angle visuel sous lequel il est vu, dit aussi « détail élémentaire » ou « détail stimulant », exprimé en minutes ou degrés. Les tailles des cases utilisées en exploration visuelle varient entre deux degrés et 15 minutes d'arc : 2° (ou 120’), 1,5° (90’), 1° (ou 60’), 30', 15' (figure I-3-8). Contrastes lumineux Contraste lumineux spatial Le contraste lumineux peut correspondre à la répartition de la luminance entre deux points contigus de l'espace (A) et (B), à un instant donné t i : c’est le contraste lumineux spatial : Ca/b(ti)=(Lmaxa-Lminb)/(Lmaxa+Lminb) (figure I-3-2, alternance (2)). Contraste lumineux temporel Il peut être défini comme la variation de la luminance en un point donné (A) entre deux instants successifs t1 et t2 : c’est le contraste lumineux temporel : Ct1/t2(a) =(Lmax1Lmin2)/(Lmax1+Lmin2) (figure I-3-2, au point A, passage de l’alternance (2) à l’alterance (1)). Cette distinction entre contraste spatial et temporel n’est pas faite en pratique clinique pour laquelle sont mis en œuvre essentiellement des damiers alternants et où ces deux contrastes sont identiques. 9 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Ce n’est pas le cas lors de l’utilisation de damiers onset-offset. Sur une surface donnée, une zone rétinienne peut passer, au cours du temps, d’une luminance maximale à celle moyenne du champ lumineux homogène et ce, à chaque présentation du damier, tandis que la zone rétinienne juxtaposée, passe d’une luminance minimale à une moyenne. Les contrastes spatio-temporels sont ainsi différents entre deux zones rétiniennes juxtaposées, le niveau lumineux moyen dit constant en tout point de la rétine n’est qu’apparent. Les phénomènes cellulaires sous jacents à la stimulation et mis en activité, d’une part par le damier alternant et, d’autre part par le damier onset-offset, ne sont donc pas soumis à une même variation de contraste au cours du temps. Ces deux structures ne peuvent donc pas être considérées comme des stimulations équivalentes quand elles sont projetées sur la surface rétinienne. En pratique On utilise essentiellement des damiers alternants dont les contrastes restent constants dans l’espace et dans le temps. Le contraste n’est pas suffisant pour les caractériser ; on doit préciser aussi leur niveau lumineux moyen. En effet, le contraste étant défini comme un rapport, il peut être le même pour des structures de niveaux lumineux moyens différents. Par exemple, tout contraste 1 peut être obtenu avec une Lmin=0 et n’importe quelle valeur de Lmax (figure I-3-6, (1) et (3)). Le contraste lumineux spatial doit toujours être accompagné de la valeur du niveau lumineux moyen de la structure. Le contraste se définit alors selon l’expression : C=(Lmax-Lmin)/2Lmoyen puisque Lmoyen=(Lmax+Lmin)/2, Pour un même niveau lumineux moyen, cette expression du contraste permet de différencier deux structures comme dans l’exemple de la figure I-3-6. LES FACTEURS SPECTRAUX La composition spectrale d'une source est choisie pour que son efficacité soit maximale pour la mise en activité préférentielle d’un groupe cellulaire donné. Actuellement, on utilise des stimulations dites achromatiques, facilement reproductibles d’un appareil à l’autre ou d’un lieu à l’autre. Le chapitre « source » a montré que les stimulations achromatiques effectivement utilisées sont loin de l’être au sens physique du terme, même si elles sont perçues comme blanches (achromatiques). D’où l’importance d’en connaître parfaitement la composition. La mise en activité spécifique de tel ou tel système visuel résultera alors de la combinaison entre niveaux lumineux de la stimulation, ambiance lumineuse et états d’adaptations rétiniens. 10 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Les stimulations flashs Flashs achromatiques Dans les appareillages actuels d’électrophysiologie, les flashs achromatiques ont plusieurs origines. Soit ils résultent de la combinaison de plusieurs sources monochromatiques -diodes électroluminescentes- avec ajustement respectif de leur énergie physique, pour donner une sensation blanche, si leur niveau lumineux est photopique et grise, si leur niveau lumineux est scotopique. Dans ce cas, ces flashs ne sont pas achromatiques au sens physique du terme ; ils sont cependant adaptés à la mise en activité de l’ensemble des photorécepteurs selon leurs probabilités d’absorption spectrale. Soit ils proviennent de sources effecivement achromatiques comme les diodes électroluminescentes blanches. Flashs chromatiques Une stimulation de composition spectrale restreinte est uniquement mise en oeuvre pour des flashs. Si leur luminance visuelle est photopique, ils sont perçus colorés. Cette stimulation chromatique permet de sélectionner de façon préférentielle le fonctionnement d’un type ou l’autre des photorécepteurs. Actuellement, seuls des flashs de courtes longueurs d’onde de niveau lumineux photopique -flashs perçus bleus-, sont utilisés à la recherche du fonctionnement spécifique du système des cônes S [Arden et al., 1999], [Chiti et al., 2003], [Marmor et al., 2004a], [Audo et al., 2008]. Ils sont délivrés dans une ambiance photopique, elle aussi colorée (voir ci-dessous). Stimulations structurées Damiers noir et blanc En exploration visuelle, les stimulations en damiers sont le plus souvent générées par la modulation régulière de la luminance visuelle d'un point à un autre des écrans utilisés, les cases étant pratiquement achromatiques et perçues blanches. Dans le cas d'un damier onset-offset, le champ lumineux homogène présenté dans la phase offset est également achromatique. Les damiers sont dits noir et blanc même si la luminance minimale Lmin n’est pas strictement nulle au sens physique du terme. Damiers couleur-noir ou couleur-couleur L'utilisation de damiers alternant dont les cases ont une composition spectrale restreinte à quelques radiations de longueurs d’onde différentes d’une case à l’autre, évoque des réponses très différentes, selon que leur contraste chromatique est pur ou associé à un contraste lumineux. Dans le premier cas -contraste chromatique pur-, chaque case a la même luminance visuelle, mais une composition spectrale différente ; dans le second cas, -contraste chromatique et lumineux- deux cases contiguës sont de compositions spectrales différentes et de luminances visuelles différentes [Korth, Rix, 1987], [Shimada et al., 1996]. Ces damiers colorés ne sont que rarement utilisés en exploration clinique [Thompson, Drasdo, 1992], [Korth et al., 1993], [Gerling et al., 1997]. Ils n’ont pas démontré leur spécificité par rapport aux damiers noir et blanc ou leur sensibilité dans le cadre de recherche d’atteintes infra cliniques [Porciatti, Sartucci, 1996], [Accornero et al., 2000], [Sartucci et al., 2001] [Sartucci et al., 2003]. 11 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Composition spectrale des ambiances Les ambiances lumineuses utilisées pour l’enregistrement des ERG flash et de l’EOG sont le plus souvent achromatiques, réalisées par des sources émettant une lumière de composition spectrale continue pratiquement achromatique ; une exception toutefois est faite pour l’étude spécifique du système des cônes S où l’ambiance lumineuse doit être intense et composée essentiellement de radiations de moyennes longueurs d’onde (perçue jaune) [Gouras, MacKay, 1990], [Gouras, 2003]. CONCLUSION La séparation entre facteurs temporels, énergétiques, spatiaux et spectraux n'a été présentée ici que dans un but didactique, la meilleure stimulation de tel ou tel circuit neuronique étant obtenue par la combinaison raisonnée de ces différents facteurs. Une stimulation est efficace quelle que soit l'ambiance dans laquelle elle est délivrée, à condition que leur différence de luminance soit positive. Cette condition nécessaire n’est pas suffisante ; elle doit aussi tenir compte du l'état d'adaptation préalable de la rétine. Les quatre paramètres, état d'adaptation rétinien à la lumière ou à l'obscurité préalable à la stimulation, niveau lumineux de l’ambiance dans laquelle la stimulation est délivrée, durée d’adaptation de la rétine à cette ambiance lumineuse et, enfin, niveau lumineux de la stimulation, sont le socle fondamental sur lequel repose la genèse de réponses électrophysiologiques discernables et reproductibles. 12 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Figures Figure I-3-1. Stimulations flashs répétées par exemple toutes les 250 ms : c’est la période. La fréquence temporelle correspond au nombre d’évènements survenus par seconde, ici 4 Hz. Figure I-3-2. Damier alternant. A chaque alternance, chaque case a soit une luminance maximale soit minimale, puis l’inverse à l’alternance suivante. 13 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Figure I-3-3. Damier onset-offset. Le damier est présent durant la phase onset puis lui succède un champ lumineux homogène durant la phase offset. Figure I-3-4. Le damier alternant alterne toutes les 500 ms, la fréquence d’alternance est 2 Hz ; la configuration initiale est reprise au bout de deux alternances, la fréquence temporelle est donc 1 Hz. Le damier onset-offset reprend sa configuration au bout d’une période soit, dans l’exemple, 500 ms : la fréquence temporelle est 2 Hz. A l’intérieur de la période, il faut préciser la durée de la phase onset, ici 200 ms, puis offset, ici 300 ms. 14 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Figure I-3-5. Structure en hexagones. L’apparition d’un hexagone avec sa luminance maximale est aléatoire en une zone donnée (d’après Jacques Charlier, Métrovision, France). Figure I-3-6. Trois profils possibles de luminance. En (1) et (2), les niveaux lumineux moyens (NLM) sont identiques et les contrastes lumineux différents ; en (3), le niveau lumineux moyen est inférieur au précédent, par contre, les contrastes lumineux C 1 et C3 sont identiques, égaux à 1. 15 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Figure I-3-7. Profil de luminance des cases du damier onset-offset : cases claires = Lmax, cases sombres = Lmin et du champ homogène de luminance égale à la moyenne de celle du damier. Figure I-3-8. Trois damiers vus sous globalement le même angle visuel, ayant chacun des cases de tailles décroissantes vues sous un angle par exemple 60’, 30’ et 15’. 16 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Figure I-3-9. Angle visuel « a » constant, sous lequel sont vues les surfaces S1 et S2 situées à des distances d1 et d2 ; l’angle « a » est calculé grâce à tg« a »=h1/d1=h2/d2, (h : diamètre de la surface S et d : distance à laquelle est vue la surface). Si la surface S2 s’éloigne à une distance d3, elle est vue sous un angle différent « b », donné par tg « b »=h2/d3. 17 Œil et Physiologie de la Vision - I-3 Bibliographie Accornero, N., Gregori, B., Galie, E., De Feo, A., & Agnesi, R. (2000). A new color vep procedure discloses asymptomatic visual impairments in optic neuritis and glaucoma suspects. 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