le vers 12 vient compléter le vers 8 : « Et se cognant la tête à des plafonds pourris » ; « Vient tendre ses
filets au fond de nos cerveaux ». Les strophes deux et trois se complètent pour consigner l’universalité de
la réclusion à laquelle l’individu ne peut échapper. Le bestiaire lui-même est connoté négativement avec
la mention de la chauve-souris au vers 6 qui fait référence à la vampirisation, les araignées au vers 11,
qui représentent des animaux venimeux et arbitrairement malfaisants. Le passage encore une fois du
singulier au pluriel indique que l’individu devient la victime d’une persécution généralisée.
II/ La passivité de la conscience
Celle-ci reste aigüe car elle peut décrire avec précision les symptômes de la mélancolie. Mais on
remarque qu’elle se manifeste par sa passivité, comme l’indique le vers 2 : « Sur l’esprit gémissant en
proie aux longs ennuis ». L’expression « en proie » indique que l’esprit subit le phénomène. D’autre part,
le participe « gémissant » reste la réaction de la plainte. La deuxième strophe introduit une progression.
En effet, l’esprit est remplacé par une aspiration : L’Espérance. On assiste au dernier soubresaut de la
pensée positive, comparé à un animal à l’agonie qui se débat de façon désordonnée en perdant
progressivement ses forces, comme l’indique les vers 7 et 8. La troisième strophe consacre la reddition
de l’esprit qui abdique devant l’invasion de la dépression, comme l’indique l’emploi des pluriels
« esprits » et « cerveaux » (v 15 et 12).
La métaphore constitue une représentation d’hallucination et manifeste l’aliénation qui gagne le
poète. La quatrième strophe se signale par sa violence, dans la mesure où elle semble relater une sorte
d’assaut indiqué par le verbe sauter. On a un jeu d’assonances qui vient renforcer l’image. Le fond
sonore devient assourdissant au vers 14. On remarque le passage du pluriel au singulier. On a les
sensations visuelles et auditives qui se superposent. Les sons ne sont plus perçus distinctement, ce qui
indique une agression qui traduit l’aggravation de son état psychologique. Parallèlement, on note le
passage du singulier au pluriel : « des esprits ». Le pluriel est souligné par des précisions : l’adjectif
verbal « errants », lui-même renforcé par « sans patrie ». Les vers 15 et 16 constituent une réécriture du
vers 2. On assiste à l’éclatement du sujet, qui ne parvient plus à identifier ce qui est intérieur ou
extérieur : « Ainsi que des esprits ».
La dernière strophe consacre la défaite de la conscience, caractérisée par la présence du drapeau
noir. En effet, le sujet n’existe plus comme tel, il se réduit à un lieu traversé par les manifestations de
l’angoisse. Après le vacarme agressif apparaît le silence, mais il n’est pas salvateur car c’est celui de la
mort, comme l’indique les vers 17 et 18 : « - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent
lentement dans mon âme ; l’Espoir, ». Ici, le dérèglement psychologique atteint son paroxysme. En effet,
les « longs ennuis » du vers 2 sont repris par les « longs corbillard ». On remarque le passage des
notations abstraites à la notation concrète, qui constituent une matérialisation de l’angoisse qui gagne la
poète. D’autre part, on remarque que la syntaxe tend à déborder la structure des vers. Celle-ci prolifère
par ajouts successifs avec l’irruption de la conjonction « et », qui indique que l’esprit est dépassé et qu’il
ne contrôle plus les états psychologiques qui le traversent. Ce débordement traduit l’invasion de l’esprit
par des angoisses successives qu’il ne contrôle pas. D’autre part, on remarque un système de substitution
entre les termes « esprits » ; « cerveaux » ; « âme » ; « crâne », qui montrent l’invasion complète de la
personne par la mélancolie. Les personnifications : « l’Espérance » ; « l’Espoir » ;
« l’Angoisse », viennent renforcer le phénomène. Les références à l’espoir manifestent les derniers
sursauts de révolte. En même temps, on remarque la progression. L’espérance est dotée d’une action
physique, même si elle reste inefficace et affaiblie, alors que l’espoir est réduit à une manifestation
psychologique : « pleure ». D’autre part, l’adjectif « Vaincu » en tête de vers insiste sur la notion de
défaite. De plus, on remarque la progression dans l’emploi des adjectifs : l’adjectif « affreux » est
remplacé par l’adjectif « atroce », associé à l’adjectif « despotique » pour signaler son pouvoir. D’autre
part, l’adjectif « Vaincu » est repris par l’adjectif « incliné » et d’autre part l’image de drapeau noir vient
illustrer la victoire de la mélancolie. En faisant référence à l’étendard des pirates, le poème suggère le
naufrage de l’être, que rien ne peut désormais préserver.