Microbiologie et maladies infectieuses
M.Philippe S, professeur
Ceci représente le premier rapport d’activité annuel de lachaire nouvellement
créée de Microbiologie et maladies infectieuses. Il comprendratrois parties : un
rapport sur l’enseignement, un rapport sur larecherche et se conclurapar quelques
perspectives concernant ces deuxdomaines pour l’année académique 2009-2010.
Cette chaire apour but d’offrir une vision renouvelée de lamicrobiologie en
présentant les travauxles plus fondamentauxqui laconcernent, tant le cœur de la
discipline que ses interfaces qui ont été très fécondes de découvertes ces deux
dernières décades, particulièrement avec la biologie cellulaire et l’immunologie. Sur
ce socle fondamental sont présentés les développements cents concernant les
maladies infectieuses : mécanismes physiopathologiques et immunopathologiques,
applications dans le domaine du diagnostic, de lathérapeutique et de laprévention,
en particulier vaccinale.
E
Le 20novembre, j’ai donné maleçon inaugurale intitulée «Des microbes et des
hommes ». Elle comportait trois parties principales que j’avais voulu telles afin
d’afficher ce que seraient les grands thèmes de mon enseignement pour les premières
années : (1) le monde microbien qui nous environne, organismes commensauxet
pathogènes, (2) les mécanismes moléculaires et cellulaires des infections illustrés
par une revue de notre travail sur les processus d’invasion de l’épithélium intestinal
parShigella, (3) enfin les grands défis du contrôle des maladies infectieuses ouvrant
un plaidoyer fort pour le le que doit yjouer larecherche.
Les cours se sont déroulés de fin novembre àfin janvier. Pour cette première année,
j’aivoulu faire un bloc relativement générique visant àfaire émerger lanotion de
pathogènes par rapport auxmicroorganismes commensauxqui colonisent nos
surfaces, muqueuses en particulier, et voir comment le système immunitaire, en
326 PHILIPPESANSONETTI
particulier inné, interagit avec ces microorganismes et assure ladiscrimination entre
les commensauxqu’il faut tolérer et les pathogènes qu’il faut reconnaître et détruire.
D’où le titre général:«Des microbes et des hommes : guerre et paixauxsurfaces
muqueuses ». Le premier cours était une mise àjour concernant les flores
commensales, en particulier intestinales, et donnait un panoramatrès àjour sur le
le de ces flores dans le développement et le maintien de l’homéostasie tissulaire,
largement sous l’angle de l’immunologie et des mécanismes de tolérance. Àce cours
était couplé un séminaire donné par le D rJoël Doré, directeur de recherche àl’INRA,
sur l’approche volutionnaire que représente lamétagénomique dans l’analyse des
flores complexes et largement incultivables comme c’est le cas pour laflore intestinale.
Le second cours portait sur ladéfinition génétique et moléculaire d’une bactérie
pathogène avec un accent très fort mis sur les données les plus centes sur les
mécanismes par lesquels se sont construits les pathogènes. L’ensemble de ce cours
avait une forte perspective évolutionniste, anticipant de peu l’année Darwin. Le
troisième cours était plus mécanistique. Je me suis efforcé de faire une revue très à
jour des bases génétiques, moléculaires et cellulaires de l’adhésion des bactéries
pathogènes auxcellules et, pour certains pathogènes, de l’invasion de ces cellules. Le
quatrième cours pondait fort àl’actualité, voire l’anticipait, puisqu’il portait sur
l’émergence des maladies infectieuses, ses conditions de survenue et ses bases
moléculaires, cellulaires et immunologiques. Cet ensemble s’intégrait en particulier
dans une tentative de définition du programme moléculaire que représente le passage
de la barrière d’espèce, lacondition première actuelle de l’émergence virale àpartir
de l’animal domestique ou sauvage. Ce cours aété complété par un séminaire donné
par le D rAntoine Gessain de l’Institut Pasteur sur laveille épidémiologique,
moléculaire et anticipatrice au passage de la barrière d’espèce par des virus et des
trovirus, du singe àl’homme, essentiellement en Afrique. Le cinquième cours a
porté sur les mécanismes moléculaires et cellulaires de lamanipulation de laponse
immunitaire par les agents pathogènes. C’est un thème très en pointe sur lequel
travaille mon Unité de recherche, qui apermis une revue très àjour des grandes
stratégies et des mécanismes tels qu’on commence àles connaître, les analyser et les
mettre en perspective. Le sixième et dernier cours atenté de faire émerger lanotion
d’erreurs ou de dérapages du système immunitaire inné dans lagestion des crises
infectieuses. Ilaparailleurs pris en compte le fait que ce type d’erreurs peut aussi
conduire àdes situations d’intolérance des flores microbiennes commensales comme
observéau cours de lamaladie de Crohn. Ce cours s’est efforcé de mettre en avant le
facteur génétique qui semble de plus en plus essentiel dans lamanière dont nous
gérons notre interface avec le monde microbien.
L’enseignement de cette année s’est officiellement clos avec un mini symposium
internationald’une journée qui s’est tenu le 27 avril dans l’amphithéâtre Marguerite
de Navarre et s’intitulait : Seing is believing : imaging infectious processes in vitro and
in vivo .Le programme (voir en annexe) faisait le point sur l’importance de
l’imagerie, en particulier dynamique, dans le processus de découverte des
mécanismes des infections. Ils’est voulu aussi prospectif avec un fort accent mis
MICROBIOLOGIE ET MALADIES INFECTIEUSES 327
sur les développements technologiques, particulièrement l’irruption des approches
fondamentales de traitement de l’image, ces ouvertures ayant été sumées dans la
présentation finale parleD rJean-Christophe Olivo-Marin, chef de laboratoire à
l’Institut Pasteur, spécialiste d’optique microscopique et des algorithmes
mathématiques développés en soutien de l’imagerie photonique statique et
dynamique : the future of imaging : less photons, more numbersCe mini symposium
arencontré un succès indiscutable et mérite d’être renouvelé, j’yreviendrai dans le
chapitre des perspectives.
Une note un peu pessimiste : lafaible assistance d’étudiants et de jeunes chercheurs
auxcours. Jereprendrai ce point aussi dans le chapitre des perspectives. Jai
anmoins tiré de cette première année l’impression que lathématique était àpropos
et le public initials’est maintenu de manière stable sur l’ensemble du cycle.
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LUnité de Pathogénie microbienne moléculaire (PMM) que je dirige àl’Institut
Pasteur est naturellement rattachée àlachaire de Microbiologie et maladies
infectieuses. Elle représente parailleurs une des deuxéquipes de l’Unité
INSERM 786 dont je suis directeur. Je suis parailleurs chercheur étranger du
Howard Hughes Medical Institute , jusqu’en 2010, car le programme s’arrêtera à ce
moment. Notre Unité était ces dernières années largement centrée sur l’analyse
moléculaire et cellulaire de larupture, de l’invasion et de ladestruction
inflammatoire de l’épithélium intestinal par la bactérie Shigella,l’agent étiologique
de ladysenterie bacillaire et le développement de vaccins contre cette infection.
Cette bactérie àGram négatif invasiveaété déterminante dans plusieurs axes de
recherche fondamentale qui ont montré lavaleur d’organismes modèles pertinents
comme moteurs de découvertes fondamentales : naissance du concept de
microbiologie cellulaire; découverte des mécanismes d’invasion cellulaire par le
processus du «trigger », découverte des systèmes de sécrétion de type III (TTSS)
chezles protéobactéries pathogènes, découverte des systèmes de perception
intracellulaire des bactéries par les cellules (molécules Nod), découverte et analyse
des mécanismes de modulation de laponse innée de l’hôte par les microorganismes
pathogènes, ycompris par des mécanismes épigénétiques, ce que j’appelle volontiers
le Yin et le Yang de l’immunité innée auxpathogènes. De ce cœur de recherche se
sont cemment développées de nouvelles thématiques qui viennent enrichir la
multidisciplinarité de l’Unité PMM :l’étude de l’homéostasie de l’axe crypto-
villositaire épithélial intestinal. Ceci correspond non seulement àune étude visant
àdécouvrir les mécanismes fondamentauxdu le développemental que joue le
microbiote commensal sur lamaturation de l’épithélium intestinal, mais encore à
mieuxcomprendre comment ces même microorganismes peuvent participer àla
restitution de cet épithélium après un processus infectieuxet/ou inflammatoire.
Lautre axe de recherche cent correspond àl’analyse des mécanismes moléculaires
328 PHILIPPESANSONETTI
et cellulaires de l’infection de lamuqueuse respiratoire par le genre Klebsiella.
L’objectif est de comparer deuxmicroorganismes appartenant àlamême espèce
d’entérobactérie : Klebsiella pneumoniae var. pneumoniae responsable d’une
pneumonie aiguë nécrosante, bénéficiant d’un excellent modèle murin mimant la
maladie humaine et Klebsiella pneumoniae var. rhinoscleromatis responsable d’une
infection granulomateuse chronique des voies aériennes, le rhinosclérome. Face à
laséquence de plusieurs génomes de K. pneumoniae, nous avons fait séquencer le
génome de K. rhinoscleromatis que nous annotons actuellement, de manière à
assurer une analyse de génomique fonctionnelle comparative permettant de dégager
des éléments génomiques candidats àladifférence physiopathologique majeure
existant entre ces deuxmicroorganismes. Nous avons aussi développé un modèle
murin àl’évidence pertinent, car il donne lieu àl’apparition de cellules de
Mickulicz, des macrophages spumeuxcaractéristiques du rhinosclérome, liés àla
phagocytose de K. rhinoscleromatis qui est une bactérie produisant une quantité
massive de capsule polyosidique .
Cette année aété marquée par un certain nombre d’événements heureux.
Tout d’abord, le D rGuyTranVanNhieu, DR2àl’INSERM,s’est vuattribuer
une Unité INSERM (U971), ce qui lui apermis de s’autonomiser. Après accord
de l’Assemblée des Professeurs du Collège de France en fin d’année 2008, il apu
s’installer en avril 2009 dans des locauxdu timent Btotalement nové. Nous
continuerons heureusement àcollaborer, en particulier parl’intermédiaire d’une
chercheuse post-doctorale, qui demeure dans mon Unité.
Dans le courant du mois de mars 2009, l’ensemble de l’Unité PMM a
déménagé dans de nouveauxlocauxtotalement novés dans l’aile Bertrand du
timent Duclauxde l’Institut Pasteur. Les conditions de confort et de travail dont
nous bénéficions désormais sont incomparablement supérieures àce dont nous
disposions antérieurement.
LUnité INSERM 786 aété évaluée extrêmement positivement parl’AERES
(A+) en novembre 2008. Une évaluation tout aussi positiveaété faite par un autre
groupe d’experts pour l’AERES à l’occasion de l’évaluation du département de
Biologie cellulaire et infection de l’Institut Pasteur auquel appartient l’Unité PMM
(voir les deuxrapports de l’AERES en annexe). Les deuxcomités d’experts ont par
ailleurs insisté sur lanécessité d’un soutien financier significatif àl’Unité PMM
pour lui permettre de relever les défis qu’elle s’est fixée. L’un est lanécessité de
renforcer le potentiel d’imagerie, en particulier dans le domaine de lamicroscopie
bi-photonique indispensable àl’analyse des processus infectieuxin vivo,au sein des
tissus et organes infectés, l’autre est lanécessité de disposer de moyens accrus en
matière d’animaleries hébergeant des animauxaxéniques ou mono-contaminés afin
de progresser efficacement dans les nouveauxaxes de recherche qui ont été présentés
dans le domaine de l’étude de l’homéostasie de l’axe crypto-villositaire intestinal.
MICROBIOLOGIE ET MALADIES INFECTIEUSES 329
Àtitre personnel, l’année académique 2008-2009aété marquée par plusieurs
distinctions, en particulier :
–élection comme Membre étranger de lasociété MaxPlanck ;
–élection comme Membre étranger de l’Académie royale de Suède des Sciences
et Technologies ;
attribution parl’American Society for Microbiologyet l’American Academyof
MicrobiologyduGlaxoSmithKline International Scientistof the Year Awardpour
l’année 2009.
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Lannée 2008-2009aété particulièrement fructueuse, d’abord concernant
l’obtention de financements qui m’ont permis de débuter un projet ambitieuxsur
le le des bactéries commensales dans le développement et l’homéostasie de l’axe
crypto-villositaire intestinal et larupture de ces processus par les bactéries
pathogènes. Ce projet fondamental comporte aussi une dimension de recherche
appliquée avec larecherche de molécules stimulant l’expression de facteurs anti-
infectieuxinnés de l’épithélium intestinal.
Ces trois financements sont en complémentarité pour soutenir un programme
intégré d’ores et déjàen cours :
Un financement industriel parDanone Vitapole soutient un projet visant à
identifier, initialement chezlasouris, des bactéries spécifiques de lacrypte
intestinale, au niveaudel’intestin grêle et du colon. Les conditions extrêmes
gnant dans lacrypte du fait de laproduction de puissants facteurs anti-microbiens
parl’épithélium nous font émettre l’hypothèse que des bactéries «extrêmophiles »
habitent ces zones et ont probablement été sélectionnées comme telles car elles
permettent l’établissement d’une relation symbiotique avec l’hôte. Nous qualifions
ces bactéries encore hypothétiques de «vrais probiotiques ». Nos sultats
préliminaires, après avoir coloré les coupes intestinales par latechnique de Whartin-
Starryet mis au point une méthode de microdissection LASER des cryptes et de
leur contenu, montrent qu’il existe une population bactérienne limitée mais
constante dans lacrypte colique, rare et inconstante dans lacrypte de l’intestin
grêle. Ceci soulève laquestion passionnante du le possible de laflore commensale
de lacrypte colique dans lacarcinogénèse colique, en cas de déséquilibre ou de
substitution. Nous avons débuté l’identification moléculaire de ces microorganismes
par lamise au point de deuxtechniques complémentaires utilisant comme sondes
des séquences conservées ou spécifiques des gènes codant pour lasous-unité 16S
du ribosome bactérien : le PCR et le FISH.Nous espérons que l’année àvenir
nous apporteral’identification moléculaire, mais aussi lacapacité de cultiver
certaines de ces bactéries afin de pouvoir passer àune étape plus physiologique
visant àconfirmer que ces bactéries sont tout ou partie spécifiques de lacrypte et
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