CAS CLINIQUE Mots-clés

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CAS CLINIQUE
Mots-clés
Parotidectomie – Monitoring peropératoire – Nerf facial – Tumeur parotidienne
Keywords
Parotidectomy – Intraoperative monitoring – Facial nerve – Parotid gland tumors
Intérêt du monitoring peropératoire
du nerf facial dans les parotidectomies
Intraoperative facial nerve monitoring during parotidectomy
I. Mosnier*
Observation 1
Monsieur E, âgé de 87 ans, consulte en raison de l’apparition
d’une tuméfaction de la région parotidienne droite augmentant
rapidement de volume depuis 2 mois, dure, inflammatoire et
adhérente à la peau (figure 1). Les aires ganglionnaires sont
libres et la fonction faciale normale. L’IRM montre une masse
intra-parotidienne mal limitée se rehaussant après injection de
produit de contraste, sans adénopathie associée (figure 2). Le
scanner thoraco-abdominal est normal. Compte-tenu du bon
état général du patient et du caractère très suspect de la lésion,
une parotidectomie est rapidement programmée, après avoir
informé le patient de la possibilité d’un sacrifice du nerf facial.
La parotidectomie est réalisée sous monitoring 4 canaux du nerf
facial (NIM-Response® 3.0, Medtronic, Jacksonville, États-Unis).
Une biopsie est réalisée en début d’intervention avec examen
histologique extemporané en faveur d’un carcinome épidermoïde. Du fait de l’adhérence de la tumeur au nerf facial, son
exérèse nécessite la section du tronc du nerf facial en amont de
la bifurcation, et de la branche inférieure. Un curage ganglionnaire fonctionnel est réalisé dans le même temps opératoire. Le
monitoring permet le repérage rapide du rameau mentonnier
et buccal du nerf facial à la périphérie de la parotide. Une
double greffe nerveuse intermédiaire utilisant le nerf sural est
pratiquée. Les suites opératoires sont simples. Un PET scan est
réalisé, qui élimine d’autres localisations. Le patient bénéficie
d’un traitement complémentaire par radiothérapie externe.
Il décède cependant 1 an plus tard de métastases osseuses et
pulmonaires, alors que la fonction faciale inférieure s’améliore.
Observation 2
Mme A, âgée de 60 ans, présente une tuméfaction au pôle
inférieur de la parotide droite d’évolution lente depuis quelques
▲ Figure 1. Tuméfaction parotidienne droite inflammatoire et adhérente
à la peau.
◀ Figure 2. IRM
en coupe axiale
avec injection de
gadolinium : tumeur
mal limitée de la
parotide droite se
­réhaussant après
injection de produit
de contraste.
* Unité d’otologie, implants auditifs et chirurgie de la base du crâne, GH Pitié-­
Salpétrière, Paris.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 337 - avril-mai-juin 2014 | 21
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mois, indolore, pour laquelle la cytoponction est en faveur d’un
cystadénolymphome. L’IRM retrouve une lésion bien limitée
du pôle inférieur de la parotide droite, à la fois kystique et
tissulaire (figure 3). L’intervention est réalisée sous monitoring
4 canaux du nerf facial, ce qui permet, compte-tenu de la
localisation de la lésion au pôle inférieur de la parotide, de
réaliser une dissection extracapsulaire sans repérage visuel du
tronc du nerf facial, mais en repérant le rameau mentonnier par
la stimulation monopolaire. L’examen histologique confirme
le cystadénolymphome. Les suites opératoires sont simples
avec une fonction faciale normale en postopératoire.
A
Discussion
Le monitoring systématique du nerf facial lors de la chirurgie
parotidienne est encore sujet à controverse, même si de plus en
plus d’équipes française l’utilisent en routine. Chez les patients
opérés pour la première fois, le bénéfice à long terme sur la
fonction faciale n’a pas été clairement démontré dans les
études de cas-témoins qui sont cependant peu nombreuses,
avec un faible nombre de patients et des groupes hétérogènes
(tumeurs bénignes et malignes, parotidectomies partielles ou
totales, etc.) [tableau]. L’amplitude de la réponse à une stimulation supramaximale du tronc du facial à la fin de la chirurgie
est plus faible chez les patients présentant une fonction faciale
anormale à J2 postopératoire par comparaison aux patients
avec une fonction faciale normale, mais la corrélation entre
les mesures peropératoires et la fonction faciale à long terme
n’est pas connue (5). Il est important de rappeler que l’absence
de réponse lors d’une stimulation supramaximale du tronc
du nerf facial (2 à 3 mA) ne signifie pas que le patient aura
une paralysie faciale de grade VI au réveil, car il s’agit le plus
souvent d’un bloc de conduction à l’origine d’une parésie
faciale temporaire.
B
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▲ ▼ Figure 3. IRM en coupe axiale (A) et coronale (B) avec injection de
gadolinium, retrouvant une tumeur bien limitée du pôle inférieur de la parotide droite.
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Tableau. Incidence des paralysies et parésies faciales après paroditectomie superficielle ou totale (récidives exclues) chez les patients opérés avec et sans
monitoring du nerf facial.
Post-opératoire immédiat
Moyen terme (3 à 6 mois)
Patients (n)
Tumeurs
Type monitoring
Terell et al. (1997) [1]
Sans monitoring
Avec monitoring
62 %
44 % (p = 0,04)
7,5 %
10 % (ns)
117
Bénignes/Malignes
Détection 4 canaux
Witt et al. (1998) [2]
Sans monitoring
Avec monitoring
15 %
20 % (ns)
0%
0%
53
Bénignes
NIM 2 canaux
Grosheva et al. (2009) [3]
Sans monitoring
Avec monitoring
22 %
19 % (ns)
2%
4 % (ns)
96
Bénignes
Neurosign 2 canaux
Deneuve et al. (2010) [4]
Sans monitoring
Avec monitoring
12 %
6,5 % (ns)
2,5 %
0%
87
Bénignes/Malignes
NIM 2 canaux
ns = non significatif.
La plupart des études montrent une durée de l’opération chirurgicale plus courte chez les patients opérés avec le monitoring,
quel que soit le type de parotidectomie (3, 4). Outre l’aide au
repérage du tronc du nerf facial, le monitoring apporte une aide au
repérage des branches distales du nerf lorsqu’une greffe nerveuse
est réalisée de première intention, comme dans le premier cas
clinique. En cas de reprise chirurgicale pour récidive d’adénome
pléomorphe, 2 études ont clairement démontré que le monitoring
du nerf facial diminuait la sévérité de la paralysie faciale et le
temps de récupération, ainsi que la durée opératoire (6, 7). Enfin,
en cas d’exérèse de petites tumeurs bénignes superficielles de la
parotide, une exérèse sans dissection du tronc du nerf facial peut
parfois être envisagée, en particulier lorsque la lésion se situe
au pôle inférieur de la parotide, comme dans le deuxième cas
clinique. Le monitoring du facial est alors indispensable pour le
repérage des branches, en particulier du rameau mentonnier (8).
Conclusion
Le monitoring du nerf facial lors de la chirurgie parotidienne permet
de raccourcir la durée opératoire et de faciliter le geste chirurgical.
Son utilisation en routine permet, en outre, de familiariser l’équipe
chirurgicale avec l’analyse des données peropératoires et d’apprendre
à gérer d’éventuelles anomalies de fonctionnement rencontrées lors
de l’intervention. Des études de plus grande ampleur sont nécessaires
pour analyser la valeur pronostique des mesures électrophysiologiques peropératoires sur la fonction faciale à long terme.
■
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références bibliographiques
1. Terell JE, Kileny PR, Yian C et al. Clinical outcome of
continuous facial nerve monitoring during primary parotidectomy. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1997;
123(10):1081-7.
2. Witt RL. Facial nerve monitoring in parotid surgery:
the standard of care? Otolaryngol Head Neck Surg
1998;119(5):468-70.
3. Grosheva M, Klussmann JP, Grimminger C et al. Electromyographic facial nerve monitoring during parotidectomy for benign lesions does not improve the outcome of
postoperative facial nerve function: a prospective twocenter trial. Laryngoscope 2009;119(12): 2299-305.
4. Deneuve S, Quesnel S, Depondt J, et al. Management of
parotid gland surgery in a university teaching hospital. Eur
Arch Otorhinolaryngol 2010;267(4):601-5.
5. Mamelle E, Bernat I, Pichon S et al. Supramaximal stimulation during intraoperative facial nerve monitoring as a
simple parameter to predict early functional outcome after
parotidectomy. Acta Otolaryngol 2013;133(7):779-84.
6. Makeieff M, Venail F, Cartier C, Garrel R, Crampette
L, Guerrier B. Continuous facial nerve monitoring during
pleomorphic adenoma recurrence surgery. Laryngoscope
2005;115(7):1310-4.
7. Liu H, Wen W, Huang H et al. Recurrent pleomorphic
adenoma of the parotid gland: intraoperative facial nerve
monitoring during parotidectomy. Otolaryngol Head
Neck Surg 2014. Epub ahead of print.
8. Klintworth N, Zenk J, Koch M, Iro H. Postoperative
complications after extracapsular dissection of benign
parotid lesions with particular reference to facial nerve
function. Laryngoscope 2010;120(3):484-90.
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