Exemple d’études et recherche Dans le cadre du programme visant à étudier le modèle lapin/ maladie hémorragique virale (RHD : rabbit haemorrhagic disease), un volet consiste à comprendre les mécanismes de sensibilité/ résistance des individus au virus. Ce travail est mené en partenariat avec une équipe de l’Inserm (U892), spécialisée sur l’étude des calicivirus humains. Le RHDV est un calicivirus, famille à laquelle appartiennent aussi les Norovirus (NoV) responsables d’épidémies de gastro-entérites chez l’homme. Le mode de transmission de ces virus est similaire : ingérés par la bouche, ils transitent par le système digestif et pénètrent dans les cellules en se fixant sur des récepteurs cellulaires présents à leur surface, puis s’y répliquent, provoquant la maladie. Ils sont ensuite excrétés dans les fèces. Ces récepteurs sont les antigènes tissulaires du groupe sanguin. Chez les mammifères trois gènes sont impliqués dans leur synthèse : Fut1, Fut2 et Sec1. Chez l’homme seul Fut2 s’exprime sur les cellules épithéliales du tube digestif. Des mutations peuvent l’inactiver et rendre les individus résistants à la maladie. Ces individus résistants sont non sécréteurs (se), par opposition aux sécréteurs (Se) qui possèdent un récepteur cellulaire. De précédentes études ont montré que les souches de RHDV ayant circulé en France à la fin des années 1980 et au début des années 1990 se fixent sur l’antigène H type 2 du groupe sanguin. Le but de ce projet est de rechercher des mutations qui pourraient inactiver les gènes Fut2 et Sec1, les deux gènes qui s’expriment chez le lapin, et rendre les animaux résistants à la RHD, à l’image de ce qui existe chez l’homme pour les Norovirus. Des travaux préliminaires ont montré que la proportion de lapins se, donc résistants, était plus forte dans les populations ayant subi de fortes épidémies de RHD, ce qui suggère une pression de sélection des individus exercée par la maladie (tableau 1). Il apparaît cependant que si Sec1 est fonctionnel, son activité enzymatique est faible. Cette mutation n’est donc pas directement responsable du caractère résistant (se) des animaux. En conséquence, c’est probablement la mutation d’un gène de régulation de l’activité de Sec1 qui conduit à la faible expression du gène responsable du caractère de résistance à la maladie. Alors que chez l’homme des mutations peuvent inactiver totalement le gène Fut2 et rendre les individus résistants aux NoV, chez le lapin le gène Sec1 est toujours actif mais, sous l’action d’un gène régulateur, produit une plus ou moins grande quantité d’enzyme et donc de récepteurs cellulaires. Contrairement à l’homme ou les individus sont sensibles ou résistants, chez le lapin les individus sont plus ou moins sensibles selon le niveau d’expression de Sec1. Depuis l’émergence de la RHD en France, le RHDV a évolué et 5 génogroupes se sont succédés depuis 1988, à l’image de ce qui a été observé pour le calicivirus responsable de l’EBHS chez le lièvre d’Europe. La présente étude a été réalisée avec un RHDV du génogroupe 1 qui se fixe sur l’antigène H type 2 du groupe sanguin. Les travaux actuellement réalisés visent à déterminer sur quels antigènes du groupe sanguin se fixent les virus des génogroupes 2 à 5. En outre, un test génétique de détermination du groupe sanguin est en phase de mise au point. Les récepteurs cellulaires de ces virus sont en effet formés par les antigènes tissulaires du groupe sanguin. L’objectif est de disposer d’outils pour suivre en parallèle l’évolution du virus et de la diversité génétique des populations de lapins pour pouvoir prédire la sensibilité des populations aux nouvelles souches virales. Une extension de ce travail au modèle lièvre/EBHS est envisagée. Fréquence 0,6 Survivants 0,5 Proportion de non-sécréteurs Impact de la RHD Dompierre/Yon 14,8 % (n = 27) 0 Cerizay 47,1 % (n = 70) ≈ 50 % 0,2 Chèvreloup 71,8 % (n = 32) ≈ 90 % 0,1 Population Morts 0,4 (taux de mortalité) Tableau 1. Pourcentage de phénotypes non-sécréteurs (se) dans trois populations de lapins différemment affectées par la RHD (taux de mortalité). Un suivi à long terme de la population de lapins de Chèvreloup (78) a permis de réaliser des prélèvements génétiques sur les individus présents avant et après une forte épidémie de RHD ayant causé une mortalité de l’ordre de 80 à 90 %. Nous avons étudié la variabilité allélique des gènes Fut2 et Sec1 pour rechercher d’éventuelles mutations associées aux animaux ayant survécu à l’épidémie, donc a priori résistants (se). Alors qu’une précédente étude réalisée à partir de marqueurs microsatellites avait révélé une faible diversité génétique dans cette population, ces gènes ont montré un fort degré de polymorphisme ce qui suggère qu’ils sont soumis à une forte pression de sélection positive. Les résultats mettent en outre en évidence un processus de conversion génique entre les deux gènes. La comparaison des fréquences alléliques entre les animaux morts pendant l’épidémie et ceux y ayant survécu montre que l’allèle v5 de Sec1 est significativement plus fréquent chez les animaux ayant survécu à l’épidémie (figure 1). 0,3 0 vA vB vE Allèles de Fut2 Fréquence 0,5 vF vG Morts Survivants 0,4 0,3 0,2 0,1 0 v1 v2 v4 v5 v7 Allèles de Sec1 v8 v9 Figure 1. Comparaison des fréquences alléliques des gènes Fut2 et Sec1 entre les lapins morts pendant une épidémie de RHD et ceux ayant survécu. Références – Guillon P., 2008. Antigènes tissulaires du groupe sanguin ABH acteurs de la protection innée antivirale : exemples des calicivirus (NV et RHDV) et du coronavirus SRAS-CoV. Thèse de doctorat, université de Nantes, 179 pp. Guillon P., Ruvoën-Clouet N., Le Moullac-Vaidye B., Marchandeau S. & J. Le Pendu. 2009. Association between expression of the H histo-blood group antigen, _ 1,2 fucosyltransferases polymorphism of wild rabbits, and sensitivity to rabbit hemorrhagic disease virus. Glycobiology 19: 21-28. Rapport scientifique 2009sONCFS [ 11 ] CNERA – Petite faune sédentaire de plaine Résistance génétique à la maladie hémorragique virale du lapin