
INTERVIEW 5Hôpitaux universitaires de Genève Mai 2010 Pulsations
Vaccination anti-grippe, le retour
Alors que la pandémie de grippe A(H1N1) est
officiellement terminée, la vaccination demeure
d’actualité car elle protège pour une durée limitée.
Aux HUG, la campagne dure tout le mois d’octobre.
Automne 2009, le monde est en
ébullition face à la pandémie de
grippe A(H1N1). Douze mois plus
tard, le soufflé est retombé. Il n’en
demeure pas moins que, comme
chaque année à cette période,
la vaccination contre la grippe
saisonnière redevient d’actualité.
Interview avec la Pre Claire-Anne
Siegrist, experte internationalement
reconnue en la matière, médecin
adjointe agrégée responsable
de l’unité d’immuno-vaccinolo-
gie des HUG et présidente de
la commission fédérale pour les
vaccinations (CFV).
Quel est le rôle
de cette commission ?
> La CFV, qui comporte quinze
membres nommés par le Dépar-
tement fédéral de l’intérieur, a
deux tâches principales : conseiller
scientifiquement les autorités lors de
l’élaboration de recommandations
et assurer la médiation entre les
autorités, les milieux spécialisés
et la population.
Quels sont ses objectifs ?
> L’objectif essentiel de la CFV
est de garantir l’élaboration des
meilleures recommandations pos-
sibles dans le domaine de la vac-
cination. Prenons l’exemple de la
pandémie de grippe A(H1N1) de l’an
dernier. En mai 2009, nous avons
conseillé aux autorités l’acquisition
de deux doses de vaccin par
personne à risque élevé, ce qui
représentait environ 1,5 million de
personnes. En août, nous avons
recommandé à l’Office fédéral de la
santé publique de ne pas procé-
der à une vaccination de toute la
population et établi une liste des
personnes prioritaires. En octobre
et novembre, nous nous sommes
battus pour que soient levées les
restrictions d’utilisation imposées
par Swissmedic, par exemple à la
vaccination des enfants.
Quelles ont été ses relations
avec l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) au moment
de la pandémie ?
> Aucune. Comme son nom l’in-
dique, le domaine de compétence
de la CFV se limite strictement à
la Suisse. L’OMS a joué un rôle
essentiel de centralisation des
informations concernant la pro-
gression du virus et sa nature,
mais chaque pays a pris seul ses
responsabilités, y compris dans le
domaine des vaccinations.
Pourquoi l’OMS a-t-elle déclaré,
le 10 août dernier, la fin officielle
de la pandémie ?
> La fin de la pandémie signifie
que le virus circule maintenant à
un niveau épidémique « normal »
et qu’il est suffisamment stable
pour que le risque de mutation
ou de résistance aux antiviraux
ne soit pas plus élevé que pour
un virus de la grippe saisonnière.
Avec du recul, la menace du virus
n’a-t-elle pas été exagérée ?
> La grippe A(H1N1) a été tout aussi
contagieuse que prédit, mais fort
heureusement bien moins grave
que craint. Le risque de décès ou
de complications sévères a été
surévalué au début de l’épidémie
faute de réaliser qu’à côté des
nombreuses hospitalisations ou
décès, notamment au Mexique, il
y avait beaucoup de personnes
qui résistaient à la grippe sans
complications. Nous l’avons compris
en été 2009 : encore à temps pour
ne recommander la vaccination
qu’aux groupes à risques, mais trop
tard pour éviter la commande de
millions de doses dès lors inutiles.
Quelles leçons tirer ?
> Elles sont innombrables. Nous
devons apprendre à mieux éva-
luer la dangerosité d’un nouveau
microbe, à mieux prendre les dé-
cisions avant même d’avoir toutes
les données nécessaires, à mieux
communiquer l’incertitude. Les
stratégies de limitation du virus –
comme fermer les aéroports – ont
démontré leur inefficacité totale
à le contenir.
Si ce virus avait été plus dangereux,
nous nous serions retrouvés dans
une crise sanitaire majeure, bien
loin des accusations actuelles
d’avoir gaspillé du temps et de
l’argent...
L’an passé, il a fallu faire deux
vaccins : un contre la grippe
saisonnière et un contre la grippe
A. Qu’en est-il cette année ?
> Un seul vaccin suffit : le virus de la
grippe A se comporte maintenant
comme un virus saisonnier, il est
donc une des trois souches de
virus contenues chaque année
dans le vaccin contre la grippe.
Les HUG ont choisi un vaccin
traditionnel, sans adjuvant.
Pourquoi se faire vacciner
toutes les années contre
la grippe saisonnière ?
> Il y a deux raisons. D’une part,
les virus mutent régulièrement et
nécessitent des vaccins adaptés.
D’autre part, l’immunité optimale dure
environ six mois. Une vaccination
de rappel est donc nécessaire
chaque année, que les virus aient
changé ou non.
Quand commence la campagne
de vaccination au sein des HUG ?
> Elle a démarré le 27 septembre
et dure tout le mois d’octobre.
L’an passé, 6000 collaborateurs
des HUG se sont vaccinés pour
protéger leurs patients. C’est un
beau geste de solidarité qui mérite
d’être souligné.
Propos recueillis par
Giuseppe Costa
La Pre Claire-Anne Siegrist est présidente de la commission fédérale pour
les vaccinations.
JULIEN GREGORIO / STRATES
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