Transplantation pédiatrique Dossier thématique La transplantation cardiaque en pédiatrie : progrès et perspectives Pediatric heart transplantation: progress and perspective Franck Iserin* années en greffe cardiaque pédiatrique. Tout d’abord, l’accès à la greffe des enfants a été optimisé, permettant de réduire la période d’attente et d’éviter de nombreux décès. Dans les suites de la greffe, les avancées thérapeutiques concernent avant tout la prise en charge de complications fréquentes (rejet aigu cellulaire), rares et graves (rejet humoral ou syndrome lymphoprolifératif ), ou tardives (prévention de l’insuffisance rénale). On espère confirmer l’efficacité des inhibiteurs de mTOR (mammalian Target of Rapamycin) dans la prévention et le traitement de la maladie coronaire du greffon, qui est la complication la plus grave limitant la survie des greffons à long terme. Les objectifs sont également d’optimiser les protocoles d’immunosuppression et d’améliorer la qualité de vie des enfants afin d’envisager la greffe cardiaque pédiatrique comme une rémission de qualité à long terme. Mots-clés : Transplantation – Cardiaque – Pédiatrique. D epuis quelques années, la greffe cardiaque pédiatrique a connu un essor indiscutable. Néanmoins, les résultats de ces progrès n’apparaissent pas de façon évidente sur les courbes de survie actuarielle ou de durée de survie des greffons (figures 1 et 2, page 136). Les dernières années ont été marquées par des avancées majeures concernant, d’une part, les règles d’attribution des greffons afin de limiter les décès sur liste d’attente et, d’autre part, le traitement des compli­cations graves, auparavant souvent fatales, tels le rejet humoral et le syndrome lymphoprolifératif EBV (virus d’Epstein-Barr) induit. Les travaux de recherche visent à optimiser les protocoles d’immunosuppression et à améliorer la qualité de vie des enfants greffés du cœur et leur abord psychologique particuliers. Enfin, on espère dans un avenir proche des protocoles thérapeutiques efficaces dans le traitement de la maladie coronaire du greffon, qui reste encore à ce jour la complication principale limitant sa durée de vie. Summary Résumé »»Des progrès indiscutables ont été réalisés depuis quelques Improvements in pediatric heart transplantation management have clearly occurred in the past few years. First, access of children to heart transplantation has been optimized, thus reducing the waiting time and the mortality rate on the waiting list. Therapeutic improvement after heart transplant includes the management of major complications such as acute cellular rejection, of more rare but severe complications such as humoral rejection or post transplant lymphoproliferative disorder. We hope to confirm the effectiveness of mTOR inhibitors in preventing and treating cardiac allograft vasculopathy, which is the most severe complication precluding long term graft survival. We also aim at improving immunosuppressive regimens and the quality of life of children so that paediatric heart transplantation be considered a high quality long term remission. Keywords : Transplantation – Heart – Pediatric. Amélioration des conditions d’attente sur liste de greffe La décision du moment de l’inscription sur liste d’attente reste délicate et variable d’un enfant à l’autre. L’inscription sur liste est parfois presque programmée, si l’état de l’enfant laisse envisager une attente de plusieurs mois sur liste. Dans ce cas, l’enfant peut bénéficier des progrès thérapeutiques du traitement de l’insuffisance cardiaque terminale tels les bêtabloquants (ou l’ivabradine, actuellement testée chez l’enfant). Il est indispensable d’optimiser l’état nutritionnel par, si besoin, l’initiation d’une nutrition entérale nocturne. La ventilation non invasive, nocturne, qui permet de diminuer le travail respiratoire et d’améliorer la qualité du sommeil, est également une option intéressante. Ces mesures évitent la dénutrition de l’enfant insuffisant cardiaque, qui peut compromettre la survie en post-greffe immédiate. De nombreuses équipes ont proposé l’utilisation de cures hebdomadaires de lévosimendan, sans que leur efficacité ait été démontrée. Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 * Unité médicochirurgicale de cardiologie congénitale et pédiatrique, hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), Paris. 135 Transplantation pédiatrique Dossier thématique 100 100 < 1 an (n = 1 206) 11-17 ans (n = 1 939) 1988-1992 (n = 1 501) 1998-2001 (n = 1 365) 80 80 Survie (%) Survie (%) 90 1982-1987 (n = 376) 1993-1997 (n = 1 848) 1-10 ans (n = 1 862) Tous âges confondus (n = 5 007) 70 60 60 40 20 < 1 an versus 1-10 ans : p = 0,0005 < 1 an versus 11-17 ans : p = 0,001 50 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 1 Années post-transplantation 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Années post-transplantation Figure 1. Courbes de survie actuarielle publiées en 2002 (données du registre de l’International Society for Heart and Lung Transplantation [ISHLT], 2002). Transplantation cardiaque pédiatrique 100 < 1 an (n = 2 396) 1-10 ans (n = 3 512) 11-17 ans (n = 3 695) Tous âges confondus (n = 9 603) Survie (%) 80 60 40 20 0 < 1 versus 1-10 : p = 0,0041 0 < 1 versus 11-17 : p = 0,9859 1-10 versus 11-17 : p = 0,0003 Demi-vie < 1 : 19,2 ans ; 1-10 : 15,6 ans ; 11-17 : 11,9 ans 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Années Figure 2. Courbes de survie actuarielle publiées en 2012 (données du registre ISHLT 2012). La prise en charge en réanimation pour les enfants nécessitant une greffe cardiaque en urgence s’est également nettement améliorée. Il est recommandé d’anticiper le passage en réanimation et de “techniquer” l’enfant précocement tant que son état le permet. L’utilisation du lévosimendan en association avec les drogues inotropes a une réelle efficacité clinique 136 chez les enfants en bas débit cardiaque, permettant parfois d’attendre quelques jours la réalisation d’une greffe en super urgence. Sa supériorité sur les inotropes n’a toutefois pas été démontrée dans des études comparatives. La période d’attente peut être prolongée d’encore quelques semaines, par la mise en place chirurgicale d’une assistance circulatoire, au prix d’une morbidité importante et d’un risque élevé d’accident thromboembolique. Certains modèles de “cœurs artificiels” permettent d’assister les enfants de tout âge (1). Amélioration de l’accès des enfants à la greffe cardiaque La pénurie de greffons reste un problème majeur pour les enfants en attente d’une greffe cardiaque, notamment pour ceux âgés de moins de 10 ans. Malgré le petit nombre d’enfants en attente sur liste, la raréfaction des donneurs potentiels entraîne une prolongation du délai d’attente, une éventuelle concurrence entre candidats et une augmentation du nombre de décès en attente sur liste. On a ainsi défini des modalités d’inscription en super urgence afin de mieux gérer les priorités et la pénurie d’organes et surtout de limiter le nombre des décès en attente de greffe. L’inscription en super urgence (depuis juillet 2004) concerne les enfants en Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 La transplantation cardiaque en pédiatrie : progrès et perspectives situation d’urgence vitale, sous inotropes, avec signes de bas débit et de défaillance viscérale, et nécessite sa validation par un expert national indépendant de l’équipe demandeuse. Elle peut être indiquée soit en cas de maladie d’apparition récente avec aggravation rapide où il est préférable de réaliser la greffe avant la mise en place d’une assistance circulatoire, soit en cas d’aggravation rapide d’enfants auparavant stables sous traitement médical. Enfin, elle est recommandée pour les enfants sous assistance circulatoire en raison de la morbidité de ce type de thérapeutique. L’inscription en super urgence pédiatrique est de durée indéfinie pour les enfants de moins de 18 ans (alors qu’elle est limitée à 2 fois 48 heures pour les adultes). Même s’il y a un bénéfice certain pour les enfants les plus gravement atteints bénéficiant de la super urgence, le risque de cette mesure est de défavoriser les enfants considérés comme “moins urgents” en augmentant leur délai d’attente sur liste. L’Agence de la biomédecine a aussi instauré une priorité nationale pédiatrique à l’intention des receveurs de moins de 16 ans en ce qui concerne les organes issus de donneurs de moins de 55 ans et de moins de 55 kg. Enfin, les dérogations pour un greffon non isogroupe (ABO compatible) sont possibles. Une greffe ABO incompatible reste envisageable pour les receveurs de moins de 1 an. Progrès dans le diagnostic du rejet cellulaire Le rejet cellulaire de greffon reste une préoccupation majeure au cours du suivi des enfants greffés du cœur, notamment dans les premiers mois de la greffe où le risque est plus important. Mis à part les cas de rejet de diagnostic aisé se manifestant par une dysfonction ventriculaire gauche, le diagnostic de rejet est difficile. L’examen de référence reste encore la biopsie endomyocardique (BEM). Cet examen invasif permet, certes, de déterminer la sévérité du rejet et de guider le traitement ; néanmoins, il existe des faux négatifs, car les fragments biopsiques ne sont prélevés qu’au niveau du ventricule droit, méconnaissant ainsi les formes de rejet localisées au niveau du ventricule gauche. De plus, la BEM réalisée par cathétérisme cardiaque expose à des complications liées à la technique (risque de lésions de la valve tricuspide ou d’obstruction veineuse) et à des répercussions sur le plan psychologique (stress, hospitalisations itératives). Les différentes techniques de doppler tissulaire n’ont pas à ce jour fait la preuve de leur efficacité pour le diagnostic du rejet cellulaire. Des études comparatives de l’IRM cardiaque et de la BEM sont en cours (2). Les nouvelles techniques d’acquisition IRM avec injection (examen non invasif) semblent avoir une bonne sensibilité pour dépister le rejet, y compris dans sa forme localisée au ventricule gauche (non dépistée lors de la BEM), en identifiant les zones d’inflammation du myocarde (et de ses différentes couches). De plus, l’IRM cardiaque peut être plus facilement répétée qu’une biopsie, et peut être réalisée en externe. Cependant, si elle permet d’apprécier les fonctions systoliques des 2 ventricules, l’IRM ne permet pas de grader la sévérité du rejet dont dépend le traitement. L’interprétation de l’IRM doit être couplée à la symptomatologie clinique et à l’échographie cardiaque pour apprécier le retentissement sur la fonction ventriculaire. Progrès dans la prise en charge du rejet cellulaire cardiaque Le médecin transplanteur dispose aujourd’hui de plusieurs protocoles d’immunosuppression efficaces dans la prévention du rejet cellulaire. Ainsi, l’incidence clinique du rejet cellulaire paraît moins importante dans les études monocentriques depuis l’utilisation en première intention du mycophénolate mofétil (MMF) en association avec un inhibiteur de la calcineurine. Ce bénéfice est maintenant constaté au niveau du registre international (figure 3, p. 138). La mortalité par rejet cellulaire est devenue rare. La disponibilité de différents immunosuppresseurs permet d’adapter le traitement en fonction des antécédents du patient et des effets secondaires des traitements (améliorant ainsi la compliance thérapeutique). Progrès dans le diagnostic et la prise en charge du rejet humoral Le pronostic du rejet humoral était très défavorable jusqu’à il y a quelques années encore, notamment parce que le diagnostic était fait de façon trop tardive. Le diagnostic de rejet humoral repose sur des signes échographiques de rejet (épanchement péricardique, hypertrophie myocardique, dysfonction ventriculaire diastolique puis systolique) associés à des signes histologiques avec présence de thromboses capillaires ou d’une artérite avec nécrose fibrinoïde, et surtout sur la présence de dépôts péricapillaires de fractions du complément en immunohistochimie (C4d). Le diagnostic est affiné depuis l’amélioration des dosages des anticorps anti-HLA spécifiquement dirigés contre le donneur. Cette technique qualitative et semi-quantitative permet de guider le suivi thérapeutique et de dépister d’éventuelles récidives tardives. Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 137 Transplantation pédiatrique Pourcentage de rejet dans la 1re année Dossier thématique 50 7/2004-6/2008 Rejet traité 7/2004-6/2008 Rejet non traité 7/2008-6/2011 Rejet traité 7/2008-6/2011 Rejet non traité 40 30 20 10 0 Tous âges confondus < 1 an 1-10 ans 11-17 ans Femme Homme Figure 3. Diminution de l’incidence du rejet cellulaire au cours de la 1re année post-greffe entre les périodes 2004-2008 et 2008-2011 (données du registre ISHLT 2012). Compte tenu de la gravité du rejet humoral en transplantation cardiaque, les protocoles sont intensifs et agressifs. Ils comportent une majoration du traitement immunosuppresseur, avec bolus de corticoïdes, et une diminution drastique de la production d’anticorps en ciblant les lymphocytes B du receveur avec une ou plusieurs injections d’anticorps anti-CD20. La plupart des équipes programment des séances de plasmaphérèses en surveillant le taux d’anticorps anti-HLA. Le nombre de plasmaphérèses varie en fonction des équipes (5 à 10) et en fonction de possibles difficultés techniques (notamment chez les enfants de petit poids). La réalisation des plasmaphérèses nécessite la mise en place de cathéters de gros calibre, la présence d’une Pourcentage d’absence de MCG 100 90 80 70 Progrès dans le diagnostic et la prise en charge de la maladie coronaire du greffon 60 50 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Années Figure 4. Augmentation de l’incidence de la maladie coronaire du greffon (MCG) post-greffe (données du registre ISHLT 2012). 138 équipe dédiée et la transfusion de produits dérivés du sang. Il y a un intérêt grandissant pour une nouvelle technique de filtration (immunoadsorption). Cette technique nécessite de plus petits abords veineux, ne comporte pas de risques liés aux mouvements hydriques et semble plus efficace pour réaliser une clairance rapide des anticorps anti-HLA. Elle est en cours d’évaluation, et son coût, peut-être plus élevé, reste à définir. Les traitements peuvent être complétés par des injections d’immunoglobulines à doses antiinflammatoires (1 g/kg) qui permettent un effet de rétrocontrôle en diminuant la production globale d’anticorps (en plus des doses substitutives nécessaires après les injections d’anticorps anti-CD20). Avec cette prise en charge thérapeutique, il a été rapporté dans la littérature des cas de rémissions prolongées de rejet humoral sévère (auparavant fatal), mais on ne dispose pas, pour l’instant, d’un recul suffisant pour évaluer le risque de récidive à moyen ou à long terme. La persistance d’anticorps anti-HLA ou la récidive d’un rejet humoral compromet les chances de succès d’une retransplantation cardiaque si elle s’avère nécessaire. La maladie coronaire du greffon (MCG) se caractérise par une obstruction progressive et diffuse de la lumière des artères coronaires. C’est la principale complication se développant à moyen et à long terme après une greffe cardiaque, limitant la durée de survie du greffon pour la plupart des patients. Son incidence augmente avec le temps (figure 4). La surveillance des dyslipidémies et la prescription de statines dans les années 1990 ont Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 La transplantation cardiaque en pédiatrie : progrès et perspectives été des progrès majeurs dans la prévention de la MCG. Après de nombreuses années d’attente et d’espoirs déçus, un nouveau traitement immunosuppresseur, l’évérolimus, semble être efficace dans la prévention de la MCG. Il exerce son effet immunosuppresseur en inhibant l’expansion clonale des cellules T activées en inhibant la voie de signalisation intracellulaire (voie du mTOR ou mammalian Target Of Rapamycin) d’activation de la prolifération lymphocytaire induite entre autres par l’interleukine (IL) 2 (et l’IL-15). Le blocage de ce signal par l’évérolimus provoque un blocage des cellules au stade G1 du cycle cellulaire. Il a aussi une action antiproliférative sur les cellules musculaires lisses de la paroi des artères coronaires (qui est le mécanisme initial prépondérant de l’obstruction coronaire). Plusieurs études ayant analysé les formes débutantes d’atteinte coronaire par échographie endocoronaire chez l’adulte démontrent l’efficacité de l’évérolimus (3, 4). Le diagnostic de MCG est difficile à poser car le cœur est dénervé lors de la greffe, et l’épreuve d’effort est peu sensible. Les différentes techniques de diagnostic de la MCG sont invasives et complémentaires. L’examen de référence reste la coronarographie. Cet examen invasif permet de diagnostiquer les formes sévères ou les obstructions localisées, mais les faux négatifs sont fréquents dans les formes débutantes ou frustes. L’examen s’est cependant enrichi d’une évaluation de la réserve coronaire (Fractional Flow Reserve) qui permet d’évaluer le retentissement de la sténose sur l’oxygénation du myocarde. L’échographie endocoronaire permet une cartographie précise de l’arbre artériel coronaire et surtout une analyse des différentes couches de la paroi de l’artère où débute la prolifération cellulaire en cas de MCG. Néanmoins, cet examen reste agressif pour l’endothélium déjà lésé et est peu adapté et peu utilisé chez l’enfant en raison de la taille des sondes d’échographie. La réalisation d’un scanner multibarrette des artères coronaires comme alternative à la coronarographie est de plus en plus pratiquée pour dépister une MCG. L’examen est performant pour l’exploration du réseau coronaire proximal mais cependant insuffisant pour l’exploration du réseau distal. On peut ainsi dépister les obstructions significatives et l’on va probablement assister à des progrès sur le diagnostic de formes débutantes dans les années à venir. En cas de forme évoluée lorsque l’obstruction coronaire est diffuse sur tout l’arbre artériel, la seule solution reste à ce jour une nouvelle greffe. Le traitement des obstructions localisées (même multiples) doit être maximaliste. Il comporte une correction de la dysplipidémie, un traitement anti-agrégant plaquettaire et un traitement par bêtabloquant. La mise en place d’un stent actif (avec élution d’un médicament immunosuppresseur antipro- lifératif de type inhibiteur de la calcineurine) par coronarographie interventionnelle est également indiquée. Quelques cas de stabilisation de la MCG, voire de régression sous traitement, ont été rapportés dans la littérature. Compte tenu de la gravité de cette complication, on peut recommander la prescription d’un inhibiteur mTOR, même en l’absence de preuve d’efficacité. Progrès dans la prévention de l’insuffisance rénale à long terme Le risque de néphrotoxicité induit par les inhibiteurs de la calcineurine à moyen et à long terme est bien connu. Le nombre d’enfants concernés augmente avec l’amélioration de la durée de survie après transplantation cardiaque. Le pronostic rénal à long terme est une préoccupation majeure en greffe pédiatrique et le nombre de jeunes adultes greffés cardiaques dans l’enfance et nécessitant une greffe rénale augmente. Les protocoles d’immunosuppression actuels visent à réduire les doses et l’exposition aux inhibiteurs de la calcineurine, notamment depuis l’utilisation (maintenant presque généralisée) du MMF en remplacement de l’azathioprine. Les protocoles pédiatriques comportent encore à ce jour des doses moins importantes d’inhibiteurs de la calcineurine (taux résiduels entre 50 et 120 ng/ml) que celles utilisées chez les adultes. Des essais sont en cours d’évaluation pour interrompre définitivement la prescription d’inhibiteurs de la calcineurine, alors remplacés par un inhibiteur de mTOR (association évérolimus et MMF), supprimant ainsi tout traitement néphrotoxique. L’avenir est sans doute l’utilisation de ce type de protocole en prévention primaire (du rejet et des lésions rénales). Les possibilités d’adaptation thérapeutique en cas de néphrotoxicité justifient une surveillance systématique de la fonction rénale chez tous les enfants greffés. La surveillance est d’abord biologique (créatinine, clairance de l’iohexol) ; une biopsie rénale est indiquée afin de mieux apprécier la sévérité des lésions rénales en cas d’altération de la fonction rénale. Progrès dans la prise en charge des syndromes lymphoprolifératifs EBVinduits (PTLD) La survenue d’un PTLD est une complication rare (moins de 2 %) mais grave après la transplantation cardiaque, où le niveau d’immunosuppression est plus élevé qu’en greffe rénale ou hépatique. Ce risque est majoré avec le tacrolimus (comparé à la ciclosporine). Le risque d’évolution vers un lymphome et de mortalité est important, surtout en cas de diagnostic tardif. Les formes cliniques sont variées et parfois frustes à un Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 139 mailing Transplantation pédiatrique Dossier thématique stade précoce (adénopathie isolée, atteinte digestive ou neurologique, etc.). La charge virale par PCR (Polymerase Chain Reaction) EBV quantitative est régulièrement surveillée et l’on recommande maintenant un bilan extensif dès la moindre suspicion de PTLD, même en cas d’adénopathie isolée persistante : le bilan est à la fois biologique (phénotypage lymphocytaire, immunoélectrophorèse des immunoglobulines avec recherche d’un pic monoclonal) et radiologique (scanner thoracoabdominal), complété si besoin par une biopsie des lésions suspectes. Cette attitude est justifiée par les progrès de la prise en charge thérapeutique (surtout des formes précoces) : rémission après cures d’anticorps anti-CD20 qui permettent de limiter la prolifération des lymphocytes B. On modifie alors le protocole d’immunosuppression en remplaçant les inhibiteurs de la calcineurine par un inhibiteur de mTOR qui a une action antiproliférative sur les clones de lymphocytes B. Amélioration de la qualité de vie des enfants greffés cardiaques L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. Hetzer R, Potapov EV, Alexi-Meskishvili V et al. Single-center experience with treatment of cardiogenic shock in children by pediatric ventricular assist devices. J Thorac Cardiovasc Surg 2011;141(3):616-23. 2. PHRC “IRM cardiaque dans la détection des rejets cellulaires chez les enfants transplantés cardiaques”, co o rd i n a t i o n N e c ke r D r Phalla : http://carpedem.fr/ wp-content/uploads/2011/12/ Evaluation-M3C-2011.pdf 3. Eisen HJ, Tuzcu EM, Dorent R et al. Everolimus for the prevention of allograft rejection and vasculopathy in cardiactransplant recipients. N Engl J Med 2003;349(9):847-58. 4. Potena L, Schultz U, Bara C et al. Cardiovascular events with de novo use of Everolimus in heart transplant recipients: 24-Month Analysis of the A2310 Study. J Heart Lung Transplant 2013;32: abstr. 48; pS26. 140 La qualité de vie des jeunes enfants est souvent bonne. Il n’en est pas toujours de même à l’adolescence, où surgissent les problèmes psychologiques liés aux maladies chroniques et les problèmes de non-observance thérapeutique, dont les conséquences peuvent être graves. Le risque de rejet à l’adolescence par interruption ou négligence des traitements n’est pas bien estimé, mais il est bien réel. La maladie exacerbe tous les problèmes psychologiques ou sociaux ou tous les conflits intra­ familiaux déjà présents. Les adolescents greffés tôt dans l’enfance n’ont que très peu de souvenirs de leur greffe et entrent souvent en conflit avec leurs parents, qui gardent en mémoire l’angoisse de mort des moments ayant précédé la greffe. L’adolescent doit gérer le paradoxe d’une vie en apparence normale sous-tendue par une pathologie potentiellement grave qu’il ne ressent pas toujours. Cette situation paradoxale peut conduire à un refus de la greffe ou des traitements. Elle n’est pas non plus toujours comprise par l’entourage social ou scolaire, qui conçoit et connaît plutôt l’enfant malade comme un leucémique hospitalisé, et non comme un enfant scolarisé nécessitant une tolérance ou des adaptations particulières de sa vie scolaire. De même, les psychothérapeutes ne sont pas toujours bien formés face à une situation aussi rare et complexe. C’est pourquoi l’amélioration de la qualité de vie des enfants et adolescents reste une préoccupation primor- diale, justifiant son évaluation régulière et le développement d’outils de mesure de la qualité de vie adaptés à l’enfant. Il apparaît indispensable de : – développer les médicaments en prise unique quotidienne (Advagraf®, par exemple), qui pour l’instant n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant de moins de 18 ans ; – privilégier dans les protocoles de surveillance les examens les moins invasifs (par exemple, IRM en remplacement de la BEM ou coronaroscanner en remplacement de la coronarographie), permettant ainsi de limiter les hospitalisations itératives et le stress qu’elles induisent ; – modifier, lorsque cela est possible, les traitements immunosuppresseurs en cas d’effets indésirables parfois invalidants (par exemple, en remplaçant la ciclosporine par du tacrolimus en cas d’hirsutisme ou d’hypertrophie gingivale) ; – avoir recours de façon précoce aux différents types de psychothérapie, en faisant appel à des professionnels formés aux spécificités des enjeux de la greffe cardiaque. Perspectives Le suivi d’un enfant greffé du cœur nécessite une collaboration pluridisciplinaire pour dépister et traiter les nombreuses complications qui peuvent éventuellement survenir en post-greffe. Il n’y a pas eu de progrès révolutionnaire durant ces dernières années, mais des avancées thérapeutiques dans de nombreux domaines, y compris pour des complications rares, auparavant fatales. On n’en retrouve les bénéfices que chez peu d’enfants, ce qui explique l’absence de résultat visible sur les courbes de survie. La communauté de la transplantation cardiaque adulte et pédiatrique est en attente d’une avancée majeure dans la prévention de la MCG, qui reste la complication principale à moyen et long termes, faisant poser l’indication d’une nouvelle greffe. Beaucoup d’espoirs reposent sur les nouveaux immunosuppresseurs de type inhibiteur de mTOR. Avec la prolongation de la durée de survie, d’autres complications encore peu connues risquent de survenir, et la question de nouveaux enjeux thérapeutiques et de prévention se posera. Nos perspectives actuelles consistent à repousser d’autant d’années possible l’indication d’une nouvelle greffe et à anticiper et gérer les complications à très long terme des traitements immunosuppresseurs. ■ Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013