Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIII - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2013 137
La transplantation cardiaque en pédiatrie : progrès et perspectives
situation d’urgence vitale, sous inotropes, avec signes
de bas débit et de défaillance viscérale, et nécessite
sa validation par un expert national indépendant de
l’équipe demandeuse. Elle peut être indiquée soit en
cas de maladie d’apparition récente avec aggravation
rapide où il est préférable de réaliser la greffe avant la
mise en place d’une assistance circulatoire, soit en cas
d’aggravation rapide d’enfants auparavant stables sous
traitement médical. Enfin, elle est recommandée pour
les enfants sous assistance circulatoire en raison de la
morbidité de ce type de thérapeutique. L’inscription
en super urgence pédiatrique est de durée indéfinie
pour les enfants de moins de 18 ans (alors qu’elle est
limitée à 2 fois 48 heures pour les adultes). Même s’il
y a un bénéfice certain pour les enfants les plus gra-
vement atteints bénéficiant de la super urgence, le
risque de cette mesure est de défavoriser les enfants
considérés comme “moins urgents” en augmentant
leur délai d’attente sur liste.
L’Agence de la biomédecine a aussi instauré une prio-
rité nationale pédiatrique à l’intention des receveurs de
moins de 16 ans en ce qui concerne les organes issus de
donneurs de moins de 55 ans et de moins de 55 kg. Enfin,
les dérogations pour un greffon non isogroupe (ABO
compatible) sont possibles. Une greffe ABO incompatible
reste envisageable pour les receveurs de moins de 1 an.
Progrès dans le diagnostic
du rejet cellulaire
Le rejet cellulaire de greffon reste une préoccupation
majeure au cours du suivi des enfants greffés du cœur,
notamment dans les premiers mois de la greffe où le
risque est plus important. Mis à part les cas de rejet
de diagnostic aisé se manifestant par une dysfonc-
tion ventriculaire gauche, le diagnostic de rejet est
difficile. L’examen de référence reste encore la biopsie
endomyocardique (BEM). Cet examen invasif permet,
certes, de déterminer la sévérité du rejet et de guider le
traitement ; néanmoins, il existe des faux négatifs, car
les fragments biopsiques ne sont prélevés qu’au niveau
du ventricule droit, méconnaissant ainsi les formes de
rejet localisées au niveau du ventricule gauche. De plus,
la BEM réalisée par cathétérisme cardiaque expose à
des complications liées à la technique (risque de lésions
de la valve tricuspide ou d’obstruction veineuse) et à
des répercussions sur le plan psychologique (stress,
hospitalisations itératives).
Les différentes techniques de doppler tissulaire n’ont
pas à ce jour fait la preuve de leur efficacité pour le
diagnostic du rejet cellulaire. Des études comparatives
de l’IRM cardiaque et de la BEM sont en cours (2). Les
nouvelles techniques d’acquisition IRM avec injection
(examen non invasif) semblent avoir une bonne sen-
sibilité pour dépister le rejet, y compris dans sa forme
localisée au ventricule gauche (non dépistée lors de la
BEM), en identifiant les zones d’inflammation du myo-
carde (et de ses différentes couches). De plus, l’IRM
cardiaque peut être plus facilement répétée qu’une
biopsie, et peut être réalisée en externe. Cependant,
si elle permet d’apprécier les fonctions systoliques des
2 ventricules, l’IRM ne permet pas de grader la sévérité
du rejet dont dépend le traitement. L’interprétation de
l’IRM doit être couplée à la symptomatologie clinique
et à l’échographie cardiaque pour apprécier le reten-
tissement sur la fonction ventriculaire.
Progrès dans la prise en charge
du rejet cellulaire cardiaque
Le médecin transplanteur dispose aujourd’hui de
plusieurs protocoles d’immunosuppression efficaces
dans la prévention du rejet cellulaire. Ainsi, l’incidence
clinique du rejet cellulaire paraît moins importante
dans les études monocentriques depuis l’utilisation en
première intention du mycophénolate mofétil (MMF)
en association avec un inhibiteur de la calcineurine.
Ce bénéfice est maintenant constaté au niveau du
registre international (figure 3, p. 138). La mortalité
par rejet cellulaire est devenue rare. La disponibilité
de différents immunosuppresseurs permet d’adapter
le traitement en fonction des antécédents du patient
et des effets secondaires des traitements (améliorant
ainsi la compliance thérapeutique).
Progrès dans le diagnostic
et la prise en charge du rejet humoral
Le pronostic du rejet humoral était très défavorable
jusqu’à il y a quelques années encore, notamment
parce que le diagnostic était fait de façon trop tardive.
Le diagnostic de rejet humoral repose sur des signes
échographiques de rejet (épanchement péricardique,
hypertrophie myocardique, dysfonction ventriculaire
diastolique puis systolique) associés à des signes histo-
logiques avec présence de thromboses capillaires ou
d’une artérite avec nécrose fibrinoïde, et surtout sur
la présence de dépôts péricapillaires de fractions du
complément en immunohistochimie (C4d). Le dia-
gnostic est affiné depuis l’amélioration des dosages
des anticorps anti-HLA spécifiquement dirigés contre
le donneur. Cette technique qualitative et semi-quan-
titative permet de guider le suivi thérapeutique et de
dépister d’éventuelles récidives tardives.