n° 9508 A G G L O M E R A T I O N , INDUSTRIE E T VILLE r """( Catherine Baumont et Jean-Marie Huriot* septembre 1995 *Enseignants-chercheurs, Faculté de Sciences économiques et de Gestion LATEC (URA 342 CNRS) Dijon Agglomération, industrie et ville 1 Catherine Baumont et Jean-Marie Huriot "Comme les machines doivent être produites avec des machines et puisque celles-ci sont le produit de fabriques et ateliers nombreux et variés, de tels équipements ne peuvent être réalisés efficacement que là où fabriques et ateliers qui s'entraident et collaborent à une oeuvre sont très proches les uns des autres, c'est-à-dire uniquement dans les grandes villes." (VonThûnen, 1826, in Huriot, 1994, 151) Depuis les origines de la pensée économique on s'interroge sur les raisons de la formation et de la croissance des villes. La réflexion théorique semble avoir suivi l'évolution des faits. Ainsi, au XVIIIe siècle, R. Cantillon (1755) ne voit encore dans le bourg qu'un marché et dans la ville qu'un regroupement de grands propriétaires de terres agricoles cherchant à "jouir d'une agréable société" et attirant tous les métiers qui sont à leur service. Mais quelques années plus tard, A. Smith (1776) analyse déjà les avantages que la ville procure à la production, à travers les gains d'échelle issus de la division du travail. On ignore souvent que von Thûnen (1827), élevé au rang de père de l'économie spatiale pour sa première construction d'un modèle radioconcentrique d'utilisation du sol, propose également une analyse pertinente des raisons de l'agglomération des firmes dans les villes (Huriot, 1994). La citation liminaire évoque bien le principe de base des économies d'agglomération qui prévaut encore aujourd'hui. A. Marshall (1890, 1919) fait un apport décisif en reliant, dans une analyse théorique cohérente, économies externes et avantages de localisation. A. Weber (1909) intègre plus formellement les économies d'agglomération dans le calcul économique de la localisation optimale des firmes, et en fait une explication de l'existence des villes. Il donne ainsi naissance au courant weberien qui est encore présent dans les analyses "standards" actuelles. Mais c'est surtout depuis l'apport de Mills (1967) que les économies d'agglomération sont définitivement reconnues comme un facteur majeur de formation des villes. 1 Une première version de ce papier a été présentée au colloque de l'ASRDLF : "Dynamiques industrielles et dynamiques territoriales", à Toulouse (30 août au 1er septembre 1995). Les économies d'agglomération sont ainsi au centre d'un ensemble d'analyses suscitées aujourd'hui par le souci aussi bien empirique que théorique d'expliquer l'origine et l'évolution de la répartition spatiale des activités économiques. On se situe ici au lieu de rencontre de l'économie spatiale et de l'économie industrielle, dans une contrée qui, quoi qu'on en dise, n'est pas une découverte récente, même si son exploitation à l'aide de nouveaux concepts et de nouvelles méthodes est susceptible de la rendre plus fertile (Rallet et Torre, 1995). S'il y a du nouveau, c'est plus la découverte de l'espace par l'économie industrielle que l'inverse. Les économies d'agglomération se manifestent dans les gains réalisés par différentes entreprises du fait de leur proximité géographique et des rendements croissants externes ainsi engendrés. Elles expliquent l'agglomération des firmes en des lieux privilégiés, régions industrielles ou villes, à travers des approches sensiblement différentes. On rencontre en effet les économies d'agglomération dans les analyses de la microéconomie spatiale à la Fujita et dans les analyses de la géographie économique à la Krugman, aussi bien que dans des recherches qui se placent en marge de ce courant standard ou en réaction contre lui, comme les travaux d'inspiration marshallienne sur les districts industriels ou les systèmes productifs locaux. Dans ces écrits, on s'intéresse essentiellement à la concentration spatiale de la production, et l'on raisonne le plus souvent, au moins implicitement, comme si cette agglomération était suffisante pour former une ville. On trouve même des analyses qui localisent l'agglomération indifféremment dans une région ou dans une ville : ce qui importe est seulement de savoir pourquoi les firmes s'agglomèrent. Dans tous les cas, on privilégie les économies d'agglomération comme facteur de formation des villes et on fait de l'agglomération des activités de production le fondement de la réalité urbaine. Nous voici au coeur du problème. Les économies d'agglomération permettent une certaine compréhension de la concentration spatiale de la production. Par là même on est tenté d'en faire une clé de l'explication de la formation des villes. La question est de savoir si les deux phénomènes sont identiques. Pourquoi la ville est-elle assimilée à une agglomération productive ? On pourrait avoir l'impression qu'une telle réduction est de nature ad hoc et qu'elle a pour seule justification les besoins d'une explication par les concepts de l'économie industrielle. La ville peut-elle se réduire à une agglomération de firmes? L'intuition est que l'agglomération urbaine est quelque chose de différent d'une concentration spatiale de la production, même si la première inclut généralement la seconde. Dans ces conditions, l'analyse de la ville à travers l'agglomération productive n'est pas satisfaisante si elle passe à côté de ce qui fait la spécificité de l'espace urbain. Quels sont donc les rapports entre ville et production, entre agglomération urbaine et agglomération industrielle ? Quelles représentations de la ville fournissent les analyses d'agglomération ? Ces différents problèmes seront abordés selon la démarche suivante. Une première partie regroupera quelques réflexions conceptuelles et méthodologiques d'agglomération et le phénomène d'agglomération. sur les économies On y trouvera des précisions sur les sources, la nature et le classement des économies d'agglomération et des forces qui peuvent les contrarier, ainsi que sur la dynamique propre du phénomène d'agglomération. Dans une deuxième partie, nous examinerons plus précisément l'intérêt et les limites de l'assimilation entre l'agglomération de la production et la ville, en analysant comment la dimension productive est liée aux autres dimensions de la ville, notamment la dimension sociale. Nous chercherons en particulier quelles représentations de la ville on peut obtenir dans un modèle gouverné par les économies d'agglomération en tentant de montrer comment une concentration spatiale de la production est une condition d'existence d'une ville. 1. Interactions et agglomération Tout le problème de l'agglomération est précisément de chercher à savoir pourquoi tout un ensemble d'individus, identiques ou différents, se regroupe spatialement plutôt que de se répartir uniformément dans l'espace en une multitude de petits établissements humains. La réponse fait évidemment appel à l'intérêt que les individus ont à vivre et à produire à proximité les uns des autres, c'est-à-dire aux avantages qu'apportent à chacun les interactions avec les autres. Comprendre comment les économies d'agglomération amènent la concentration spatiale des activités et la formation des villes nécessite d'abord un détour par quelques mises au point conceptuelles et méthodologiques. Ainsi nous situerons les économies d'agglomération dans leur contexte théorique, puis nous chercherons les causes d'agglomération des hommes et des activités, qui conduisent en particulier à différentes modalités d'économies d'agglomération pas toujours faciles à distinguer. Les économies d'agglomération, formalisées par une fonction d'agglomération, engendrent un processus dynamique de concentration ou d'éclatement spatial dont nous donnerons les principales propriétés et modalités. 1.1. De la microéconomie spatiale à l'agglomération Un problème théorique Paradoxalement, alors que la théorie micro-économique représente, par excellence, l'analyse la plus complète des échanges entre les individus et sur tous les marchés, la façon dont ces échanges se réalisent "matériellement" a longtemps été négligée (tout du moins dans l'approche "standard"). Le développement de l'analyse micro-économique spatiale a donné un premier fondement à la concrétisation de ces échanges en explicitant le rôle de la distance dans les décisions individuelles : par exemple, les modèles de localisation sont naturellement construits en tenant compte des coûts de transfert des biens ou des coûts de déplacement des individus. Cependant, ce principe est empiriquement et théoriquement insuffisant. • Même si certains ont pu souligner l'importante décroissance du poids des coûts de transport dans les décisions de localisation de certaines activités, l'observation montre une tendance tenace à la concentration géographique des firmes et des ménages. L'importance croissante de ces phénomènes d'agglomération a incité un grand nombre d'économistes à en rechercher les fondements micro-économiques, c'est-à-dire à expliquer comment la formation des agglomérations pouvait résulter des interactions entre les individus (Fujita, 1994). • Le cadre concurrentiel est incompatible avec l'existence d'une distribution spatiale inégale des activités, puisque l'hypothèse de convexité de l'ensemble de production conduit à une solution triviale de l'équilibre général spatial dans laquelle chaque lieu supporte une toute petite partie de toutes les activités. T.C. Koopmans (1957), puis formellement D. Starrett (1978), ont montré que, dans un espace uniforme, la concentration économiques résulte de l'existence de phénomènes de spatiale des rendements activités croissants (ou d'indivisibilités), ce qui place d'emblée l'analyse micro-économique spatiale dans un cadre de concurrence imparfaite (Thisse, 1992). On va ainsi naturellement trouver les fondements microéconomiques de l'agglomération dans des formes d'interactions entre les agents économiques qui conduisent à des phénomènes de rendements croissants. Des niveaux d'agglomération Les trois principaux niveaux d'agglomérations rencontrés en économie industrielle et/ou en économie urbaine sont (1) les agglomérations de firmes de même type (c'est l'analyse en terme d'industrie ou de branche), (2) les agglomérations enfin (3) les agglomérations de firmes (ou d'industries) différentes et urbaines définies pour l'instant comme des agglomérations d'activités résidentielles et industrielles, différents types de ménages ou de firmes pouvant être M, rassemblés. Au deuxième niveau, A. Marshall (1890) évoque le rapprochement d industries complémentaires" ou "industries corrélatives" et Y.Y. Papageorgiou (1990) évoque les "activités compatibles". On s'aperçoit immédiatement que ces trois sortes d'agglomérations s'emboîtent naturellement les unes dans les autres et à chaque agglomération de niveau supérieur correspond un système d'interactions de plus en plus complexe : aux relations entre les firmes appartenant à la même industrie, se combinent les relations entre les firmes d'industries différentes, puis les relations entre les firmes et les ménages et les relations entre les ménages. L'agglomération urbaine apparaît alors comme la structure l'agglomération la plus complète de et présente un caractère multidimensionnel. Certes, la ville est une organisation économique : elle est le lieu d'interactions économiques, principalement entre firmes et entre firmes et ménages. Ces interactions économiques font aussi de la ville une organisation de marchés. Mais tous les essais pour définir la ville mettent aussi l'accent sur d'autres dimensions, pas forcément indépendantes de celle-ci, où les aspects sociaux et culturels, de prestige ou de pouvoir ne sont pas les moindres (Pumain, 1994). Par commodité, nous considérons ici que l'ensemble de ces dimensions sociale, culturelle et politique, que nous % désignons sous le terme générique á interactions sociales, se traduisent par un ensemble d'interactions entre ménages, et indirectement entre ménages et firmes. Ainsi, l'agglomération urbaine n'apparaîtra que si chaque niveau d'agglomération défini ci-dessus est ouvert sur les niveaux d'agglomération supérieurs. On est alors amené à poser le problème de l'ouverture de la ville elle-même sur l'extérieur, ce qui conduit à des problèmes comme celui de l'éclatement de la ville par formation d'autres villes ou celui du rôle de la ville sur l'activité économique de sa région. Faute de pouvoir donner une définition complète et universelle de la ville (voir néanmoins Béguin et Pumain, 1995), nous considérons ici, et par rapport à l'analyse que nous voulons faire, qu'/7 y a ville totale dès qu'une concentration d'interactions économiques et d'interactions spatiale résulte du jeu combiné sociales. Néanmoins, la plupart des analyses théoriques de l'agglomération, tout en prétendant expliquer la ville ou en laissant supposer qu'elles le font, ne se sont intéressées qu'à des formes partielles d'agglomération : soit la ville comprend uniquement des ménages et seul le rôle des interactions sociales est étudié, soit la ville comprend effectivement des firmes et des ménages, mais seules les interactions économiques entre les firmes et celles entre les firmes et les ménages sont retenues. Ce sont des modèles de villes partielles. Ainsi, une certaine ambiguïté ou confusion est souvent entretenue dans les théories de l'agglomération entre concentration spatiale de la production et ville. 1.2. Les forces d'agglomération La complexité du phénomène d'agglomération n'est en réalité que le reflet des multiples sources favorables à la concentration géographique des activités économiques. Pour les présenter, plusieurs classifications peuvent être adoptées, mais celle que propose M. Fujita (1990) nous a semblé la plus pertinente pour notre recherche. En effet, cet auteur rappelle qu'il y a seulement trois catégories de modèles de base susceptibles d'engendrer une agglomération : (1) les modèles avec avantages comparatifs des lieux fondés sur une distribution inégale des ressources naturelles et /ou des conditions de transport ; (2) les modèles avec externalités dans lesquels l'agglomération spatiale résulte d'interactions hors-prix entre les agents ; (3) les modèles non concurrentiels de type monopolistique ou oligopolistique où les facteurs d'agglomération spatiale tiennent aux comportements des firmes. Ainsi cette classification permet d'abord de repérer les sources d'agglomération exogènes (1ère catégorie de modèles) ou endogènes (2ème et 3ème catégories de modèles). On répartit habituellement les forces endogènes en économies de localisation et économies d'urbanisation ; en revenant à M. Fujita, nous les distinguerons selon qu'elles sont hors marché (2ème classe de modèles) ou qu'elles passent par le marché (3ème classe de modèles). Dans tous les cas cependant, des forces contraires peuvent freiner le mouvement d'agglomération. Forces exogènes et forces endogènes Dans la première catégorie de modèle, l'agglomération résulte de causes exogènes puisque les dotations naturelles des lieux suffisent à les rendre attractifs. Cette cause d'agglomération est dite de première nature (W. Cronon, cité par Krugman, 1993) et peut être modélisée en tenant compte des préférences (ou besoins) des agents pour les différentes caractéristiques des lieux : tous les agents ayant les mêmes préférences se localiseront au même endroit (Arthur, 1990). Sur le plan théorique, ces modèles sont donc subordonnés aux hypothèses d'immobilité et d'inégale répartition des caractéristiques des lieux, sinon, en vertu du principe de différenciation maximale (d'Aspremont, Gabszewicz et Thisse, 1979), les activités ayant les mêmes besoins auraient intérêt à se localiser dans des endroits identiques du point de vue de leurs caractéristiques intrinsèques, mais différents géographiquement. En fait, ces modèles permettent uniquement d'expliquer où les agglomérations vont se constituer, dans l'ensemble des lieux dotés d'attributs attractifs. Ils sont finalement théoriquement réducteurs et empiriquement insuffisants. Mais l'agglomération est une structure ouverte sur l'extérieur : il existe donc d'autres sources d'agglomération exogènes liées aux facteurs qui définissent les relations de dépendance de l'agglomération avec son environnement extérieur. En particulier, le progrès technique, facteur clé dans l'amélioration des techniques de transport qui conditionnent les coûts d'approvisionnement des villes en biens et en facteurs de production (incluant le travail), est généralement retenu comme variable exogène dans les modèles d'agglomération. Mais il faut remarquer que ces sources d'agglomération exogènes ne sont pas tout à fait assimilables à celles tenant aux avantages comparatifs des lieux, car elles ne produisent leurs effets que sur une agglomération déjà existante : elles participent donc déjà du phénomène d'agglomération. Plus encore, sous l'impulsion des théoriciens de la croissance endogène, le progrès technique est de plus en plus considéré comme un facteur endogène à la structure productive (Amable et Guellec, 1992) et à l'agglomération spatiale qui la supporte (Baumont, 1995). Il peut en effet être engendré par le processus d'agglomération lui-même, notamment par l'intermédiaire des échanges d'informations et de connaissances que facilite la proximité. Les sources d'agglomération sont endogènes quand elles se situent au niveau des interactions entre les agents ; elles expliquent que la proximité géographique est susceptible de produire des avantages pour les firmes et/ou les ménages en interaction. Ces interactions correspondent aux deux dernières catégories de sources d'agglomération de M. Fujita (1990). Les avantages apportés sont exactement les économies d'agglomération que nous cherchons à caractériser. Ainsi, par nature, les économies d'agglomération sont produites par les causes endogènes d'agglomération. Elles se présentent selon des modalités que Ton peut classer de différentes manières. Localisation ou urbanisation ? W. Isard (1956), suivant notamment E.M. Hoover (1937), et dans une distinction largement reprise par la suite, évoque les économies de localisation et les économies d'urbanisation. Les économies de localisation apparaissent dans les agglomérations de firmes appartenant à la même industrie. Ce sont donc des économies externes à la firme, mais internes à l'industrie et à la ville. Elles sont liées à l'idée "d'atmosphère industrielle", mentionnée pour la première fois par A. Marshall (1919), qui permet une meilleure transmission des "secrets de l'industrie". Elles résultent de la spécialisation industrielle qui favorise la coopération technique et informationnelle entre les entreprises d'une même industrie et de la présence d'une main d'oeuvre adéquate, du partage de services spécialisés,... Les économies d'urbanisation proviennent de l'agglomération d'activités différentes. Elles sont externes aux agents individuels ainsi qu'aux groupes homogènes qu'ils constituent, et elles sont internes à la ville. Elles naissent, conformément à notre définition de l'agglomération urbaine, des interactions économiques entre les firmes et les ménages et des interactions sociales entre les individus qui toutes ensembles créent une ''atmosphère urbaine". Elles sont souvent liées à la taille de l'agglomération et à la présence d'infrastructures publiques ou de services à la production. On cite par exemple les économies réalisées dans l'utilisation de réseaux de distribution ou de transport, d'information ou de formation, la possibilité plus large d'utiliser des services aux entreprises qui peuvent eux-mêmes avoir été externalisés pour bénéficier d'économies d'agglomération, le recours à une main d'oeuvre diversifiée, les avantages techniques de la division du travail, la réduction des coûts de transaction,... Cette distinction est peut-être moins utile qu'utilisée, d'abord parce que beaucoup de sources d'économies d'urbanisation sont aussi sources d'économies de localisation (Polèse, 1994), ensuite parce que la frontière dépend de la définition de T'industrie", c'est-à-dire du niveau d'agrégation retenu, ou du niveau de différenciation à partir duquel on change d'industrie. Les imperfections de la précédente distinction nous incitent à adopter plutôt celle de M. Fujita (1990), plus analytique. Interactions hors marché ou de marché ? Une première série de modèles est fondée sur des interactions entre ménages et/ou firmes qui ne passent pas par le marché. Ces interactions sont des effets externes technologiques ou des interactions du type échanges d'informations ou contacts personnels. Les biens et services publics, ainsi que toutes les causes de facilité de communication ou d'interaction sociale permettant en particulier de diminuer les coûts de transaction (Coase, 1937 ; Williamson, 1979, 1981) entrent dans cette catégorie. Selon M. Fujita, "Si Ton définit les externalités assez largement pour inclure les effets de toutes les relations hors marché entre les agents, les externalités représentent une cause majeure de formation des villes" (1989, 135). Il semble toutefois que les interactions de marché soient des causes plus importantes d'agglomération (Fujita, 1990). Elles sont d'abord la manifestation de l'existence de structures de concurrence monopolistiques de type chamberlinien, avec la juxtaposition de nombreuses firmes produisant des biens substituts proches. Les économies d'agglomération sont alors la conséquence d'une préférence pour la variété, conséquence des hypothèses de convexité. En matière de consommation, il s'agit de la variété des produits offerts à la consommation (Fujita, 1988, Fujita et Krugman, 1994) ; en matière de production, cela recouvre la variété des inputs, par exemple des services à la production (Fujita, 1990 ; Fujita et Krugman, 1993). Dans cette approche, la force de l'agglomération réside donc dans la production de biens différenciés. On peut assimiler à ces phénomènes les effets d'économies de variété d'output ("scope économies"). "Bien que ces effets de complémentarité [...] ne soient pas suffisants pour expliquer à eux seuls l'existence des villes, la formation des grandes villes peut être expliquée uniquement quand ce facteur est combiné à d'autres (en particulier avec des indivisibilités et des économies d'échelle)." (Fujita, 1989, 136). Les interactions oligopolistiques sont traitées moins systématiquement (Fujita, 1990). Elles entrent dans des modèles de fourniture de biens publics par une collectivité locale, ou des modèles de concurrence spatiale avec marché foncier (entre firmes et ménages). A nouveau, on peut penser que cette classification est imparfaite, car une source d'agglomération considérée comme hors marché, conduit néanmoins à des avantages qui au bout du compte auront une conséquence pécuniaire qui modifiera les conditions des échanges marchands. Par exemple, les échanges d'informations hors marché se traduisent finalement en termes d'accroissements de recette ou de diminutions de coût. De même, un changement technique endogène peut être d'abord issu d'une externalité technologique avant de prendre la forme d'une variation de la compétitivité évaluée pécuniairement. Enfin, la division du travail, source importante de rendements croissants (Young, 1928) et d'économie d'agglomération, est d'abord une question d'organisation technique de la production, avant de se traduire en termes d'échanges marchands. Si on privilégie cette vision des choses, alors on soutient non seulement que les interactions marchandes sont les plus importantes, mais qu'il n'existe, à la limite, que des effets d'agglomération pécuniaires (Krugman, 1991). Cette position est précisément acceptable pour l'agglomération qui peut être considérée comme un lieu de traduction rapide et privilégié des interactions non marchandes en interactions marchandes. Néanmoins, les effets d'agglomération hors marché sont conceptuellement importants en ce qu'ils permettent de différencier le rôle des économies d'agglomération de celui des facteurs de localisation conventionnels (Nishioka, 1993) relatifs à des questions d'échanges marchands. Même si la sphère des facteurs conventionnels s'élargit (l'information devient de plus en plus un facteur conventionnel), il subsite toujours des éléments que le marché n'a pu capter : ceci est particulièrement vrai des économies de proximité (Bellet, Colletis et Lung, 1993). Des forces contraires Si les forces d'agglomération jouaient sans limite et sans opposition, elles conduiraient nécessairement à l'agglomération de toute la population et de toutes les activités économiques en un lieu unique. Mais des forces contraires interviennent, pour ralentir, arrêter la concentration spatiale, ou créer un mouvement de dispersion à partir d'une concentration réalisée. Comme les forces d'agglomération, les forces contraires peuvent être exogènes ou endogènes. Parmi les forces exogènes, on place par exemple les conditions techniques et économiques de transport, qui peuvent freiner l'agglomération si elles constituent un obstacle à l'approvisionnement des villes, comme ce fut le cas jusqu'au XIXème siècle (Bairoch, 1985). Les forces endogènes sont engendrées par le processus d'agglomération lui-même ou par la nature des interactions en cause. Elles résultent d'une efficacité de l'organisation décroissante avec la taille (Cappellin, 1988), d'effets externes d'encombrement ou de pollution (Papageorgiou et Smith, 1983), de préférences hétérogènes de localisation des consommateurs ou des firmes (Anas, 1988), ou de l'accroissement des coûts de transport avec la taille de l'agglomération (Krugman, 1991, 1993). Cette fois-ci, c'est le fonctionnement même de l'agglomération qui est en cause. Pour palier ces forces endogènes négatives, on peut néanmoins faire appel à des facteurs exogènes : amélioration des conditions techniques et économiques de transports, de vie ... 1.3. La fonction d'agglomération L'agglomération résulte d'un arbitrage entre le gain et le coût de l'agglomération et à ce titre elle peut être considérée comme une situation d'équilibre entre des forces de concentration et des forces de dispersion. Toutes choses égales d'ailleurs, la tendance à l'agglomération découle de la recherche de profits plus élevés pour les firmes et d'utilités plus élevées pour les ménages. C'est donc au sein des calculs micro-économiques des agents que l'on peut identifier les facteurs favorables et défavorables à l'agglomération. Pour y parvenir, les auteurs définissent généralement une fonction d'agglomération, instrument technique qui leur permet d'évaluer les bénéfices nets de l'agglomération qui échoient à un agent, en fonction des facteurs de concentration et de dispersion retenus. Les propriétés de cette fonction permettent en outre de caractériser l'évolution dynamique des processus d'agglomération. Selon les modèles, la fonction d'agglomération est de nature exogène ou endogène. Elle présente généralement des rendements décroissants. Une fonction d'agglomération exogène ou endogène Beaucoup de modèles se donnent, au départ, une fonction d'agglomération qui reste opérante telle quelle durant tout le déroulement du processus d'agglomération même si elle est d'abord croissante puis décroissante (Fujita, 1989). On peut aussi changer la forme de cette fonction dans une approche de dynamique comparative (Arthur, 1990). M. Fujita et H. Ogawa ( 1 9 8 2 ; Fujita, 1990; Ogawa et Fujita, 1980, 1989) utilisent différentes formes fonctionnelles pour intégrer les économies d'agglomération : ils définissent une mesure des bénéfices nets des contacts qui peut être une fonction linéaire ou non de la distance qui sépare les agents. Dans le premier cas, on a une seule agglomération centrale ou pas du tout ; dans le second, on peut voir apparaître plusieurs zones d'agglomération de firmes. P. Krugman (1993) ne pose pas d'économies d'agglomération a priori, mais les fait découler de l'interaction entre différents paramètres représentant notamment la forme de la fonction de coût de transport et les économies d'échelle au niveau des firmes. A. Weber (1909) avait déjà fort bien analysé la relation entre l'éclatement vertical de la firme en plusieurs établissements et le phénomène d'agglomération, en termes de coûts en transport et en travail et en termes d'économies d'agglomération. L'approche dite post weberienne (par exemple Scott, 1988 ; L'Harmet, 1995), inspirée des travaux de R.H. Coase et O.E. Williamson sur les organisations et les coûts de transaction, introduit une autre manière de faire jouer les économies d'agglomération. On n'est plus en présence de firmes qui, individuellement, décident seulement de se localiser ou pas en un lieu, mais de firmes qui se posent simultanément la question de l'organisation horizontale ou verticale, interne ou externe, de la production et celle de la localisation des différentes phases de la production. L'idée est que l'on peut avoir simultanément changement de l'organisation productive, par exemple par éclatement vertical de la firme, et relocalisation. Les firmes font évoluer leur organisation pour bénéficier d'avantages en termes de coûts de transport, de production et de transaction. L'externalisation des services est un exemple d'une telle adaptation dans l'organisation (Cappellin, 1988). Elle permet à la fois à une production de services différenciés de bénéficier de gains du type économies de localisation et aux firmes utilisatrices de bénéficier de services moins chers et d'économies de diversité (Fujita, 1989, 1990). Les économies d'agglomération évoluent ainsi de façon endogène en fonction des choix organisationnels des firmes. Une fonction d'agglomération à rendements décroissants Comme on l'a montré plus haut, les avantages apportés par la proximité sous la forme d'économies d'agglomération sont limités : la fonction d'agglomération qui représente le gain des firmes peut être concave à partir d'une certaine taille de la concentration, et peut même devenir décroissante (Fujita, 1989) : tout se passe comme si l'effet d'agglomération fonctionnait à rendements décroissants de manière à rendre compte du fonctionnement de l'agglomération. Les sources de ces rendements décroissants peuvent être internes à l'ensemble des firmes, qu'elles appartiennent ou non à la même industrie (il s'agit alors de rendements décroissants de l'organisation productive), ou internes à la ville en tant qu'organisation économique et sociale (c'est maintenant l'encombrement, la pollution de l'air, le stress urbain, la désorganisation sociale ... qui entrent enjeu). 1.4. La dynamique de l'agglomération Dans un espace vierge de toute occupation, se forme un jour un bourg, qui devient ville ; cette ville grandit, puis d'autres villes apparaissent autour de la première, plus ou moins éloignées. Cette histoire simple pose un problème complexe, qui consiste à identifier l'enchaînement des causes, des actions et réactions, qui, par un processus cumulatif, amènent la constitution progressive de concentrations spatiales plus ou moins importantes et plus ou moins nombreuses. Il semble donc que l'on ne puisse bien comprendre le phénomène d'agglomération que dans une optique dynamique, même si on raisonne souvent avec l'instrumentation de la statique. Dans cette section, on ne fait pas encore de distinction entre l'agglomération de la production et la ville. Quand on cherche à caractériser les concentrations spatiales qui résultent de la combinaison entre les effets d'agglomération et les principes contraires décrits dans la section précédente, deux situations remarquables apparaissent. Selon que l'on raisonne à partir d'optimisations individuelles ou d'une optimisation collective, on obtient une ville (ou un système de villes) ou bien à'équilibre, ou bien optimum. On en déduit en particulier le nombre de concentrations spatiales à l'équilibre et à l'optimum ainsi que la taille d'équilibre et la taille optimale de chacune d'elles. Cette approche est statique, mais la dynamique de l'agglomération est présente au moins à travers le chemin qui implicitement amène à la position d'équilibre. On peut aussi rendre explicite ce cheminement en modélisant les différentes phases d'évolution de l'agglomération des activités et/ou des individus. Les deux approches ne sont pas exclusives, mais la seconde met peut-être plus l'accent sur l'existence possible de déséquilibres et de sous-optimalités. Nous allons maintenant rechercher les propriétés qui caractérisent la nature de ce processus dynamique, en identifiant trois étapes : le démarrage ou l'initialisation du processus, puis le développement cumulatif mais irrrégulier d'un processus qui présente des bifurcations et s'avère ainsi dans une large mesure irréversible, comme le montre enfin l'analyse du passage d'une concentration spatiale à plusieurs. Initialisation et accident historique La théorie des économies d'agglomération nous éclaire mal sur les causes endogènes de la localisation d'une agglomération en tel lieu plutôt qu'en tel autre. Les modèles d'équilibre général de M. Fujita et H. Ogawa (Fujita et Ogawa, 1982, Ogawa et Fujita, 1980, 1989, Fujita, 1994) localisent l'agglomération des firmes au centre géométrique de l'espace homogène considéré. S'ils admettent plusieurs concentrations d'activités, celles-ci sont symétriques par rapport au centre géométrique. Pour sortir de ces schémas, il faut faire appel à des causes exogènes qui sont de deux ordres : les avantages comparatifs historiques" des lieux et les "accidents évoqués notamment par les évolutionnistes. Si l'on s'en tient à la première de ces causes, il est difficile d'expliquer la localisation de nombreuses concentrations spatiales. En effet, A. Scott (1988) souligne que le point de départ de certains complexes spatiaux de production est purement fortuit, comme à Silicon Valley. P. Krugman (1993), rapportant une constatation de l'historien W. Cronon, cite le cas de Chicago, dont la localisation n'offre aucun avantage naturel particulier. Ainsi, ce que n'a pas offert la "première nature" a été compensé par la "seconde nature", c'est-à-dire les "avantages cumulatifs" (Fujita, 1994) de la force d'agglomération résultant d'une concentration initiale. Mais il reste à expliquer cette dernière. En reprenant l'intuition de A. Marshall et d'un certain nombre d'autres auteurs, W.B. Arthur (1988) introduit l'idée d'"accident historique", coïncidences et les circonstances" c'est-à-dire "les événements du hasard, les qui font qu'on ne peut expliquer les concentrations spatiales uniquement par des déterminismes économiques. Il formalise cette idée dans un processus d'entrées séquentielles et stochastiques de firmes à localiser (Arthur, 1990). Il suppose simplement que les firmes ont différentes préférences de localisation (dues à leurs besoins en facteurs immobiles) et il les fait entrer de façon aléatoire. Dans cette modélisation, l'accident historique est ramené à la nature et à la dispersion des préférences de localisation observées lors de la séquence "historique" d'arrivée des firmes ; ce sont les besoins (aléatoires) des premières firmes qui s'installent qui déterminent le déroulement futur du processus d'agglomération. En suivant cette idée, on pourrait par exemple décrire une dynamique d'agglomération à partir de la constitution d'une ville-marché, au sens de lieu d'échange de biens produits de façon dispersée. Dès que l'on quitte la solution triviale du théorème d'impossibilité de Starrett, des échanges doivent être réalisés dans l'espace. Il est facile de prouver que la centralisation des échanges en un lieu unique réduit les coûts de transport de chaque échangiste. Ce lieu est le bourg de Cantillon ou la ville-centre de von Thùnen. Sa meilleure localisation économique est au point de coût de transport minimum, qui dépend du mode de déplacement et de ses contraintes technique et naturelles. Mais il peut être situé en un lieu symbolique, sacré par exemple : c'est la part laissée à l'accident historique. Dès que des activités sont mobiles, elles sont attirées par ce centre car elles peuvent y réaliser des économies de coût de transport. Des économies d'agglomération peuvent alors se manifester entre les firmes, entre leurs travailleurs et entre firmes et travailleurs, permettant ainsi la constitution d'une ville totale. La ville n'est plus seulement un lieu de centralisation d'échanges externes, elle est devenue une organisation d'échanges internes intégrée dans une organisation productive. Un processus cumulatif irréversible Plus que de savoir pourquoi une activité s'est initialement localisée en un lieu précis, il est important de comprendre pourquoi elle s'y est développée et a attiré là d'autres activités. En d'autres termes, le processus dynamique et endogène d'agglomération ou de dispersion engendré par des activités déjà localisées est au coeur de l'explication théorique de la concentration spatiale et des villes. Ce processus est souvent entraîné par une évolution exogène de la population et de l'emploi ou du nombre de firmes présentes dans l'espace considéré (Anas, 1992 ; Henderson, 1974). A partir du moment où l'on a localisé une première firme ou un premier groupe de firmes en un lieu, d'autres firmes vont les suivre pour bénéficier des économies d'agglomération, dans un processus cumulatif résultant d'une "causalité circulaire" ou "rétroaction positive" qu'on trouve aussi bien chez W.B. Arthur (1990) que chez P. Krugman (1991, 1993). L'idée est que, d'une part, les firmes se concentrent là où existe un vaste marché, mais un vaste marché existe là où la production industrielle est concentrée (liaison amont) et que, d'autre part, il est plus intéressant de se localiser près d'une concentration industrielle parce que les prix y sont plus bas (liaison aval). Mais cette accumulation n'a pas un effet constant, comme le montrent en particulier les propriétés de la fonction d'agglomération. Par ailleurs, la dynamique de l'agglomération ne se développe pas d'une manière régulière. Elle procède parfois par sauts qualitatifs ou bifurcations, à la suite d'une évolution continue des paramètres quantitatifs des modèles. La concentration spatiale en un lieu ou au contraire l'apparition d'autres lieux de concentration, peut ne se produire qu'au delà de certaines valeurs seuils de paramètres clés comme le coût de transport, l'indicateur d'agglomération et, pour un modèle où se côtoient un secteur agricole et un secteur industriel, la part des dépenses en biens industriels (Krugman, 1991). Le point où l'on passe d'un centre urbain à plusieurs est aussi une bifurcation. Ces changements sont irréversibles, et le processus de décroissance n'est pas l'inverse du processus de croissance (Anas, 1992 ; Clarke et Wilson, 1985 ; Fujita et Krugman, 1994 ; Fujita et Ogawa, 1982). Les caractères de cette dynamique, à savoir la mise en oeuvre d'interactions complexes, les bifurcations et l'irréversibilité, nous font penser aux modèles urbains d'auto-organisation (Clarke et Wilson, 1985 ; Pumain, Sanders et Saint-Julien, 1989). Mais les modèles d'agglomération sont fondés sur des comportements microéconomiques, ce qui n'est pas le cas des modèles d'auto-organisation, qui sont du domaine de la macrogéographie (Baumont et Huriot, 1995a). La désagrégation : d'une ville à plusieurs Le processus cumulatif décrit plus haut accroît l'agglomération aussi longtemps qu'à la suite de la combinaison des effets positifs négatifs, le gain net de l'agglomération reste positif. La taille optimum de la ville est évidemment obtenue quand l'accroissement des avantages de l'agglomération est juste compensé par l'accroissement des coûts correspondants. Mais puisque l'évolution vient de facteurs exogènes, elle se perpétue au-delà de cette situation. On pourra m alors passer d'une ville -ou d'un centre- à plusieurs (Anas, 1992 ; Fujita et Mori, 1994 ; Fujita et Krugman, 1994 ; Henderson, 1974). Par exemple, si N est la taille de chaque ville, et N* la taille optimale, Henderson montre que, sous certaines hypothèses, une deuxième ville se forme dès que N = 2N*, une troisième quand N = 3/2N*, et une (n + l)ème lorsque # = [(w + l)//i]tf *, de manière que la taille de chaque ville tende vers la taille optimale lorsque le nombre de villes continue à croître. A. Anas (1992) fait intervenir en plus des gains et coûts précédents, des coûts de décentralisation, représentant l'inertie qui s'oppose à l'éclatement de l'agglomération. Si ces coûts sont plus importants que les gains espérés de l'éclatement (eux-mêmes égaux aux coûts d'agglomération évités), alors la taille de la ville continue à croître au-delà de l'optimum, malgré les rendements décroissants de l'agglomération (c'est le cas de nombre de très grandes villes des pays en voie de développement). Ceci a pour effet de déplacer les seuils de bifurcation et conduit à une temporalité différente du processus d'agglomération-dispersion. Pour conclure cette première partie, nous voulons revenir à son point de départ, c'est-àdire au sens des économies d'agglomération dans le contexte de la théorie économique. D'une part, à travers la fonction d'agglomération, les économies d'agglomération sont intégrées dans une fonction d'objectif comme une fonction de profit. Elles participent donc de la rationalité individuelle des agents qui prennent ainsi en compte l'effet direct de l'agglomération sur leur objectif. Cependant les agents peuvent négliger l'effet de leur entrée dans l'agglomération sur les autres et l'effet en retour sur eux-mêmes. D'autre part, les économies d'agglomération dans la production d'un bien différencié se traduisent par des rendements croissants externes, c'est-à-dire qui se manifestent au niveau de la fonction de production agrégée de l'industrie. Cette dimension collective, macroéconomique, des économies d'agglomération, combinée avec leur caractère endogène, en fait un instrument privilégié des modèles de croissance macroéconomiques. Ces remarques suggèrent le besoin d'un approfondissement conceptuel et théorique du rôle des économies d'agglomération dans la théorie économique générale tant du point de vue de la définition d'une forme de rationalité de l'agglomération que dans l'appréciation de l'interface des effets microéconomiques et macroéconomiques des économies d'agglomération (Baumont, 1995 ; Catin, 1991). 2. Agglomération et ville Explicitement ou implicitement, les analyses de l'agglomération placent toujours la concentration spatiale de la production en milieu urbain. Plus encore, elles font parfois l'hypothèse que l'agglomération de la production est la ville. Plus généralement, les modèles d'agglomération reposent sur des hypothèses simplificatrices concernant les modalités de l'agglomération et le type d'espace sur lequel elles jouent. Ce qui est en cause, c'est la représentation de la ville sous-jacente à ces modèles. Cette représentation est plus ou moins complète et ne retient la plupart du temps que quelques traits de la ville dans lesquels il peut être parfois assez difficile de la reconnaître. D'un point de vue technique, la ville est l'objet d'une représentation géométrique plus ou moins rudimentaire. Mais si on s'intéresse de plus près au point de vue fonctionnel, la ville est toujours vue comme une agglomération d'activités et/ou d'agents, qui peut être uni- ou plurifonctionnelle et plus ou moins rudimentaire. La représentation la plus courante est celle de l'agglomération productive, supposée résumer à elle-seule toute la ville. L'organisation productive en est une forme élaborée, où les interactions sont décrites de façon plus complète. Mais on peut aussi considérer la ville comme une organisation sociale, ou comme un milieu ou un territoire. Ces représentations ne sont pas indépendantes et l'une peut inclure l'autre. Cet emboîtement est une conséquence de celui des catégories d'interactions, qui a été mis en évidence dans la première partie. C'est à partir de l'examen de la cohérence de cet emboîtement qu'on pourra juger la pertinence de ces représentations et leur capacité à fournir une explication de la ville totale. 2.1. La géométrie de l'agglomération Dans les modèles d'agglomération, l'espace urbain peut être vu sous différentes formes géométriques, a-dimensionnelle, uni-dimensionnelle ou bi-dimensionnelle. La représentation la plus fruste se trouve dans un certain nombre de modèles de formation de systèmes de villes (par exemple, Henderson, 1974, 1987). Les villes y sont traitées "comme des îles flottant sur l'océan" (Fujita, 1990). Elles n'ont ni dimension propre (elles sont ponctuelles), ni localisation spécifique, les distances entre elles n'ont aucun rôle et les coûts de migration sont nuls : la seule chose qui importe est de savoir à quel moment du processus d'agglomération on passe d'une ville à deux, puis à un nombre n. Une représentation tout aussi élémentaire est celle qui consiste à se donner un ensemble fini de lieux ponctuels et non localisés, qui peuvent être indifféremment des régions ou des villes, entre lesquels on va répartir la production en faisant apparaître une concentration plus ou moins forte en chacun d'eux : P. Krugman (1991) raisonne sur deux lieux, W.B. Arthur (1990) en suppose un nombre n. Comme dans les analyses de la ville de la Nouvelle Economie Urbaine (Baumont et Huriot, 1995a), qui se recoupent en partie avec celles-ci, l'espace urbain est parfois réduit à une seule dimension sous la forme de la "long narrow city" de R.M. Solow et W.S. Vickrey (1971). C'est l'optique privilégiée par exemple par de nombreux auteurs (Beckman, 1976 ; Berliant et Wang, 1993 ; Fujita et Krugman, 1994, Fujita et Ogawa, 1982 ; Ogawa et Fujita, 1980). Dans tous ces cas, les différentes formes d'économies d'agglomération utilisées amènent une concentration spatiale prioritairement au centre géométrique de cet espace. Traiter de l'agglomération dans un espace explicitement bi-dimensionnel pose des problèmes techniques insurmontables si l'on ne fait pas l'hypothèse de symétrie circulaire (Ogawa et Fujita, 1989), hypothèse qui écarte une grande partie de l'intérêt de la bidimensionalité. Les configurations d'agglomération que l'on détermine alors sont de portée limitée (Baumont et Huriot, 1995a). 2.2. L'agglomération productive La ville est souvent assimilée à une agglomération productive. On considérera dans un premier temps uniquement les formes les moins élaborées de cette agglomération, laissant pour la prochaine section celle de Xorganisation productive. L'agglomération productive résulte de la concentration spatiale de la production d'un bien différencié ou des biens différents (section 1.1.). La forme la plus simple d'une telle concentration est la "ville-usine" qui comprend une seule firme en situation de monopole (Dixit, 1973), mais dans ce cas, la concentration de la production n'est pas le résultat d'économies d'agglomération au sens de rendements d'échelle externes. En fait, on considère plus volontiers que la ville est une juxtaposition de firmes en interactions explicites entre elles, et plus ou moins implicites avec des ménages et des biens publics. Pour apprécier la pertinence de ces représentations, on peut se poser la question : l'agglomération productive est-elle une condition nécessaire et suffisante de l'agglomération urbaine ? Elle n'est pas nécessaire si l'on admet que la concentration spatiale d'une population réalisant des économies de contacts est elle-même suffisante pour constituer une ville. On peut néanmoins supposer qu'une agglomération minimum de population, puisqu'elle est aussi une agglomération de la demande, va susciter à proximité la localisation de firmes qui peuvent écouler là plus facilement leurs produits. Mais le processus est limité à la satisfaction du marché local. Il peut se réaliser en l'absence d'économies d'agglomération et ne conduira pas de manière endogène à une véritable agglomération productive. Celle-ci aura plus de chances de se produire si, pour des causes exogènes (ressources locales ou accident historique), se localise en ce lieu au moins une firme exportatrice capable d'attirer pour des raisons d'économies d'agglomération d'autres firmes exportatrices et des firmes complémentaires (services aux entreprises, par exemple) par le processus cumulatif décrit dans la première partie. Ainsi une agglomération production, de population peut être à l'origine d'un processus d'agglomération de la mais celui-ci peut être limité à la satisfaction des besoins courants et immédiats des individus. On peut penser qu'elle est suffisante si l'on postule la liberté de localisation des ménages et l'existence d'économies de contacts entre eux. En effet, une agglomération d'entreprises forme un CBD autour duquel vont s'agglomérer les ménages qui cherchent au moins à minimiser le coût de leur déplacement à leur lieu de travail. S'ils recherchent en plus les contacts entre eux, il est probable qu'ils vont souhaiter se concentrer encore plus étroitement autour du CBD. Mais rappelons-nous que le processus dynamique d'agglomération de la production engendre sa propre contradiction sous la forme notamment d'un accroissement des coûts de transport et des coûts du sol avec la taille de la ville (Henderson, 1974, Fujita, 1989), par suite du rejet d'un grand nombre de ménages plus loin du centre. Cela crée un obstacle à la réalisation des contacts optimums, sous la forme d'un coût supplémentaire. Ce n'est peut-être pas sans lien avec les problèmes d'isolement social de certaines banlieues. On manque actuellement d'un modèle combinant les interactions des firmes entre elles (économies d'agglomération), des firmes et des ménages (déplacements domicile-travail, notamment) et des ménages entre eux (contacts sociaux). En tout état de cause, une agglomération agglomération sociales de population, de production engendre normalement mais elle peut faire obstacle à la réalisation des une interactions optimales. Ce qui précède est bien sûr une caricature naïve de phénomènes qui sont incroyablement plus complexes, mais c'est un premier pas pour suggérer cette complexité et relativiser le lien entre agglomération productive et formation d'une ville. Pour des raisons évidentes, cette complexité n'est que très partiellement prise en compte dans la modélisation de l'agglomération. 2.3. L'organisation productive L'organisation productive est une représentation de la ville qui intègre une grande variété d'interactions de marché et hors marché. Nous allons rappeler comment elle est fondée sur la théorie des organisations, avant d'analyser sa capacité à rendre compte de la ville totale. De l'idée d'organisation à la ville Pour A. Marshall, il y a quatre facteurs qui interviennent dans le processus de production : le capital, le travail, la terre et Xorganisation. La théorie des organisations se développe à partir de l'analyse des transactions (Coase, 1937, Williamson, 1979, 1981) nécessaires à la concrétisation des échanges entre les agents économiques. S'interroger sur le rôle économique de l'organisation, c'est rechercher une structure de gouvernance (Williamson, 1979), c'est-àdire un ensemble de facteurs, qui permet de minimiser les coûts de transaction entre les acteurs économiques. Or, les agglomérations spatiales sont précisément créées par les besoins d'interactions entre les agents et plusieurs auteurs ont montré que les agglomérations industrielles (Scott, 1988 ; Gaffard et Romani, 1990, L'Harmet, 1995) ou urbaines (Cappellin, 1988) répondaient aux critères d'une organisation économique définis par R. Coase et O. Williamson. En même temps, le processus de division du travail et les comportements monopolistiques des firmes ont conduit à l'émergence d'une organisation productive particulière, appelée productive diffuse, organisation constituée d'une multitude de petites firmes à la fois spécialisées et différenciées. Au sein de cette organisation productive diffuse, les transactions se multiplient et conduisent, conformément aux principes d'agglomération précédemment évoqués, à une concentration géographique des firmes afin de minimiser les coûts de transaction. Tout naturellement, les économistes situent cette organisation industrielle diffuse dans l'espace urbain. La pertinence de cette identification peut être analysée à travers trois critères, d'unicité, d'efficacité et de pérennité. L'unicité La question est de savoir si la ville est la seule organisation économique spatiale appropriée à cette organisation industrielle diffuse. R. Cappellin souligne que la ville est le lieu privilégié de la minimisation des coûts de transaction : ces coûts sont particulièrement élevés dans les activités de service qui ont donc tendance à s'agglomérer en ville, créant ainsi des économies d'urbanisation et favorisant la croissance des grands centres urbains. Mais, à côté de la proximité géographique, ce sont aussi les proximités économique, socio-politique et culturelle qui permettent de minimiser les coûts de transaction (Bellet, Colletis et Young, 1993). Les transactions seront d'autant plus efficaces si un sentiment d'appartenance à un même groupe d'intérêt relie les différents co-contractants et permet l'instauration d'un climat de confiance propice à la collecte et à l'échange des informations nécessaires à la transaction. Cela renvoie à la représentation de la ville comme lieu privilégié de manifestation des interactions sociales et de l'apprentissage collectif des savoirs permettant de minimiser les coûts de transaction. L'importance de la proximité non géographique explique que certains avantages de proximité peuvent être obtenus en dehors de tout rapprochement géographique. Une réduction des coûts de transaction, une coopération hors marché, une synergie, sont aussi réalisées par la constitutions de réseaux qui peuvent avoir une extension géographique nationale, voire mondiale (Lecoq, 1991 ; Saliez, 1994), mais qui sont souvent limités à l'interconnexion entre de très grandes villes. Une firme peut ainsi bénéficier des économies d'échelle localisées de complémentarité ou de diversité produites dans une ville et réduire parallèlement ses coûts d'information scientifiques et techniques par la participation à des réseaux diffus de coopération horizontale (c'est particulièrement vrai des activités bancaires et financières). La configuration de ces réseaux est telle que l'entrée ne peut s'y faire que dans une grande ville. Paradoxalement, pour bénéficier des avantages de la proximité non géographique de ces réseaux, il est nécessaire de se localiser dans une zone de concentration géographique d'activités. Agglomérations spatiales et réseaux spatialement diffus se complètent pour assurer l'efficacité des interactions productives, chacun favorisant une catégorie particulière de relation. Ainsi les économies de réseaux peuvent-elles préserver la multipolarité de l'espace. L'efficacité Il s'agit d'examiner si la ville est l'organisation économique spatiale la plus appropriée. Il est vrai que l'agglomération urbaine regroupe effectivement un ensemble de firmes spécialisées et différenciées et pourrait à ce titre être considérée comme une organisation industrielle. Mais elle est également dotée de l'ensemble des moyens nécessaires à la valorisation de ces différentes firmes : les fonctions administratives et financières et les services aux producteurs (Hansen, 1990) nécessaires à la production, mais aussi les moyens de communication et de transport nécessaires aux échanges (Tofflemire, 1992) ... sont autant de sources d'économies d'agglomération captées par l'organisation productive. Par nature, l'agglomération urbaine "enveloppe" l'organisation industrielle diffuse qui s'y localise, tandis qu'une organisation productive résillaire ne s'identifie qu'à elle-même et ne tire de bénéfices que de son propre fonctionnement. Sur la base de ces arguments, la ville semble donc l'organisation spatiale la plus efficace pour l'organisation productive. La pérennité Ce critère amène à s'interroger sur le rôle de la ville dans la viabilisation même de l'organisation productive. L'organisation industrielle diffuse est une structure productive relai de la firme (au sens de Coase) qui s'appuie sur un modèle de spécialisation flexible (Piore et Sabel, 1984). A. Marshall remarquait déjà que ce type d'organisation se rencontre "... dans ces grandes villes et grandes régions industrielles où plusieurs industries différentes se trouvent développées. Si l'une vient à manquer pendant quelque temps, les autres peuvent lui venir en aide indirectement." (Marshall, 1989, 468) Aujourd'hui, les villes véhiculent toujours cette image de flexibilité économique et sociale, voire de flexibilité optimale comme le suggère l'appellation de "villes assurance tous risques" (Veltz et Savy, 1993). Dans cet esprit, la ville est garante d'une certaine pérennité de l'organisation productive face à l'évolution rapide des conditions économiques et elle apparaît être la véritable projection sur l'espace des nouvelles stratégies organisationnelles des firmes (Rallet et Torre, 1995) : ceci n'a semble-t-il pas toujours été aussi nécessaire qu'actuellement. Il vient alors le temps de s'interroger sur la pérennité même de cette "complicité villeorganisation productive" car la dynamique d'évolution de l'agglomération urbaine agit sur celle de l'agglomération industrielle et inversement. En particulier, les coûts de transactions peuvent augmenter, à partir d'un certain seuil, avec la taille de l'agglomération : les transactions se multiplient, tandis que le sentiment d'appartenance à un groupe diminue avec le nombre d'interlocuteurs entraînant une perte de confiance (Cappellin, 1988). Dans cet esprit, la ville conduit à une forme de désorganisation de la production. Par ailleurs, l'importance accordée à la recherche d'informations peut également conduire à la création d'un système d'information "de masse", en dehors de l'organisation, si bien que celle-ci perd sa raison d'être. Ici, la ville entraîne l'organisation productive vers une autre forme : celle des réseaux industriels, que A. Scott (1988) qualifie fort justement d'organisation "proto-urbaine", et des réseaux de villes qui leur sont associés. Finalement, la ville ne se réduit pas à une organisation productive : elle en est un moyen de valorisation. Soumise à la fois à l'évolution des conditions économiques externes et à sa propre dynamique elle ne peut être considérée que comme une structure d'accueil provisoire dont l'efficacité asymptotique (Corade et Lacour, 1995) reste encore à définir. 2.4. L'agglomération sociale C'est celle des ménages qui ont d'abord entre eux des interactions hors marché, directement (relations amicales et sociales) ou par l'intermédiare des équipements collectifs de la ville (loisirs, culture). Cette dimension est peu présente dans les modèles d'agglomération. Les ménages sont même parfois simplement ignorés et les relations qu'ils développent entre eux délibérément écartées. A première vue, quatre attitudes sont rencontrées face au traitement du rôle des ménages dans les modèles d'agglomération. Selon la première, la ville est réduite à une agglomération de firmes et on ne s'intéresse pas aux ménages qui y travaillent autrement que sous la forme très détournée du coût de transport total croissant qu'ils supportent du fait de l'agglomération pour se rendre à leur travail et qui constitue un frein à l'agglomération. Mais ni leur comportement ni leur localisation -donc leur agglomération- ne sont objets de préoccupation. Selon la deuxième, l'optique est inversée, et seules les interactions sociales entre les ménages importent et sont sources d'agglomération : la ville de M. Beckmann (1976) en est à peu près le seul exemple. La troisième est un hybride entre les deux précédentes. L'accent est mis sur les interactions entre les firmes et ce sont elles qui engendrent l'agglomération. Mais les ménages sont explicitement présents, en tant que travailleurs employés par les firmes de la ville et/ou que consommateurs des produits de ces firmes. Enfin, une quatrième attitude aboutirait peut-être à une représentation plus complète du point de vue de la variété des interactions mises en oeuvre. Elle englobe souvent les précédentes et renforce les interactions entre ménages, mais aussi entre ménages et entreprises, par la médiation des biens publics ou équipements collectifs. Considérons maintenant qu'un ménage joue trois rôles qui peuvent être supports d'interactions : c'est un producteur (on se limitera à le considérer comme un travailleur), un consommateur et un être social (le terme social recouvrant tout ce que nous avons mis dans les interactions sociales). C'est dans ces trois dimensions que nous allons étudier son intégration dans une dynamique d'agglomération qui reste centrée sur la production. La production et remploi De nombreux travaux sur l'agglomération cherchent à déterminer simultanément la localisation des firmes et la localisation des ménages dans la ville, dans des modèles qui ne comportent pas de centre d'emploi déjà constitué. Très schématiquement, les interactions entre les firmes passent par les classiques économies d'agglomération. Les ménages se voient attribuer trois fonctions : ils travaillent dans les firmes, ils sont consommateurs de sol et d'un bien composite. Ce dernier n'ayant aucune sorte de différenciation spatiale, les seuls éléments d'interaction entre firmes et ménages, donc les seuls qui peuvent influencer la localisation des ménages par rapport aux entreprises, sont les déplacements domicile-emploi et la concurrence pour l'occupation du sol. Quant aux interactions entre ménages, elles se limitent à l'impersonnelle concurrence pour l'occupation du sol qui ne suppose aucun contact entre eux, donc aucune interaction sociale au sens où nous l'entendons. Deux exemples correspondent à cette situation. D R . Capozza (1976) utilise un modèle de ce genre comme fondement théorique à la remise en cause de l'idée de E.S. Mills selon laquelle c'est la dynamique de suburbanisation des ménages qui aurait entraîné celle de l'emploi. Il montre que la croissance du revenu devrait entraîner à la fois une suburbanisation de la population et une centralisation de l'emploi et que dans un espace homogène se forment trois couronnes : le centre, consacré entièrement à la production, une couronne où cohabitent firmes et ménages et une autre, périphérique, réservée aux ménages. Il est frappant de retrouver la même structure en trois couronnes comme une des configurations possibles chez H. Ogawa et M. Fujita (1980, 1989 ; voir aussi Fujita et Ogawa, 1982 ; Fujita, 1994) qui, sur les mêmes bases, construisent un modèle d'équilibre général où la localisation des ménages est étudiée simultanément à celle des firmes. Cependant, D.R. Capozza suppose que les économies d'agglomération attirent les firmes au centre géométrique de l'espace, alors que H. Ogawa et M. Fujita considèrent que les firmes sont attirées les unes par les autres. Ainsi, le centre de l'agglomération est exogène chez le premier, mais endogène chez les seconds. Dans tous les cas, la dynamique de la production ne s'accompagne d'aucune dynamique propre des ménages. La ville prend forme, mais reste très incomplète par rapport à notre définition. La production et la consommation L'interaction entre les ménages et les firmes peut passer par la fonction de consommation de biens des ménages (en dehors du sol et du transport). On entre là dans la catégorie des modèles de concurrence monopolistique (Fujita, 1990, 1994). C'est encore la dynamique de la production qui joue le rôle dominant, mais celle des ménages lui est étroitement liée. C'est la préférence pour la diversité qui est ici au coeur du problème (Fujita, 1988 ; Fujita et Krugman, 1993, 1994). On a une forte interaction cumulative entre firmes et ménages : les ménages ayant une forte préférence pour la diversité s'agglomèrent là où sont localisées des firmes diversifiées et celles-ci se concentrent là où de nombreux ménages offrent un marché suffisamment étendu. Est lié à cette idée le "pouvoir de choix" des consommateurs, source d'utilité, qui découle de la plus grande facilité de circulation de l'information sur les marchés que procure l'agglomération urbaine. Ainsi lorsqu'on s'intéresse plus spécifiquement aux économies d'agglomération de consommation (Clarke et Wilson, 1985), on retrouve les mêmes résultats. On sait également que la préférence pour la diversité des inputs est aussi une cause d'agglomération des firmes. Or parmi ces inputs figure le travail : l'agglomération de ménages et de capital humain diversifié est encore une source d'agglomération des firmes qui relie les dynamiques de la production et des ménages. La diversité, sous toutes ses facettes, joue finalement ici le rôle agglomératif, déjà évoqué, de "l'assurance tous risques" du milieu urbain. La production et la socialité On considère qu'il existe entre les ménages deux sortes d'interactions. On peut isoler des interactions sociales directes et des relations sociales médiatisées par des biens publics ou équipements collectifs. Les deux peuvent ne pas avoir de but économique direct, mais ils occasionnent néanmoins des coûts de transport, et peuvent avoir des répercussions sur les facteurs d'agglomération des ménages ou des entreprises. On sait que les interactions hors marché entre ménages sont rarement présentes dans les modèles d'agglomération. Dans le modèle de Beckmann (1976), des interactions simples n'ont d'autre logique que le besoin de contact social. Elles sont très mécaniques et déshumanisées, et elles se situent dans un univers sans production. On a vu qu'elles étaient néanmoins suffisantes pour créer une concentration spatiale de population, et, dans certaines conditions, on peut s'attendre à ce qu'une concentration de la population attire une concentration de la production. Un certain nombre de modèles reposent sur l'idée que les individus, porteurs de capital humain, ont entre eux, lors de rencontres aléatoires, des relations d'échange d'information, d'idées, de connaissances, qui sont génératrices d'effets favorables à la croissance du capital humain détenu par chaque individu, ainsi qu'à la productivité et à la croissance des firmes. L'agglomération résulte ici d'une combinaison d'interactions complexes entre les individus ainsi qu'entre les individus et les firmes. J. Jacobs (1969), puis R. Lucas (1988) et, d'une manière plus formalisée, T. Palivos et P. Wang (1993) soulignent que ces interactions "culturelles" sont plus volontiers réalisées dans les espaces urbains. Les tests empiriques réalisés par J.E. Rauch (1993) apportent une confirmation à cette hypothèse. Ainsi la liaison est établie des interactions sociales vers la sphère productive. Inversement, elle n'est pas réalisée de l'agglomération productive vers les interactions sociales. La raison est peut-être que les interactions optimales des firmes n'entraînent pas nécessairement des interactions optimales des ménages (selon les arguments proposés en 2 . 2 ) . Or, si la production n'entraîne pas la socialité, celle-ci doit être pensée et favorisée par la collectivité. Les aménageurs et utopistes l'ont bien compris. Les uns n'omettent pas de fournir en même temps les bases de développement d'une organisation productive et celles d'une organisation sociale. Les autres s'empressent de définir très rigoureusement aussi bien le détail de la vie sociale que les règles de l'organisation de la production (Baumont et Huriot, 1995b ; Bailly, Baumont, Huriot et Saliez, 1995). Cela nous amène à la dimension publique des interactions sociales. Un moyen de favoriser les interactions sociales est la production de biens publics locaux. Interactions sociales, biens publics et bien public La ville peut être considérée comme une concentration spatiale de biens publics ou comme un bien public en elle-même. L'équipement collectif urbain est déjà implicitement présent dans l'analyse des économies d'agglomération dans la production, comme origine ou transmetteur de certains gains d'agglomération. Les firmes ont un intérêt à se rapprocher quand cela leur permet de bénéficier d'une meilleure qualité de services collectifs, de diffusion de l'information, de distribution ou de transport par exemple. Mais ces équipements n'apparaissent que là où sont déjà localisées un nombre minimum de firmes. Cela confirme que les économies d'agglomération se constituent progressivement dans un processus dynamique d'actions-réactions. L'équipement collectif joue aussi un rôle important dans l'agglomération de la population pour faciliter les interactions sociales, c'est le cas notamment des infrastructures de transport et des différents réseaux urbains (Dupuy, 1991). La ville, comme milieu apte à engendrer et diffuser des économies d'agglomération, ou comme ensemble d'économies d'agglomérations "disponibles" à un moment donné de sa croissance, peut constituer d'une certaine manière elle-même un bien public. Si la fonction d'agglomération est "à rendements constants", cela signifie que chaque nouvel agent peut bénéficier de la même façon que les autres de l'intégralité des économies d'agglomération créées : la ville est un bien public pur. Si la fonction d'agglomération est "à rendements décroissants", chaque nouvel agent bénéficie d'économies moindres de même qu'il fait baisser le niveau des économies d'agglomération dont bénéficient les autres. Il y a effet d'encombrement au sens de S.-C. Kolm, autrement dit la ville est un bien public impur. Dans ce sens, la ville-bien public est implicitement présente dans n'importe quelle autre représentation de la ville où se manifestent des économies d'agglomération. 2.5. Ville totale et territoire Au fur et à mesure que la représentation de la ville intègre une plus grande variété d'interactions, on se rapproche de la ville totale. La prise en compte des relations hors marché et des interactions sociales nous ouvre les portes du concept de territoire. Pour ces raisons, il nous faut évoquer l'analyse territoriale et ses relations avec la ville. Le territoire est une organisation spatiale complexe, à la fois économique, politique et sociale, caractérisée par une localisation, un ensemble d'agents en interaction, un rapport particulier du groupe au lieu, un mode de gestion de l'organisation et une dimension temporelle qui relie héritage et projet. Le territoire suppose des liaisons socio-économiques privilégiées entre une population et un lieu et fait apparaître les dimensions historiques, géographiques, sociales, culturelles, affectives et même imaginaires... C'est un véritable microcosme (Baumont etHuriot, 1995a). On comprend que le territoire pourrait pratiquement s'identifier avec la ville totale et que les interactions qu'il contient engendrent à peu près toutes les formes possibles d'économies d'agglomération. On pourrait dans une certaine mesure considérer que le concept de district marshallien et ses différentes adaptations contemporaines (Maillât, 1995, Saliez, 1994 ; Rallet et Torre, 1995) sont des modalités de représentation territoriale de la ville. Le district industriel représente une concentration spatiale d'entreprises organisées pour bénéficier des économies externes issues de la création d'une "atmosphère industrielle", au sens d'un contexte socioéconomique favorable au développement de relations de coopération et d'émulation basées sur la proximité géographique et la confiance. L'analyse du processus d'agglomération intègre alors les comportements coopératifs et fait appel aux approches conventionnalistes (Storper, 1995) et institutionnalistes (Kirat, 1993). Chez A. Marshall, les districts industriels sont essentiellement des espaces urbains, et c'est encore le cas de la plupart des exemples contemporains. Il faudrait ajouter à tout cela que Yimage du lieu, implicite aussi bien dans le concept de territoire que dans la définition de la ville totale, joue un rôle médiateur clé dans le processus cumulatif d'agglomération, aussi bien pour les firmes que pour les ménages. La création et le développement de cette image suivent encore eux-mêmes un processus cumulatif. Devant la représentation territoriale, on hésite cependant entre la satisfaction d'avoir un concept englobant un grand nombre d'aspects de l'agglomération qu'on aimerait prendre en compte et un double scepticisme, théorique et empirique. Théoriquement, on risque de se heurter à la difficulté d'aller au-delà de la description pour vraiment analyser et comprendre le jeu simultané de l'ensemble des interactions impliquées. Empiriquement, on peut regretter que les exemples avancés pour illustrer le concept soient souvent limités à des complexes productifs de petite taille développés dans une certaine autarcie. Enfin, il reste que toute organisation territoriale n'est pas une ville, et que le territoire peut prendre la dimension d'une région recouvrant un système de villes. Il peut donc exister la même confusion entre territoire et ville qu'entre région industrielle et ville. Conclusion Malgré les difficultés d'identification du concept d'économie d'agglomération, au moins aussi importantes que celles qui concernent l'idée d'économie externe, l'économie industrielle, dans ses développements les plus récents, donne une image de plus en plus claire du processus d'agglomération. Il est moins évident qu'elle contribue à forger une définition et une représentation de la ville entièrement satisfaisantes. D'une part, les économies d'agglomération sont quelquefois appliquées à des lieux qui manquent totalement de spécificité puisqu'ils peuvent être aussi bien des régions que des villes. D'autre part, même lorsque l'hypothèse est faite que l'agglomération s'effectue en milieu urbain, la représentation de la ville reste partielle, et on peut douter que la concentration spatiale de la production soit une condition nécesssaire et suffisante de formation d'une ville, au sens de la ville totale que nous avons adopté. En conséquence, on ne peut que suggérer trois directions de recherche pour approfondir (1) la nature et le rôle des économies d'agglomération, aussi bien par rapport au problème spatial de l'agglomération que face au cadre de la théorie économique générale, (2) la nature du phénomène urbain et (3) les relations entre les deux, dans un modèle plus formel. Ces orientations sont d'ores et déjà l'objet de projets, et s'intègrent dans le cadre plus vaste du programme de recherche ARTHUR dirigé par les mêmes auteurs dans le cadre et avec le soutien du GDR EVER "Complexity renders futile any attempt to seek the model of agglomeration. In consequence each of a growing number of theoretical studies concentrates on some particular aspect, thereby contributing to the list of known, partially interconnected, reasons for the existence of cities." (Papageorgiou, 1990, 33) Bibliographie Amable B. et Guellec D., 1992, Les théories de la croissance endogène, Revue d'Economie Politique, 102, 3,313-317. 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