Les économies d'agglomération sont ainsi au centre d'un ensemble d'analyses suscitées
aujourd'hui par le souci aussi bien empirique que théorique d'expliquer l'origine et l'évolution
de la répartition spatiale des activités économiques. On se situe ici au lieu de rencontre de
l'économie spatiale et de l'économie industrielle, dans une contrée qui, quoi qu'on en dise, n'est
pas une découverte récente, même si son exploitation à l'aide de nouveaux concepts et de
nouvelles méthodes est susceptible de la rendre plus fertile (Rallet et Torre, 1995). S'il y a du
nouveau, c'est plus la découverte de l'espace par l'économie industrielle que l'inverse.
Les économies d'agglomération se manifestent dans les gains réalisés par différentes
entreprises du fait de leur proximité géographique et des rendements croissants externes ainsi
engendrés. Elles expliquent l'agglomération des firmes en des lieux privilégiés, régions
industrielles ou villes, à travers des approches sensiblement différentes. On rencontre en effet
les économies d'agglomération dans les analyses de la microéconomie spatiale à la Fujita et
dans les analyses de la géographie économique à la Krugman, aussi bien que dans des
recherches qui se placent en marge de ce courant standard ou en réaction contre lui, comme les
travaux d'inspiration marshallienne sur les districts industriels ou les systèmes productifs
locaux. Dans ces écrits, on s'intéresse essentiellement à la concentration spatiale de la
production, et l'on raisonne le plus souvent, au moins implicitement, comme si cette
agglomération était suffisante pour former une ville. On trouve même des analyses qui
localisent l'agglomération indifféremment dans une région ou dans une ville : ce qui importe est
seulement de savoir pourquoi les firmes s'agglomèrent. Dans tous les cas, on privilégie les
économies d'agglomération comme facteur de formation des villes et on fait de l'agglomération
des activités de production le fondement de la réalité urbaine.
Nous voici au coeur du problème. Les économies d'agglomération permettent une certaine
compréhension de la concentration spatiale de la production. Par là même on est tenté d'en
faire une clé de l'explication de la formation des villes. La question est de savoir si les deux
phénomènes sont identiques.
Pourquoi la ville est-elle assimilée à une agglomération productive ? On pourrait avoir
l'impression qu'une telle réduction est de nature ad hoc et qu'elle a pour seule justification les
besoins d'une explication par les concepts de l'économie industrielle.
La ville peut-elle se réduire à une agglomération de firmes? L'intuition est que
l'agglomération urbaine est quelque chose de différent d'une concentration spatiale de la
production, même si la première inclut généralement la seconde. Dans ces conditions, l'analyse
de la ville à travers l'agglomération productive n'est pas satisfaisante si elle passe à côté de ce
qui fait la spécificité de l'espace urbain. Quels sont donc les rapports entre ville et production,
entre agglomération urbaine et agglomération industrielle ? Quelles représentations de la ville
fournissent les analyses d'agglomération ?