LES INDUSTRIES CULTURELLES, LA MONDIALISATION ET LA VILLE :
DE LOS ANGELES A SAINT-DIE DES VOSGES Allen SCOT
Il existe une convergence actuelle entre l’économie et la culture.
On entend par culture les biens et services à valeur esthétique et sémiotique (symbolisme). Longtemps,
le discours a opposé les valeurs de l’économie et les valeurs culturelles : pour l’Ecole de Francfort par
exemple, la culture est le point de résistance au capitalisme ; celui-ci renvoie au système de production
tandis que celle-là renvoie à l’expression du génie individuel.
Les géographes expriment ce point de vue dans leur vision des villes : ils opposent des villes
industrielles sans culture aux villes de l’art comme Venise, Florence.
Cette tension entre économie et culture est en train d’être atténuée, voire résolue, mais cela nécessite
de repenser la théorie économique et la théorie esthétique. Cela pose la question de la production de la
ville, de la mondialisation : comment utiliser l’industrie culturelle dans le développement économique
local ? ex : Saint-Dié des Vosges.
La conception d’une économie culturelle est très hétérogène, donc incohérente (la production
culturelle renvoie à la musique, au cinéma, à la télévision, la gastronomie, le tourisme, le sport…)
mais il existe un trait commun dans tous les cas : l’intensité de la dimension symbolique.
Où se trouve l’économie culturelle ?
- Dans des grandes villes, des métropoles mondiales : Los Angeles, Londres, Paris
- Des petites et moyennes villes : Saint-Dié, les villes de la Côte d’Azur, Angoulême, Limoges….
La production culturelle devient une sorte de front pionnier de l’expansion capitaliste dans le monde
entier, dans les pays développés ou non.
La part de l’économie culturelle représente 5 à 7% du PIB, plusieurs millions de salariés aux Etats-
Unis. L’expression symbolique est enracinée dans l’économie post-fordiste ou nouvelle économie.
Elle se caractérise par la segmentation des marchés, la différenciation de l’offre.
L’organisation des industries :
- Eparpillement de petites firmes, en parallèle avec l’existence de quelques « majors », FMN,
distributeurs de leurs produits et de ceux des petites firmes
- Agglomération géographique : cf. à Los Angeles, les quartiers spécialisés comme Hollywood ; on
retrouve à Paris des phénomènes identiques avec les meubles dans le faubourg Saint-Antoine ou
les livres à proximité du boulevard Saint Michel.
Pourquoi des tendances ?
- une division sociale du travail très marquée avec formation de réseaux des firmes :
spécialisation et complémentarité.
- des marchés de plus en plus complexes
- un tissu urbain dans lequel s’insère le système de production
Les trois éléments constituent le champ dans lequel s’effectue un brassage continuel , champ créateur
qui émerge, processus de production (mentale et matérielle). Les produits ainsi créés ont des rentes de
monopole (la haute couture parisienne… ne peut rester qu’à Paris), ce qui renforce la compétitivité du
centre.
La notion d’agglomération ne se comprend pas seulement comme agglomération technique. Le
« Lieu » est plus grand ; il est lui-même produit par le système de production, mais il est aussi un
élément de la production culturelle. On constate un enrichissement progressif du centre de production :
Hollywood produit des symboles, un fort contenu sémiotique. Les symboles sont réincorporés dans le
paysage local, ce sont les avoirs culturels du lieu recyclés dans les productions culturelles et
réassimilés dans l’environnement local. Il existe donc un jeu continuel du lieu comme réservoir
culturel et système de production qui crée l’identité lieu / système de production.
Chaque agglomération, dans l’économie culturelle, est une articulation entre deux niveaux, deux
systèmes économiques :
- le système du comportement privé et individuel
- le domaine collectif : les effets d’agglomération produits par le fonctionnement du système total.
Les externalités produites partout et soumises à un régime de défaillance du marché constituent un
avantage compétitif important. Le destin de chaque firme dépend et assure le destin de tous. Les
bienfaits ne profitent pas à une seule personne mais à la communauté industrielle collective, cela exige
une gestion collective. Mais le dirigisme central est inadapté. L’approche doit renforcer l’économie
d’agglomération, le fonctionnement des réseaux, la confiance, la collaboration de ceux qui sont
impliqués dans la division sociale du travail (limiter la concurrence en interne qui pousse le système
vers le bas)
Industrie culturelle et mondialisation
L’annuaire statistique (1999) montre que le cinéma indien est le plus important du monde en ce qui
concerne les longs métrages, les Philippines viennent au second rang. Or, on constate la domination
d’Hollywood. Pour la théorie de l’impérialisme culturel, il s’agit de l’uniformisation de la culture via
les Etats-Unis. Les firmes multinationales américaines ont inventé le système mondial de distribution ;
mais il existe aujourd’hui des produits japonais, européens, égyptiens, pakistanais…. Nous évoluons
donc vers un monde polyforme, polycentrique.
Conclusion : dans le passé, on a vu des politiques culturelles défensives par rapport aux Etats-Unis
(notamment en France, au Canada). Pour réussir, il faut des politiques culturelles plus agressives :
exportation et contestation de la culture française à travers Vivendi, LVMH… Le problème pour
l’avenir n’est plus la protection du patrimoine national mais le développement de la culture produite
par les firmes, la culture spécifique, caractéristique du lieu.
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