Compte-rendu de l’interview de Philippe LEJEUNE
Le domaine de la recherche en biologie synthétique implique de nombreux organismes de recherche à travers le
monde et une dynamique internationale très productive. A Lyon, le département de microbiologie rattaché à
l’INSA Lyon s’est illustré en novembre dernier par sa participation à un concours international organisé par le
MIT. L’investissement et les travaux effectués par ces chercheurs et étudiants sont révélateurs de cette nouvelle
discipline, jugée fondamentale par les pouvoirs politiques et scientifiques.
Dans le cadre de leur étude sur la controverse liée à la biologie synthétique, des étudiants de l’IEP Grenoble ont
pu rencontrer le responsable de l’équipe de l’INSA Lyon, M. Philippe LEJEUNE. Il nous parle de l’organisation de
ce concours à l’initiative du MIT, de l’avancée actuelle de la recherche et des techniques liées à la synthetic
biology ainsi que son avis d’expert en la matière sur les perspectives et les buts de cette manipulation du vivant.
Benoît EUGENE : Bonjour Monsieur LEJEUNE et merci, au nom de notre groupe de travail, de nous permettre
de réaliser cet entretien. Dans un premier temps, peut-être pourrions-nous débuter par une rapide
présentation de vous-même et de vos responsabilités ?
Philippe LEJEUNE : Je vous en prie, la communication fait également partie, et à part entière, des activités des
chercheurs. Je suis actuellement enseignant-chercheur à l’INSA Lyon en microbiologie et génie génétique. Je
suis responsable pédagogique du département depuis trois ans et j’ai conduit, effectivement, une équipe
composé de chercheurs et d’étudiants pour le concours IGEM qui a eu lieu au début du novembre.
B.E. : Justement, avant de parler précisément de ce concours, pourriez-vous nous crire vos différentes
activités au sein de ce département ?
P.LJ. : Bien sûr ! J’ai effectué pendant des années des travaux de recherche dans le domaine de la synthetic
biology même si, depuis trois ans, je n’ai pu continuer la totalité de mes activités. C’est le souci des
enseignants-chercheurs, contrairement aux chercheurs type CNRS qui ont la possibilité de faire de la recherche
à 100%. Malgré cela, nous avons eu un pic d’activité au début des années 2000 ce qui nous confère une bonne
position dans la région.
Le génie génétique, et plus récemment la synthetic biology, est une vraie passion pour moi. Au travers de mon
temps libre, je m’abandonne à des lectures et un suivi des recherches qui se font à travers le monde entier. A
Lyon, nous avons pu avoir la visite de Randy Rettberg, président et fondateur du concours IGEM, initialement
issu de l’industrie informatique et qui s’est reconverti dans le génie génétique.
B.E. : Peut-être est-ce donc le moment de définir ce qu’est ce fameux concours IGEM ? Mais avant, j’aimerais
avoir l’occasion d’entendre votre conception, votre définition, de ce qu’est la « synthetic biology », s’il vous
plait.
P.LJ. : Ce concours est organisé depuis 2003 par le MIT (Cambridge, USA) avec l’objectif de construction de
souches ou micro-organismes bactériens. Il est bien entendu possible de travailler sur des cellules plus
complexes, mais le concours porte actuellement sur les seules bactéries. La synthetic biology, qui est au cœur
de ces objectifs, est la capacité à introduire un gêne « créé » ou « modifié » dans un organisme préexistant, en
l’occurrence une cellule. En d’autres termes, on peut créer ce que l’on veut, dans un but bien précis. La
synthetic biology a, bien entendu, une motivation plus large que celles des OGM : il s’agit de remplacer des
pièces défaillantes par d’autres, disons réparées. On pourrait parler de « remplacer des organes malades », ce
qui implique de nombreuses connaissances en biologie mais aussi en bio-informatique et en sciences des
matériaux. Pour le cas d’une cellule complexe, disons animale, l’objectif serait d’introduire de nouveaux gênes
dans cette structure on parle alors de thérapie génique. L’objectif, pour la cellule humaine, serait de pouvoir,
par cette technique, attaquer des cellules cancéreuses et donc guérir cette maladie.
Donc, dans ses objectifs, la synthetic biology souhaiterait travailler sur les cellules et les manipuler. Le concours
se focalise donc sur l’écriture de l’ADN. Plus tard, peut-être, pourrons-nous parler de travailler sur des organes
au complet. Le concours regroupe des équipes venues du monde entier environ 130 et chacune présente à
un jury un projet sur lequel elles ont travaillé, en rapport avec ces exigences.
B.E. : Comment votre équipe s’est-elle créée ?
P.LJ. : A l’INSA Lyon, nous avons débuté notre projet à l’été 2009. Au début, nous étions environ vingt
d’étudiants qui venaient travailler principalement pendant les vacances scolaires, puisqu’ils étaient déchargés
de leurs responsabilités scolaires et que les salles et matériels du département étaient tout à fait disponibles.
Bien entendu, la masse de travail était considérable. Certains d’entre eux, d’ailleurs, ont rapidement
abandonné, pour des causes personnelles car ils avaient, pour la plupart, des jobs d’été et donc des besoins
financiers. Au final, nous sommes restés à seize, le tout encadrés par des chercheurs et post-docs. La plupart
étaient des étudiants de l’INSA, mais pas seulement. Nous nous sommes donc attachés à notre travail de
construction de bactéries, parfois jusqu’à très tard. Il n’était pas impossible de trouver des étudiants sur les
paillasses jusqu’à cinq heures du matin !
B.E. : Disposiez-vous de moyens à la hauteur d’un tel travail ?
P.LJ. : Nous avons effectivement obtenu un bon financement, d’environ 60-70 k€. La plupart de ces fonds nous
a été donnée par des sponsors (BIOMERIEU, REXAM notamment). Mais nous avons été soutenus aussi par la
fondation INSA qui s’est même beaucoup investie dans notre projet. Nous avons même reçu un soutien de
l’Ambassade de France aux Etats-Unis. Pour gérer ces fonds, nous avons du créer une association de type « Loi
1901 » car le département n’était pas habilité à traiter ce type de sommes, sur ce type de soutien.
Nos frais couvraient l’inscription au concours, le déplacement et le logement sur place, mais surtout l’achat de
matière pour travailler et l’achat ou remplacement des machines car nous avons eu des soucis techniques à
quelques reprises ce qui, dans un travail de recherche, arrive assez naturellement. Déjà, pour l’an prochain,
l’entreprise Sanofi nous a promis un financement.
B.E. : En quoi consistait exactement le projet soutenu par votre équipe ?
P.LJ. : Notre objectif était de produire des matériaux bioplastiques (dits polymères) via certains types de
bactéries grâce à des méthodes d’extraction. Nous avons décidé de créer, en particulier, un polyester : le
polyhydroxybutirate. Nous souhaitions optimiser la fabrication de ce matériau en utilisant des souches de
bactéries. C’est en effet un matériau très intéressant ; il sert dans beaucoup d’emballages (bouteilles, sacs, etc.)
et est biodégradable, c'est-à-dire qu’au contact de certaines molécules, du sol par exemple, il a la capacité de
se dégrader en éléments qui ne sont pas néfastes pour l’environnement. Bien évidemment, il s’agit d’un
projet, d’une idée. Nous n’avons pu vraiment créer ce type de matériau. Les autres équipes, les autres projets,
sont eux aussi limités. Toutefois nous avons pu obtenir des résultats vraiment concluants !
B.E. : Vous avez d’ailleurs obtenu une récompense…
P.LJ. : En effet, oui ! Et c’est une très bonne surprise, surtout pour une toute première participation ! Le
concours récompense de différentes façons les participants : tout d’abord par un système de médailles
(bronze, argent, or) ; ensuite par des prix distinctifs, comme le prix du « meilleur projet ». Sur les trois équipes
françaises, l’équipe de Strasbourg a obtenu une médaille de bronze (car il y a plusieurs médailles par couleur),
l’équipe Paris-Liliane Bettencourt une médaille d’or et une médaille d’argent nous concernant. Il y avait aussi
une équipe commune entre VirginiaTech et l’ENSIMAG mais je ne me souviens plus du prix qu’elle a obtenu…
(ndlr : Safety Commendation, avec SDU Denmark). Sachant que toutes les équipes ne sont pas récompensées
(environ la moitié), c’est une performance dont nous sommes fiers.
B.E. : Sur quels types de connaissances avez-vous pu vous appuyer dans la réalisation de votre projet ?
P.LJ. : Le développement actuel de nos connaissances est vraiment très intéressant. Nous parlons, rappelons-le,
de construction sur souches et d’écriture d’ADN. Aujourd’hui, nous pouvons écrire, sous un format
informatique, une séquence d’ADN pour ensuite la synthétiser en laboratoire. La production, depuis deux ans
(durée depuis laquelle cette technique est au point), coûte de 100 à 2000€ selon les cas. C’est vraiment une
technique rapide, peu coûteuse pour l’industrie. C’est effectivement une faisabilité technique indéniable.
B.E. : De quelles manières ce concours est-il valorisable, à l’échelle de votre département, pour vos
étudiants ?
P.LJ. : Pour le laboratoire, la visibilité est essentielle ! Le financement par l’ambassade est la preuve, non
seulement de notre compétence, mais aussi de l’intérêt des politiques pour cette recherche. L’attaché
scientifique la qualifiait, d’ailleurs, de stratégique. C’est une excellente opportunité de se faire connaître,
autant par les financeurs que par le Génopôle à Paris.
Pour nos étudiants, hé bien c’est un formidable « plus » pour leur CV ! C’est un concours très connu dans notre
domaine, il est révélateur d’un fort investissement personnel. Nos étudiants n’ont eu aucun problème à
trouver un emploi, un stage pour ceux concernés. Le fait d’avoir remporté, pour une première participation,
une médaille est un avantage non-négligeable !
Et puis, enfin… Il y a le plaisir de faire de la science !
B.E. : Pour rester dans cette dynamique recherche, étudiant, CV… Quel est l’état actuel de la « synthetic
biology » en termes de laboratoires universitaires, de formations ?
P.LJ. : Sur Lyon, nous avons ce département qui, en premier lieu, dispense des enseignements en la matière.
Nous avons sur le site de l’université de nombreux laboratoires : microbiologie, insectes, chimie organique,
lipides (laboratoire de l’INSERM) pour les activités de recherche. On voit aussi émerger à Paris un premier
Master M1/M2 spécialisé dans la synthetic biology et dont la participation au concours IGEM peut être
valorisée comme un stage M1 ou M2. De plus, au sein de l’équipe de Paris, nous avons la première thèse, à
l’Institut Pasteur, dans le domaine de la synthetic biology par David BICARD. D’autres projets sont également en
cours.
J’en profite pour dire les équipes de Paris et de Lyon organiseront un retour sur cette expérience du concours
IGEM, vraisemblablement en présence de M. BICARD, voire de membres du jury du concours, à Lyon le 13
janvier prochain. Cela afin de motiver en vue de l’édition 2011…
B.E. : Le rendez-vous est noté ! J’aimerais vous questionner désormais en ce qui concerne les options
stratégiques de la recherche actuelle : vers quoi s’oriente-t-on ?
P.LJ. : Pour le concours, comme je le disais, nous ne parlons que de bactéries ; mais intéressons-nous au cas des
cellules humaines. La recherche actuelle se positionne sur les globules blancs. Au travers d’une prise de sang,
nous pouvons faire une culture de ce que l’on appelle les lymphocytes. On essaye de changer leurs propriétés,
cela dans un but fixé auparavant, puis on les réinjecte. Cela serait une façon efficace de combattre des
maladies ; et nous avons déjà, dans la recherche actuelle, des résultats ! Passer de la bactérie à l’Homme, dans
le fond, n’est pas si compliqué. Les techniques sont de me nature. Pour les bactéries, nous sommes déjà
capables de faire la production d’enzymes, d’hormones. Pour l’être humain, il existe déjà des techniques de
thérapie génique.
Au final, la recherche actuelle est toujours très orientée « bactéries » ; le pas à faire pour l’étude de cellules
dites animales n’est pas encore d’actualité. Mais il y a des volontés de projets, et déjà des groupes
d’immunologie travaillent sur la question.
B.E. : Dernièrement, pour rester dans le domaine de la recherche, on a beaucoup parlé des avancées faites
par un certain Craig Venter. Avec votre œil de chercheur, pourriez-vous nous expliquer en quoi ces travaux,
très cités par la presse, sont vraiment « révolutionnaires » ?
P.LJ. : Craig Venter est quelqu’un d’assez connu, pour ne pas dire qualifié de grand spécialiste de la synthetic
biology, depuis une vingtaine d’années. C’est un chercheur américain qui dispose de son propre institut et qui
s’est beaucoup illustré dans le séquençage ADN. Je vous ai parlé au début de la saisie bio-informatique pour
créer un séquençage ADN. Avec les travaux de M. Venter, c’est vraiment une réalité ! Il a fourni un travail
considérable, de telle façon qu’aujourd’hui nous avons la possibilité de synthétiser tout le génome d’une
bactérie. Certes, il faut relativiser ; pour l’instant, il n’est pas question de « créer » au sens propre du terme, où
nous écririons une séquence au hasard pour voir ensuite de quoi il s’agit. C’est un travail de recopie de ce qui
existe déjà à l’état naturel, mais on crée quand même.
B.E. : C’est vraiment très impressionnant… D’un point de vue politique, j’imagine que cela a un très vif
intérêt ?
P.LJ. : Comme je le disais lorsque nous parlions des financements pour le concours, l’ambassade de France aux
Etats-Unis juge que c’est un axe de recherche fondamental ! Le ratio somme versée compétences en est la
preuve. De plus, être soutenu par l’attaché scientifique c’est être soutenu par une structure officielle forte,
basée sur une sorte d’expertise scientifique dirons-nous. Bien entendu, pour ce type de financement, on
s’assure de la faisabilité du projet proposé, question de crédibilité.
B.E. : Pour entrer dans un registre de « questions ouvertes » dirons-nous, vous avez beaucoup parlé de
« création » depuis le début de cet entretien… Pour des personnes plus ou moins initiées à la synthetic
biology, cela a quand même un poids fort du point de vue des mots. Qu’entend-t-on vraiment par
« création » ?
P.LJ. : C’est une question intéressante et, justement, pour ne pas créer d’amalgames, je vous dirais ceci : il ne
s’agit en aucun de créer la vie ! Absolument pas ! On ne crée rien en ce sens, car nous partons de structures
biologiques qui existent, qui vivent, déjà. Nous, nous ne faisons que créer des propriétés, et cela uniquement
quand cette création est animée par un but précis en amont.
La synthetic biology répond à des critères et à des buts médicaux. L’INSERM et l’Institut Pasteur attendent
beaucoup de ce type de création notamment, comme nous en parlions, pour la lutte contre le cancer. Imaginez
des médicaments, voire de nouvelles cellules, qui pourraient aller attaquer directement les cellules malades,
grâce à une façon de les détecter parmi toues les autres. D’autres techniques pourraient nous permettre de
créer davantage d’insuline dans le corps humain pour lutter contre le diabète.
B.E. : L’intérêt industriel est donc considérable ?
P.LJ. : Oui, tout à fait. Les sociétés pharmaceutiques sont très intéressées par ces recherches, prêtes à prendre
le relais quand on sera sûr que cela marche. Déjà, au stade industriel, nous produisons des enzymes et des
antibiotiques sur la base de ces techniques. De plus, entre les laboratoires qui traitent de la synthetic biology et
certaines industries, il existe déjà des projets de brevets et de partenariats. Il y a de plus des entreprises
NOVOZYME, pour l’agroalimentaire dont la production d’enzymes est le métier, et qui sont très friandes de
ces nouvelles technologies.
B.E. : Je vous parlais tout à l’heure de l’angoisse de cette « création »… Avez-vous, personnellement, été
confronté à un débat de société, de quelque nature que ce soit, sur la synthetic biology ?
P.LJ. : Pas vraiment, non. J’ai déjà été confronté à un débat, en effet, sur le thème des OGM, qui est à la fois un
thème proche et très éloigné de la synthetic biology. Ce n’est pas vraiment le lieu pour parler OGM et les avis
ne sont pas si simples sur cette question Mais le public doit toutefois savoir que tout ce qui concerne la
cellule est soumis à l’éthique, via un comité d’éthique. Et en termes de dangerosité des substances qui sont
manipulées, il y a plusieurs niveaux d’accréditations de sécurité. On ne fait donc pas ce que l’on veut comme
des fous. Nous sommes quand même très conscients de nos rejets, par exemple.
Mais pour revenir à la synthetic biology et à la société, j’ai l’impression que dès que l’on touche à la santé c’est
tout de suite génial ! On reconnaît les vertus, on nous encourage… Quand on parle de manipulations sur les
bactéries, ça ne touche personne. Et pourtant, les bactéries manipulées sont présentes dans le sucre du coca !
Mais, par contre, si cela touche l’agriculture, comme cela fut le cas pour les OGM, on a tout de suite un battage
de fond de commerce assez agaçant. Alors, bien sûr, oui, il faut du contrôle, il faut de la réglementation, c’est
évident ! Pour la synthetic biology, ce genre d’avis n’émerge pas encore, même si certains s’y penchent déjà.
Regardez le concours IGEM et la daille de l’équipe parisienne sur le thème de l’éthique ! (ndlr : l’équipe de
Paris, au concours IGEM 2009, reçut le prix spécial pour l’éthique avec les félicitations du jury !) Mais ne nous
voilons pas la face ! Il est tout à fait possible de faire la guerre biologique, avec ou sans la synthetic biology.
Mais, à mon humble avis, ces gens ne nous attendrons pas pour cela. Ce que font les individus relèvent de
leur responsabilité !
B.E. : Lorsqu’un scientifique, prenons l’exemple d’un chercheur en synthetic biology, est-ce qu’à chaque
découverte, chaque avancée, celui-ci est animé d’une pensée… éthique, de responsabilisation ?
P.LJ. : L’éthique, en sciences, est une question de responsabilité individuelle. Il est évident qu’on ne vide pas
tous nos produits dans les égouts ! Les normes de sécurité sont aussi draconiennes que dans les laboratoires de
chimie. Et puis, quand un chercheur fait une manip’, il a quand même le mérite de la faire proprement ; ce
n’est pas un sagoin ! Pour le cas particulier de la génétique, il y a eu une conférence spécialement sur l’éthique
en 1972, qui a édité des principes toujours en vigueur et appliqués aujourd’hui. Ces règles sont d’ailleurs à
l’initiative des scientifiques, et elles sont très bien respectées dans la profession ! Il y a beaucoup de progrès en
jeu.
B.E. : Responsabilisation, peur des mots toujours… Création, cellules animales, clonage ?
P.LJ. : Absolument hors de question ! C’est totalement interdit, inconcevable, et ça ne présente aucun intérêt !
Mais pour un super-dictateur, je n’en vois pas trop l’utilité… Seul un fou souhaiterait faire du clonage !
B.E. : Des perspectives pour le devenir de la synthetic biology ?
P.LJ. : Dans le fond, le concept de la synthetic biology n’est pas si nouveau que cela ; on l’étudie depuis vingt
ans. Ce qui est vraiment novateur, ce sont les techniques ! Avant, pour décrire la chaîne d’ADN, il fallait aller l
chercher directement dans l’être vivant ou bien se la faire envoyer par un spécialiste. Cela prenait du temps et
coûtait relativement cher. Aujourd’hui, on peut disposer de la séquence que dis-je, nous n’avons besoin que
de la séquence et celle-ci est disponible dans des bibliothèques. C’est un changement de potentiel
considérable. On peut facilement imaginer qua dans l’avenir la production sera sous-traitée ; et pour
l’industrie, cela ira encore plus vite ! En 20 ans, rendez-vous compte, nous sommes passés de 3 ans à 4 jours
pour écrire une séquence d’ADN !
B.E. : Si vous étiez un décideur, avec votre œil d’expert quelle(s) serai(en)t selon vous le/les priorité(s) de
recherche ?
P.LJ. : Je ne pense pas que l’on puisse parler de parler de priorités comme cela. Aujourd’hui, avec les progrès
actuels, nous ne sommes plus dans le « il faut » mais dans le « on fait ». La France n’a aucun retard, du point de
vue de la recherche, n’a aucun retard sur les autres pays ; me si elle est moins performante que les Etats-
Unis ou la Suisse (archi-leader). La France dispose de bonnes entreprises dans le domaine et d’une recherche
de pointe à la hauteur des enjeux. De plus, la synthetic biology est un bel exemple de mondialisation ! Les
ressources, telles que la bibliothèque dont je vous ai parlé, est disponible pour tout le monde, et est complétée
par des équipes du monde entier ! La communauté scientifique est vraiment élargie et solidaire ; quand un
autre équipe se plante sur une manip’, il y a vraiment une dynamique constructive à l’internationale assez
exceptionnelle. Et c’est à la fois très agréable ! Une forte dynamique pour le bien commun, pas de naïveté
comme par rapport à l’éthique de nos travaux. Ca marche ! Et il y a des potentialités énormes !
B.E. : Très belle note de fin… Merci beaucoup, M. LEJEUNE, pour cet entretien et pour avoir accepté de me
rencontrer si vite. Merci à vous et bonne continuation, notamment pour l’édition 2011 du concours !
P.LJ. : Je vous en prie, c’est normal. J’en profite pour vous renouveler l’organisation, le 13 janvier prochain, d’un
retour sur le concours IGEM 2010 en compagnie de l’équipe de Paris. Merci à vous !
Propos recueillis par Benoît EUGENE
Lyon, le vendredi 26 Novembre 2010.
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