biologiques qui existent, qui vivent, déjà. Nous, nous ne faisons que créer des propriétés, et cela uniquement
quand cette création est animée par un but précis en amont.
La synthetic biology répond à des critères et à des buts médicaux. L’INSERM et l’Institut Pasteur attendent
beaucoup de ce type de création notamment, comme nous en parlions, pour la lutte contre le cancer. Imaginez
des médicaments, voire de nouvelles cellules, qui pourraient aller attaquer directement les cellules malades,
grâce à une façon de les détecter parmi toues les autres. D’autres techniques pourraient nous permettre de
créer davantage d’insuline dans le corps humain pour lutter contre le diabète.
B.E. : L’intérêt industriel est donc considérable ?
P.LJ. : Oui, tout à fait. Les sociétés pharmaceutiques sont très intéressées par ces recherches, prêtes à prendre
le relais quand on sera sûr que cela marche. Déjà, au stade industriel, nous produisons des enzymes et des
antibiotiques sur la base de ces techniques. De plus, entre les laboratoires qui traitent de la synthetic biology et
certaines industries, il existe déjà des projets de brevets et de partenariats. Il y a de plus des entreprises –
NOVOZYME, pour l’agroalimentaire – dont la production d’enzymes est le métier, et qui sont très friandes de
ces nouvelles technologies.
B.E. : Je vous parlais tout à l’heure de l’angoisse de cette « création »… Avez-vous, personnellement, été
confronté à un débat de société, de quelque nature que ce soit, sur la synthetic biology ?
P.LJ. : Pas vraiment, non. J’ai déjà été confronté à un débat, en effet, sur le thème des OGM, qui est à la fois un
thème proche et très éloigné de la synthetic biology. Ce n’est pas vraiment le lieu pour parler OGM et les avis
ne sont pas si simples sur cette question… Mais le public doit toutefois savoir que tout ce qui concerne la
cellule est soumis à l’éthique, via un comité d’éthique. Et en termes de dangerosité des substances qui sont
manipulées, il y a plusieurs niveaux d’accréditations de sécurité. On ne fait donc pas ce que l’on veut comme
des fous. Nous sommes quand même très conscients de nos rejets, par exemple.
Mais pour revenir à la synthetic biology et à la société, j’ai l’impression que dès que l’on touche à la santé c’est
tout de suite génial ! On reconnaît les vertus, on nous encourage… Quand on parle de manipulations sur les
bactéries, ça ne touche personne. Et pourtant, les bactéries manipulées sont présentes dans le sucre du coca !
Mais, par contre, si cela touche l’agriculture, comme cela fut le cas pour les OGM, on a tout de suite un battage
de fond de commerce assez agaçant. Alors, bien sûr, oui, il faut du contrôle, il faut de la réglementation, c’est
évident ! Pour la synthetic biology, ce genre d’avis n’émerge pas encore, même si certains s’y penchent déjà.
Regardez le concours IGEM et la médaille de l’équipe parisienne sur le thème de l’éthique ! (ndlr : l’équipe de
Paris, au concours IGEM 2009, reçut le prix spécial pour l’éthique avec les félicitations du jury !) Mais ne nous
voilons pas la face ! Il est tout à fait possible de faire la guerre biologique, avec ou sans la synthetic biology.
Mais, à mon humble avis, ces gens là ne nous attendrons pas pour cela. Ce que font les individus relèvent de
leur responsabilité !
B.E. : Lorsqu’un scientifique, prenons l’exemple d’un chercheur en synthetic biology, est-ce qu’à chaque
découverte, chaque avancée, celui-ci est animé d’une pensée… éthique, de responsabilisation ?
P.LJ. : L’éthique, en sciences, est une question de responsabilité individuelle. Il est évident qu’on ne vide pas
tous nos produits dans les égouts ! Les normes de sécurité sont aussi draconiennes que dans les laboratoires de
chimie. Et puis, quand un chercheur fait une manip’, il a quand même le mérite de la faire proprement ; ce
n’est pas un sagoin ! Pour le cas particulier de la génétique, il y a eu une conférence spécialement sur l’éthique
en 1972, qui a édité des principes toujours en vigueur et appliqués aujourd’hui. Ces règles sont d’ailleurs à
l’initiative des scientifiques, et elles sont très bien respectées dans la profession ! Il y a beaucoup de progrès en
jeu.
B.E. : Responsabilisation, peur des mots toujours… Création, cellules animales, clonage ?
P.LJ. : Absolument hors de question ! C’est totalement interdit, inconcevable, et ça ne présente aucun intérêt !
Mais pour un super-dictateur, je n’en vois pas trop l’utilité… Seul un fou souhaiterait faire du clonage !
B.E. : Des perspectives pour le devenir de la synthetic biology ?
P.LJ. : Dans le fond, le concept de la synthetic biology n’est pas si nouveau que cela ; on l’étudie depuis vingt
ans. Ce qui est vraiment novateur, ce sont les techniques ! Avant, pour décrire la chaîne d’ADN, il fallait aller l
chercher directement dans l’être vivant ou bien se la faire envoyer par un spécialiste. Cela prenait du temps et
coûtait relativement cher. Aujourd’hui, on peut disposer de la séquence – que dis-je, nous n’avons besoin que
de la séquence et celle-ci est disponible dans des bibliothèques. C’est un changement de potentiel
considérable. On peut facilement imaginer qua dans l’avenir la production sera sous-traitée ; et pour