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Université de Lyon
Université Lumière Lyon 2
Institut d’Etudes Politiques de LyonJosselin Morales
Mémoire de séminaire : Construction Européenne entre Approfondissement et élargissement.
La Chine et l Union Européenne sur
le marché des ecotechnologies :
Coopération, Confrontation Concurrence
Sous la direction du Professeur Laurent Guihéry
MORALES Josselin
soutenu le 26 juin 2010
Table des matières
Remerciement . .
Introduction . .
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des
écotechnologies. . .
4
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1) Restructurer le challenge du secteur de l’innovation des écotechnologies . .
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2) Propositions de solutions à l’échelle mondiale : diffusion de l’innovation dans les
pays en voie de développement. . .
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A- Les enjeux d’une coopération mondiale dans le domaine des écotechnologies. . .
B- RPC : quels moyens d’action sur la R&D et l’investissement des entreprises sur son sol
..
1) Bonne volonté et grandiloquence : la RPC à l’assaut des écotechnologies. . .
2)Les liens publics/privés et l’internationalisation des firmes : un avantage certain
dans la course aux écotechnologies . .
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1) Objectifs et lignes directrices pour une croissance verte : . .
26
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2) Les leçons de l’UE que peut tirer la Chine dans les domaines du développement
des écotechnologies et de l’expérience de la coopération. . .
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II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. . .
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C- L’Union Européenne et la promotion des technologies vertes . .
A/ L’un des principaux défis pour une coopération efficace : résoudre le problème des
droits de propriété intellectuelle (DPI) . .
1) Les droits de propriété intellectuelle et industrielle au cœur de la bataille
commerciale sur les technologies vertes . .
2) Propriété intellectuelle et compétitivité . .
B/ Innovation et transfert de technologie entre UE et Chine : proposition pour une stratégie
gagnant-gagnant. . .
1) Proposition de modèle pour une coopération réussie . .
2) Exemple de réussites d’acquisition de technologies européennes par des firmes
chinoises. . .
C/ Sur le terrain, une concurrence de fait . .
1) Le marché de l’éolien : exemple d’une concurrence saine ? . .
2) Stratégie offensive : photovoltaïque, et stratégie du géant éolien Sinovel. . .
Conclusion. . .
Annexes . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Articles (revues et internet) . .
Documents sur internet . .
Sites internet . .
Rapports . .
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Remerciement
Je remercie Monsieur Guihéry pour avoir su orienter mes recherches et les termes de mon sujet.
Je remercie également Antoine pour sa patience et ses relectures.
« La règle c’est que le général qui triomphe est celui qui est le mieux informé».
Sun Tsu
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MORALES Josselin_2010
Introduction
Introduction
1: La prospective scientifique condamne l’espèce humaine à l’économie durable.
La thématique du développement durable n’est pas un sujet nouveau. C’est un
mouvement à la fois politique et social qui se développe dans les années 70 au sein des pays
scandinaves, puis se diffuse sur la scène politique internationale avant de s’inscrire enfin
en tête des préoccupations mondiales. Il s’agit désormais d’une problématique parvenue
à maturité, et dont l’actualité ne décline pas : nul ne peut plus échapper au débat sur
la fin du pétrole, le réchauffement climatique et la nécessité de changer nos modes de
consommation. Voici l’opinion d’Hervé Kempf dans un article du Monde du 5 décembre
2009, Copenhague, un défi planétaire :
« Malgré l’impression de piétinement que peut donner l’observation au jour le
jour de la discussion, celle-ci a évolué très rapidement en moins de vingt ans.
Les négociations qui se jouent actuellement à Copenhague ne peuvent se lire
selon le seul prisme de l’opposition Nord-Sud d’abord parce qu’il ne s’agit pas
de l’emporter sur les autres mais de répartir équitablement un effort ou des
nuisances auxquelles aucun pays n’échappera. Ensuite parce que la croissance
rapide des BRIC fait que ceux-ci sont devenus des émetteurs massifs de gaz à
effet de serre dont la responsabilité ne peut plus être niée ».
Cet impérieuse prise de conscience est étayée par des données essentiellement
économétriques que climatologues et économistes ont entrecoupées avant de les traduire
en objectifs. Les objectifs sont devenus mondiaux tant la question du développement
durable rassemble. C’est un des seuls thèmes planétaires qui réunisse aussi facilement
les chefs d’État (Kyoto, Bali, Poznan, Copenhague), quand bien même ils divergent sur
les mesures à prendre. Il n’y a que le commerce mondial qui les rassemble avec autant
de régularité. On repère là les deux défis majeurs qui sont à relever pour le siècle qui
débute. Le second touche à la régulation du commerce international et aux bienfaits
qui doivent en résulter en matière de développement des pays pauvres, notamment par
l’amélioration de la répartition des richesses. Le premier, et il ne sera pas mois difficile
à relever, est celui de la durabilité : durabilité énergétique, durabilité de l’habitat, mais
également durabilité démographique. Et les réponses ne se situent pas dans le long terme :
la prise de conscience collective s’impose.
2: Figure désormais imposée, l’approche écologique génère une nouvelle forme
d’économie : le green-business, fondé sur les écotechnologies.
Comment concrètement relever ces nouveaux défis qui se posent à l’humanité ? C’est
sans doute en grande partie à l’économie d’y répondre, le commerce ayant toujours été un
moteur du progrès.
L’activité économique, toujours en quête de nouveaux débouchés, assure désormais
financièrement l’essor du développement durable. Les vecteurs sont identifiés : il s’agit des
technologies dites durables qui permettront de dépenser moins ou mieux tout en réduisant
les nuisances. Si l’Anglais, par l’emploi de deux termes différents (Cleantech et Greentech)
semble ouvrir deux pistes concurrentes, le Français ne parle que de « technologies
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
vertes » (ou « écotechnologies ») en référence à ces innovations qui permettront sans doute
à l’homme de profiter plus longtemps de son habitat.
Elles sont définies par le groupe Greentech comme étant « des techniques et services
industriels qui utilisent les ressources naturelles, l’énergie, l’eau, les matières premières
avec une perspective d’amélioration importante de l’efficacité et de la productivité ».
A cela s’ajoute une notion clef, celle de performance : les technologies vertes
doivent assurer « une performance identique ou supérieure par rapport aux technologies
existantes ».
Le ton est donné : performance. Comment rester performant sur ce nouveau marché
des technologies vertes ? On lit plus loin que le terme de technologies vertes renvoie
également aux « business qui s’y rapportent et qui offrent des retours sur investissement
compétitifs aux investisseurs et clients tout en assurant des solutions au défis globaux ».
Au cœur du sujet se trouvent donc trois notions clés : la performance, le retour sur
investissement et la réponse à un défi mondial. Cela induit une répartition de ces nouvelles
technologies, une demande, une offre, des investissements, des transferts de technologies
et de propriété intellectuelle. Sont en définitive réunies toutes les caractéristiques d’un
véritable marché des technologies vertes, qui génère des stratégies commerciales, des
profits, des enjeux d’implantation et de propriété, propriété qui elle-même induit le savoir,
savoir qui récompense la recherche.
Quelles sont les dynamiques de ce marché des écotechnologies ? Comment est-il
apparu ? Répond-il à une offre ou plutôt à une demande ?
3: La Chine et l’Europe, premier et troisième pollueurs de la planète, développent
simultanément leurs projets : doivent-elles être concurrentes ou partenaires ?
Quels sont les acteurs de ce marché ? Ce sont en premier lieu ceux qui doivent répondre
au plus tôt aux nouveaux défis qui posent à eux, c’est-à-dire les plus grands émetteurs
de gaz à effet de serre. Ils sont au nombre de trois : la Chine, les Etats Unis et l’Union
Européenne (respectivement 6 103, 5 752 et 4 053 millions de tonnes de CO2 émises
en 2006). Les moyens dont ils disposent relèvent de leur politique intérieure, de leurs
investissements dans la recherche et le développement grâce à la création d’organismes
ad hoc, mais aussi de leurs entreprises implantées sur leur territoire, à leur attractivité et à
leur développement à l’étranger.
« L’éco-industrie représente un tiers du marché mondial et déjà 2% du produit intérieur
brut communautaire» peut-on lire sur le site officiel de l’Union Européenne. C’est un secteur
en hausse de 5% par an. En Chine, ce secteur augmente de 30% par an, un marché
considérable que le groupe Greentech évalue entre 500 et 1000 milliards de dollars.
C’est un marché en pleine expansion et sur lequel tout le monde espère se positionner
durablement. Qui en sera le leader mondial? L’UE ou les Etats-Unis ? Ou bien la Chine,
considérée comme le plus dangereux concurrent.
L’Union Européenne tarde à unir ses forces. Comme l’a récemment déclaré Claude
Turmes, un eurodéputé Vert du Luxembourg à propos des batteries de nouvelle génération :
« l’Union Européenne a besoin d’une solution de type Airbus pour son secteur dédié aux
technologies de batteries, si l’U.E. entend se confronter aux monopoles géants soutenus
par l’Etat en Chine », faisant référence au fait que les efforts européens dans ce domaine
sont actuellement trop fragmentés.
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MORALES Josselin_2010
Introduction
La Chine met en place des dynamiques fort différentes de celles déployées par les
acteurs traditionnels que sont les USA et l’U.E. Quand ces derniers ont en adopté peu
ou prou la même stratégie (investissements, défiscalisation, politiques Keynésienne), la
Chine emploie, elle, des moyens beaucoup plus offensifs, pour des raisons essentiellement
structurelles : la Chine est un pays autoritaire et autoritariste dont l’Etat centralisateur et
tentaculaire soutient activement les secteurs auxquels sont attribuées les priorités, mettant
à bas toute concurrence étrangère comme nous l’expliquerons plus tard.
Encadrement de la p roblématique :
Entre stratégies de concurrence et de coopération, comment vont se positionner la
Chine et l’Union Européenne sur ce nouveau marché ? Autrement dit, dans le cadre
d’échanges mondialisés, la puissance économique chinoise et la puissance technologique
européenne tendront-elles à se renforcer ou à se concurrencer ?
Il conviendra de faire un rapide état des lieux, et de rappeler les liens directs qui existent
entre l’activité humaine et le réchauffement climatique (rapport E3G).
Le Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (IPCC) a présenté les
preuves évidentes que le changement climatique constitue un risque mondial majeur et qu’il
requiert une réponse internationale pour y faire face.
L’union européenne et la Chine mettent désormais en place des stratégies pour lutter
contre le réchauffement climatique, par le biais de soutiens à certains secteurs dont le plus
emblématique est celui de la promotion des technologies vertes. Deux pôles, mais deux
stratégies : entre coopération et compétition.
Mais il faudra aller plus loin et se demander ce qui sous-tend ces stratégies. Est-ce
seulement pour diversifier ses approvisionnements énergétiques et réduire les émissions de
gaz à effet de serre que la Chine soutient le développement des énergies renouvelables ?
Ou bien est-ce là une stratégie plus offensive de création de nouveaux pôles de compétitivité
visant à s’insérer sur ce nouveau marché, amené à se développer au fil des années ?
Par ailleurs, l’Union Européenne met en place des stratégies de soutien à
l’investissement et d’incitation à la reconversion énergétique, et tente de modifier les
attitudes par la loi. Cette législation appropriée mais décentralisée suffit-elle quand les
institutions ne peuvent qu’influencer des Etats Membres encore très souverains ?
Remarques introductives :
Retour sur l’histoire chinoise : quelle place pour la protection de l’environnement ?
Avant les années 80, on accorde peu d’importance en Chine aux politiques de
développement durable et de conservation de l’énergie. Dans la Chine de Mao, seule la
lutte des classes constitue la question centrale à laquelle doit répondre le gouvernement.
L’ouverture et la réforme de 1979 par Deng Xiao Ping marquent un tournant historique
quant à cette question : la nécessité de protéger l’environnement apparaît pour la première
fois dans les réformes constitutionnelles de 1979 et de 1982.
S’ensuit une série de lois : 1984, loi sur la prévention de la pollution de l’eau ; 1987, loi
sur la prévention de la pollution de l’air ; 1989, loi sur la protection de l’environnement.
Durant les années 90 le problème prend une ampleur internationale et pourtant la Chine
se désintéresse clairement de la question. Néanmoins, après le sommet de Rio de Janeiro,
les représentants chinois s’engagent à rédiger un livre blanc sur la question.
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
1993 est une date charnière : la Chine bascule dans le camp des pays dépendants en
énergie. En 1998 est signée la loi sur la conservation de l’énergie qui reflète une réelle prise
de conscience. Mais une nouvelle fois, dans le contexte de l’époque, le plus important reste
la croissance en termes de PIB : le régime doit afficher de bons chiffres.
Le changement d’équipe à la tête du gouvernement en 2003 est la deuxième date
charnière pour le développement durable et de la préservation de l’environnement. Le
Président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao mettent en oeuvre les concepts de
développement scientifique et de société harmonieuse, replaçant le citoyen au centre du
développement. Le développement économique doit soutenir l’avènement d’une société
harmonieuse, conditionnée selon eux par la promotion de modes de développement dits
durables. L’environnement et l’efficacité énergétique passent ainsi au premier plan pour
devenir des thèmes de sécurité nationale
L’importance qu’attache la Chine aux questions d’énergie devient ainsi visible au plus
haut niveau de l’Etat.
A la conférence annuelle National Economic Work, qui se tient tous les ans en
décembre, on voit depuis quelques années la question de l’environnement et de sa
préservation prendre une importance croissante. En 2007 la réduction de la pollution et
le renforcement de la préservation de l’énergie se trouvaient ainsi au quatrième rang des
priorités.
En 2005 la loi sur les énergies renouvelables est adoptée et en 2008 la loi révisée et
renforcée sur la conservation de l’énergie devient effective.
Le 11e plan quinquennal (2006-2010) qui reste de loin le document le plus important
en matière de planification économique, met en place des objectifs clairs en termes de
réduction d’intensité énergétique par unité de PIB produite : diminution 20% d’ici à 2010. La
politique mise en ouvre pour atteindre ces objectifs est double. D’une part le gouvernement
chinois déploie d’importants moyens administratifs pour mettre en place et faire respecter
les objectifs et les standards par la régulation. D’autre part, il utilise les politiques industrielles
pour dessiner les contours économiques du développement, en encourageant les secteurs
qui augmentent l’efficacité énergétique tout en décourageant ceux qui sont inefficaces.
En conséquence plusieurs institutions sont créées: en 1998, le Comité de coordination
nationale sur le changement climatique, puis en 2007, le « National Leading Group » sur
le changement climatique présidé par le Premier ministre Wen Jiabao lui-même. Enfin,
la Commission nationale de réforme et de développement devient la principale entité du
gouvernement central pour la planification et la mise en œuvre les réformes dans ces
domaines.
Le climat international actuel renforce la Chine dans ses choix : la hausse des prix du
pétrole en 2007 et 2008 a démontré que la dépendance en matières premières peut avoir
de graves conséquences économiques, qui pourraient s’étendre aux sphères politiques et
sociales.
Mais simultanément, la crise économique lui a montré une fois de plus qu’elle ne pouvait
plus suivre le modèle de développement auquel elle se réfère depuis trente ans. Les leaders
chinois ont donc saisi cette opportunité pour repenser leur modèle de développement
économique, et lui ont inclus les questions d’efficacité énergétique et de développement
d’une économie verte en y ajoutant les sources d’énergie renouvelables.
Le plan adopté par les Chinois après la crise économique révèle donc leurs intentions :
transformer les formes de dépense en énergie et réduire celles de consommation, et donc
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MORALES Josselin_2010
Introduction
contrôler les émissions de carbone. D’après le programme national sur le changement
climatique, la conservation de l’énergie et l’optimisation de la structure de la production
énergétique seront au cœur de cette nouvelle politique de développement.
La dimension internationale.
La Chine a longtemps été considérée par les pays occidentaux comme un mauvais
élève se préoccupant peu des conséquences de sa quête effrénée de développement,
laissant aux pays développés le soin de se consacrer à ces questions qu’elle considérait
comme un luxe réservé au club des grands. Et la Chine ne s’est jamais privée de faire
remarquer aux puissances occidentales leur responsabilité historique dans l’augmentation
des gaz à effet de serre, suggérant sans nuance leur obligation d’en assumer aujourd’hui
les conséquences.
« Les pays développés doivent prendre leurs responsabilités pour l’accumulation tout
au long de l’histoire des émissions et de l’actuelle importance de leurs émissions per capita
pour changer leur façon de vivre peu durable et également réduire de façon conséquente
leurs émissions et dans le même temps soutenir financièrement et par le transfert de
technologies nécessaires les pays en voie de développement ».
Les dirigeants chinois parlent ainsi de responsabilités partagées mais différentes, sousentendant que les pays développés doivent faire un effort plus grand que les pays en voie
de développement.
L’ Union Européenne et la protection de l’environnement, une longue tradition
qui contraste avec les récentes préoccupations chinoises :
L’Union Européenne – et avant elle toutes les autres formes de coopération
économique et politique qui l’ont précédée sur le continent – a mis en place des instruments
visant à réduire l’impact du développement sur la dégradation de l’environnement. En effet,
bien avant la Chine, l’Europe a manifesté son intérêt pour ces problèmes sur la scène
internationale et a toujours prétendu vouloir jouer un rôle déterminant dans leur règlement.
Contrairement à la Chine, l’Union Européenne a pris part à des accords internationaux
contraignants dont le plus emblématique est le protocole de Kyoto (UNFCCC et son
secrétariat). L’Europe s’y est engagée à réduire de 5 à 8% d’ici à 2012 ses émissions de
gaz à effet de serre, prenant comme base les chiffres de 1990.
Il est intéressant toutefois de rappeler que les motivations de l’Union Européenne sont
ici les mêmes que celles de la Chine, à savoir la question de la dépendance énergétique
(sur le plan strictement économique bien sur).
En 2000 est donc lancé le Programme Européen sur le changement climatique qui a
pour but de coordonner les politiques visant à faire face au changement climatique.
Les politiques européennes sont guidées par un principe, une approche de réduction
des dépenses d’énergie par l’adoption de l’ETS. Il s’agit du principe du ‘crédit carbone’
ou encore du ‘commerce d’émissions’. Une approche à laquelle la Chine n’a pas encore
adhéré.
D’autres mesures ont été mises en place par le biais de directives, telles la directive
communautaire relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution ou IPPC
(Integrated Pollution Prevention and Control directive) qui devient active en 2005. Elle
couvre 11500 émetteurs européens majeurs qui représentent la moitié des émissions de
l’Union Européenne. Cette directive impose également que l’entreprise émettrice fasse
appel aux meilleures technologies possibles (en terme de réduction d’émission).
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
2008 voit l’adoption du Climate Action and Renewable Energy Package. Beaucoup plus
ambitieux, il prévoit une réduction des émissions de 20% d’ici à 2020 toujours sur la base de
1990. Si les autres pays développés présents à Copenhague se fixent les mêmes objectifs
alors l’Union Européenne augmentera son objectif jusque 30%.
Le secteur des transports est l’un des secteurs les plus polluants. L’Europe s’est fixé
des objectifs assez élevés dans ce domaine en signant un accord avec les constructeurs
automobiles pour réduire les émissions de CO2 par véhicule à 140g/km à partir de 2009.
L’énergie utilisée pour la construction de bâtiments est également un réel problème.
Étonnamment, l’UE dépense de manière significative plus d’énergie pour la construction
des bâtiments que ne le fait la Chine. Tout comme la Chine, elle s’est fixée des objectifs
chiffrés et a adopté la labellisation des produits (même si elle le fit bien avant la Chine).
Le plan prévoit aussi une refonte du système de l’ETS. Il met en place des objectifs de
réductions des émissions par secteurs (transports, constructions, agriculture, déchets) qui
ne sont actuellement pas inclus dans les crédits ETS.
On est donc face à deux acteurs dont la nature même est très différente voire opposée.
Il faut donc garder en mémoire que si notre étude sera d’étudier les stratégies de ces deux
acteurs, il est évident que la différence de nature politique des deux régimes joue un rôle
important dans la course aux écotechnologies.
La Chine est aujourd’hui pour des raisons à la fois philosophiques mais également
pragmatiques d’adhérer à l’objectif global d’une réduction des émissions de gaz à effet
de serre. On peut résumer les faits ainsi : l’Union Européenne (et ses partenaires) est
l’instigatrice d’une prise de conscience et à l’origine d’une mise à l’agenda politique mondial
de ces questions. La Chine de son coté suit, de manière plus ou moins docile, les objectifs
et les réflexions menées. Aujourd’hui elle espère profiter de cette opportunité pour créer de
l’emploi et garantir une croissance élevée, condition de la paix sociale. Pour l’UE, le débat ne
se pause pas en ces termes à première vue même si comme la Chine elle pense pouvoir tirer
partie de ce nouveau marché pour soutenir sa croissance et permettre la création d’emplois.
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MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux
stratégies de soutien au marché des
écotechnologies.
Il faut avant toute chose rappeler que la Chine et l’Union Européenne ne sont pas deux
entités de même nature. Si ces deux pôles constituent les deux parties du monde les plus
peuplées, l’une est un Etat et l’autre une union d’Etats. Il est évident que la centralisation
du processus de décision en Chine constitue un avantage considérable dans la mise en
œuvre des réformes, quelles qu’elles soient.
Il convient donc d’analyser quels sont ces cadres pour mieux comprendre l’enjeu d’une
telle compétition. Quels sont les moyens d’action de l’Union Européenne pour créer ces
nouveaux pôles de compétitivité ? Une approche « top-down ou bottom-up » (C) ?
Quant à la RPC, quels sont les cadres juridiques et financiers (voire policiers) qui
permettent la création de ces pôles de compétitivité (B) ?
Auparavant, on reviendra sur les enjeux d’une coopération mondiale dans ce domaine,
tout en exposant de façon succincte les principaux défis que la communauté internationale
devra affronter (A).
A- Les enjeux d’une coopération mondiale dans le
domaine des écotechnologies.
Il convient tout d’abord de rappeler quels sont les principaux enjeux d’une coopération sur
1
des sujets tels que l’innovation et le transfert de technologies. L’institut européen E3G a
produit cette annéeune analyse qui correspond bien notre problématique.
Un retour sur la théorie et les idées qui circulent actuellement autour des
problématiques de transferts de technologies éclaire de façon déterminante la suite de la
réflexion, notamment quand il s’agit de savoir si l’éco-innovation est un bien public.
D’après E3G, une innovation plus rapide et dans un spectre plus large serait cruciale
pour parvenir à une sécurité climatique qui préserverait la sécurité énergétique. Mais les
politique nationales ne sont pas à la hauteur des défis à relever. Plus loin, information
intéressante dans le cadre de notre étude, on lit que si une coopération internationale doit se
mettre en place, les pays développés devront dépasser leur stratégies de développement
interne et s’ouvrir avec moins ambigüité. Toutes ces assertions ne sont bien sûr que des
propositions, mais elles donnent le ton à la suite de notre travail : au delà du débat EuropeChine, les écotechnologies et leurs transferts posent un véritable débat de fond. Les pays
1
E3G est une organisation indépendante à but non lucratif fondée en 2004 qui travaille dans l’intérêt public pour accélérer la transition
mondiale vers le développement durable.
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
en voie de développement (PVD) auront besoin de mettre en place une véritable politique
de l’innovation qui ne saurait attendre seulement le transfert de technologie des pays
développés vers leurs territoires.
Atteindre ce but dans un court laps de temps est un véritable défi. L’urgence du
développement de nouvelles technologies est évidente. Dans les 20 années à venir,
l’investissement dans les nouvelles technologies n’aura jamais été aussi important pour,
d’une part, remplacer les installations vétustes et, d’autre part, accélérer le développement
des technologies à basses émissions polluantes. L’UE, les Etats Unis et la Chine vont ainsi
chacun construire de nouvelles sources d’énergie d’une capacité d’environ 800 à 1000 GW
d’ici à 2030.
L’innovation et la diffusion des technologies adaptées nécessiteront une action
concertée à tous les niveaux de la chaîne de l’innovation. Cette innovation devra aussi
changer radicalement les logiques de marché habituelles pour qu’une adaptation rapide aux
conditions des PVD soit possible.
Le fait positif dégagé par cette analyse est que les bases économiques et techniques
existent déjà pour que de nouveau processus se mette en place. L’économie mondialisée
a déjà montré ses capacités à apporter des transformations et des solutions dans des
domaines tels que l’aérospatiale et l’industrie pharmaceutique par exemple. Le principal
problème aujourd’hui est de savoir comment mettre en oeuvre le meilleur cadre politique,
le meilleur agenda, le meilleur plan, pour permettre de faire face à tous ces défis ?
Dans ce contexte, et toujours d’après l’étude de E3G, les politiques nationales sont peu
susceptibles de parvenir seules à soutenir ces efforts. Est-ce que les innovations « lowcarbon » sont un bien public international ? Il y aura, et c’est un fait, des carences en
approvisionnement dans certaines parties du monde. L’action multilatérale est une solution,
elle procurera des aides complémentaires et adaptées à chaque pays, et conduira à une
collaboration internationale qui permettra de corriger les erreurs de marché et les erreurs
de politiques internes.
Malgré une certaine grandiloquence dans les déclarations et les bons sentiments
affichés, le rapport E3G est un rapport très fourni en statistiques et données chiffrées
aux sources fiables. Les questions que ce rapport pose et met en exergue sont en effet
fondamentales, mais dépassent les deux pôles que nous avons choisi d’étudier, à savoir
l’Union Européenne et la Chine. Il semble essentiel de recentrer le débat sur quelques
problèmes qui nous suivront tout au long de la réflexion. Où en est aujourd’hui la théorie ?
Quelles sont les propositions que le monde scientifique et politique mais aussi celui de la
recherche font à la communauté internationale pour résoudre le problème du réchauffement
climatique sur un plan économique pur ? La réponse est-elle à chercher du coté des logiques
de marché ? Faut-il changer nos habitudes commerciales ?
Toutes ces questions sont au cœur de notre sujet puisqu’il s’agit bien de comprendre si
les écotechnologies sont des biens (publics ?) qui échappent ou du moins devraient peutêtre échapper aux logiques de marché.
1) Restructurer le challenge du secteur de l’innovation des
écotechnologies
Pour parvenir aux objectifs que la communauté internationale s’est fixés, soit la stabilisation
de l’augmentation de la température globale à 2°C, l’innovation et la technologie seront
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MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
deux des facteurs fondamentaux de la réussite d’une telle entreprise. Il y a urgence
technologique pour éviter les crises humanitaires qu’une augmentation de la température
globale provoquerait. Mais de quelles innovations avons nous besoin ?
De quel type d’innovation avons-nous besoin ?
Résoudre le problème du changement climatique requiert une combinaison
d’innovations incrémentales et adaptatives ce qui aura des conséquences positives sur la
régulation des marchés et leur structure. On entend par là par exemple le fait que, de plus
en plus, l’effort devra être fourni par des partenariats financiers public-privé en même temps
que par l’intervention à différents niveaux. On peut illustrer cela par le tableau ci-dessous,
que l’on pourrait intituler « la chaîne de l’innovation » :
Il faudrait ainsi une intervention des gouvernements nationaux et d’investisseurs privés
à tous les stades de la chaîne de l’innovation.
Ce schéma correspond exactement à la situation de la Chine aujourd’hui dans la
mesure où elle a besoin des joint-ventures pour développer l’innovation, comme nous le
verrons plus loin.
Le processus d’innovation a plus tendance à se développer dans un contexte privé
et grâce à l’investissement privé, un investissement qui est international par nature. Les
dépenses du secteur privé dans l’innovation s’élevèrent à plus de 60% du total des dépenses
mondiales en R&D en 2006 (fait à relativiser ces derniers mois avec la crise financière). Dans
un autre temps, la coopération des différents gouvernements sera une condition importante
au maintien de l’effort d’innovation et de sa diffusion.
Pour parvenir à l’objectif de 2°C trois types d’innovation seront nécessaires d’après
le rapport E3G: une innovation incrémentale (amélioration de technologies existantes),
une innovation en fracture avec les tendances actuelles (création d’une technologie tout à
fait nouvelle) et une innovation adaptative (pour permettre le déploiement de technologies
existantes sur les différents marchés).
L’innovation « low carbon » est elle un bien public mondial?
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Cette question est fondamentale pour notre étude. Est-ce que les écotechnologies sont
des technologies qui échappent aux considérations mercantiles classiques ? Est-ce que la
logique de marché s’applique à elles ? Sont-elles un bien public mondial ?
Le fait est que l’investissement est insuffisant dans le domaine des écotechnologies.
Donc la réponse logique à ce manque d’investissements est une prise de conscience
internationale qui corrigerait les carences provoquées par les logiques de marché et ses
erreurs. L’acteur mandaté serait l’État.
D’un point de vue très strict, les innovations écotechnologiques ont tout l’aspect de
biens publics internationaux dans la mesure où les bénéfices de leur mise en œuvre profitent
à tout le monde sans considération de frontière. En d’autres termes, l’utilisation par un
pays d’une technologie permettant de réduire ses émissions n’empêche pas un autre pays
d’en jouir et d’en bénéficier. Et quand un pays réduit son intensité carbone, tout le monde
profite de la baisse globale. Ce qui veut dire qu’en l’absence d’un effort multilatéral, les
marchés privés n’investiront pas assez dans l’innovation « low carbon » relative à l’atteinte
de l’optimum social international.
Pour que l’innovation « low carbon » se diffuse, trois problèmes transnationaux doivent
être pris en compte et résolus : celui des droits de propriété intellectuelle (accords ADPIC),
celui de la création de réseaux et de plateformes (networks) pour accompagner l’innovation
par des infrastructures et un capital humain indispensable à la diffusion de l’innovation,
et enfin celui de la gestion du risque relative aux différents environnements juridiques et
sociaux.
En effet, aujourd’hui des investissements massifs sont effectués autant par le secteur
privé que par le secteur public. Pourtant ces investissements sont concentrés dans les
pays développés et sont orientés vers la recherche de gains de compétitivité. Chose
compréhensible, mais les écotechnologies ne devraient-elles justement pas suivre un autre
modèle de développement ?
« La concurrence est une chose fondamentale pour catalyser l’innovation mais
elle ne couvre pas vraiment tous les aspects et les spécificités du bien public
mondial que sont les écotechnologies. De plus, la communauté internationale
devrait fournir des efforts supplémentaires pour créer un système d’innovation
qui prend le risque de développer de nouvelles technologies, en rupture avec ce
qui se fait, c’est à dire des technologies pour les pays développés et les PVD.
Des innovations et une diffusion qui prennent en compte les institutions et les
2
habitudes commerciales de chaque pays »
.
Notons que le but demeure toujours une diffusion la plus rapide possible et à l’échelle.
Donc à la question de savoir si les éco-innovations sont un bien public global la réponse
est encore floue, du moins à ce stade de la réflexion. Il est pourtant évident que ces
innovations constituent un bien aux spécificités propres, et surtout que le but qu’elles se
fixent dépasse les frontières étatiques.
L’action multilatérale devrait aider à corriger les erreurs nationales
L’action à l’échelle nationale n’est pas la plus efficace possible, du moins elle ne l’est
pas en ce moment. D’après plusieurs sources dont E3G encore, il est indispensable de créer
une nouvelle balance des risques et avantages pour amener l’innovation à aller plus loin.
2
Shane Tomlinson dans le rapport E3G intitulé « Innovation and Technology Transfer » de 2008.
14
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
Les politiques publiques peuvent avoir un impact très grand sur les écotechnologies.
L’implication des gouvernements et leurs capacités à reconnaître à l’éco-innovation une
portée publique globale est fondamentale ainsi que leurs capacités à pallier les manques
d’une stratégie basée exclusivement sur un système de marché.
Le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) est en
faveur de grands changements en matière d’investissements et suggère qu’en
« l’absence de forts mécanismes et initiatives de soutien, et quand les énergies
fossiles sont peu chères et d’ores et déjà disponibles, le secteur public et le
secteur privés sont peu susceptibles de délivrer les technologies nécessaires au
prix et à l’échelle nécessaire pour faire face aux changements climatiques ».
Voici un tableau qui expose les dépenses publiques relatives à la R&D dans le domaine de
l’énergie dans les pays du G7 entre 1985 et 2005
Donc on voit bien que les dépenses publiques en R&D dans le domaine de l’énergie, du
moins dans les pays du G7, ont baissé de manière significative pour la plupart des énergies.
De plus il y a beaucoup de différences entre énergies : par exemple les dépenses en R&D
pour l’énergie atomique ont reçu la moitié des fonds.
L’innovation s’internationalise dans les domaines de la recherche mais aussi du
financement. Par exemple aujourd’hui l’intensité moyenne de R&D contrôlée par des firmes
étrangères est plus grande que celle contrôlée par les firmes des États en question. C’est
3
le cas du Japon, de la Suède, des Etats-Unis et du Royaume Uni . Cela confirme donc
l’hypothèse selon laquelle les activités de R&D sont de plus en plus dispersées puisqu’elles
se rapprochent des marchés et des pôles de savoir ou pôles d’excellence.
3
Commission Européenne (2004) : « Stimulating Technologies for Sustainable Development : An Environmental Technologies
Action Plan for the European Union ».
MORALES Josselin_2010
15
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Pourtant, les économies émergentes sont de très grands investisseurs dans le domaine
de l’innovation et ont, dans le cas de la Chine par exemple, l’ambition de devenir de
véritables pôles d’excellence à leur tour, des économies basées sur le savoir. En 2005
ème
la Chine est devenu le 3
plus grand investisseur en R&D (en termes de parité à
l’acquisition), juste après les Etats-Unis et le Japon avec une augmentation de 18 % par
an entre 2000 et 2005. D’un autre coté, les firmes investissent de plus en plus dans les
pays développés. Les firmes chinoises ont ainsi installé 37 unités de R&D à l’étranger, dont
26 se trouvent dans des pays développés (11 au Etats-Unis et 11 en UE). C’est également
dans le but d’acquérir les règles de marché et de droit de propriété intellectuelles que ces
firmes font cela.
En tout cas, pour le moment la collaboration en R&D est très faible excepté dans
le domaine de la fusion nucléaire. Et les stratégies nationales mises en place en ce
moment travaillent contre une coopération effective puisque qu’elles sont focalisées sur la
compétitivité nationale, et non sur la production de bien publics mondiaux évidemment. Par
ème
exemple, dans le 6
programme de recherche de l’UE, 209 programmes de recherche en
collaboration d’une valeur de 1,3 milliards d’euros ont été signés avec les Chinois, pourtant
seulement 35 millions d’euros ont finalement été alloués aux chercheurs chinois.
L’action à l’internationale ne doit pas remplacer les politiques nationales mais les
motiver et leur donner un cadre et les rendre efficaces.
Ces propositions qui sont une compilation de discours relevés dans plusieurs travaux
de différents Thinktanks ou rapports (Understanding China, E3G, site de la Commission
européenne) ont ceci en commun qu’elles proposent une refonte de la pensée économique,
c’est à dire repenser le marché en termes de vecteur de développement et non plus
exclusivement en termes de compétitivité.
On peut résumer l’exposé qui vient d’être fait de la manière suivante :
II y a consensus sur le fait qu’il faille limiter la hausse des températures à 2°C d’ici à
2050 pour éviter une catastrophe humanitaire et environnementale de grande ampleur.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il y aura un investissement de plus en plus grand
dans les écotechnologies dans les décennies à venir. Et que cet investissement doit être
accompagné d’un effort d’innovation.
Pour faire face au changement climatique on aura besoin d’une innovation
incrémentale, en rupture avec les pratiques actuelles pour que les effets sur le marché se
fassent ressentir au plus tôt.
Il y a un échec des politiques en termes d’investissement et de programmes de R&D :
actuellement les institutions multilatérales ne prennent pas assez en compte les problèmes
de manière transnationale.
Il faut une réelle coopération à l’échelle mondiale, coopération dont les termes restent à
définir, mais il semble évident que cette coopération devra résoudre les imperfections liées
aux logiques de marché.
Tout l’enjeu de notre démonstration sera donc de montrer si la Chine et l’UE ont mis
en place cette coopération, s’elles sont en passe de le faire ou si au contraire les logiques
de marchés priment.
16
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
2) Propositions de solutions à l’échelle mondiale : diffusion de
l’innovation dans les pays en voie de développement.
La capacité d’innovation est concentrée dans les pays à hauts revenus
L’innovation et l’invention sont deux activités dans lesquelles les pays développés sont
à la pointe et assurent leur préséance sur les autres pays du monde. Un véritable effort doit
être fait par les pays développés pour renforcer et construire une réelle capacité d’innovation
en rupture avec les capacités actuelles mais aussi une innovation adaptable aux PVD.
Le nombre de brevets techniques et scientifiques est corrélé au PIB per capita dans les
pays à hauts revenus. Mais il y a peu d’activité dans les pays des autres groupes comme le
montre ce graphique intitulé « invention et innovation scientifique » de la Banque Mondiale :
En fait, la plupart des technologies utilisées dans les PVD sont des technologies
importées avec tous les problèmes que cela pose comme nous le verrons plus loin
(DPI, transfert de technologies principalement). La Chine estime que 85% des brevets
qu’elle utilise dans les secteurs de haute technologie sont des brevets provenant de pays
développés.
La demande est elle aussi concentrée dans les pays à hauts revenus et dans les
économies en transition. Dans cette optique, le secteur privé n’a d’intérêt qu’à investir dans
le développement de ces innovations précisément, des innovations qui conviennent à ces
marchés. Le manque de capacité d’innovation des PVD est susceptible d’avoir un impact
très négatif sur leur habilité à limiter leurs émissions et à s’adapter. Par ailleurs, le manque
de capacité d’innovation a provoqué ce qu’on appelle des aires de recherches ‘orphelines’
dans la mesure où aucun fonds ne leur est alloué puisqu’elles sont non rentables.
Comme vu plus haut, l’effort des pays développés en matière d’investissement dans
l’innovation incrémentale surtout est crucial. On peut considérer que cela aura trois
implications importantes pour l’innovation dans les PVD :
Créer les structures de marché et de régulation qui faciliteront la pénétration des
nouvelles technologies sur les marchés.
MORALES Josselin_2010
17
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
S’assurer que les pays receveurs ont la capacité d’adapter l’innovation pour qu’elle
convienne aux circonstances locales.
S’assurer que les secteurs dits ‘orphelins’ sont pris en charge par l’action internationale.
Il est vrai que ces différentes assertions sont de grands principes qu’il sera difficile à
mettre en place. Pour autant, il n’est pas inintéressant d’étudier ces points de vues dans la
mesure où le problème du réchauffement climatique est le premier réel problème mondial
sur un plan environnemental et humanitaire. Il faut des idées neuves et tenter de remettre
en question le système de marché sans régulations.
Il s’agit ensuite de voir si la Chine et l’UE ont d’ores et déjà commencé à mettre en place
ce genre de stratégies ou si les deux entités les plus peuplées de la planète sont toujours
dans des logiques de marché. Si oui pourquoi et quelles difficultés rencontrent-elles ?
Apporter une innovation rapide et à l’échelle
Fondamentalement, l’innovation « low carbon » atteindra les nouveaux marchés
quand les entreprises seront sûres du ratio coûts/avantages. Pour cela, beaucoup de
données entrent en considération. Une action est requise pour augmenter la taille et
l’assurance des marchés et d’autre part dépasser les imperfections du marché pour
permettre l’investissement privé.
Il est essentiel de s’intéresser aux problèmes des barrières à l’innovation dues aux
manques d’investissement en R&D et au problème des DPI. Mais il est également important
de s’intéresser aux problématiques de création et de régulation du marché qui sont au moins
aussi importantes pour apporter un changement aux tendances actuelles.
« Facteurs clés concernant les marchés et affectant l’innovation »
18
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
Source : E3G report on innovation
L’innovation et sa diffusion sont affectées par des facteurs de marché variés. Les droits
de propriété intellectuelle sont eux aussi très importants mais nous les traiterons plus loin.
Dans le passé et dans d’autres secteurs des initiatives ont su dépasser ces barrières
à l’entrée sur le marché : l’appui des gouvernements par l’allocation de garanties a été
un facteur clé dans les innovations militaires ou spatiales par exemple. Et les problèmes
de taille de marché et d’assurance ont été dépassés grâce à la création de fonds pour
récompenser l’innovation ou par la régulation et la mise en place de standards. Tous ces
exemples pourraient très bien être mis en place pour le secteur des écotechnologies.
Utiliser les marchés pour permettre l’innovation
Augmenter la taille des marchés et la sécurité du marché des écotechnologies est la
condition sine qua non pour que les entreprises privées investissent de plus en plus dans
ce domaine.
MORALES Josselin_2010
19
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
En 2007 le marché mondial du carbone valait environ 64 milliards de dollars. Il avait déjà
presque doublé depuis 2006 puisqu’à l’époque sa valeur s’élevait à 31 milliards de dollars.
Les rapports les plus récents confirment cette tendance, puisque la valeur du marché avait
déjà atteint 87 milliards dans les neuf premiers mois de 2008 et avait atteint la somme de 116
milliards de dollars à la fin de l’année. Et pour relever le défi de l’innovation « low carbon »
il est essentiel que ces chiffres augmentent. Ce ne sera pas quelque chose de facile car il
est toujours compliqué de créer ou de faire fusionner des marchés existants sans générer
de volatilité.
Dans la première phase des crédits ETS européens par exemple, les allocations
d’émissions (EUA pour European Union Allowances) on perdu les deux tiers de leur valeur
après avoir atteint une valeur de plus de 30 euros en avril 2006.
Concernant le prix des Réductions Certifiées d’Emissions qui font partie des
Mécanismes de
Développement Propres, leur prix fut très stable durant l’année 2006. Elles se sont
maintenues autour de 11 dollars pendant toute l’année. Cependant, un grand espoir était
fondé sur la signature d’un renouvellement du protocole de Kyoto à Copenhague qui aurait
permis une garantie de stabilité efficace.
Il est en fait incontournable que les politiques s’accordent sur des objectifs communs
pour que le marché soit sécurisé et stable. Les investisseurs sont habitués à prendre des
risques sur la volatilité d’un marché, mais dans le cas précis de celui des écotechnologies,
comme ce marché est extrêmement lié aux prises de décision politique, les investisseurs
n’auront pas assez confiance pour faire des investissements à long terme. Le fait que
Copenhague soit un échec partiel ne va pas favoriser la situation du marché des
écotechnologies.
Il n’y a pas de critères miracles pour qu’un marché soit stable et sécurisé. Mais on
peut imaginer quelques facteurs qui pourraient rendre le marché des écotechnologies plus
robuste :
Il faudrait pouvoir mettre en place des accords sectoriels : aujourd’hui, le marché du
crédit carbone est dominé par l’UE (voir graphique). Ce sera un long processus que de
lier les différentes initiatives de pays volontaires pour créer un marché unique du crédit
carbone avec un prix unique de celui-ci. On pourrait très bien imaginer la création d’accords
sectoriels.
Créer des standards internationaux : la création de standards internationaux serait
bien sur un soutien au marché très important, plus particulièrement si ils mettent en place
des standards dynamiques qui augmenteraient la prédictibilité des évolutions d’un tel
marché. Beaucoup d’investissements existant en matière d’efficacité énergétique ne sont
pas faits s’ils n’ont pas la garantie de retours positifs. C’est en fait souvent la conséquence
d’imperfections du marché comme des coûts de transaction élevés, mais l’expansion du
marché ne changera rien à ce fait. Des politiques bien conçues et la régulation ont prouvé
leur efficacité à créer de nouveaux marchés, et par là, accéléré le déploiement et la diffusion
de nouvelles technologies.
Le financement public : le secteur public est un acteur vital pour proposer de nouvelles
manières de consommer et de produire dans des domaines comme les infrastructures, les
constructions, les standards de véhicules et les transports publics. La signature d’accords
par le secteur public sur ces nouveaux standards sera un moteur essentiel pour permettre
au marché des écotechnologies de se stabiliser.
20
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
Donc un défi supplémentaire est à relever : rendre le marché des écotechnologies
attractif et stable par la définition de standards internationaux, la signature d’accords
sectoriels et le soutien du secteur public. Nous verrons ensuite si la Chine et l’UE ont d’ores
et déjà mis en place de tels standards et si les logiques de marché sont une réalité ou bien
si elles les contournent.
Définir de nouveaux standards internationaux
L’idée derrière la définition de nouveaux standards internationaux et la mise en place
d’une régulation est toujours la même que dans la partie précédente à savoir rendre le
marché stable pour des produits innovants et permettre une réduction des coûts pour un
accès plus aisé.
Cela pourrait en effet jouer un rôle clé dans la création de demande pour soutenir
l’innovation et sa diffusion. Beaucoup d’investissements dans l’efficacité énergétique sont
strictement ‘economic’ (s’assurer un retour sur investissement élevé). Alors que d’autres
investissements ne sont pas faits à cause des incertitudes liées à ce marché, ou des coûts
de transaction trop élevés. Ces coûts de transaction empêchent parfois les investisseurs
de faire des transactions qui pourraient leur rapporter beaucoup. Souvent l’investissement
n’est pas fait parce que celui qui supporte le coût de l’augmentation de l’énergie n’est pas
le propriétaire. C’est l’exemple classique du propriétaire d’appartement qui n’investira pas
dans l’efficacité énergétique de son appartement puisque c’est son locataire qui supportera
les coûts d’une augmentation des prix de l’énergie.
La puissance publique a une fois de plus un grand rôle à jouer dans ce genre de
situation. En soutenant certains secteurs, en lançant des appels d’offres de grande ampleur,
en imposant par la règle de nouveaux standards etc.
Si c’est le cas pour l’État, cela pourrait également l’être à l’échelle mondiale. La
puissance publique internationale doit imposer des standards stricts qui stabiliseront les
marchés et permettront l’investissement à grande échelle dans ces secteurs. Il ne s’agit
donc pas de révolutionner le capitalisme en le remettant en question de fond en comble
mais bien d’utiliser les moyens que l’on possède pour impulser de nouvelles habitudes et
créer de nouveaux standards. Nous verrons ainsi comment en interne chaque État peut par
la règle, l’incitation ou l’imposition créer de nouveaux standards. En ce sens, la Chine et
l’Union Européenne ont deux stratégies différentes du fait de leur nature même.
B- RPC : quels moyens d’action sur la R&D et
l’investissement des entreprises sur son sol
Il convient alors de savoir si comme proposé plus haut, les différents pôles mondiaux
échouent à mettre en place un environnement d’incitation à l’investissement ou non. Quelles
mesures ont-ils mis en place ? Quelle place pour la collaboration dans leurs politiques
nationales ou supra-nationales dans le cas de l’UE ?
Pour cela, nous nous pencherons sur le cas de la Chine qui met en place un système
d’incitation à l’investissement bien particulier, aux antipodes de l’incitation à l’européenne.
Mais avant d’aller plus loin dans la réflexion il semble intéressant de se pencher sur
les textes qui fondent la politique économique chinoise et le soutien aux entreprises sur son
MORALES Josselin_2010
21
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
sol. Quels sont les moyens d’action dont dispose le gouvernement chinois pour mettre en
place la politique économique générale qu’il souhaite ?
Quels sont les liens qu’entretiennent le secteur public et le secteur privé, et dans quelle
mesure cela concerne notre sujet ? Le secteur des écotechnologies profite bien évidemment
de ces liens particuliers qu’entretiennent les entreprises avec le gouvernement : est-ce
réellement un avantage pour la Chine ?
1) Bonne volonté et grandiloquence : la RPC à l’assaut des
écotechnologies.
La volonté de la Chine de faire face au changement climatique par la mise en place de
politiques modératrices des émissions de CO2 est une chose évidente comme le prouvent
les rappels qui suivent. La Chine se dote d’un arsenal juridique et communique sur sa
volonté d’une Chine plus respectueuse de l’environnement par des « livres blanc » pour
imposer de nouvelles règles en interne et prouver au monde sa bonne volonté.
Le Livre Blanc sur les politiques et actions pour faire face au changement climatique :
La promotion des investissements verts s’inscrit dans une dynamique beaucoup plus
globale d’un effort affiché par les autorités chinoises pour faire face au changement
climatique.
L’information quant aux politiques que met en place la Chine dans ce domaine de
lutte contre le changement climatique par la promotion de la technologies dites durables
est très facilement accessible par internet (signe d’une grande volonté de communication),
directement sur le site du gouvernement chinois par le biais des « White Papers » ou
« Livres Blancs ». Prenons l’exemple du livre blanc intitulé : « China’s policies and Actions
for adressing Climate Change ».
Les principes énoncés sont clairs, la Chine compte sur l’avancée technologique et
l’innovation scientifique.
« Pour lutter contre le changement climatique la Chine adhère aux lignes de conduites
suivantes : donner une importance primordiale au développement scientifique, adhérer
à la politique nationale fondamentale qui est celle de la conservation des ressources
et à la protection environnementale, au contrôle des émissions de gaz à effet de serre
(…) s’appuyer sur l’avancée scientifique et technologique, augmenter la coopération
internationale, constamment augmenter sa capacité à faire face au changement climatique
et contribuer à la protection de l’environnement du monde ».
Rien de précis pour l’instant donc, on reste dans l’énonciation de grands principes
même si tout à fait louables. L’introduction au chapitre trois de ce livre blanc intitulé
« Strategies and Objectives for Addressing Climate Change » n’a rien d’original. Il l’est
pourtant dans la mesure où très rapidement dans ce chapitre il est fait référence à la
coopération internationale. Non pas que la référence aux autres acteurs soit en soi une
originalité, mais plutôt dans l’appel qui est fait au transfert des technologies.
« En faisant la promotion de leurs propres avancées technologiques et leurs
applications les pays développés (au premier rang desquels l’Union Européenne
et les Etats Unis) doivent promouvoir la coopération et le transfert technologique
et doivent matérialiser leurs promesses quant aux subventions financières, à
la coopération et au transfert de techniques. Ces pays doivent concrètement
22
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
effectuer ces transferts de finances et de technologies vers les pays en voie de
développement pour que ces derniers puissent obtenir les fonds dont ils ont
besoin pour mettre en place des technologies respectueuses de l’environnement
et leur capacité à décélérer et à s’adapter au changement climatique ».
Plus loin on en revient à des références plus classiques : celle de la conservation
énergétique par la loi, mais aussi la volonté de donner les mains libres aux lois et aux
mécanismes de marché pour la conservation énergétique (« Giving full play to the role of
new market-based mechanisms for energy conservation »).
On ne saurait ignorer la mise en place également du « China National Plan for Coping
with Climate Change » en juin 2007 qui s’est fixé plusieurs objectifs à atteindre d’ici à 2010
dont la promotion de la recherche scientifique relative au changement climatique.
Tous ces exemples soulignent la bonne volonté du gouvernement chinois de montrer
au monde que le premier émetteur de gaz à effet de serre travaille à la réduction de cellesci. Gardons en mémoire tout de même cette référence à la coopération internationale et au
transfert des technologies qui est un thème récurrent dans ce Livre Blanc.
On est donc bien dans la suite logique de ce qui fut énoncé dans la première partie à
savoir que la Chine s’inscrit dans cette dynamique d’entraide internationale. Elle souhaite
une coopération dans ces domaines avec les grandes puissances mondiales et plus
particulièrement avec l’Union Européenne. Que cache ce discours ? Il n’est pas dans les
habitudes chinoises de demander de l’aide. Demander de l’aide à l’Occident ne doit pas être
chose aisée à moins que cela soit motivé par d’autres sentiments. Est-ce par pragmatisme
que la Chine appelle au transfert de technologies, ou est-ce par opportunisme. Toujours
est-il que la Chine se dit par ces textes prête à coopérer avec l’Union Européenne et les
autres grandes puissances. Rappelons quand même que sur ce marché c’est bien l’Union
Europénne qui détient la place dominante comme le rappelle le graphique suivant.
« Le marché des crédits carbone : volumes et valeurs en 2007 »
MORALES Josselin_2010
23
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
La loi et les politiques économiques :
Pour continuer en ce sens, il est intéressant de s’arrêter un instant sur les moyens de
mise en œuvre de reformes dans ce domaine. Comme vu plus haut, est-ce que la Chine
dispose de moyens particuliers pour mettre en place des standards et attirer l’investissement
en interne ou étranger ? Quels sont les moyens dont dispose le pouvoir central pour
atteindre les objectifs que le pays se fixe à lui-même ? Ces moyens sont multiples et passent
essentiellement par la loi comme nous allons l’étudier.
Le Livre Blanc fait référence à l’amendement de la loi sur la Conservation de l’Energie.
Le bureau général du Conseil d’État chinois a publié une circulaire sur le contrôle strict de
l’augmentation de la température standard pour l’air conditionné dans les bâtiments publics.
Il est fait référence à la mise en place d’une politique économique pour la conservation
énergétique. Mais il s’agit surtout d’intensifier les efforts dans la R&D pour s’armer
scientifiquement contre le réchauffement climatique. Plus loin sont également précisés des
ème
chiffres : « le gouvernement a investi durant le 10
plan quinquennal (2001-2005) plus de
2,5 milliards de yuan dans la recherche scientifique et le développement technologique. Et
24
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
ème
à la fin de 2007 le 11
plan quinquennal (2006-2010) a alloué plus de 7 milliards de yuan
pour la recherche scientifique dans la conservation énergétique et la réduction d’émission ».
On voit donc bien qu’il y a en Chine une stratégie Top-Down de conservation de
l’environnement qui passe en grande partie par la promotion de la recherche et de
l’investissement dans les technologies et la recherche. Le gouvernement a les moyens à
tous les niveaux de mettre en place ces politiques par un pouvoir centralisé très fort et
qui s’applique équitablement à toutes les provinces et régions de la Chine. Il en est tout
autrement pour l’Union Européenne comme nous le verrons plus loin.
Ce qui marque à la lecture de ce livre blanc dans un deuxième temps est cette référence
constante au transfert de technologies, à la nécessité d’une aide internationale dans ce
domaine. Pourquoi ? La Chine a-t-elle réellement besoin de cette aide ou fait-elle preuve
de fausse modestie (rappelons-nous que la Chine, malgré sa position dans l’économie
mondiale ne cesse d’insister sur son statut d’économie en transition et de pays en voie de
développement).
Les documents sur la mise en place de politiques générales telle que le Programme
National de la Chine sur le Changement Climatique (China National Climate Change
Programme) pose les grandes lignes mais leur application est assurée par de nombreuses
lois, règlements et de nombreux documents quant à leur mise en œuvre. En fait, le
changement climatique n’est pas toujours au centre des préoccupations même s’il en résulte
une baisse des émissions. Le gouvernement central promulgue des lois, et il s’assure
quelles seront bien respectées par toutes une séries d’instruments de contrôle à tous les
échelons. C’est par ces données nouvelles qu’on peut affirmer que la Chine se préoccupe de
plus en plus de ces questions. Tous les secteurs sont concernés : la politique industrielle plus
particulièrement sur les thèmes de l’efficacité énergétique, de la production de l’électricité
et des énergies renouvelables mais aussi sur le thème des transports.
Les transports seront un des défis majeurs que devra relever la Chine si elle souhaite
réduire ses émissions. C’est un secteur qui prend de plus en plus d’ampleur (cf le
marché automobile en Chine par exemple). Et c’est un secteur pour lequel il est aisé
de fixer des standards de production comme l’a fait l’Union Européenne récemment.
Contrairement à l’UE, la Chine fixe elle-même les prix de l’essence et depuis bien des
années le gouvernement fixe des prix nettement en deçà des prix du marché réel. Mais de
plus en plus la Chine essaie d’équilibrer ses prix avec ceux du marché mondial. Dans le
même temps, les taxes sont utilisées à grande échelle pour orienter la vente des véhicules.
Les voitures les plus consommatrices d’essence sont taxées à 20% et les moins polluantes
à moins d’1%. En parallèle il y a un véritable effort de R&D dans le domaine des voitures
hybrides et à basse consommation.
Il y a bien une prise en compte politique de la « croissance verte » qui comme
le prévoient la plupart des économistes pourrait être un relais majeur de croissance
4
dans un avenir proche. Comme le souligne le rapport de la China Greentech initiative ,
l’environnement politique est « favorable » à ce secteur comme le prouve la mise en place
d’incitations fiscales et de subventions. Rappelons que le plan de relance adopté par la
Chine fin 2008 et qui s’élevait à 586 milliards USD consacrait 37% de cette somme au
secteur des technologies vertes (Cedric Teychené).
Des moyens de mise en œuvre considérables jusqu’au plus petit niveau :
4
Le rapport Greentech est l’aboutissement d’une collaboration entre chercheurs et plus de 80 entreprises leaders dans les
technologies, des entrepreneurs, des investisseurs, des ONG et des conseillers politiques.
MORALES Josselin_2010
25
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
La Chine est un pays extrêmement centralisé. Dans le domaine de la protection de
l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique cette centralisation de
la décision et la structure pyramidale qui l’accompagne est un avantage considérable par
rapport à ces deux concurrents majeurs que sont les Etats-Unis et l’Union Européenne.
Quand ces deux derniers ne peuvent qu’énoncer des principes à suivre, la Chine par un
contrôle à chaque niveau peut vérifier si l’ordre a été suivi ou s’il ne le fut pas.
Pour illustrer cela, il est intéressant d’observer la loi et de voir comment dans les faits
le gouvernement central de Pékin s’appuie considérablement sur cette structure. La loi sur
la promotion de la production propre en est un parfait exemple.
er
Loi adoptée le 29 juin 2002 et effective au 1 janvier 2003, elle prévoit à son article 5
que le gouvernement local du peuple ou le niveau du comté seront responsables de prendre
l’initiative de promouvoir une production plus propre sur le terrain sous leur administration.
Ils seront aussi responsables de la qualité et de la supervision technologique (voir annexe
pour texte original).
On voit mal l’Union Européenne prendre de telles décisions et imposer à la commune
ou au département la prise en charge, la promotion et la supervision technologique d’une
production plus propre.
2)Les liens publics/privés et l’internationalisation des firmes : un
avantage certain dans la course aux écotechnologies
Les avantages du système chinois pour mettre en place et contrôler les politiques
économiques qu’il souhaite mettre en oeuvre
Pour mieux comprendre les enjeux en présence, il est essentiel de souligner
l’importance du rôle de l’État dans l’économie chinoise et notamment dans le
développement des firmes. Parfois complètement sous la coupe de l’Etat, parfois en partie
ou complètement privées ou encore en Joint Venture, les entreprises chinoises ont des
stratégies assez opaques et qui laissent l’investisseur étranger seul face à ses doutes
et interrogations quant aux réelles intentions des industriels. Par cette démonstration des
liens entre l’État et les entreprises, le but est de montrer les instruments dont dispose la
Chine pour influer sur la politique économique. Une fois de plus, l’imposition de standards,
l’introduction et le soutien au marché des écotechnologies est une donnée stable en RPC.
Dans le cadre de notre étude il était donc important de rappeler que si la Chine et l’Union
européenne sont bien deux pôles qui entretiennent depuis l’origine des liens commerciaux,
il faut bien se souvenir que tout en Chine est contrôlé par le politique, de près ou de loin.
Lorsque l’Union Européenne ne peut qu’inciter, la Chine peut, elle, imposer, édicter comme
bon lui semble. Nous tenterons donc dans cette partie d’évaluer à quel point les entreprises
chinoises sont sous le contrôle de l’État mais surtout quelles en sont les conséquences sur
les performances économiques de la Chine et sur le commerce avec ses partenaires, plus
précisément avec l’Union Européenne.
Les entreprises sont largement sous le contrôle de l’État depuis la création de la RPC
en 1949. La constitution de l’État elle-même précisait que la propriété du sol et des moyens
de production ne procédait que de l’État, sans aucune exception. Dans cette démonstration
nous nous appuierons sur un rapport que l’institut HEC EURASIA a produit en 2007.
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MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
« L’État chinois est très souvent le grand, sinon l’unique décideur des stratégies
d’entreprises à l’international, fussent-elles officiellement indépendantes ».
La construction de la Chine s’appuie donc sur cet arsenal d’entreprises d’État, petites
ou grandes, locales ou nationales. Même après le lancement des réformes des années
80 par Deng Xiaoping, même après qu’il eut imposé le slogan bien connu aujourd’hui
« peu importe la couleur du chat tant qu’il attrape les souris » ou ce que la théorie
économique chinoise appelle l’ « économie socialiste de marché », le système économique
apparaissait massivement comme l’héritage étatique de la période maoïste. Même après la
reconnaissance de la propriété privée dans la constitution de mars 2004 et après la loi sur
la propriété de mars 2007 l’arbitraire étatique ne fait pas encore pencher le système vers
un État de droit libéral.
Au cours des année 90 un leader particulièrement actif du nom de M. Zhu Rongji
(vice-Premier ministre en charge de l’économie puis Premier ministre de mars 1998 à
mars 2003) a fait évoluer la direction de la production de manière déterminante. Les
quelque 300.000 entreprises d’État (la plupart en situation d’obsolescence avancée) ont
été largement incitées à se réformer. Certaines furent fusionnées contre leur gré, d’autres
remises aux gouvernements provinciaux, les troisièmes vendues ou priées de constituer
des joint-ventures avec des entreprises étrangères. Ces réformes furent douloureuses,
transformant certaines régions en « champs de ruines sociales » pour reprendre les termes
de l’analyse.
Ces réformes à marche forcée ont fait apparaître une nouvelle catégorie d’acteurs
avec de nouvelles structures et des ambitions d’entreprises modernes. Pour mieux
encadrer et faire grandir des champions nationaux à été créée en 2003 une grande
commission de rang ministériel, la SASAC (State Asser Supervision and Administration
Commission) dépendant directement du Secrétaire Général du PCC et regroupant près de
196 entreprises « stratégiques » du pays, avec un habile dosage de secteur. On voit mal
la Commission européenne faire de même.
Les plus connues de ces entreprises sont China Mobile (téléphonie), COSCO (transport
maritime), Sinopec (pétrole) Minmetals (ressources minières)… mais comme le souligne
l’étude de HEC EURASIA, « il en existe beaucoup d’autres bien plus obscures ».
Parmi les entreprises d’État réformées beaucoup étaient des acteurs locaux, d’autres
« dans les profondeurs de l’appareil d’État ». Mais grâce à certains leaders charismatiques,
qui ont profité d’une croissance économique euphorique, quelques firmes d’état se sont
hissées au premier rang de leur secteur, d’abord sur le foisonnant marché intérieur, et à
présent hors des frontières.
Comme le rappelle l’étude : « qui se souvient que Haier était une toute petite usine
de machines à laver de la province du Shandong au bord de la faillite lorsqu’un manager
de 35 ans particulièrement doué, Zhang Ruimin, l’a prise en mains pour en faire un leader
des produits blancs ? Qui peut imaginer que Legend, aujourd’hui Lenovo est une start-up
concoctée avec des moyens insignifiants par l’Académie Chinoise des Sciences ? À coté
de ceux-là, d’autres grands seigneurs de l’appareil d’état ont su aussi se faire une place au
service d’une stratégie nationale menée au cordeau par Pékin que ce soit Baosteel, China
Mobile ou les « trois sœurs » du pétrole (PetroChina, CNOOC et Sinopec). La production
industrielle a doublé tous les cinq ans.
L’ État et les entreprises main dans la main.
On voit déjà se profiler des différences majeures entre les stratégies de développement
chinoises et européennes. Il convient pour aller plus loin dans la réflexion de montrer à quel
MORALES Josselin_2010
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
point l’État est complètement intégré dans le jeu de l’entreprenariat en Chine et de mettre
en lumière la frontière très mince et parfois inexistante qui sépare la sphère publique de
la sphère privée.
L’État chinois est toujours présent dans l’actionnariat qu’il soit en première ligne ou
« derrière le paravent ». L’État chinois, comme mentionné plus haut, est très souvent
l’unique décideur des stratégies d’entreprise à l’international, fussent-elles officiellement
« indépendantes ».
Lorsque Petrochina lève en bourse (en 2000) 3,1Md. USD venant d’investisseurs
comme Warren Buffet, chacun sait qu’il y a derrière la China National Petroleum Corp., dont
l’État détient directement 90%. Lorsque les grandes banques publiques (China Construction
Bank, Bank of China, Industrial and Commercial Bank of China) attirent les investisseurs
sur la place de Hong Kong (en 2005 et 2006), chacun sait qu’un étranger ne peut négocier
qu’une part très minoritaire dans leur capital. Lorsque Lenovo acquiert la division PC d’IBM
(en 2003) la directrice financière de cette entreprise Mary Ma, a beau s’échiner à répéter
qu’il s’agit d’une décision purement commerciale sans interférence de l’État, chacun sait que
sa Holding de tête (Legend qui détient 60% de son capital) est détenu à 65% par l’Académie
Chinoise des Sciences, sous étroit contrôle du parti.
On le voit aussi dans les grandes décisions de management. La SASAC ne montre
pas le moindre état d’âme ni n’offre la moindre explication, par exemple, à la permutation
pure et simple des président des trois premières compagnies rivales de téléphonie : China
Unicom, China Mobile et China Telecom (bien que celle-ci ne soit détenue par l’État qu’à
hauteur de 17%).
« Même lorsque les entreprises recrutent de nouveaux dirigeants formés en
Occident aux meilleurs méthodes de management et autre gouvernance, ces
derniers doivent s’initier rapidement aux arcanes du Parti et des guanxi (réseaux,
relations) du pouvoir pékinois. Appelé à la direction générale de China Netcom,
Edward Tian, docteur de l’Université Texas Tech et raider millionnaire d’Asia
Info Holdings, a ainsi découvert l’actionnariat un peu particulier de ce géant
(100 000 employés), formés à parts égales du Ministère des Chemins de fer,
de la Municipalité de Shanghai, de l’Académie Chinoise des Sciences et de
l’Administration d’état dela Radio, du Film et de la télévision.
Le business et la politique, même pour des entreprises moins emblématiques ou plus
locales, vivent en Chine en concubinage notoire ».
En effet, un comité exécutif chinois comporte toujours le Secrétaire du Parti de
l’entreprise, lequel est le dernier à s’exprimer lors des réunions dudit comité. L’administration
tentaculaire chinoise dont procède toute autorisation est le décalque exact de la pyramide
du PCC, forte de 72 millions de membres, avec les mêmes grades hiérarchiques. Aucune
stratégie significative d’entreprise, surtout à l’international n’est donc pas menée dans l’aval
du Parti.
Il faut bien se rappeler que la distinction entreprises publiques/privées n’est pas toujours
pertinente en Chine : de nombreuses entreprises avec un actionnariat « privé » restent
en réalité largement tributaires du soutien politique ou financier de l’État central ou de leur
province. Les multinationales chinoises au capital public ou privé ont un certain nombre
d’obligation vis-à-vis du parti, de leur communauté de leur guanxi qui les rendent d’une
façon ou d’une autre dépendantes de la sphère publique.
L’obsession des champions nationaux
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MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
Pour des raisons à la fois de puissance et de gloire nationale, la Chine souhaite à
tout prix placer ses plus grandes entreprises dans le mythique classement du Fortune 500.
Le secteur des écotechnologies n’échappe donc pas à cette tendance que ce soit dans le
photovoltaïque ou l’éolien. Aujourd’hui elle en a 22, l’objectif est de parvenir au chiffre de
40 pour se placer juste derrière les Etats Unis (164 au classement).
La Chine est atteinte du syndrome du « bi gis beautiful » et souhaite bâtir des champions
nationaux. Cela passe parfois par l’internationalisation. Il y a aussi une arrière pensée
de politique intérieure puisque depuis la session de mars 2005 de l’Assemblée Nationale
Populaire, nombre de voix se sont élevées aux échelons les plus déterminants du Parti (et de
la société civile) pour dénoncer la mainmise des étrangers sur des pans entiers de l’industrie
chinoise. Ce thème est l’un des sujets forts du XVIIe congres du PCC d’octobre 2007. Il
faut donc contrebalancer ce résultat trop brillant de l’ouverture massive aux investissements
étrangers par la création entre autres de champions nationaux.
La situation actuelle est bien contrastée d’un secteur à l’autre et les chiffres quant au
secteur des écotechnologies ne sont pas clairement disponibles pour le moment. Ce qu’il
faut retenir c’est qu’en général les largesses financières dispensées sont à la hauteur des
ambitions de Pékin : rabais sur le taux d’imposition appliqué aux exportations, crédit à taux
zéro (y compris pour les filiales à l’international), remboursement de la première traite prévu
parfois dix ans après l’ouverture de la ligne de crédit, recours au « pactole » que constituent
les réserves de change amassées sans relâche (1 330 Md USD fin juin 2007). Cette politique
marque des points puisque sur les 100 plus importantes multinationales issues de pays
émergents 44 viennent de Chine. De la à devenir des champions mondiaux il n’y a qu’un
pas pour les dirigeants chinois !
Donc une fois de plus on voit à quel point les moyens dont dispose le pouvoir central
chinois sont quasi illimités pour parvenir à ses fins économiques ou politiques. Il est évident
que si la Chine décide aujourd’hui de devenir le leader mondial des écotechnologies elle
investira le maximum pour parvenir à ce stade. En comparaison l’UE comme nous le verrons
plus loin dispose de moyens bien moins étendus.
China Huaneng signe un contrat de 1,2 milliard de dollars avec des partenaires chinois.
L’essentiel de la capacité chinoise à l’innovation et au développement de son économie
est cette capacité tout à fait inégalée qu’a le système communiste chinois de planifier un
développement à long terme. Yang Jiemian, président des Instituts de Shanghai pour les
études internationales, ajoute que « rares sont les pays qui peuvent se fixer des objectifs
sur cinquante ans » avant de rappeler la doctrine officielle. En ce moment le pays a beau
être en pleine croissance, il reste un pays « en développement ». En 2050 il sera un « pays
développé » et à la fin du siècle, « une puissance mondiale » (Le Figaro, mardi 13 avril 2009).
Ce mardi 25 mai 2010, le géant chinois China Huaneng a signé un contrat de 1,2
milliard de dollars avec 6 fabriquants chinois de turbines éoliennes. Le contrat représente
une capacité totale de 1,8 gigawatts (GW). Les turbines éoliennes ont été commandées
auprés des 6 plus grands constructeurs chinois soit Sinovel, Dongfang, Shanghai Electric
Group, China Shinbuilding Industry Corp, Zhejiang Machinery, Electrical Group et un
dernier constructeur dont le nom est inconnu. Chaque constructeur fournira une capacité
équivalente à 300 mégawatts. China Huaneng envisage de produire 20 GW d’énergie
éolienne d’ici à 2020, l’équivalent d’environ 10% de la capacité de production totale estimée.
Le groupe produit aujourd’hui 2,8 GW grâce à l’éolien, principalement dans le nord de la
Chine et les régions côtières.
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Exemple typique d’association publique privé dans la mesure où Huaneng est une
entreprise d’État et que les commandes qu’elle vient de passer à ces 6 fabricants sur son
propre territoire, 6 entreprises privées.
3. L’appel au transfert des technologies vertes, l’aveu d’une stratégie bien pensée.
Pourquoi la Chine demande-t-elle aujourd’hui le transfert des technologies vertes
vers son territoire ? Nation on ne peut plus fière et déterminée à s’élever sur la scène
internationale de manière autonome, pourquoi la Chine se considère-t-elle aujourd’hui
toujours comme un pays en voie de développement ?
ème
Devenue 4
économie mondiale, avec l’une des croissances les plus stable et des
plus élevées que l’histoire ait jamais connu, à l’heure où l’on parle d’instituer entre elle et les
Etats-Unis un G2, pays qui jouit d’un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU, la
Chine se considère toujours comme un pays en voie de développement. Bien sûr la Chine
n’est pas un pays développé au sens où nous, occidentaux l’entendons. Bien sûr une partie
de la population chinoise vit dans la pauvreté, les droits de l’homme n’y sont pas respectés
et l’état « verrouille » un grand nombre de secteurs. Cependant, d’un point de vue politique
la Chine aurait très bien pu faire le choix de se placer dans le camp des pays développés.
Pourquoi à Copenhague, la Chine siégeait du coté des PVD ?
La tactique est évidente et vise à conserver les avantages que confère le statut de
PVD tout en se réservant le droit de brandir lorsque cela semble être nécessaire, son rang
de quatrième puissance mondiale. Sur ce point, le secteur des écotechnologies est très
représentatif comme nous allons le démontrer.
La Chine : un pays en voie de développement ?
Lorsque la Chine appelle au transfert des technologies vertes elle le fait en tant que
pays leader des pays en voie de développement. Pourtant, la Chine n’aurait aucune difficulté
à acquérir les brevets dont elle demande le transfert dans la mesure où elle dispose de
grandes réserves de devises. Que cache donc cette stratégie ?
La réponse à cette question semble évidente : oui, la Chine est toujours un pays en
transition. Pourtant cette année la première université chinoise est entrée dans le top 200
des meilleures universités du monde, son économie est la quatrième de la planète et sa
part dans le commerce mondial ne cesse d’augmenter. La Chine est-elle réellement un pays
en développement ou se cache t’elle derrière cette dénomination pour mieux profiter des
avantages que ce statut lui procure ? Il faut donc aller plus loin et dépasser les simples
données numériques.
Si socialement la question ne se pose pas (chômage, travailleurs migrants, pauvreté
d’une grande partie de la population), elle se pose économiquement : est-il juste que la
Chine se place du côté des pays en voie de développement lors de Copenhague alors
qu’elle est numéro deux des émissions de gaz à effet de serre ? Alors que l’idée d’un G2
(USA-Chine) pourrait voir le jour ?
Toujours est-il, calcul politique ou pas, que la Chine, par cette fausse modestie, appelle
de plus en plus souvent au transfert de ces technologies vers son territoire de la part des
pays industrialisés.
C’est ainsi que les 7 et 8 novembre 2008 à Pékin, 800 participants venus de 67 pays
ont appelé au transfert des technologies vertes vers la Chine pour relever les défis liés aux
changements climatiques. Citons la déclaration faite par l’Organisation des Nations Unies :
30
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
« Les transformations technologies nécessaires qui permettent de répondre
aux défis liés aux changements climatiques ne pourront se faire que par un
transfert des technologies vertes des pays développés vers la Chine et les pays
en développement ». Ban Ki-moon a déclaré qu’il fallait « penser différemment et
prendre des mesures spécifiques pour éliminer les obstacles à la libre diffusion
des technologies propres qui ont prouvé leur valeur à maintes reprises ».
Cette déclaration est de bon augure pour la Chine qui n’en finit plus de payer le prix des
brevets qu’elle doit acheter pour produire toutes sortes de technologies vertes (le brevet du
processus de liquéfaction du charbon en est le dernier exemple). Cela milite en sa faveur
dans le cadre des procès qui la concernent en matière de respect des droits de propriété
intellectuelle.
D’après un article du site internet Actu environnement de S. Fabregat, la Chine ne se
place évidemment pas sur ce marché comme un pays développé dans la mesure où elle
compte plus sur la quantité de la production et les bas coûts de ces produits pour inonder
le marché mondial plutôt que sur la R&D (stratégie UE et USA).
La Chine entretient avec ses entreprises des relations très proches qui empêchent donc
l’investisseur européen d’y voir clair quant aux intentions des investisseurs et promoteurs
chinois. Une stratégie de promotion des technologies vertes entièrement « top down » sous
forme de directives et de lois et de rendu de compte très efficace.
Quels sont les besoins technologiques de la Chine ?
Il s’agit en fait dans cette partie de définir quels sont les besoins réels de la Chine
dans le domaine des écotechnologies. On considère donc que la Chine a besoin d’une aide
internationale pour atteindre les objectifs qu’elle se fixe à elle même sans remettre en cause
son statut de pays en voie de développement .
Pour définir les besoins technologiques de la Chine il faut d’abord rappeler quels sont
ses objectifs en la matière et quelles sont les actions requises pour atteindre ces objectifs.
Ceci est résumé par le tableau suivant :
Quels développements technologiques et quels domaines nécessitent la coopération.
L’UE peut d’après ce tableau intervenir dans la catégorie « Cooperation requirements ».
Les éléments clés de cette stratégie sont déjà mis en place par une série de politiques
gouvernementales et de lois comme vu plus haut. Rappelons les plus importantes :
Le programme de développement scientifique et technologique de moyen et long terme
qui couvre la période 2006-2020 :
MORALES Josselin_2010
31
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Définit des secteurs clés dans lesquels les efforts doivent être fournis en priorité
(la recherche de nouvelles sources d’énergie plus propres par exemple, l’industrie par
l’efficacité énergétique mais également les transports, et la planification urbaine et la
construction).
Plan qui prescrit également dans quels domaines d’innovation et de développement
il reste des efforts à fournir en R&D, tels que le manufacturing, le développement des
matériaux avancés et les composants clés.
ème
Également le 11
plan quinquennal (2005-2010) qui prévoit la réduction de la
consommation d’énergie par unité du PIB de 20%.
Le plan de conservation d’énergie à moyen et long terme (2004-2020) qui tend à faire
baisser la part de l’utilisation du charbon dans la production d’énergie chinoise.
Et la loi sur les énergies renouvelables qui tend à faire passer de 8 à 15% les
sources d’énergie renouvelable primaires (éolien, énergie par l’eau, la biomasse, nucléaire
et solaire).
De plus, le gouvernement chinois commence aujourd’hui à formuler de nouveaux
objectifs en ce qui concerne la réduction de l’intensité énergétique, chose qui sera
ème
incorporée dans le 12
plan quinquennal. Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il
inclurait une réduction de l’intensité carbone de 45% d’ici à 2020. L’institut de recherche sur
l’énergie (ERI) sous la houlette de la commission de réforme et du développement national
du gouvernement chinois (NDRC) a récemment publié un panel de scénarii pour l’horizon
2050. D’autres études extérieures telles que celle faite par l’université de Sussex et le centre
pour la recherche sur le changement climatique de Tyndall sont des sources alternatives
qui permettent d’étendre le champ de vision. Ces différents scénarii sont clairement visibles
sur le graphique suivant :
Le scénario chinois (Business as usual) renvoie à l’éventualité d’un non changement
de politique énergétique. C’est sur cette base que les autres études plus ambitieuses
s’appuient comme le montrent les deux autres scénarios gouvernementaux en vert en en
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MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
rouge. Le scénario vert fait la supposition d’un usage massif de technologie de captage et
de stockage de carbone. Les scénarii Tyndall se fondent sur la mise en place potentielle
d’un véritable budget carbone basé sur une allocation fournie aux pays membres d’une
organisation d’un genre nouveau.
Dans tous les cas, ce graphique présente les données et les analyses les plus récentes
et les plus détaillées quant aux projections faites par le gouvernement chinois d’une part et
les centres d’étude les plus réputés de l’autre.
La Chine a besoin de mettre en place un panel de technologies en adéquation avec
ces chiffres dans des secteurs variés dans le but de suivre un chemin (pathway) de
développement plus écologique. La Chine doit agir concrètement dans cinq secteurs-clés
qui sont : l’énergie, les transports, l’agriculture et l’exploitation des terres, la construction et
l’industrie à forte émission.
Le résultat net de ces activités proposées serait la réduction de 20% au total des
besoins primaires en énergie pour le scénario « Enhanced Low Carbon » d’ici à 2050 au
scénario BAU. Dans le même temps cela voudrait dire une augmentation significative de la
part des énergies propres et renouvelables dans les sources d’énergies primaires.
Les paris les plus grands sont faits sur l’hydropower et l’éolien, le nucléaire qui
passeraient selon les estimations de 9GW en 2005 à 66GW en 2020 et à 338GW en 2050.
Mais aussi sur l’accroissement des installations de gaz naturel de 2GW en 2005 à 66GW en
2020 et à 205GW en 2050. Quant aux technologies « coal burning » qui restent le problème
majeur chinois, les objectifs sont d’une pénétration de 40% des installations en 2020 et
100% en 2050.
Les réductions additionnelles seront atteintes en changeant certaines technologies de
production industrielles telles que le ciment et le fer, mais aussi en utilisant de plus en plus
les technologies de captage du CO2. Le problème reste que ces technologies ne seront pas
mises au point avant 2020, mais elles contribueront à une réduction de 20% des émissions
de gaz à effet de serre de la Chine sur la période 2020-2050.
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Ce qu’on peut retenir de ces faits est que des investissements majeurs vont devoir être
fait dans la décennie à venir surtout si on ne veut pas voir la Chine se bloquer dans un
chemin de développement figé sur une production encore plus émettrice en carbone.
C- L’Union Européenne et la promotion des
technologies vertes
La stratégie de promotion des écotechnologies est bien sur complètement différente entre
la Chine et l’Union Européenne. De natures différentes, les deux entités mettent en place
des moyens différents, moyens qui diffèrent par la nature même des deux pôles. Système
centralisé à l’extrême d’un coté, fédéralisme hybride de l’autre, contrôle social intense
d’un côté et société civile au premier plan (très réactive sur des thèmes tels que ceux de
l’environnement) de l’autre.
Il ne s’agit donc pas de comparer ni de porter un jugement moral sur les faits mais bien
de mettre en lumière les tendances et les avantages/inconvénients des deux parties.
L’UE est a priori dans une optique moins offensive de ‘conquête du monde’ par
les écotechnologies. Elle est plutôt dans une stratégie de long terme, envisageant les
écotechnologies comme une source de croissance. La création d’emplois dans les nouvelles
sources d’énergies permettrait une baisse de la facture énergétique dans l’UE.
1) Objectifs et lignes directrices pour une croissance verte :
La Commission Européenne, un acteur primordial.
Tout comme à l’échelle étatique, c’est le pouvoir exécutif qui met en place les
politiques liées à la protection de l’environnement et à la promotion des écotechnologies.
La Commission européenne prend donc en charge cette mission dans le cas de l’Union
européenne. Rappelons que c’est aussi elle qui prend en charge la signature de contrats
commerciaux avec des partenaires provenant d’États hors Union Européenne.
La Commission communique beaucoup sur le sujet des écotechnologies et de leur
promotion. Le dernier rapport date du 2 mai 2007 et rend compte du plan d’action en faveur
des écotechnologies sur la période 2005-2006. Ce rapport est une communication de la
part de la Commission aux autres pôles du pouvoir européen, c’est-à-dire au Conseil, au
Parlement mais également au comité économique et social européen et au comité des
régions. Il convient d’analyser ce rapport dans la mesure où il donne le ton général de ce
que la Commission tend à mettre en place face au défi de la diffusion des écotechnologies,
pour faire face aux objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre dans le
cadre du protocole de Kyoto.
Très vite l’éco-innovation est associée à la croissance et à l’emploi (c’est le titre de la
première partie du rapport). La question posée est simple et claire : « est-il possible d’agir à
temps et le plus efficacement possible, et comment s’y prendre ? » et les auteurs du rapport
de répondre : « oui, c’est possible, tout en soutenant la croissance économique ».
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MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
Le but n’est donc pas caché : on est bien dans une logique de profit et de moteur à
la croissance. En bref, dans une logique de marché classique, les éco-innovations sont et
seront un moteur de la croissance tout comme l’ont été en leur temps le charbon et le pétrole.
Et dans la phrase suivante, le lecteur peut être surpris par l’affirmation suivante :
« l’Europe peut montrer la voie ». Donc l’Europe comme leader mondial, l’Europe comme
guide mondial dans ce domaine.
« L’éco-innovation doit être au cœur de l’innovation européenne et être la norme
dans tous les secteurs de l’économie. L’heure n’est plus à la complaisance ».
On peine à ne pas se poser la question de savoir si ce genre d’assertion n’est pas qu’un
discours.
« Notre principal objectif est que l’éco-innovation pénètre tous les secteurs
d’activité. Nous pourrons ainsi régler nombre des problèmes que nous avons
actuellement grâce à des mesures appropriées telles qu’une aide financière ou
une réglementation. Nous pouvons favoriser l’éco-innovation et guider les forces
du marché vers une économie de premier rang à l’échelle mondiale, qui soit à la
fois compétitive et écologique ».
Tout est dit. L’Europe se donne comme objectif d’être le leader mondial des écotechnologies
pour allier compétitivité et écologie.
Les présidences du Conseil ont elles aussi souligné l’importance de l’éco-innovation
qu’elles aient été autrichienne ou britannique. Les technologies environnementales sont
bien vues comme des « instruments favorables à la croissance et à l’emploi ».
Où en est-on, du moins à l’époque du rapport, en ce qui concerne l’état d’avancement
des travaux et les priorités pour l’avenir ?
Le rapport souligne que le plan d’action de l’UE en faveur des écotechnologies (PAET)
a été lancé et qu’il esquisse les tendances et les évolutions, et recommande des axes
prioritaires pour les actions futures.
La voie choisie et favorisée par la Commission est celle de la réglementation qui
d’après elle a porté ses fruits lorsqu’elle fut mise en place : « l’expérience a montré qu’une
législation environnementale bien conçue sert de levier à l’innovation et aux technologies
environnementales ». Il faut mettre en place une législation européenne relative à « l’écoconception ».
Bref, les éco-industries doivent contribuer à l’économie de l’UE et à la création d’emplois
mais aussi permettre une croissance soutenue. En 2007 les éco-industries représentent
2,1% du PIB de l’Union et en ajoutant les « éco-services » on atteint le nombre conséquent
de 3,5 millions d’emplois à temps plein.
Plus important, « selon les estimations », l’Union Européenne se taillerait un tiers du
marché mondial des éco-industries : « l’indice de durabilité Dow Jones montre que, dans
treize des dix-huit secteurs économiques principaux les entreprises européennes sont les
plus ‘durables’ » (d’après le Dow Jones Sustainability Indexes Annual Review de 2006).
Les investissements financiers augmentent (2 milliards d’investissements en capital
risque de 2003 à 2006 soit 10% du capital risque en Europe), développer et centrer
la recherche et la démonstration, créer des plateformes technologiques… les lignes de
conduite sont claires.
Comment améliorer la situation du marché et comment mobiliser les instruments
financiers ?
MORALES Josselin_2010
35
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Des études ont été menées afin d’établir un système d’objectifs de performance dans
l’UE. Ces études incluent notamment l’analyse de programmes étrangers tel le programme
Top runner. Cette analyse permettra d’identifier les meilleures modalités de fonctionnement
et le rôle d’un label écologique, d’un label énergétique et l’étalonnage des produits.
Il existe de nombreuses sources de financement. Nous rappellerons ici les plus
importantes d’entre elles.
Le programme pour la compétitivité et l’innovation
Une enveloppe de 443 millions d’euros a été allouée à la promotion de l’éco-innovation
dans le cadre du programme « Esprit d’entreprise et innovation ». Quelques 228 millions
d’euros seront accordés à des instruments de financement, en particulier au mécanisme
pour la croissance et l’innovation géré par le Fonds européen d’investissement (FEI) qui
investiront ensemble dans des fonds de capital risque dans l’éco-innovation à concurrence
de 205 millions d’euros pour des réseaux et des projets de première application commerciale
et de 728 millions d’euros pour des projets relatifs à l’efficacité énergétique et aux énergies
renouvelables.
La banque européenne d’investissement
En partenariat avec la Commission, la BEI met en place un Instrument de financement
avec partage des risques (IFPR). Il s’agit d’améliorer l’accès au financement de la dette
pour le secteur privé et le secteur public lorsque ces secteurs mènent des recherches à
profil de risque élevé. Une enveloppe de 2 milliards d’euros sera disponible pour des projets
ème
sur les thèmes couverts par le 7
programme-cadre et l’instrument autorisera la Banque
européenne d’investissements à accorder des prêts allant jusqu’à 10 milliards d’euros.
Effet de levier de la politique de cohésion
Actuellement environ 21% des ressources des Fonds structurels ont été alloués à
l’innovation et la Commission a demandé aux États membres d’augmenter ce pourcentage
dans la nouvelle période de programmation. L’éco-innovation, les énergies renouvelables,
l’efficacité énergétique et les transports urbains non polluants sont des priorités de la
politique de cohésion (2007-2013). Les orientations stratégiques de la Communauté sur
la cohésion soulignent que les entreprises devraient investir dans l’éco-innovation pour
disposer d’atouts puissants à l’avenir.
LIFE
Le programme LIFE-environnement a cofinancé quelque 2750 projets pilotes depuis
1992 ce qui représente un investissement total de 2,6 milliards d’euros. Environ deux
tiers des investissements ont été consentis pour des projets assurant la promotion de
technologies environnementales.
Agir au niveau mondial
Possibilités affichées de financement au niveau mondial.
Le fond mondial pour la promotion et l’efficacité énergétique et des énergies
renouvelables fournira un capital d’amorçage à des projets concernant les énergies
renouvelables dans plusieurs régions. Le rapport précise que la BEI et la Commission
examinent actuellement les possibilités de coopération dans ce domaine. Le mécanisme
relatif au changement climatique (MFCC) de la BEI permettra également d’accorder un
financement à des projets à l’échelle mondiale.
Investissements et commerce responsables
36
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
Dans le contexte de la libéralisation multilatérale des échanges dans le cadre du cycle
de Doha pour le développement par exemple, la Commission a joué un rôle de premier rang
en faveur de la réduction ou de l’élimination des tarifs et de l’abolition des barrières non
tarifaires dans les échanges de biens, de technologies et de services environnementaux.
Elle étudie également les possibilités d’un traitement rapide de ces questions dans les
accords de libre-échange régionaux qui seront négociés au cours des prochaines années
avec certains partenaires, en particulier en Asie.
Quels axes prioritaires pour l’avenir ?
Des progrès importants ont été effectués d’après la Commission, mais ceux qui restent
à accomplir sont encore plus importants, nous communique la Commission. Pour faire
face aux problèmes environnementaux qui se posent à l’échelle mondiale, pour que l’éco
innovation permette de réaliser des bénéfices environnementaux et économiques à grande
échelle, pour permettre à l’Europe de saisir les occasions qui s’offrent à elle, toutes les
activités ont été intensifiées et ont été menées à une autre échelle, en mettant davantage
l’accent sur la demande. La proposition de la Commission est donc de se concentrer sur
cinq mesures qui augmentent la demande et sur trois mesures d’appui : il faut promouvoir
les marchés publics écologiques, mobiliser des investissements financiers plus importants,
établir des systèmes de vérification des technologies et des objectifs de performance et
se fonder sur les pratiques prometteuses des États membres en se concentrant en même
temps sur les secteurs les plus rentables.
Quelles mesures d’appui ? Créer un réservoir de connaissances stratégiques dans le
domaine de l’éco-innovation, promouvoir la sensibilisation et la participation active et utiliser
la recherche.
On arrive à peu près aux mêmes conclusions que celles du rapport E3G cité plus haut,
à savoir la promotion de marchés publics écologiques, la mobilisation de l’investissement
public mais également privé.
Les PME, une cible majeure pour la promotion des écotechnologies au sein de l’Union
Européenne.
La littérature est très fournie sur ce point particulier et se traduit par une communication
abondante de la part des autorités européennes. Le message est très clair, il y a une réelle
volonté de transparence, et les documents sont très didactiques.
La source de la discussion qui va suivre est une publication du Programme d’aide au
respect de l’environnement pour les PME (ECAP), pour des PME propres et compétitives.
On remarque les termes associés de propreté et de compétitivité : on est bien dans
une volonté à la fois de protection de l’environnement mais également de recherche de
compétitivité par l’obtention d’éco-labels par exemple.
Les PME représentent en effet environ 99% de toutes les entreprises et 57% de la
valeur ajoutée économique. Elles sont des acteurs majeurs de l’activité économique de
l’Union Européenne. Cela signifie que bien que les entreprises considérées séparément
aient probablement une incidence limitée sur l’environnement, leurs effets cumulés et
combinés sont considérables. Pourtant elles ne le perçoivent pas toujours et ne mettent
pas systématiquement en place les outils dont elles pourraient disposer pour une bonne
performance environnementale.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation et relèvent du manque de moyens à
consacrer à ce genre de problématique. Elles ont moins accès au capital que les grandes
MORALES Josselin_2010
37
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
entreprises ce qui signifie qu’elles ne peuvent en général pas se permettre de faire des
investissements de départ en écotechnologies pour des raisons économiques.
En outre les PME atteignent rarement les plafonds fixés par les programmes
environnementaux et les législations communautaires, tels que le système communautaire
d’échange des quotas d’émission, le programme d’action européen de lutte contre le
changement climatique ou la directive communautaire relative à la prévention et à la
réduction intégrée de la pollution (IPPC) contrôlant la pollution industrielle.
Tout cela montre que les entreprises peuvent de ne pas tirer profit des avantages
considérables que le passage à des activités respectueuses de l’environnement pourrait leur
conférer : par exemple une meilleure gestion environnementale peut contribuer à réduire
les coûts en améliorant l’efficacité des ressources et l’efficacité énergétique. Elle peut
également améliorer les conditions de travail des travailleurs en réduisant leur exposition
aux produits chimiques ou à la pollution de l’air.
Quels sont les avantages que peuvent en tirer les entreprises qui respectent ces
règles ?
Elles peuvent obtenir des débouchés supplémentaires en tant que fournisseur
d’entreprises de plus grande envergure ou des pouvoirs publics qui exigent que leurs
fournisseurs exercent leurs activités dans le respect de l’environnement.
Elles peuvent également se construire une image d’entreprise responsable et l’utiliser
comme outil de promotion, un facteur qui gagne de plus en plus d’importance.
La commission a donc instauré le programme d’aide au respect de l’environnement
(ECAP) pour apporter aux PME les ressources et le savoir-faire dont elles ont besoin. Le
programme prévoit une série d’actions qui visent à
Réduire la charge administrative qu’impose l’application de la réglementation aux PME
Favoriser leur accès aux systèmes de gestion environnementale
Améliorer leur rapport coût-efficacité
Fournir des financements spécifiques
Offrir un meilleur accès à l’expertise environnementale disponible
Un financement ciblé :
Les entreprises ont donc besoin de financement pour mettre au point les technologies
et les pratiques les plus innovantes dans le domaine de l’environnement. Pour la période
2007-2013 l’union européenne a prévu plusieurs instruments d’aide financière pour les PME
qui souhaitent améliorer leurs performances environnementales.
La commission est partie d’une donnée simple : les PME on besoin d’incitants
financiers pour pouvoir innover car leurs capacités d’investissement dans les technologies
environnementales sont limités et elles ont souvent besoin d’un soutien supplémentaire pour
pouvoir participer à des programmes de recherche communs.
Quels sont ces instruments, quelle exploitation des sources financières européennes ?
Plusieurs instruments financiers de l’union européenne accordent des fonds pour des
projets et des initiatives en faveur de l’environnement tels que (liste non exhaustive):
LIFE +
Principal instrument de financement de l’Union européenne destiné à garantir la
mise en œuvre des politiques environnementales pour la période 2007-2013. Les
38
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
entreprises adressent leurs demandes de subventions directement aux autorités de l’Union
européenne.
Les PME ont largement bénéficié des programmes LIFE précédents. A titre d’exemple,
en 2003-2004 quelque 30 millions d’euros ont été alloués au développement de techniques
innovantes au sein des entreprises par l’intermédiaire de projets de démonstration.
Fonds structurels et Fonds de cohésion
Fonds destinés aux régions les moins avancées (Fonds structurels) et à contribuer
au développement des infrastructures en Europe (Fonds de cohésion). Une grande partie
du budget européen de financement y est consacré. Une grande partie de ces fonds est
attribuée par l’intermédiaire des autorités nationales et régionales.
JEREMIE
L’initiative de ressources européennes conjointes pour les PME et les micro-entreprises
(Jeremie), intégrée au programme de cohésion 2007-2013 permet aux Etats membres
de mettre en place des instruments financiers pour les PME à l’échelle régionale. Les
initiatives environnementales bénéficient de la priorité. La Commission européenne, la
Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement fournissent
les fonds.
2) Les leçons de l’UE que peut tirer la Chine dans les domaines
du développement des écotechnologies et de l’expérience de la
coopération.
L’Union européenne a une longue tradition quant au développement des technologies de
basse émission de CO2. Quelles sont les leçons que peut en tirer la Chine ? C’est la question
fondamentale de l’apport potentiel et des retombées positives que pourraient avoir une
coopération entre l’UE et la Chine.
Le développement de nouvelles technologies
Le développement de nouvelles technologies et l’amélioration des technologies à
faible émission seront des aspects essentiels à prendre en compte dans la réduction des
émissions dans le future, particulièrement dans les secteurs des énergies et des transports.
Quelles sont les principales difficultés actuelles ?
Le manque de moyens financiers
Des ressources et des infrastructures insuffisantes
Le manque de vision sur le long terme pour coordonner les nombreuses activités et
leurs impacts.
Pour faire face à ces défis, l’UE a établi le « Strategic Energy Technology Plan », plus
connu sous le nom de SET-Plan. C’est un projet paneuropéen qui propose une approche
globale quant à la stratégie à adopter sur les thèmes des technologies « low carbon » et
de la R&D. Le but annoncé est de parvenir à coordonner les efforts du secteur public et du
secteur privé pour parvenir à atteindre des objectifs chiffrés.
La Chine fait face en ce moment aux mêmes problèmes à savoir le manque de soutien
à la R&D, un développement faible des écotechnologies et faire face au défi de l’absorption
de ces nouvelles technologies (sujet sur lequel nous reviendrons plus loin).
MORALES Josselin_2010
39
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Dans la mesure où l’UE tout comme la Chine a du faire face au problème de la
coordination de ces politiques de développement, le SET-Plan est un bon exemple de
programme pour la Chine. Un modèle de développement et de coopération. C’est un modèle
d’un nouveau genre, basé sur une approche collective de la recherche, du développement
et de la mise en application (Research Developpement and Demonstration). L’idée avec
le SET-Plan est de prendre le meilleur de chaque état membre et d’en faire la norme à
l’échelle européenne.
Au cœur du SET-Plan il y a plusieurs initiatives industrielles européennes (EIIs)
qui tendent à rassembler l’industrie, la communauté des chercheurs et les institutions
gouvernementales dans des logiques de partenariats public/privé (voir tableau n°1).
Tableau n°1
La participation de l’industrie dans ces Europan Industrial Initiatives est une
composante importante pour les technologies qui sont proches du stade de la
commercialisation. Le SET-Plan expose de manière assez claire les opportunités pour une
coopération stratégique entre l’UE et des partenaires internationaux (incluant la Chine bien
40
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
sûr). L’opportunité est d’autant plus grande dans des zones où l’apport d’une aide extérieure
peut accélérer le développement de technologies.
Le programme cadre pour la recherche, le développement technologique et les activités
de « démonstration » est un programme qui couvre la période 2007-2013, doté de 1,9
milliards d’euros pour la R&D relative à l’environnement et 2,35 milliards pour l’énergie.
Ces deux budgets sont ouverts à des pays non européens et la Chine a déjà commencé à
s’engager dans la recherche aux côtés d’européens par ce biais. Les principales difficultés
qui peuvent avoir des conséquences graves sur la coopération technologique sont la
sensibilité de la technologie et le développement du savoir-faire. Comment transférer le
savoir faire ? Surtout lorsque cela concerne des technologies dites sensibles ?
Cela peut être dépassé comme nous le verrons un peu plus loin par la signature
d’accords sur les droits de propriété intellectuelle.
Les problèmes qui entourent la problématique des DPI pourraient devenir une véritable
barrière à la coopération et à l’innovation si la question n’est pas traitée de la bonne manière.
C’est le défi que la communauté scientifique devra relever, au moment où les technologies
seront prêtes à sortir du laboratoire pour être développées et commercialisées.
En Chine, la notion de propriété intellectuelle pour la communauté académique et de
la recherche n’est pas encore quelque chose de primordial, même si cela est en train de
changer graduellement, on y reviendra plus loin. La façon dont plusieurs pays européens
ont résolu ces problèmes de DPI doit servir de leçon pour la Chine.
Le Royaume Uni est un bon exemple de résolution des problèmes de DPI pour faciliter
les transferts de technologie à l’industrie et permettre la commercialisation. En 2004, une
initiative intégrant le bureau anglais de la propriété intellectuelle a développé un standard
d’accord concernant les DPI (on appelle également ce modèle les ‘accord Lambert’) ayant
pour but de faire collaborer de façon plus efficace les universités et les industries.
Ce modèle offre un spectre d’options autour des droits et des usages des DPI assez
large. Il est rédigé dans le but de garantir le respect des intérêts de chaque partie, en incluant
les droits de licence et d’utilisation, des contributions financières de chaque partie etc. et
les droits des institutions académiques à la publication.
Ce type de modèle pourrait être un cadre potentiel pour une coopération entre l’UE et
la Chine. Il existe par exemple sur ce modèle une organisation qui facilite la coopération en
R&D entre la Chine et la GB. Cette organisation s’appelle Innovation China UK (ICUK).
Dans le domaine de l’expérience de la coopération
Un autre thème sur lequel l’exemple européen peut être bénéfique pour la Chine est
l’introduction au marché par la commercialisation de nouvelles technologies et la création de
nouveaux marchés. Et plus particulièrement l’introduction de technologies matures, prêtes
à la commercialisation qui n’ont pas encore été commercialisées ou peu commercialisées
en Chine. Plusieurs vecteurs commerciaux peuvent être utilisés comme le montre le tableau
suivant.
« Les vecteurs de commercialisation pour permettre le transfert de technologie entre
la Chine et l’UE ».
MORALES Josselin_2010
41
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Donc c’est surtout dans les domaines de l’industrie très fortement émettrice en CO2
que l’UE peut donner l’exemple et se placer sur le marché chinois, dans les domaines des
transports, de la construction en particulier.
Prenons l’exemple de l’introduction d’écotechnologies dans l’industrie chinoise du
ciment avec l’exemple de l’entreprise Lafarge.
Lafarge est le plus grand producteur mondial de ciment mais aussi le leader mondial
dans beaucoup d’autres matériaux de construction. L’activité de Lafarge a commencé
en 1994 avec la mise en place d’une Joint venture de ciment (Chinefarge). En peu
de temps Lafarge est devenue le leader des producteurs du ciment en Chine et les
activités de l’entreprise en Chine sont destinées au marché chinois directement. Leurs
activités s’étendent du ciment, à la production d’aggloméré, aux matériaux nécessaires à
la confection de toits et de plâtre.
Par la modernisation des installations qu’il avait acquises, Lafarge a réduit ses
émissions de CO2. Lorsqu’il a fusionné avec Shui-On en 2005, Lafarge a fermé des
installations vieilles de 38 ans pour certaines, les remplaçant par de nouvelles pour un coût
42
MORALES Josselin_2010
I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies.
de 3,6 milliards de RMB (soit plus de 400 millions d’euros). Ceci a permis à Lafarge de
réduire de 20% ses émissions de CO2 par tonne de ciment produit dans les installations
chinoises depuis 2005 (avec des performances actuelles proches des niveaux européens).
Un graphique trouvé sur le site de Lafarge industrie illustre ceci.
« La réduction des émissions de CO2 par les opérations de Lafarge ciment en Chine
et en UE ».
Le moteur d’une telle réussite fut l’installation de système de récupération de la chaleur
produite par l’activité des industries installées à Lafarge Nanshan, Gongxiang and Kaiyuan,
chacune pour un montant de 7 à 10 millions d’euros. Cet investissement a réduit les
émissions de chaque installation de 70-90 milliers de tonnes de CO2 par an.
Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que l’investissement consenti par Lafarge en
Chine le fut avec ses propres conditions de coûts et d’efficacité opérationnelle et fait
partie d’une tendance générale de modernisation et de rationalisation de la production.
Cela montre comment l’introduction de technologies modernes, en concordance avec la
restructuration de l’entreprise, peut mener à l’efficacité énergétique et à la réduction des
émissions d’énergie.
La Chine et l’Europe mettent en place des stratégies très différentes du fait des moyens
diamétralement opposés dont ils disposent. Incitation contre imposition, information contre
rendu de compte. Les approches européennes nous apparaissent à la fois top down
et bottom up alors que les moyens que mettent en œuvre les autorités chinoises sont
exclusivement top down.
De plus la Chine pour ne pas avoir de compte à rendre à l’étranger se cache derrière
son statut de pays en voie de développement, se disculpant des dégâts qu’elle cause à
l’environnement (même si des avancées notables viennent le nuancer). A l’opposé, l’Union
Européenne se place dans le camp des leaders de la promotion des technologies vertes
avec toutes les valeurs éthiques et « bien pensantes » qu’elle met derrière le terme.
MORALES Josselin_2010
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Les besoins en écotechnologies de la Chine sont évidents et très divers, la coopération
avec l’Union Européenne est plus que possible dans beaucoup de domaines comme nous
le montre l’exemple de Lafarge ciment par exemple.
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MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
II/ Union Européenne et RPC : les
domaines de coopération à envisager
pour une stratégie gagnant-gagnant,
problèmes à résoudre et proposition de
solutions.
Du point de vue de l’UE, une coopération avec la Chine présente de nombreux intérêts
et de nombreuses opportunités. Parmi les avantages que l’UE pourrait en tirer, il y a bien
sur l’accès au marché chinois et les effets associés que cela aurait, c’est à dire la création
d’emplois et des retombées positives sur l’économie de la région Europe. Cela accélèrerait
la transition vers une économie à basses émissions, ou « low carbon » en UE grâce à la
baisse des coûts que permettrait la localisation de la fabrication sur le territoire chinois et
rendrait le marché de la technologie plus compétitif. De plus permettre à la Chine d’avoir
accès à ce genre de technologies et de mode de collaboration aura un effet positif sur
l’atténuation de l’effet de l’activité humaine sur le changement climatique.
De la même façon, du coté chinois, la coopération avec l’UE apporte et provoque des
bénéfices importants :
l’accès aux technologies de pointe pour permettre la réduction des émissions de gaz
à effet de serre
un développement socio-économique à travers la création d’emplois et de l’arrivée
d’IDE (même si l’on relativisera un peu plus loin cet aspect positif des arrivées d’IDE),
l’exportation et le développement sur son propre marché des écotechnologies.
Un développement grâce aux effets d’engrenage de la coopération internationale dans
ces domaines.
Néanmoins, comme nous le verrons dès le paragraphe suivant, de nombreux défis
doivent être relevés. Loin d’être insurmontables, ils constituent à l’heure actuelle les
principales barrières à une collaboration plus poussée sur ces domaines. Pour les deux
régions, les enjeux majeurs d’une coopération s’articulent autour des problèmes d’accès
aux marchés et du protectionnisme.
Les deux parties ont des arguments valides et les difficultés sont réelles. On essaiera
néanmoins dans cette discussion de dégager les enjeux majeurs et les difficultés qu’il faudra
outrepasser en priorité pour un résultat équitable et partagé.
MORALES Josselin_2010
45
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
A/ L’un des principaux défis pour une coopération
efficace : résoudre le problème des droits de propriété
intellectuelle (DPI)
Les droits de propriété intellectuelle sont au cœur de la guerre commerciale que se livrent
les principaux acteurs du commerce mondiaux avec la Chine pour la simple et bonne raison
que la Chine peine à respecter ou à faire respecter ces droits. Malgré son arrivée récente
dans la course au développement la Chine s’est elle-même imposée des règles dans ce
domaine. Les écotechnologies ne sont pas épargnées par cette tendance, bien au contraire.
Il convient donc de tenter d’en étudier les causes et les raisons s’il y en a de valides.
Commercer, échanger c’est également transférer. Parfois les entreprises européennes
choisissent même de s’implanter sur le territoire et effectuent cette opération complexe
qu’est le transfert de technologies. Evident à première vue, le transfert de technologie,
l’absorption par le pays récepteur de ces nouvelles technologies et la protection de la
diffusion de cette technologie sont des enjeux primordiaux pour toute entreprise souhaitant
s’implanter en RPC. Comment s’implanter sans perdre son avantage technologique ?
Pourquoi s’implanter en Chine ? Une partie de la réponse réside dans la protection des droits
de propriété industrielle mais pas seulement. Quelle stratégie une entreprise européenne
doit adopter si elle souhaite protéger son savoir tout en profitant des avantages que
l’implantation sur le territoire chinois apporte ?
1) Les droits de propriété intellectuelle et industrielle au cœur de la
bataille commerciale sur les technologies vertes
Quelles sont les particularités de ce droit ? Un droit jeune et très « occidental » qui s’applique
désormais au monde entier : quels sont les difficultés et les spécificités de ce droit dans le
cas particulier de la Chine ?
La genèse d’un droit jeune.
Les droits de propriété intellectuelle sont un des enjeux majeurs du commerce de la
Chine vers le reste du monde. Source de tension, il est évident que cela pose un réel défi
à tout partenaire commercial chinois. Malgré son adhésion à l’OMC la Chine peine à faire
respecter ces droits.
Mais ce problème des droits de propriété industrielle pose en fait un réel débat de
fond, qui dépasse largement notre sujet à savoir le commerce UE-Chine. Il semble pourtant
essentiel de revenir sur ce débat (pour ou contre les DPI ?) pour mieux comprendre le point
de vue chinois, qui malgré les bonnes volontés affichées, semble ne pas consacrer tous les
efforts possibles pour faire face à la contrefaçon et au non-respect des DPI sur son sol.
Pour débuter la réflexion, rappelons qu’une organisation mondiale de la propriété
intellectuelle a vu le jour, tant la problématique de la propriété intellectuelle est complexe.
Rappelons que la Chine fait partie de cette organisation et que le premier texte qu’elle s’est
imposée date de 1979. Voici une proposition de définition par l’Organisation Mondiale de
la Propriété Intellectuelle :
« Par propriété intellectuelle, on entend les créations de l’esprit : les inventions,
les œuvres littéraires et artistiques, mais aussi les symboles, les noms, les
images et les dessins et modèles dont il est fait usage dans le commerce. La
46
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
propriété intellectuelle se présente sous deux aspects : la propriété industrielle
d’une part, qui comprend les inventions (brevets), les marques, les dessins et
modèles industriels et les indications géographiques. Et le droit d’auteur d’autre
part (…) ».
Droits de Propriété Intellectuelle, droits de propriété industriels et compétitivité, à la
recherche d’un nouvel équilibre pour protéger et partager l’innovation .
La propriété industrielle qui relève de la propriété intellectuelle est un droit jeune, en
France, le Code civil de 1804 ne l’envisage pas et traite exclusivement des immeubles et
meubles corporels.
C’est au XVIIIe siècle que la propriété intellectuelle devient une réalité d’abord
nationale dans les Etats économiquement développés (Angleterre, Etats-Unis et France).
Apparition qui coïncide avec la révolution industrielle et l’avènement du libéralisme. Les
droits de propriétés intellectuelles se conçoivent exclusivement dans un contexte de
liberté d’entreprise. Il est en effet admis que la propriété intellectuelle est un facteur de
développement technique et de progrès économique.
Rapidement, ce droit a du intégrer la nécessité d’une intervention juridique
internationale. Signature de la Convention d’Union de Paris le 23 mars 1883 : première
convention internationale pour la protection de la propriété intellectuelle.
Ensuite vient la mise en place de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
Le XXème siècle promeut l’harmonisation de la propriété industrielle avec la mise en place
de cette institution (OMPI). Cette organisation instituée par la Convention de Stockholm
du 14 juillet 1967 établie à Genève, a pour but d’assurer la protection internationale de la
propriété intellectuelle et la coopération administrative entre unions internationales dans ce
domaine.
Plus récemment la convention de l’organisation Mondiale du Commerce signé à
Marrakech le 15 avril 1994 dans le cadre du GATT comporte ce que l’on appelle les accords
ADPIC (accords sur les Aspects des Droits de propriété intellectuelle touchant au commerce
(TRIPS en anglais). Pourquoi signer de tels accords ? On s’est aperçu que de plus en plus
ces droits de propriété intellectuelle étaient susceptibles d’influer sur le commerce entre
les Etats. Celui-ci a pour objectif de remédier à des problèmes tels celui de la piraterie
internationale des droits de propriétés intellectuelles en obligeant tous les pays adhérents
à respecter les normes de protection de ces droits.
« Au sein de l’union européenne, règlements et directives se succèdent soit
pour harmoniser les législations nationales soit pour instaurer directement une
protection communautaire couvrant uniformément le territoire de tous les Etats
membres. Harmonisation et élaboration par le parlement européen de titres
communautaires de protection s’appliquant directement et uniformément dans
tous les Etats de l’union européenne ».
Quel
est le rôle de la propriété intellectuelle ?
Les enjeux tout d’abord : la mondialisation de l’économie et le rôle essentiel de la
technologie comme moteur de la croissance économique d’un pays donné ont permis à la
problématique des droits de propriété intellectuelle de prendre une place de plus en plus
grande. Le brevet est un outil juridique à finalité économique dont l’utilisation est réservée
au domaine de l’industrie et du commerce. Les brevets remplissent un rôle majeur dans
la vie économique même si la question de l’opportunité de la réservation des créations
industrielles divise partisans et adversaires.
MORALES Josselin_2010
47
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Arguments en faveurs de la propriété intellectuelle :
Un facteur de stimulation de l’innovation technique.
Au sein d’une économie libérale les DPI accompagnent et stimulent l’innovation
technique dans les secteurs de l’industrie innovation qui est à la base de la croissance
économique.
« Ainsi, la propriété intellectuelle qui appréhende l’effort incessant de création de
l’homme en société apparaît comme instrument d’incitation à l’innovation technologique
et au développement social. Dans la compétition mondiale les DPI constituent une arme
puissante aux mains des industriels et ils sont devenus désormais des actifs stratégiques
pour les entreprises innovantes quelles que soit leur taille ou leur secteur d’activité, où
ils occupent une place primordiale. De grandes sociétés se sont développées à partir de
l’exploitation d’une invention brevetée ».
C’est également un instrument de concurrence.
Au nombre des arguments en faveur de la propriété industrielle, on observe que
ces droits tantôt récompensent le créateur en lui assurant un monopole temporaire sur
l’invention (brevet), tantôt permettent de désigner et d’individualiser des produits ou des
services (signes distinctifs).
Le brevet est présenté comme un instrument d’incitation à la recherchedéveloppement : il est conçus pour favoriser la création et l’innovation puisque celui qui a
investi dans la recherche se voit garantir par l’octroi du brevet un monopole d’exploitation
de son invention, normalement de vingt ans qui lui permet de tirer un juste profit de son
investissement. C’est un monopole en termes économiques et en termes juridiques. Les
signes distinctifs sont indispensables au système économique et sont des instruments de
concurrence.
Mais c’est également un instrument juridique : les droits de propriété industrielle sont
des droits exclusifs. Le brevet comme la marque sont des instruments juridiques, protégeant
l’entreprise de la concurrence grâce à l’arme défensive qu’est l’action en contrefaçon.
C’est donc bien sur une arme économique : les DPI sont des facteurs de domination de
marché : le brevet est un élément important de développement économique car il permet
la pénétration de nouveaux marchés, allant du monopole absolu à la position dominante,
tandis que les licences de brevet vont permettre d’étendre les possibilités de coopération
technique entre les entreprises.
« Selon une approche libérale, la marque est une richesse du patrimoine
industriel qui lui permet d’attirer et de conserver la clientèle. La marque en
indiquant l’origine de ses produits assure une fonction publicitaire et elle est un
instrument de la stratégie économique dans l’organisation des marchés et des
circuits de distribution ».
Arguments en défaveur de la propriété industrielle.
Un frein au libre jeu de la concurrence : l’existence de droits privatifs constitue un frein
au libre jeu de la concurrence. La liberté d’entreprendre et le jeu de la libre concurrence
risquent d’être entravés par l’instauration de monopoles industriels. L’entreprise bénéficiant
d’un monopole peut en effet empêcher l’entrée sur le marché de concurrents potentiels
et fixer arbitrairement le coût des produits issus de la création nouvelle, sans redouter la
concurrence des rivales puisqu’elles n’y ont pas accès. Cependant le respect de la libre
entreprise et du libre échangisme conduisent aujourd’hui à limiter certains effets des droits
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MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
de propriété industrielle. La conciliation entre les deux types de règles a été organisée grâce
à la doctrine de « l’épuisement du droit ».
C’est également un facteur d’inégalités : se trouvent également dénoncés les inégalités
ou l’asservissement que ces droits de propriété industrielles peuvent engendrer entre les
pays du nord et du sud ayant peu de capacité à produire.
Que dit le droit ?
En droit international, les connaissances que possède une entreprise sur le plan
scientifique et technique ne sont pas nécessairement brevetées ou brevetables. Lorsqu’elle
souhaite faire bénéficier une autre entreprise de ces connaissances contre rémunération,
elle ne peut dons pas utiliser la licence de brevet. Au sens strict, le transfert de
technologie est donc la révélation contre rémunération de toute connaissance technique non
immédiatement accessible au public et non brevetée. Dans un sens plus large, cependant,
l’expression désigne également les contrats complexes comprenant à la fois une licence
de brevet et la communication des éléments de savoir faire nécessaire à son exploitation.
Eléments scientifiques et techniques mais aussi éventuellement savoir faire commercial.
Des organismes tels que la CNUCED, l’ONUD ou l’OMPI ont publié de nombreux
travaux relatifs au contrat de transfert de technologies en faveur des pays en voie
de développement. De même, les Nations Unies assurent des prestations d’information
en la matière auxquelles les entreprises peuvent avoir accès par l’intermédiaire de
leurs gouvernements. De nombreux guides contractuels et modèles de contrats existent
également. La rédaction d’un contrat de transfert de technologie doit être particulièrement
soignée. Il faut, en premier lieu, tenir compte des législations en vigueur dans le pays
d’exportation et dans le pays d’importation de la technologie. La consultation des textes
pouvant être considérés comme d’application immédiate, et notamment des lois anti-trust,
est indispensable. Au cours des négociations précontractuelles, la révélation de certains
éléments du savoir à transmettre est inévitable. Il faudra donc rédiger un contrat préliminaire
garantissant le secret sur ces révélations et l’interdiction de les utiliser en cas d’échec des
négociations, avec des clauses pénales d’un montant élevé.
Le contrat lui-même contiendra des clauses très variées, revêtant chacune une
importance très particulière. On prévoira les modalités précises de chaque opération :
communication de documents, formation professionnelle, communication de savoir-faire,
licence de brevets…
Enfin les obligations de chacun devront être précises notamment, concernant le
bénéficiaire du transfert, l’obligation de secret, de communication des modifications et
améliorations apportées à la technologie et l’interdiction d’exporter les connaissances (dans
une filiale à l’étranger par exemple).
Le contrôle de ces obligations n’est pas toujours facile et la meilleure protection sera
l’avance technologique ce qui pousse à une accélération de l’obsolescence des produits
et techniques.
Tentative d’explication : les Droits de Propriété Intellectuelle et la culture chinoise.
Article de Nicolas Occis, polytechnicien, annales des Mines de 1999. Il s’agit ici de
mettre à bas les clichés sur la propriété intellectuelle et le respect de ce droit en République
Populaire de Chine.
Etudier la propriété intellectuelle en Chine c’est se poser plusieurs questions : pourquoi
ce droit n’est apparu que récemment en Chine ? Est-ce réellement pour des causes
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
culturelles que ce droit n’est pas respecté ? Et quels sont, pour reprendre les termes de Mr
Occis, « les moteurs de son assimilation grandissante » ?
D’après cet article, qui date déjà d’une dizaine d’années, les brevets déposés sont loin
d’être respectés, bien au contraire, « on s’empare de processus brevetés (donc publiés)
sans rémunérer leur inventeur ou on effectue sur le produit du commerce un véritable
‘désossage’ à l’aide des informations contenues dans la documentation de manière à les
reproduire aussi fidèlement que possible (on parle de reverse engineering) ».
Ce processus se substitue en fait à la recherche et développement qui aurait
permis d’arriver aux mêmes résultats. Parmi ces contrefacteurs on trouve également des
entreprises d’État.
L’autre risque à propos des brevets plane sur les joint-ventures, la contrepartie d’une
installation occidentale en Chine est souvent un transfert de technologie qui s’il est mal
maîtrisé peut mettre en péril le secret des processus de fabrication étrangers (voir point
suivant).
Enfin le droit d’auteur subit des violations généralisées en matière de logiciels (une
version non officielle de Windows 98 se vend pour une dizaine d’euros dans les rues de
Shanghai d’après l’article).
Point positif, des domaines tels que celui de l’édition est épargné. Le droit d’auteur s’y
applique en général alors que dans les années 80 des sections spéciales interdites aux
étrangers regroupaient dans les librairies les ouvrages occidentaux reproduits ou traduits
sans autorisation.
Pourtant la législation pour faire face à la contrefaçon est présente. Certes ces lois sont
récentes puisqu’elles datent de l’ouverture de la Chine à l’étranger dans la fin des années 80
mais sont quasiment similaires à leurs homologues occidentaux. La Chine fut grandement
conseillée dans ces domaines par des organisations telles que l’OMC ou l’Organisation
Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Le problème réside plutôt dans leur application.
« Même en réunissant des preuves manifestes de la violation de leur propriété
intellectuelle, les entreprises victimes sont loin d’avoir systématiquement gain
de cause. Les faits sont une chose mais les mentalités en sont un autre. Les
violations de la loi ne renseignent pas sur l’assimilation du concept, qui peut
être respecté sans être compris, ou violé en toute connaissance de cause. Le
grand nombre des violations de ce droits n’est pas seulement explicable par des
motivations économiques encouragées par une application laxiste de la loi ».
Chose incompréhensible pour les occidentaux, la propriété intellectuelle ne va pas de soi
pour les Chinois, « la notion même de propriété intellectuelle est loin d’avoir fait son chemin
dans les esprits chinois » comme le rappelle Mr Occis.
De profonds facteurs culturels font de la propriété intellectuelle en Chine un objet a
priori difficile à appréhender. L’existence de celle ci paraît être indéniable, mais sa portée
est discutable.
Il est intéressant de revenir sur l’histoire de la copie en Chine, une histoire singulière
puisque totalement imbriquée dans l’histoire de l’écriture et du savoir. Nicolas Occis lui
reconnaît trois fonctions distinctes.
D’abord, la copie est un mode d’apprentissage. N’importe quel étudiant désireux
d’apprendre la langue chinoise devra copier des centaines et de centaines de fois des
caractères, des textes classiques ou plus récents. D’autant plus que l’écriture a une
50
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
importance singulière en Chine puisqu’elle est le seul lien entre les chinois d’un bout à
l’autre de la Chine, les dialectes et accents étant si variés. La place de la copie est toute
aussi primordiale en poésie, en calligraphie ou en peinture : dans un premier temps on
apprend toujours en reproduisant le travail du maitre. D’ailleurs, et cela donne une clé de
lecture intéressante à notre étude, le caractère xue (�) qui signifie « apprendre », signifie
également « imiter ».
Copier est une manière de rendre hommage à des artistes aînés. On trouve par
exemple de temps en temps sous des peintures cet éloge : « l’un des plus fameux artistes
de son temps, si populaire qu’il fut copié de nombreuses fois ». Copier c’est aussi conserver
le passé. Il existait autrefois en Chine un art consistant à copier (souvent à la demande de
l’Empereur) les œuvres anciennes, en utilisant les techniques exactes de l’époque d’origine.
La copie se voit également dotée en Chine de deux valeurs qui lui sont refusées en
occident qui sont une valeur intellectuelle et une valeur marchande.
Alors que la copie est valorisée en Chine pour les raisons que l’on vient d’expliquer, elle
a été investie en Europe dès la civilisation grecque et en particulier depuis Platon d’une forte
connotation négative. C’est en occident un « sous-degré d’être ». La copie d’une peinture
est l’imitation de la représentation du monde matériel qui n’est lui-même que le pâle reflet
du monde des idées.
La seconde valeur attribuée à la copie en Chine est marchande. Il est vrai qu’en Chine
une copie peut atteindre un prix très élevé (ce qui est rarement le cas en occident) à
condition que l’imitation soit excellente et utilise des procédés d’époque : la qualité prime
sur l’authenticité. Le deuxième facteur culturel rendant difficile l’assimilation de la notion de
propriété intellectuelle est lié à sa nature même. En effet elle a ceci de particulier que son
objet est fondamentalement intangible (à la différence de son support) alors que pour un
Chinois la réalité est matérielle :
« Le sentiment de propriété et de valeur est principalement attaché à des
éléments visibles comme la maison ou des objets, mais pas à des technologies
ou à des marques. L’exemple le plus frappant aujourd’hui est peut être celui
de l’informatique : la plupart des Chinois sont prêts à payer pour du matériel
hardware comme un ordinateur, mais en aucun cas pour des logiciels software.
De même le prix de la technologie n’est pas toujours bien compris. On ne
compte plus le nombre de fois où des Français engagés dans une joint-venture
avec un Chinois on entendu de leur partenaire un discours ressemblant à ‘certes
vous avez fait des dépenses pour obtenir cette technologie, mais maintenant que
vous l’avez, elle ne vous coûte plus rien, elle est payée’ ».
En occident la propriété intellectuelle est associée à l’idée d’affirmation individuelle de
personnalité par la créativité. A l’opposé, la société chinoise traditionnellement articulée
autour de deux principes fondamentaux : celui d’harmonie, qui passe par une primauté du
groupe sur l’individu qui doit s’y fondre parfaitement, et celui de hiérarchie et de soumission
aux strates supérieures. Dans ce contexte, quelle place accorder à la propriété intellectuelle
qui repose sur un droit individuel qu’il s’agit de faire valoir devant toute la société ?
Il est bien évident que de tels arguments ne sont pas suffisants pour justifier l’attitude de
la Chine à l’égard de ce droit, surtout depuis qu’elle s’est elle-même imposée des règles par
l’adhésion à des traités dans le cadre d’organisations internationales. Néanmoins comme
le souligne l’auteur, il existe des tendances fortes et leur pertinence est souvent mise en
MORALES Josselin_2010
51
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
avant par des responsables chinois ayant voyagé à l’extérieur de la Chine et donc devenus
sensibles à l’existence de facteurs culturels.
Une notion apparue très récemment en Chine
La propriété intellectuelle n’est apparue que dans les années 80 en Chine, au moment
où le pays s’ouvre à l’étranger. Qu’est ce qui a empêché l’émergence d’un tel droit avant et
pourquoi la Chine a acceptée de se soumettre à ces lois après l’ouverture ?
Il faut remonter en fait très loin dans l’histoire de la Chine pour retrouver les premières
traces de protection de la propriété intellectuelle. Par exemple le droit d’auteur existait sous
la dynastie Song (960-1279) à une époque où de nombreux hommes d’affaires possédaient
les imprimeries. La loi restait muette sur le problème de la copie mais tout personne se
sentant lésée pouvait émettre une plainte à la cour de l’Empereur et obtenir éventuellement
la destruction des ouvrages incriminés et le versement de compensations. Il faut tout de
même relativiser ce fait et bien savoir que la propriété intellectuelle a existé de manière
discontinue en Chine Ancienne et que son impact sur la notion telle que nous l’entendons
aujourd’hui fut assez faible.
La technologie quant à elle était principalement protégée par les règles strictes de sa
transmission de père en fils, ou de maitre en apprenti. En fait, avant 1949 et la fondation
de la RPC, le contexte n’était pas favorable à l’émergence durable d’un droit de propriété
intellectuelle puisque le commerce et l’industrie n’étaient pas suffisamment développés, que
la primauté était donnée à l’agriculture et au contrôle idéologique et que le pays manquait
de la stabilité politique nécessaire mais aussi stabilité économique et législative.
Après 1949 et la fondation de la RPC la situation de la propriété intellectuelle s’est
pour ainsi dire dégradée mais pour des raisons différentes. L’organisation communiste s’est
révélée antithétique aux principes fondamentaux de la propriété intellectuelle. Tout d’abord
parce qu’elle implique la notion de propriété individuelle, qui n’est pas une notion très mise
en avant par le système communiste chinois. Aucune entreprise en Chine ne pouvait garder
pour elle une innovation quelle qu’elle soit : la transmission de la connaissance devait se
faire gratuitement pour le bien de tous. De plus la concurrence, facteur du développement
des brevets et des marques n’existait pas, ni venant de l’intérieur puisque l’économie était
planifiée, ni venant de l’extérieur puisque le pays avait fermé ses frontières au commerce
international. L’innovation a donc été découragée par ce contexte économique législatif
(basé sur le droit administratif) et politique : comment faire preuve d’initiative à un moment
où les habitudes du régime se devinaient derrière le proverbe « c’est l’arbre qui dépasse
les autres qui se soumet lui même au vent » ?
Si les DPI se sont développés à partir de l’ouverture c’est bien sur parce que la tendance
était inverse. Le message politique change, la Chine s’ouvre à l’investissement étranger
et amorce une transition vers l’économie de marché, protégée par un vrai système légal.
Apparaît donc une pression étrangère à la fois des gouvernements occidentaux (UE et
Etats-Unis en particulier) lors des négociations commerciales internationales et de grandes
entreprises dont la Chine verrait l’implantation sur son territoire d’un très bon œil. Mais
la pression est aussi interne, en provenance des entreprises chinoises qui souffrent des
violations de la propriété intellectuelle en Chine et dans toute l’Asie. C’est ainsi qu’une affaire
célèbre a opposé l’une des marques de bière chinoise les plus connues et un contrefacteur,
lui aussi chinois. De même des groupes chinois qui essaient de s’installer dans des pays
proches découvrent que leur marque a déjà été déposée sur place par une entreprise qui
exploite leur notoriété : c’est le cas par exemple au Japon avec le vin, les médicaments, ou
en Malaisie pour les bicyclettes et les machines à coudre.
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MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
Toutefois, un système fort de protection des DPI est il dans l’intérêt de la Chine ? Cette
question s’inscrit dans une controverse qui divise les experts du développement (comme
abordé plus haut). Les avantages d’une protection forte de la propriété intellectuelle sont
multiples : soutenir l’innovation interne, encourager le financement privé de la recherche,
favoriser le transfert de technologie en provenance de l’étranger. Mais d’un autre coté,
une protection faible de celle-ci, empêche quiconque de monopoliser un savoir utile au
pays en plein développement et réduit le cout de la connaissance tout en augmentant sa
disponibilité. Dans le cas particulier de la Chine, la volonté du gouvernement de rattraper
son retard industriel est réelle. Or, pour assouvir cette soif de technologie, la Chine n’a ni le
temps, ni les moyens de tout réinventer, d’où des « raccourcis » certains officiels (transferts
de technologies, envoi d’étudiants à l’étranger) et d’autres plus officieux.
Protection des DPI en Chine : réelle volonté du gouvernement ou totale hypocrisie ?
Il existe trois thèses générales qui répondent à cette question. La première est celle du
double jeu, la Chine jouerait un double jeu dans la mesure où la contrefaçon appuierait son
développement bien plus qu’une protection de la propriété intellectuelle qui ne servirait que
des intérêts étrangers. D’où une bonne volonté de façade masquant un appui des autorités
aux contrefacteurs. La deuxième qui traduit la position officielle du gouvernement est que
la Chine fasse preuve d’une volonté ferme qui se heurte à des difficultés internes de mise
en œuvre. Ceci trouverait sa confirmation dans l’amélioration progressive de la situation
de la propriété intellectuelle en Chine. La troisième thèse voudrait que la Chine fasse
preuve de bonne volonté juste pour satisfaire les puissances étrangères mais sans vraiment
comprendre les raisons de l’importance que l’occident accorde à la propriété intellectuelle.
Au delà de ces trois hypothèses, la Chine est dans une phase de transition évidente
en termes économiques mais également sur ce genre de sujet. Il faut donc avoir une vision
plus globale et comprendre le problème du respect des DPI comme étant quelque chose
qui mêlerait ces trois hypothèses, à la fois de la bonne volonté mais de l’incompréhension
pour un pays qui n’a pas hérité cette tradition. Mais c’est également un moyen de pression
et un baromètre : lors des tensions récentes avec les États Unis la vente des DVD piratés
en Chine a augmenté de manière significative. Faut il y voir un lien direct ? Il est en tout cas
certain que si la Chine avait la volonté politique de se battre contre le piratge de DVD par
exemple elle pourrait le faire comme elle l’a fait durant les JO de 2008. Aucune échoppe de
vente de DVD piratés n’était ouverte pendant la durée des jeux. Echoppes qui dès le départ
de la flamme se sont rouvertes comme par magie et en toute impunité.
2) Propriété intellectuelle et compétitivité
a) La propriété des brevets dans un monde globalisé
La mondialisation a eu pour effet de tempérer de manière sensible les assertions faites
plus hauts sur les notions de DPI en général. La mondialisation a eu cet effet dans la mesure
où de plus en plus de brevets ont été mis en place par des firmes de nationalités différentes,
en coopération, augmentant ainsi le rôle de l’action multilatérale et assurant une régulation
effective de ces droits. L’activité internationale en matière de co-invention augmente elle
aussi de manière exponentielle. Pourtant la grande majorité des brevets sont toujours en
possession des firmes privées.
Les possessions de brevets partagés par des firmes de plusieurs nationalités a
augmenté de 13,7% des demandes d’acquisition de brevets à 15,7% dans le cadre du Traité
sur la Coopération des Brevets entre 1993-1995 et 2003-2005 respectivement. De plus
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
en plus d’entreprises investissent dans la R&D dans des pays différents du pays siège de
l’entreprise. C’est le cas par exemple de Philips qui a investi 50 millions de dollars en R&D
sur le territoire chinois et a établi 15 laboratoires de recherche en 2004.
La part des brevets co-inventés a augmenté de 5,8% dans le milieu des année 90 et
de plus de 7% en 2003-2005. Le meilleur exemple est celui de Taiwan : 50% des brevets
déposés sur son territoire l’ont été par des entreprises étrangères ou en co-invention.
La grande majorité des brevets appartiennent aujourd’hui à des firmes privées,
laissant les gouvernements et les universités loin derrière. En moyenne, 80% des brevets
appartiennent au secteur privé sur la période 2003-2005.
Pour les nouveaux entrants, les interactions entre les opportunités de financement et la
possession ou l’accès aux brevets sont devenues un problème majeur, une condition sine
qua non à l’entrée sur les marchés. Une étude effectuée par Ernst & Young révèle que la part
des investissements dans les énergies renouvelables dans les investissements mondiaux
a augmenté de manière considérable de 1,6% des investissements totaux en 2003 et 11%
en 2008. Les fonds de capitaux préfèrent en effet investir dans des entreprises naissantes
de type start-up parce que leur capital en brevets est en général assez élevé : la possession
de brevets est donc devenu une condition d’attractivité des capitaux.
Le fait que la R&D s’internationalise de plus en plus s’accompagne d’un retrait
progressif des gouvernements sur ce terrain. Dans le monde actuel, la recherche va vers
les endroits qui paraissent les plus propices. Les politiques nationales peuvent bien sûr
influencer ce fait (exonérations fiscales par exemple) mais de plus en plus les questions de
R&D seront gérées à un niveau global plutôt que national.
Les technologies du climat et les systèmes qui les accompagnent offriront en ce sens
des industries à haute valeur ajoutée pour les pays qui obtiendront un avantage comparatif
dans leur développement et leur production. Il y a une tension d’ores et déjà visible entre
le désir de sécuriser les bénéfices économiques et la R&D, et le besoin de maximiser la
diffusion de la technologie pour protéger le climat du monde. Et c’est là tout l’objet de la
discussion à savoir si les écotechnologies et leur commerce doivent ou non obéir à des
règles classiques de marché.
Ce que montre en tout cas cette rapide démonstration c’est le lien direct qui existe entre
possession de brevets et attractivité des financements pour une firme ou un territoire. Les
brevets sont de moins en moins le fait des gouvernements mais celui des firmes, reléguant
le rôle de l’État à celui d’hôte de firmes qui possèdent, elles, les brevets et les licences
d’utilisation.
« Part des brevets déposés en co-invention »
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MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
« Part des dépôts de brevets par les différentes institutions ».
On voit donc très clairement que les dépôts de brevets sont de plus en plus le fait des
firmes comme le confirme ce graphique. Notons qu’en Chine la part de l’industrie est loin du
niveau de l’Union Européenne et que le gouvernement n’est étonnamment pas très présent
sur ce secteur.
Donc un lien évident entre la propriété intellectuelle, dans notre exemple, l’obtention
de brevets et la compétitivité des firmes à l’échelle mondiale. C’est bien en ce sens que
les questions de propriété intellectuelle sont essentielles à notre sujet : comment rendre les
firmes chinoises attractives pour les investisseurs européens dans le domaine particulier
MORALES Josselin_2010
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
des écotechnologies. Un « contrat social » approprié et efficace devrait être envisagé autour
de l’innovation ‘low carbon’ pour équilibrer la part du secteur privé et les intérêts du secteur
public. Réduire le débat aux transferts et aux acquisitions des DPI polarise les intérêts des
différentes parties et empêche l’émergence de solutions créatives, ce qui pourrait avoir de
lourdes conséquences sur l’avenir du débat.
b) Les préoccupations de compétitivité ne devraient pas limiter la diffusion
Pourquoi paraît-il nécessaire d’aborder ce type de question dans le cadre de notre
étude ? Parce le thème est au cœur des problèmes de transfert de technologie dans la
mesure où c’est bien la concurrence qui empêche le transfert gratuit de technologies. Des
transferts gratuits qui amélioreraient la situation globale dans les domaines de la réduction
des gaz à effet de serre.
En effet, les problèmes de DPI ont limité certaines entreprises dans les investissements
qu’elles auraient pu effectuer dans des pays en voie de développement. Pourtant,
même si le risque existe, dans certains cas les entreprises conservent leurs avancées
technologiques pour elles-mêmes pour conserver leur avantage comparatif, stratégie toutà-fait compréhensible. L’action est requise dans ces domaines. A savoir un renforcement de
la protection des DPI qui récompenserait l’innovation tout en assurant que des initiatives de
diffusion rapide existent. Et dans ce contexte, une action de gouvernement à gouvernement
peut être un outil très utile.
Les acteurs ont tous suivi des stratégies différentes pour conserver le plus possible
les technologies qui leur donnaient un avantage comparatif dans le but de conserver
également leur capacité d’innovation. Certains ont renforcé la protection des DPI sur leur
sol pour encourager l’arrivée d’IDE, certains ont encouragé les entreprises en joint venture
à maximiser le transfert de technologie. C’est le cas du Japon dans les années 50 et 60
et de la Chine aujourd’hui.
La peur du non respect des DPI pousse donc les entreprises en joint-venture à ne
transférer que les plus vieilles innovations pour lesquelles le risque de fuite et de copie est
moins grand. Et ce même si des accords ont été signés auparavant. Ce fut le cas en Chine
pour un contrat passé entre une entreprise européenne (pays d’origine non précisé dans le
rapport de la banque mondiale) à propos d’équipements anti pollution. Mais une étude de
Harvey et Morgan datant de 2007 a montré qu’il était possible d’investir dans la création de
liens forts au sein même de la Chine et met à bat les mythes qui entourent la Chine et le
respect des DPI (voir paragraphe suivant).
Dans quelle mesure les problèmes de compétitivité peuvent être surmontés grâce à la
puissance publique ?
L’action gouvernementale peut être utilisée pour atténuer les peurs liées à la
compétitivité et à la concurrence. Cela peut être mis en place par le biais d’accords
bilatéraux à propos de DPI. De tels accords permettraient à des entreprises d’avoir
confiance et d’investir sur des marchés où le risque en ce qui concerne les DPI est grand. Le
gouvernement chinois a signé des accords bilatéraux de ce type, accords que l’on appelle
des Mémorandums de compréhension :
Chine et Etats-Unis par exemple sur la protection de la propriété intellectuelle en 1992
et une feuille de route sur des contrôles réguliers et sur des mécanismes de consultation
en 2000.
Entre l’UE et la Chine également sur le sujet des DPI également par la mise en place
d’un groupe de travail sur les mécanismes de dialogue en 2005
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MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
Pour résumer, les problèmes de DPI ne devraient plus être un frein au transfert de
technologie. Les instances de dialogues doivent travailler sur ces questions puisqu’elles
freinent les entreprises à investir dans le domaine des technologies de pointes et des
écotechnologies. L’action au niveau multilatéral est donc impérative pour répondre aux
besoins d’innovation et de diffusion.
C) Innovation, DPI et compétitivité en Chine
Provoquer et déclencher la capacité des PVD à innover est d’un grand intérêt pour les
pays développés dans la mesure où ces pays seront des marchés futurs très importants
en termes de débouchés pour les entreprises et les investisseurs. Néanmoins, comme vu
plus haut il va falloir aller au delà des questions de compétitivité et de DPI et le cas de la
Chine est un très bon cas d’étude.
L’intensité en R&D (augmentation des dépenses en R&D par rapport au PIB) a plus
que doublé entre 1995 et 2005, passant de 0,6 à 1,3%. Le plan à moyen et long terme pour
la recherche scientifique et technique qui s’étend sur la période 2006-2020 prévoit un indice
à 2% en 2010 et 2,5% en 2020. Un autre objectif de ce plan est celui d’atteindre le chiffre
de 60% de l’augmentation du PIB grâce à l’innovation et les sciences et techniques.
En ce qui concerne les brevets, il y a eu une augmentation très rapide des dépôts de
brevets sur son sol par des Chinois. Dans le même temps, les brevets déposés par des
étrangers ont augmenté eux aussi de manière significative, tout en restant moins nombreux
que les brevets chinois. Les pays leaders dans le nombre de brevets déposés au Bureau
chinois des Brevets sont le Japon, l’UE et les Etats-Unis. Voir la figure suivante :
« Brevets accordés aux étrangers par le Bureau chinois des brevets entre 1985 et
2006 »
Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que même si les dépôts de brevets sont en
majorité des dépôts chinois, les dépôts de brevets dans les domaines de l’innovation sont
eux largement dominés par les dépôts étrangers.
« Brevets d’invention garantis par le bureau des brevets contre brevets étrangers »
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
En ce moment, la plupart des technologies de base sont soit importées soit contrôlées
ème
par des entreprises étrangères. La Chine est la 3
puissance commerciale du monde,
mais la part des hautes technologies inventées sur son sol s’élève à seulement 2% de son
commerce extérieur.
Plus de 85% des brevets considérés comme étant de haute technologie sont entre les
mains de compagnies étrangères.
Prenons quelques exemples :
Ce taux atteint 100% dans l’aviation civile
En ce qui concerne l’équipement médical il est en grande partie importé également
C’est également le cas de 80% de l’équipement pétrochimique
Et c’est aussi le cas de plus de 50% des technologies de base des télévisions couleur
et des téléphones portables.
La Chine est donc très ambitieuse dans ses objectifs et compte bien remédier à ce
problème de dépendance si elle souhaite devenir une puissance mondiale à part entière.
Le rapport Harvey et Morgan remet en cause comme dit plus haut quelques mythes qui
subsistent autour de la Chine et de sa politique en ce qui concerne les DPI. La plus
significative de ces démonstrations est celle qui met à bas le mythe d’une Chine qui ne
respecte les DPI que pour favoriser ses entreprises. Ils affirment qu’il n’y a aucune faille
dans le système juridique et légal chinois en ce qui concerne ces droits, et qu’au contraire
même, ce système n’a rien à envier aux standards internationaux.
Pourtant, et c’est là la faille du système, les juges en première instance n’ont aucune
expérience de ces droits et de la façon dont il faut les appliquer et les faire respecter. A cela
s’ajoutent les problèmes de corruption. C’est ainsi que les autorités chinoises ont conseillé
aux entreprises étrangères de déposer leurs recours directement aux autorités fédérales
(sorte de Cour Suprême).
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MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
B/ Innovation et transfert de technologie entre UE
et Chine : proposition pour une stratégie gagnantgagnant.
La coopération de l’Union Européenne et de la Chine dans le domaine des écotechnologies
peut entraîner toute une série d’opportunités pour un résultat gagnant gagnant. C’est une
réalité que nous avons tenté de démontrer tout au long de notre présentation. On peut
regrouper ces défis autour de trois pôles d’après ce qui a été dit plus haut : l’innovation,
l’introduction au marché et le développement des marchés.
La coopération dépendra des stages de maturité des technologies. La Chine et l’UE
devront aller au delà des différences culturelles et organisationnelles qui pourraient poser
de véritables problèmes et mettre au défi la collaboration.
En fonction des terrains de coopération, les conditions peuvent être définis autour de 5
problèmes clés : le défi technologique et les DPI, le financement, les capacités locales, les
infrastructure et la régulation gouvernementale et les politiques.
1) Proposition de modèle pour une coopération réussie
La coopération entre la Chine et l’UE peut prendre des formes très diverses en fonction des
zones de coopération (innovation, l’introduction au marché et le développement du marché).
Aller au delà des concepts traditionnels de transfert des technologies.
Aller au delà des concepts traditionnels c’est dépasser le simple transfert et ouvrir
la coopération à d’autres domaines. Tout comme il est important d’aller au delà de la
compétitivité au niveau national, il faut bien comprendre que les PVD dont la Chine ont
besoin d’un soutien plus large pour créer en leur sein de réelles capacités d’innovation.
L’innovation n’est pas un processus linéaire et concerne une multitude d’acteurs qu’ils soient
publics ou privés. Les concepts traditionnels de transfert de technologie ont toujours suivi
une vision assez étroite de ce processus, considérant les capacités de financement toujours
assez limitées qui est peu à même de transformer la manière dont les technologies sont
diffusées dans les PVD.
La banque mondiale note que « lorsqu’une nouvelle technologie mettait prés d’un siècle
pour atteindre 80% des pays du globe au XIXème siècle, aujourd’hui il faut en moyenne
une vingtaine d’années et ce fait ne fera que s’accélérer (…) mais en fin de compte le plus
important dans la réussite technologique est bien sur la rapidité à laquelle cette technologie
est diffusée ».
Il faut tout de même relativiser cette affirmation dans la mesure où les inégalités
d’absorption sont très grandes entre pays, même entre pays aux revenus similaires. D’après
la banque mondiale, les preuves ont été faites quant à la lenteur de la diffusion des
innovations technologiques dans les pays en voie de développement.
La diffusion est en fait autant le fait des institutions et des organisations à l’intérieur du
pays que le fait d’un manque de financement à l’accession à de nouvelles technologies.
De plus, permettre la diffusion de l’innovation et le transfert de celle ci vers les PVD
nécessitera un effort global et de tous les acteurs en présence. Les systèmes d’innovation
sont des systèmes dynamiques et qui répondent à des conditions elles aussi dynamiques
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
comme l’incitation, les conditions de capacités initiales, l’environnement entrepreneurial et
gouvernemental.
Innovation, introduction et développement des marchés.
Modèle de coopération dans le domaine de l’innovation.
Les objectifs clés dans le domaine de l’innovation sont d’accélérer le développement
et la commercialisation des nouvelles technologies (travailler sur la fin de la chaine de
l’innovation donc). Cela pourrait être fait dans un cadre tel que celui de programmes
communs de recherche et développement mais aussi de mise en place sur le terrain, et
dans le cadre d’un soutien financier apporté par l’UE à l’innovation chinoise.
L’UE et la Chine pourraient conjointement financer des initiatives pour développer de
technologies spécifiques en s’appuyant sur les forces et les domaine de compétence de
chacun, sur leurs capacités complémentaires. Ceci pourrait permettre à la Chine d’obtenir
des brevets et des licences d’utilisation pour des technologies qui lui sont essentielles,
et permettre à l’UE de partager les coûts et les dépenses de développement et de
commercialisation et par la bénéficier de la coopération. Les institutions chinoises pourraient
par exemple se lier avec les plateformes de recherches européennes ou développer des
relations plus proches avec différentes institutions européennes (on peut penser à la
commission et aux plans qu’elle met en place).
Dans tous les cas de figure que les deux partenaires choisiront, les relations
comprenant une éventualité de co-développement en matière de technologie requerront un
niveau de soutien approprié pour dépasser la complexité de la coopération internationale.
Tout d’abord, examinons dans quelle mesure l’Union Européenne pourrait soutenir
l’innovation chinoise par les financements. Au lieu d’un co-développement, l’Union
Européenne pourrait agir en tant que co-investisseur dans des institutions basées en Chine
qui ont pour but de soutenir le développement de technologies ou soutenir des entreprises
qui souhaiteraient commercialiser de nouvelles technologies. Cela pourrait passer par un
soutien aux entreprises naissantes, par le soutien à des initiatives de R&D ciblées ou encore
par le soutien à des programmes universitaires.
Un exemple de ce modèle est le modèle Carbon Trust en Grande Bretagne.
Dans le domaine de l’introduction au marché
Le défi de l’introduction au marché et d’identifier les technologies dont la Chine a
besoin et les adapter à la Chine. Cela peut être atteint de plusieurs façons comme faciliter
l’obtention de licences de technologies aux compagnies chinoises et faciliter l’entrée des
compagnies européennes aux technologies innovantes en Chine.
Pour faciliter l’obtention de licences, on peut très bien imaginer qu’un intermédiaire
se mette en place et identifie les technologies qui pourraient être intéressantes pour la
Chine. Intermédiaire qui dans un second temps faciliterait l’obtention de licences pour les
compagnies chinoises. Cette organisation agirait donc en temps qu’organisation neutre et
serait en contact avec les entreprises européennes et chinoises. L’intérêt européen est
grand dans la mesure où l’accès au marché chinois est un enjeu de taille. Si les firmes
européennes se placent des le départ sur ces marchés, elles bénéficieront d’un avantage
certain sur leurs concurrents. La Chine a elle aussi besoin de voir arriver sur son territoire
ces technologies. Cette organisation potentielle serait un acteur majeur dans la mise en
œuvre d’une stratégie gagnant/gagnant.
60
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
Pour ce qui est de l’entrée des compagnies européennes aux technologies innovantes
sur le marché chinois, la stratégie est à peu près la même. Beaucoup de PME européennes
ont développé des technologies intéressantes mais n’ont pas le financement et les
ressources des firmes multinationales pour se déployer sur le marché chinois. L’organisation
potentielle dont nous avons parlé plus haut pourrait très bien mettre à disposition de ces
entreprises des fonds et des ressources pour leur permettre de se diffuser sur le marché
chinois. En développant l’expertise locale et la création de liens avec les institutions et
entreprises chinoises stratégiques, ce centre, cette organisation serait un grand plus pour
les entreprises européennes.
Le financement d’un tel projet pourrait être public et privé à la fois, permettant à la
commission par exemple de conserver son rôle d’impulsion tout en laissant au secteur
privé le soin de dégager les pistes les plus intéressantes pour le développement d’une telle
entreprise.
Facteurs clés de succès
L’UE et la Chine ont un agenda de développement en ce qui concerne les
écotechnologies et les moyens qu’elles comptent mettre en œuvre pour faire face aux
changements climatiques. Cela est une opportunité extraordinaire pour un partenariat dans
ce domaine. Les deux parties ont intérêt à commercialiser les nouvelles technologies, que
ce soit pour des projets à petite échelle (R&D entre universités par exemple) ou à une
échelle plus grande. Les mécanismes de coopération à grande échelle n’ont pas encore
été mis en place, mais des plateformes existantes peuvent prendre ce rôle comme le SETPlan (initiative industrielle européenne).
Management des DPI
Malgré le fait que les DPI soient la plus grande difficulté à surmonter dans la coopération
mondiale pour faire face aux changements climatiques (comme on l’a vu à Copenhague),
l’union Européenne et la Chine utilisent des modèles pour protéger et partager ces DPI
permettant un développement en commun et la commercialisation de technologies. Cela
s’applique à des coopérations entre secteurs publics (modèle ICUK) mais aussi des
partenariats public-privé ou des consortiums privés.
Provoquer le succès
Il est plutôt aisé d’identifier les intérêts communs pour une telle collaboration, mais une
collaboration concrète, sur le terrain n’est souvent pas si aisée. Il ne faut pas oublier les
difficultés relatives aux différences culturelles, à la barrière de la langue, mais également
aux différents systèmes de gouvernance et au financement du secteur de la recherche,
à l’opacité de certain contrôles ou à l’obtention de fonds pour l’investissement du côté
chinois. Citons aussi les attentes différentes sur les rôles à jouer de chaque acteur et sur
les responsabilités, les bénéfices de la coopération.
Dans le but de surmonter ces défis, un mécanisme doit être établi pour faciliter
de manière efficace la communication et s’attaquer aux difficultés lorsqu’elles émergent
à n’importe quel stage de la collaboration. Cela requiert de solides arrangements
institutionnels et de gouvernance, mais aussi des équipes efficaces et qualifiées qui seront
capables de faire face et de répondre aux défis de la culture et de la langue.
Pour provoquer le succès, il faut également bien mettre en évidence quelles sont les
attentes des deux parties et s’assurer que les moyens prévus pour y parvenir sont alignés.
MORALES Josselin_2010
61
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
2) Exemple de réussites d’acquisition de technologies européennes
par des firmes chinoises.
L’acquisition d’une firme allemande par la Chine
En 2008, Xinjiang Goldwind Science & Technology Co a acquis 70% de parts (41
millions d’euros) d’une entreprise allemande fabricante de turbines éoliennes qui avait
précédemment vendu ses licences d’inventions à Goldwind. L’acquisition permet donc a
Goldwind d’acquérir dans le même temps la technologie de base et les DPI de ce genre de
turbines appelées turbines « direct-drive ».
Un développement futur de l’entreprise prévoit l’ouverture sur le territoire allemand
d’une usine de fabrication de turbines éoliennes d’une valeur de 5 millions d’euros, ce qui
permettra à l’entreprise de s’implanter d’autant plus rapidement sur le marché européen.
L’acquisition de Vensys par Goldwind a donc permis à ce dernier de s’internationaliser
sur ce marché, d’acquérir des droits sur les technologies et de se positionner de manière
stratégique face à ses concurrents qui avaient eux aussi utilisé des technologies provenant
de Vensys.
Établir des standards communs : une piste pour la réussite d’une collaboration entre
l’ue et la Chine
Etablir des standards communs de manière rigoureuse est un des enjeux de la
coopération Europe-Chine. Cela permettra d’étendre les marchés pour les entreprises
chinoises mais également pour les entreprises européennes, et permettre la diffusion.
Ces derniers années, la Commission Européenne œuvre de manière intensive avec
le secteur de l’industrie pour établir des standards pour des technologies et des produits
qui sont vendus et utilisés en UE. Ces standards incluent les thèmes de la réduction
des émissions et de l’efficacité énergétique. On peut faire un tableau pour résumer ces
standards :
62
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
Standard mis en place
La directive « éco-design » de l’Union
Européenne de 2005
Description
L’UE a adopté cette directive qui impose
l’utilisation de certains standards d’efficacité
énergétique pour les équipements qui utilisent,
génèrent, transmettent ou mesure l’énergie.
Cela inclus des biens de consommation
(chauffe-eau, ordinateurs, télévision…) aussi
bien que des produits industriels (ventilateurs
industriels…)
Directive sur la performance énergétique de la Cette directive s’applique aux constructions
construction
aussi bien résidentielles que professionnelles,
et impose des standards d’efficacité
énergétique et des contrôles quant à la
consommation en énergie des chauffe-eau et
des systèmes d’air conditionné.
Proposition sur la limitation des émissions des La Commission se propose de limiter les
nouveaux véhicules
émissions de CO2 des véhicules. Pour ce
faire elle impose au fabricant une moyenne
de 130g de CO2 au km. Si les véhicules
excèdent ce taux, le fabricant se verra
imposer des pénalités financières.
Il est important que la Chine et l’UE coopèrent et que cette coopération porte ses fruits
rapidement dans un contexte de développement d’autres partenariats (entre la Chine et
les Japon ou les États Unis par exemple). Cela évitera que l’UE et la Chine travaillent en
coopération avec le « plus petit dénominateur commun », il faut que les deux partenaires
s’imposent à l’un et à l’autre des standards, des habitudes pour qu’ensuite, face à leurs
concurrents leurs partenariat paraisse être le plus évident.
L’harmonisation et la mise en place de standards en UE a permis d’impulser les
marchés et de les vivifier, chose qui aujourd’hui permet la diffusion et le développement de
ces technologies sur le territoire de l’UE. De la même manière, la coopération entre l’UE et la
Chine sur l’établissement de standards de performances relatifs à l’efficacité énergétique et
les émissions de gaz à effet de serre sera mutuellement bénéfique pour un développement
à long terme de l’économie « low-carbon » dans les deux régions. L’UE et la Chine doivent
se positionner dans ces domaines comme les leaders mondiaux.
C/ Sur le terrain, une concurrence de fait
En ce qui concerne le secteur des énergie propres, c’est sur le marché de l’énergie solaire
qu’on entend le plus souvent parler de compagnies chinoises à l’assaut de marchés dans
les pays développés. La concurrence entre l’Union Européenne et la Chine se joue bien
plus sur le territoire des pays développés dans la mesure où l’investissement dans les pays
en développement est beaucoup moins élevé. La compétition se joue donc entre la Chine
et l’UE au sein même pays développés.
Le 17 mai 2010, lors d’une rencontre entre dirigeants chinois et américains, le
ministre du commerce américain Gary Locke sommait la Chine de garder son marché
MORALES Josselin_2010
63
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
des écotechnologies ouvert aux technologies étrangères. Dans le discours qu’il a tenu à
HongKong, Locke affirme : « il est plus efficace pour des compagnies et des Etats de
rechercher les meilleures technologies disponibles plutôt que d’acheter quelque chose
de moins bon en terme de qualité et de devoir tout racheter quelques années après ».
L’Occident s’inquiète en effet de la politique de soutien aux innovations locales que mettent
en place les autorités chinoises. Ils craignent que ces politiques freinent la participation
étrangère dans le domaine des écotechnologies. Les analyses récentes montrent que la part
des compagnies étrangères sur le marché des turbines éoliennes par exemple est passée
de 75% en 2004 à 24% en 2008 et qu’elle pourrait chuter à moins de 5% en 2010.
Que faut il penser de telles observations ? Les Chinois semblent dans leur droit
lorsqu’ils protègent leur marché intérieur. Dans le même temps, les entreprises chinoises
sont de plus en plus offensives sur les marchés occidentaux : état des lieux.
1) Le marché de l’éolien : exemple d’une concurrence saine ?
Tout d’abord il est intéressant de faire un rapide état des lieux du marché de l’éolien en
Chine et de l’industrie éolienne en Chine.
L’objectif de la Chine est d’atteindre une production de 100 gigawatts en 2020.
Le nombre de fabriquants de turbines éoliennes en Chine dépasse le chiffre de 70 (alors
qu’il n’y en avait que 6 en 2004).
Les 5 leaders sur le marché chinois : Goldwind, Sinovel, Gamesa, Vestas et Dongfang
Les acteurs étrangers clés dans ce marché : Gamesa, Vestas, GE, Suzlon and Nordex
5
Le potentiel de production d’énergie éolienne en Chine : de 700 à 1200 GW
On est donc dans une situation d’expansion du marché de l’éolien à une vitesse
fulgurante (on passe de 6 fabriquant de turbines en 2004 à plus de 70 aujourdh’ui). Un
potentiel en terme de débouchés lui aussi extraordinaire (700 à 1200 GW de potentiel de
production).
Quelle sont les particularités de ce marché ? comment l’UE et ses partenaires
parviennent à se positionner sur ce marché ?
L’avis du Global Energy Council
Steve Sawyer, le secrétaire général du Global Wind Energy Council, personnalité qui
fait autorité dans son domaine, invite les fabricants et les acheteurs à ne pas s’inquiéter
quant à une hypothétique hausse de la demande chinoise et explique : « si Sinovel
(entreprises chinoise) veut dépasser Vestas ou GE, le marché de l’éolien offshore chinois
devra faire un effort de grande ampleur et conquérir de nouveaux marchés comme le marché
américain par exemple ».
« Je pense que la croissance rapide qu’a connue la Chine (un marché qui double tous
les ans) n’est pas amenée à continuer sur cette lancée. Ils ne vont pas installer une capacité
de 25 gigawatts tous les ans ! ils le pourraient, mais cela paraît improbable ». Sawyer prévoit
que le marché chinois va continuer à grandir de façon plus mesurée, et que la concurrence
interne va prendre de plus en plus d’ampleur (entre Sinovel, Goldwind et Dongfang en
particulier). D’après les derniers rapports du cabinet danois BTM, les chinois Sinovel et
Goldwind sont maintenant dans le top 5 des fabricants mondiaux, reléguant les compagnies
5
64
Sources : China’s National Development and Reform Commission, Research In China (Beijing), and Climate Srategies (UK).
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
européennes Gamesa ou Siemens loin derrière. 3 autres compagnies chinoises sont dans le
top 15. La course pour la suprématie chinoise est conduite par Sinovel, en troisième position
avec 9,4% du marché mondial, juste après Vestas (12,5%) et GE (12,4%). Goldwind est en
ème
5
position avec 7,2%.
La croissance de ces entreprises chinoises est due en majorité au marché intérieur et
aux commandes publiques comme vu plus haut. Mais à l’échelle mondiale, les fabricants ont
vu leurs parts sur le marché mondial réduire à grande vitesse, même lorsque leurs ventes
augmentent. Les parts de Vestas sur ce marché sont tombées l’an dernier de 19,8%, en
parallèle, les parts de marché de GE chutaient de 18,6%. L‘espagnol Gamesa est ainsi
ème
ème
passé de la 3
position à la 6
en l’espace de quelques mois.
L’opportunité existe néanmoins pour les entreprises européennes dans la mesure où
l’État chinois change petit à petit de stratégie, passant de la qualité à la quantité. « Le
gouvernement a atteint ses objectifs pour le secteur éolien, objectif qui était d’établir un
secteur chinois de fabrication de turbines éoliennes ». Mais ce succès amène également
toutes les complications auxquelles les entreprises européennes se sont d’ores et déjà
confrontées c’est à dire tout ce qui relève des problèmes électriques liés à l’éolien. Et sur
ce terrain les européens sont mieux placés.
« Les entreprises chinoises vont maintenant être confrontées à une augmentation des
matières premières et devront respecter des normes mondiales si elles souhaitent conquérir
de nouveaux marchés, ce qui engendre des coûts conséquents. Dans cette perspective,
les choses vont en quelque sorte s’équilibrer ».
Cependant, Sawyer souligne aussi le fait que les turbines chinoises s’améliorent
rapidement en terme de qualité. Il qualifie les tubines 1.5-megawatts de Sinovel de
« machines très fiables » et ajoute « nous sommes dans une période de compétition très
saine avec des prix qui baissent de manière globale ».
Les représentant européens présents à cette conférence ne sont pas inquiets quant
à l’arrivée massive de turbines chinoises sur le sol européen, ou quant à la diminution du
soutien à l’industrie par la Commission. « Je ne suis pas persuadé que nous verrons des
milliers de turbines chinoises débarquer sur le sol européen » explique le président Zervos
de l’association de l’énergie éolienne. « Dans tous les cas, que la compagnie soit allemande,
chinoise ou américaine la production restera locale et la création de postes continuera ».
Mais le marché chinois ne sera pas facile à conquérir. Les plus gros fabricants
européens de turbines éoliennes sont peu susceptibles de conquérir des parts du marché
chinois d’après G. Hassan, de l’entreprise GL qui travaille beaucoup en Chine.
« C’est plutôt difficile de s’installer sur ce marché de manière confortable si l’entreprise
étrangère n’a pas un partenariat important avec une firme chinoise. Le gouvernement
chinois veut fournir le marché intérieur en priorité avec des turbines chinoises. Ce n’est
pas parce qu’on construit en Chine que l’on vendra en Chine. Pourquoi les fabricants sontils présents en Chine ? Sûrement pour profiter des coûts réduits de production et exporter
ailleurs, sur d’autres marchés. Il dit qu’il est difficile pour des firmes occidentales de faire
des affaires là-bas : « les entrepreneurs ne s’implantent pas toujours pour avoir un retour
sur investissement mais pour d’autres raisons ». Garrad se réfère en fait à la stratégie
gouvernementale chinoise qui tend à augmenter en terme quantitatif le nombre de turbines
et de mégawatts au dessus de toutes autres considérations. Comme l’efficacité n’a pas
été la priorité, 60% des turbines chinoises installées produisent de l’électricité. Il explique
que les compagnies locales peuvent être divisées en deux catégories quant aux problèmes
MORALES Josselin_2010
65
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
d’efficacité et de fiabilité : « il y a Sinovel et Goldwind qui regardent vers l’ouest et pensent
à vendre là-bas, et les autres qui n’ont pas ces prétentions ».
Finalement, les compagnies qui sont les plus anciennes sur le marché dans la liste
des 10 premières ont perdu des parts de marché de manière significative. Il faut toutefois
relativiser ces chiffres puisque comme le dit le Mr Hassan, il n’y a pas d’arrivée massive
de produits chinois sur le sol européen. La part des constructeurs occidentaux diminue à
l’échelle mondiale mais c’est surtout grâce aux débouchés qu’offre le marché chinois pour
l’instant et non parce que les entreprises exportent et vendent à l’étranger.
Soulignons enfin cette affirmation qui est celle d’une différence de positionnement sur le
marché, à savoir l’offre d’un produit haut de gamme d’un côté et d’un produit souvent moins
fiable de l’autre (chose de moins en moins vraie). On assistera sûrement à une montée en
gamme des produits chinois, mais à une baisse des coûts de production du côté européen.
On peut prédire sans trop prendre de risque que sur le marché de l’éolien, la place que
prennent les trois principaux acteurs va s’équilibrer.
Mettre à mal la concurrence européenne
Les fabricants locaux, comme vu supra, sont parvenus à réduire leurs coûts de
production par rapport aux prix que pratiquent les entreprises étrangères sur le sol chinois.
Du même coup, les entreprises chinoises remportent le plus souvent les appels d’offres.
Aujourd’hui en Chine, toutes les fermes éoliennes sont développées par des compagnies
6
dont le lien avec le gouvernement n’est plus à démontrer et leur politique est d’accepter
le contrat le moins onéreux. Par ailleurs, le stimulus gouvernemental de 2009 mis en place
pour répondre à la crise a inclus une motion « acheter chinois » qui a bien aidé les fabricants
chinois.
Entre mars et mai de l’année 2009, 7 milliards de dollars ont été investis dans 25 grands
projets de développement de l’énergie éolienne. Parmi ces 25 projets, seuls 5 d’entre eux
ont retenu des entreprises étrangères : Vestas, GE, Gamesa et Suzlon ont été rejetés dès
le premier tour des sélections. Et finalement tous les contrats sont allés à des entreprises
chinoises.
Les fabricants étrangers de turbines éoliennes ont commencé à faire pression sur ce
qu’ils considèrent comme étant des critères injustes de sélection et tentent d’ajouter au
critère de prix les critères de qualité, retour sur investissement et fiabilité. Après cet épisode,
le président de Suzlon avoua que le gouvernement rendait impossible la concurrence
7
étrangère sur le sol chinois .
Jorge Wuttke, le Président de la Chambre du Commerce de l’Union Européenne en
Chine ajoute qu’il semble y avoir une directive claire de la part des autorités chinoises,
refuser systématiquement le projet européen s’il est en concurrence avec un projet chinois.
« Même si les fabricants chinois ont très rapidement répondu à la demande de turbines
éoliennes, ils doivent encore s’améliorer en terme de qualité, fiabilité, longévité et design »
8
explique le Dr. Zhangbin Zheng .
6
7
8
Keith Li, analyste en énergie éolienne à CIMB GK à Hong Kong
Sources : China’s National Development and Reform Commission, Research In China (Beijing), and Climate Srategies (UK).
Docteur en économie au bureau du développement asiatique, spécialisé dans le financement des projets d’énergie
renouvelables.
66
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
2) Stratégie offensive : photovoltaïque, et stratégie du géant éolien
Sinovel.
Sinovel : une stratégie offensive
Sur ce marché précisément les entreprises chinoises ont pris une avance considérable
sur les entreprises occidentales, se positionnant en véritable leader mondial. Les entreprises
qui en ont le plus souffert sont en majorité allemandes, mais c’est tout le secteur qui a du
se restructurer intégralement pour faire face à l’arrivée de la concurrence chinoise.
Suntech est le principal acteur du côté chinois (338,8 millions de dollars de recettes en
2009) quand d’autres perdent, des pertes en majorité dues à la crise mais aussi à cause de la
forte dépendance de certaines firmes chinoises aux fluctuations de la monnaie européenne.
Le 19 mai 2010 Suntech annonçait que l’entreprise allait perdre de 24 à 25 millions de
dollars à cause des taux de change au premier trimestre de 2010 à cause de la parité euro/
dollar. Par exemple, ChinaSunergy, une autre entreprise chinoise a perdu 3,6 millions de
dollars dans les seuls trois derniers mois de l’année 2009. Suntech développe une stratégie
très offensive, jusqu’à concurrencer sur leur propre territoire des entreprises européennes
comme nous le montre l’exemple suivant.
L’une des difficultés majeures que rencontrent les fabricant chinois à l’entrée aux
marchés dans les pays occidentaux est souvent la réglementation souvent très stricte de
ces pays.
Suntech dont 80% des bénéfices sont effectués à l’étranger (68% des exportations
de Suntech vont vers l’UE et en particulier vers l’Allemagne)vient pourtant de pénétrer
le marché anglais, concurrençant directement de grands constructeurs européens. Le
MCS (Microgeneration Certification Scheme) est incontournable pour vendre sur le marché
anglais. Délivré par le British Board of Agreement, le certificat affirme que les modules
de Suntech sont conformes aux standards requis pour la vente en Grande Bretagne.
Le processus de validation de MCS inclut une inspection des usines, pour s’assurer du
respect de normes de sécurité et si les critères de fiabilité sont également respectés. Jerry
Strokes, vice-président de Suntech pour la stratégie de développement en Europe explique :
« nous voyons la Grande Bretagne comme étant un marché d’importance stratégique et
nous n’avons eu aucune hésitation à soumettre nos installations au BBA pour obtenir une
certification MCS ».
Les prédictions quant aux potentialités que peuvent offrir le marché anglais sont
très prometteuses d’après Suntech qui est, rappelons-le, leader mondial et le plus grand
producteur de modules photovoltaïques en silicone.
Pour prendre le contre-pied de ce qui a été dit plus haut quant à la concurrence saine
qui se joue sur le marché de l’éolien, l’exemple du partenariat entre une entreprise chinoise
(Sinovel) et une entreprise américaine (AMSC) vient tempérer l’analyse faite par Steve
Sawyer.
Le chinois Sinovel est en effet en train d’approfondir ses relations avec l’américain
American Superconductor (AMSC) et s’embarque pour la quete de la premiere position
mondiale, devenir « le plus grand producteur de turbines éoliennes au monde » comme l’a
annoncé Han Junliang les président de Sinovel.
Les deux compagnies qui coopèrent sur la fabrication des turbines depuis 2005 vont
maintenant travailler sur de nouveaux modèles de turbines offshore. Cette nouvelle fut
annoncée lors de la commande faite par Sinovel de 445 millions de dollars pour l’achat de
MORALES Josselin_2010
67
La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
composants électroniques à AMSC pour un modèle de turbine spécifique (1,5 mégawatts
SL 1500 wind turbines).
L’objectif affiché par le président du groupe est de dominer le marché mondial le plus
rapidement possible, avec l’aide de la compagnie américaine.
ème
Après sa création en 2004, la compagnie a atteint la 3
place mondiale en 2009 en
terme de parts de marché. La croissance fulgurante de l’entreprise a bien sûr été soutenue
par les énormes commandes du gouvernement chinois et également grâce au soutien de
AMSC dans l’approvisionnement en composants électroniques.
Greg Yurek, le fondateur et chef exécutif de AMSC affirme que Sinovel (de loin son plus
gros client) est prêt à révolutionner le marché mondial « grâce à des turbines d’une grande
fiabilité et à des prix défiant toute concurrence ».
Le secteur de l’énergie solaire et, comme on le voit avec ce dernier exemple dans une
certaine mesure, le secteur de l’éolien sont deux secteurs dans lesquels la compétition à
l’échelle mondiale est en marche.
La Chine fait preuve d’une agressivité certaine dans ces domaines, attaque ses
concurrents sur leur sol, s’allie à eux pour conquérir le monde. On revient à ce qui a été
dit précédemment à savoir cette obsession constante de créer des champions nationaux.
Une obsession qui permettra sans doute à la Chine de se positionner durablement sur ces
marchés très prometteurs en terme de soutien à la croissance et à la création d’emplois.
Est ce que les joint-ventures permettront une sortie par le haut aux entreprises étrangères ?
Est-ce la stratégie qui mettra fin à la concurrence déloyale chinoise ?
Stratégie de joint-ventures : mettre fin à la concurrence déloyale chinoise
Est-ce que les joint-ventures sont le moyen de dépasser les difficultés que rencontrent
les entreprises étrangères à s’implanter en Chine ?
Incapables de battre leurs concurrents, les firmes multinationales considèrent
désormais l’option joint-venture pour atteindre leurs objectifs. Par exemple GE Drivetrain
Technologies, une unité de production de General Electric, a signé en août dernier un contrat
avec l’entreprise de Chongqing Xin Xing Gear Co pour la fabrication d’une pièce spécifique
qui permet la construction de turbines éoliennes.
L’entreprise américaine Timken Bearings construit en ce moment une installation dont
la valeur est de 38 millions de dollars dans la province du Hunan pour produire des caissons
eux aussi indispensables à l’assemblage des turbines éoliennes dans le cadre d’une jointventure avec Xiangtan Electric Manufacturing Company.
Les joint-ventures peuvent se révéler avoir des effets très positifs dans la mesure
où elles augmentent l’accès aux technologies pour les entreprises chinoises et offrent
des opportunités aux partenaires étrangers. Mais pour le Dr. Zhend, les fabricants chinois
devraient maintenant considérer la possibilité d’acquérir des firmes étrangères, dont la
plupart seraient faciles à acheter dans ce contexte de récession. Pour Zheng l’acquisition
ou la fusion d’entreprises chinoises avec des entreprises étrangères peuvent apporter
un meilleur accès aux technologies. Une acquisition plus rapide est moins onéreuse que
le long processus qu’est celui de l’acquisition de licences et de brevets, qui impose
parfois à l’acquéreur des restrictions importantes en terme de quantité et sur l’étendue des
modifications du processus de production ou du produit lui-même.
Même si les avancées chinoises sur le marché des écotechnologies sont rapides, les
fabricants chinois manquent de compétences en ce qui concerne les turbines de plus grande
68
MORALES Josselin_2010
II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie
gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions.
capacité. Zheng souligne le fait que la taille moyenne en terme de production des turbines
éoliennes pars exemple est de 1.07 MWt en Chine alors qu’elle est de 2 MW en Europe.
Cela ouvre une fenêtre pour les fabricants étrangers qui devraient directement se placer sur
ce marché des turbines à grande capacité de production d’énergie.
L’éolien offshore est un autre domaine prometteur dans lequel les entreprises
étrangères devraient se concentrer. La Chine n’a pas encore la capacité de fabriquer
et d’installer des turbines éoliennes offshore d’après une note de recherche par Climate
Strategies, une organisation de recherche basée en Grande Bretagne.
Il ne faudra pas longtemps aux entreprises chinoises pour s’exporter et devenir des
acteurs importants sur ce marché. Les entreprises étrangères doivent désormais trouver le
moyen non seulement de concurrencer les entreprises chinoises sur leur sol, mais aussi de
conserver leur rang sur le marché mondial dans un futur proche.
MORALES Josselin_2010
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
Conclusion.
Les pages qui précèdent ne sauraient suffire à trancher irréfutablement la question du
rapport Union Européenne – Chine sur le marché des écotechnologies. Il y a sans doute
deux raisons à cela : d’une part le jeune marché des technologies vertes est encore – et
sans doute durablement – en pleine expansion, d’autre part le régime politique chinois est
lui-même en lente mais profonde mutation.
Notre étude permet cependant de dégager quelques grandes tendances. La Chine
est à l’évidence en quête d’une nouvelle légitimité internationale et a bien compris son
intérêt à accepter les lois d’un commerce irréversiblement mondialisé. Elle est donc prête
à se conformer aux règles qui lui permettent de s’approprier par des moyens légaux le
fruit des programmes de recherche et développement notamment européens. Par le jeu
des investissements industriels effectués sur son sol par les 27, elle contribue même
indirectement au R&D européen et l’on peut parler de coopération entre les deux grandes
puissances économiques.
Simultanément, l’Union Européenne apparaît divisée, ralentie par ses dissensions
internes, et empêtrée dans les contraintes sociales qu’elle se crée à elle-même. Dans
de nombreux secteurs industriels, elle cède lentement son rang de deuxième puissance
économique à une Chine certes plus laborieuse mais surtout plus agressive sur les marchés.
Enfin et surtout, la pérennité du régime chinois, c’est à dire de son système politique
et de ses dirigeants, repose sur l’adhésion d’une population qui a de plus en plus accès à
l’information et dont l’opinion peut de moins en moins être négligée. Consentant à troquer
une contrainte militaro-policière (sans doute inconsciemment tolérée par atavisme) pour
un bien-être en constante progression – il suffit de se promener dans Pékin pour s’en
convaincre – le peuple chinois pousse indirectement ses dirigeants à la compétition et au
succès, fut-ce au prix de quelques contorsions sur les marchés internationaux.
Il n’est donc pas à douter que de l’évolution du régime politique chinois d’une part et
d’une meilleure définition des objectifs de l’Union européenne de l’autre dépend l’orientation
du marché des écotechnologies. Le fragile et tacite équilibre entre puissance technologique
européenne et puissance industrielle chinoise ne résistera ni aux transferts de technologie,
ni à la coercition intérieure chinoise, ni au droit légitime des PVD de partager au plus tôt
un savoir essentiel à leur survie.
Nous sommes donc dans une phase transitoire. En tant qu’européens, il est à souhaiter
que les 27 prennent conscience de l’opportunité à saisir. D’une coopération équilibrée et
rationnelle sur le marché des écotechnologies dépend probablement la pérennité d’une
certaine indépendance européenne, et d’une certaine vision du monde.
70
MORALES Josselin_2010
Annexes
Annexes
« Le problème de l’innovation et de sa diffusion dans les PVD »
La Chine est un pays en voie de développement. Malgré l’ambigüité du terme comme
souligné plus haut, les problématiques qui s’y associent s’appliquent également à la
Chine. Parmi elles, le problème du transfert des technologies qui nous intéresse plus
particulièrement dans cette étude dans le cadre du transfert des écotechnologies. Les
dirigeants chinois appellent régulièrement au transfert des technologies de pays développés
vers les PVD pour leur permettre de mieux répondre à l’effort mondial de réduction des
émissions de gaz à effet de serre tout en soutenant le rythme de leur développement.
Il s’agit donc dans cette partie de s’interroger sur ce qui se cache réellement derrière ce
discours politique, à savoir si cet appel chinois ne cache en fait pas d’autres velléités. Estce qu’en conservant son statut de PVD la Chine obtient des avantages qui ne lui seraient
pas conférés si elle avait un statut différent sur la scène mondiale ? Comment opérer ce
transfert, quelles en sont les limites ?
Les principaux canaux de diffusion technologique
L’innovation et la technologie seront des facteurs cruciaux pour parvenir à stabiliser
les émissions de CO2 à l’échelle mondiale. Atteindre une réduction du réchauffement
climatique de 2°C requerra une augmentation rapide et à grande échelle du déploiement et
du développement de ces nouvelles technologies.
Assimilation et absorption
Il est évident que l’investissement financier par l’IDE est essentiel pour que le domaine
des écotechnologies se développe en Chine. Il est par ailleurs évident que la Chine doit se
rendre attractive et que passées les difficultés concernant les DPI le secteur privé assume
en grande partie l’effort dans ce domaine.
Pourtant le lien entre IDE et retombées positives sur la productivité n’est pas évident.
Bien sur la présence des Firmes multinationales dans les PVD facilite l’accès aux
technologies avancées et constitue une étape essentielle au transfert de technologie.
Pourtant l’assimilation par les entreprises locales est bien plus lente et compliquée. Les
retombées positives des IDE sont étroitement liées à la « capacité d’absorption » du pays
hôte. « Bien que l’IDE transfère des connaissances explicites, les savoirs tacites devraient
être développés dans le pays d’accueil de manière endogène » comme nous l’explique Selin
Ozyurt dans son article intitulé « les investissements directs à l’étranger entraînent-ils des
effets de débordement vers les pays en développement ? ». En fait, « les entreprises locales
qui reçoivent la nouvelle technologie devraient compléter le processus de transfert par des
efforts internes qui nécessitent du temps et la mobilisation de ressources financières ».
Cette rapide démonstration pour introduire une notion clé de la discussion : le transfert
de technologie que demande la Chine n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Les firmes ont
tendance à internaliser le transfert des connaissances les plus complexes et difficilement
transférables. Dans la mesure où les technologies « matures » sont relativement plus faciles
à codifier, leurs transferts et leurs absorptions se réalisent de manière plus aisée et moins
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
onéreuse. En revanche la transmission des connaissances tacites nécessite davantage de
contact physique entre les partenaires.
Il faut en outre ne pas sous-estimer l’importance du capital humain et de l’effet de
seuil. C’est à dire que les auteurs s’accordent à dire qu’il y a un effet bénéfique de l’arrivée
d’IDE dans le pays d’accueil à condition que ces pays aient déjà atteint un certain seuil de
développement du capital humain.
Le rôle de l’écart technologique dans la diffusion de la technologie
L’écart technologique entre le pays hôte et le pays investisseur détermine étroitement
l’ampleur du processus du transfert de technologie. Il y dans la littérature deux types
d’arguments : d’un coté l’hypothèse de « rattrapage technologique » fondé sur le postulat
que les gains de productivité se réalisent de manière proportionnelle à l’écart technologique
entre le pays investisseur et le pays récepteur. Dans cette optique on suppose donc que
plus le pays d’accueil est en retard par rapport aux pays développés, plus le processus de
rattrapage économique sera rapide. En revanche, la deuxième approche s’articule autour
de l’idée selon laquelle lorsque l’écart technologique entre les deux pays est trop grand,
les potentialités de retombées positives à travers l’IDE se trouvent limités (dans le cas de
notre étude la première hypothèse est la plus adaptée). Pourquoi ? Parce que la capacité
d’absorption est limitée dans le pays d’accueil.
« La capacité d’absorption de la firme récipiendaire se détermine en fonction
de ses efforts en R&D ainsi que par la complexité du savoir à assimiler (dans
notre cas, la complexité est parfois très grande). A mesure que les entreprises
locales se rapprochent de la frontière technologique internationale, il leur devient
plus difficile d’imiter la technologie des FMN. A ce stade de développement les
technologies à transférer contiennent un fort contenu tacite, les connaissances
sous-jacentes nécessaires au transfert deviennent particulièrement complexes.
Bien entendu, lorsque le savoir devient complexe, pour un niveau constant de
R&D la firme assimile de moins en moins de technologies. Autrement dit, plus les
pays avancent dans le processus de rattrapage que la quantité des technologies
9
susceptible d’être assimilées ou imitées diminue »
.
Il faut un écart technologique, mais il ne doit pas être trop grand. On peut donc se demander
si un PVD tel que la Chine, qui souhaite se positionner sur le marché à haute contenance
technologique qu’est le marché des écotechnologies, est une stratégie viable dans la
mesure où la théorie invalide d’effet positif des transferts de technologies entre deux pays à
l’écart de développement trop grand. L’écart de développement est il si grand ? On peut se
demander si la Chine ne fait justement pas exception à la règle dans la mesure où la main
d’œuvre qualifiée est en croissance exponentielle sur son territoire.
L’impact des politiques à l’égard des IDE sur la diffusion technologique
Est ce que les politiques incitatives permettent vraiment de tirer le meilleur parti
de l’IDE ? C’est la question que pose l’auteur dans son article. Il souligne le fait que
depuis quelques années (l’article date de 2008) on a une vision plutôt sceptique vis-à-vis
des répercussions économiques des politiques préférentielles qui s’est progressivement
instaurée parmi les chercheurs et les décideurs politiques.
On constate que la prolifération des ZES dans les PVD a déclenché une surenchère
internationale. Dans les pays hôtes l’instauration de ZES a généralement donné lieu à
9
Rapport E3G
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Annexes
une concurrence imparfaite entre les entreprises locales et étrangères. En général, les
avantages créés pars les zones franches restent inférieurs aux coûts qu’elle impliquent.
Et le cas de la Chine illustre parfaitement ce débat. Certes les ZES ont aidé la Chine
à devenir la destination privilégiée des flux d’IDE dans le monde. L’établissement de ces
ZES a également joué un rôle « catalyseur d’exportations ». Toutefois, lorsque l’on regarde
l’économie chinoise dans son ensemble il en ressort qu’à long terme les ZES ont aussi
entraîné des effets défavorables : elles ont causé de fortes distorsions commerciales qui ont
sévèrement pénalisé les entreprises chinoises. De plus elles ont engendré une répartition
inégale de l’IDE tant au niveau régional qu’au niveau sectoriel et ont creusé les inégalités
salariales en faveur des villes et des provinces côtières.
« Ces disparité régionales véhiculées par les politiques d’ouverture
préférentielles pèsent aujourd’hui sur les perspectives de croissance
économique harmonieuse et entraînent des tensions sociales. Ceci explique
également le changement de politique d’ouverture du gouvernement chinois à
l’égard de l’IDE. Depuis environ une décennie nous constatons qu’en Chine les
politiques sélectives ont progressivement laissé place aux politiques d’ouverture
10
à l’échelle nationale »
.
Malgré le consensus établi sur les effets positifs des IDE dans les PVD et pour ce qui nous
intéresse en Chine, la littérature ne parvient pas à démontrer systématiquement l’existence
des retombées positives sur l’économie locale. Comment pallier ces manques ?
La diffusion des technologies possédées par les FMN dépend étroitement des capacités
d’absorption interne. De la même manière les initiatives politiques visant à stimuler les
efforts d’innovation domestique ainsi que la coopération internationale avec les acteurs
locaux permettraient d’assurer une diffusion effective des technologies modernes (dont les
écotechnologies bien sûr) vers l’économie locale. Par ailleurs, les politiques publiques qui
visent à améliorer les infrastructures de transport et de communication, et dans le cas de la
Chine à lutter contre la corruption ainsi qu’à consolider les institutions, deviennent cruciales
pour instaurer un environnement politique et macroéconomique propices aux retombées
positives.
Est ce que la Chine est capable de surmonter ces challenges ? Comment aider la Chine
à absorber de manière efficace l’arrivée des écotechnologies ?
10
Rapport E3G
MORALES Josselin_2010
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La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation
Concurrence
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