Université de Lyon Université Lumière Lyon 2 Institut d’Etudes Politiques de LyonJosselin Morales Mémoire de séminaire : Construction Européenne entre Approfondissement et élargissement. La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Sous la direction du Professeur Laurent Guihéry MORALES Josselin soutenu le 26 juin 2010 Table des matières Remerciement . . Introduction . . I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. . . 4 5 1) Restructurer le challenge du secteur de l’innovation des écotechnologies . . 11 11 12 2) Propositions de solutions à l’échelle mondiale : diffusion de l’innovation dans les pays en voie de développement. . . 17 A- Les enjeux d’une coopération mondiale dans le domaine des écotechnologies. . . B- RPC : quels moyens d’action sur la R&D et l’investissement des entreprises sur son sol .. 1) Bonne volonté et grandiloquence : la RPC à l’assaut des écotechnologies. . . 2)Les liens publics/privés et l’internationalisation des firmes : un avantage certain dans la course aux écotechnologies . . 21 22 1) Objectifs et lignes directrices pour une croissance verte : . . 26 34 34 2) Les leçons de l’UE que peut tirer la Chine dans les domaines du développement des écotechnologies et de l’expérience de la coopération. . . 39 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. . . 45 C- L’Union Européenne et la promotion des technologies vertes . . A/ L’un des principaux défis pour une coopération efficace : résoudre le problème des droits de propriété intellectuelle (DPI) . . 1) Les droits de propriété intellectuelle et industrielle au cœur de la bataille commerciale sur les technologies vertes . . 2) Propriété intellectuelle et compétitivité . . B/ Innovation et transfert de technologie entre UE et Chine : proposition pour une stratégie gagnant-gagnant. . . 1) Proposition de modèle pour une coopération réussie . . 2) Exemple de réussites d’acquisition de technologies européennes par des firmes chinoises. . . C/ Sur le terrain, une concurrence de fait . . 1) Le marché de l’éolien : exemple d’une concurrence saine ? . . 2) Stratégie offensive : photovoltaïque, et stratégie du géant éolien Sinovel. . . Conclusion. . . Annexes . . Bibliographie . . Ouvrages . . Articles (revues et internet) . . Documents sur internet . . Sites internet . . Rapports . . 46 46 53 59 59 62 63 64 67 70 71 74 74 74 75 75 75 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Remerciement Je remercie Monsieur Guihéry pour avoir su orienter mes recherches et les termes de mon sujet. Je remercie également Antoine pour sa patience et ses relectures. « La règle c’est que le général qui triomphe est celui qui est le mieux informé». Sun Tsu 4 MORALES Josselin_2010 Introduction Introduction 1: La prospective scientifique condamne l’espèce humaine à l’économie durable. La thématique du développement durable n’est pas un sujet nouveau. C’est un mouvement à la fois politique et social qui se développe dans les années 70 au sein des pays scandinaves, puis se diffuse sur la scène politique internationale avant de s’inscrire enfin en tête des préoccupations mondiales. Il s’agit désormais d’une problématique parvenue à maturité, et dont l’actualité ne décline pas : nul ne peut plus échapper au débat sur la fin du pétrole, le réchauffement climatique et la nécessité de changer nos modes de consommation. Voici l’opinion d’Hervé Kempf dans un article du Monde du 5 décembre 2009, Copenhague, un défi planétaire : « Malgré l’impression de piétinement que peut donner l’observation au jour le jour de la discussion, celle-ci a évolué très rapidement en moins de vingt ans. Les négociations qui se jouent actuellement à Copenhague ne peuvent se lire selon le seul prisme de l’opposition Nord-Sud d’abord parce qu’il ne s’agit pas de l’emporter sur les autres mais de répartir équitablement un effort ou des nuisances auxquelles aucun pays n’échappera. Ensuite parce que la croissance rapide des BRIC fait que ceux-ci sont devenus des émetteurs massifs de gaz à effet de serre dont la responsabilité ne peut plus être niée ». Cet impérieuse prise de conscience est étayée par des données essentiellement économétriques que climatologues et économistes ont entrecoupées avant de les traduire en objectifs. Les objectifs sont devenus mondiaux tant la question du développement durable rassemble. C’est un des seuls thèmes planétaires qui réunisse aussi facilement les chefs d’État (Kyoto, Bali, Poznan, Copenhague), quand bien même ils divergent sur les mesures à prendre. Il n’y a que le commerce mondial qui les rassemble avec autant de régularité. On repère là les deux défis majeurs qui sont à relever pour le siècle qui débute. Le second touche à la régulation du commerce international et aux bienfaits qui doivent en résulter en matière de développement des pays pauvres, notamment par l’amélioration de la répartition des richesses. Le premier, et il ne sera pas mois difficile à relever, est celui de la durabilité : durabilité énergétique, durabilité de l’habitat, mais également durabilité démographique. Et les réponses ne se situent pas dans le long terme : la prise de conscience collective s’impose. 2: Figure désormais imposée, l’approche écologique génère une nouvelle forme d’économie : le green-business, fondé sur les écotechnologies. Comment concrètement relever ces nouveaux défis qui se posent à l’humanité ? C’est sans doute en grande partie à l’économie d’y répondre, le commerce ayant toujours été un moteur du progrès. L’activité économique, toujours en quête de nouveaux débouchés, assure désormais financièrement l’essor du développement durable. Les vecteurs sont identifiés : il s’agit des technologies dites durables qui permettront de dépenser moins ou mieux tout en réduisant les nuisances. Si l’Anglais, par l’emploi de deux termes différents (Cleantech et Greentech) semble ouvrir deux pistes concurrentes, le Français ne parle que de « technologies MORALES Josselin_2010 5 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence vertes » (ou « écotechnologies ») en référence à ces innovations qui permettront sans doute à l’homme de profiter plus longtemps de son habitat. Elles sont définies par le groupe Greentech comme étant « des techniques et services industriels qui utilisent les ressources naturelles, l’énergie, l’eau, les matières premières avec une perspective d’amélioration importante de l’efficacité et de la productivité ». A cela s’ajoute une notion clef, celle de performance : les technologies vertes doivent assurer « une performance identique ou supérieure par rapport aux technologies existantes ». Le ton est donné : performance. Comment rester performant sur ce nouveau marché des technologies vertes ? On lit plus loin que le terme de technologies vertes renvoie également aux « business qui s’y rapportent et qui offrent des retours sur investissement compétitifs aux investisseurs et clients tout en assurant des solutions au défis globaux ». Au cœur du sujet se trouvent donc trois notions clés : la performance, le retour sur investissement et la réponse à un défi mondial. Cela induit une répartition de ces nouvelles technologies, une demande, une offre, des investissements, des transferts de technologies et de propriété intellectuelle. Sont en définitive réunies toutes les caractéristiques d’un véritable marché des technologies vertes, qui génère des stratégies commerciales, des profits, des enjeux d’implantation et de propriété, propriété qui elle-même induit le savoir, savoir qui récompense la recherche. Quelles sont les dynamiques de ce marché des écotechnologies ? Comment est-il apparu ? Répond-il à une offre ou plutôt à une demande ? 3: La Chine et l’Europe, premier et troisième pollueurs de la planète, développent simultanément leurs projets : doivent-elles être concurrentes ou partenaires ? Quels sont les acteurs de ce marché ? Ce sont en premier lieu ceux qui doivent répondre au plus tôt aux nouveaux défis qui posent à eux, c’est-à-dire les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre. Ils sont au nombre de trois : la Chine, les Etats Unis et l’Union Européenne (respectivement 6 103, 5 752 et 4 053 millions de tonnes de CO2 émises en 2006). Les moyens dont ils disposent relèvent de leur politique intérieure, de leurs investissements dans la recherche et le développement grâce à la création d’organismes ad hoc, mais aussi de leurs entreprises implantées sur leur territoire, à leur attractivité et à leur développement à l’étranger. « L’éco-industrie représente un tiers du marché mondial et déjà 2% du produit intérieur brut communautaire» peut-on lire sur le site officiel de l’Union Européenne. C’est un secteur en hausse de 5% par an. En Chine, ce secteur augmente de 30% par an, un marché considérable que le groupe Greentech évalue entre 500 et 1000 milliards de dollars. C’est un marché en pleine expansion et sur lequel tout le monde espère se positionner durablement. Qui en sera le leader mondial? L’UE ou les Etats-Unis ? Ou bien la Chine, considérée comme le plus dangereux concurrent. L’Union Européenne tarde à unir ses forces. Comme l’a récemment déclaré Claude Turmes, un eurodéputé Vert du Luxembourg à propos des batteries de nouvelle génération : « l’Union Européenne a besoin d’une solution de type Airbus pour son secteur dédié aux technologies de batteries, si l’U.E. entend se confronter aux monopoles géants soutenus par l’Etat en Chine », faisant référence au fait que les efforts européens dans ce domaine sont actuellement trop fragmentés. 6 MORALES Josselin_2010 Introduction La Chine met en place des dynamiques fort différentes de celles déployées par les acteurs traditionnels que sont les USA et l’U.E. Quand ces derniers ont en adopté peu ou prou la même stratégie (investissements, défiscalisation, politiques Keynésienne), la Chine emploie, elle, des moyens beaucoup plus offensifs, pour des raisons essentiellement structurelles : la Chine est un pays autoritaire et autoritariste dont l’Etat centralisateur et tentaculaire soutient activement les secteurs auxquels sont attribuées les priorités, mettant à bas toute concurrence étrangère comme nous l’expliquerons plus tard. Encadrement de la p roblématique : Entre stratégies de concurrence et de coopération, comment vont se positionner la Chine et l’Union Européenne sur ce nouveau marché ? Autrement dit, dans le cadre d’échanges mondialisés, la puissance économique chinoise et la puissance technologique européenne tendront-elles à se renforcer ou à se concurrencer ? Il conviendra de faire un rapide état des lieux, et de rappeler les liens directs qui existent entre l’activité humaine et le réchauffement climatique (rapport E3G). Le Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (IPCC) a présenté les preuves évidentes que le changement climatique constitue un risque mondial majeur et qu’il requiert une réponse internationale pour y faire face. L’union européenne et la Chine mettent désormais en place des stratégies pour lutter contre le réchauffement climatique, par le biais de soutiens à certains secteurs dont le plus emblématique est celui de la promotion des technologies vertes. Deux pôles, mais deux stratégies : entre coopération et compétition. Mais il faudra aller plus loin et se demander ce qui sous-tend ces stratégies. Est-ce seulement pour diversifier ses approvisionnements énergétiques et réduire les émissions de gaz à effet de serre que la Chine soutient le développement des énergies renouvelables ? Ou bien est-ce là une stratégie plus offensive de création de nouveaux pôles de compétitivité visant à s’insérer sur ce nouveau marché, amené à se développer au fil des années ? Par ailleurs, l’Union Européenne met en place des stratégies de soutien à l’investissement et d’incitation à la reconversion énergétique, et tente de modifier les attitudes par la loi. Cette législation appropriée mais décentralisée suffit-elle quand les institutions ne peuvent qu’influencer des Etats Membres encore très souverains ? Remarques introductives : Retour sur l’histoire chinoise : quelle place pour la protection de l’environnement ? Avant les années 80, on accorde peu d’importance en Chine aux politiques de développement durable et de conservation de l’énergie. Dans la Chine de Mao, seule la lutte des classes constitue la question centrale à laquelle doit répondre le gouvernement. L’ouverture et la réforme de 1979 par Deng Xiao Ping marquent un tournant historique quant à cette question : la nécessité de protéger l’environnement apparaît pour la première fois dans les réformes constitutionnelles de 1979 et de 1982. S’ensuit une série de lois : 1984, loi sur la prévention de la pollution de l’eau ; 1987, loi sur la prévention de la pollution de l’air ; 1989, loi sur la protection de l’environnement. Durant les années 90 le problème prend une ampleur internationale et pourtant la Chine se désintéresse clairement de la question. Néanmoins, après le sommet de Rio de Janeiro, les représentants chinois s’engagent à rédiger un livre blanc sur la question. MORALES Josselin_2010 7 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence 1993 est une date charnière : la Chine bascule dans le camp des pays dépendants en énergie. En 1998 est signée la loi sur la conservation de l’énergie qui reflète une réelle prise de conscience. Mais une nouvelle fois, dans le contexte de l’époque, le plus important reste la croissance en termes de PIB : le régime doit afficher de bons chiffres. Le changement d’équipe à la tête du gouvernement en 2003 est la deuxième date charnière pour le développement durable et de la préservation de l’environnement. Le Président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao mettent en oeuvre les concepts de développement scientifique et de société harmonieuse, replaçant le citoyen au centre du développement. Le développement économique doit soutenir l’avènement d’une société harmonieuse, conditionnée selon eux par la promotion de modes de développement dits durables. L’environnement et l’efficacité énergétique passent ainsi au premier plan pour devenir des thèmes de sécurité nationale L’importance qu’attache la Chine aux questions d’énergie devient ainsi visible au plus haut niveau de l’Etat. A la conférence annuelle National Economic Work, qui se tient tous les ans en décembre, on voit depuis quelques années la question de l’environnement et de sa préservation prendre une importance croissante. En 2007 la réduction de la pollution et le renforcement de la préservation de l’énergie se trouvaient ainsi au quatrième rang des priorités. En 2005 la loi sur les énergies renouvelables est adoptée et en 2008 la loi révisée et renforcée sur la conservation de l’énergie devient effective. Le 11e plan quinquennal (2006-2010) qui reste de loin le document le plus important en matière de planification économique, met en place des objectifs clairs en termes de réduction d’intensité énergétique par unité de PIB produite : diminution 20% d’ici à 2010. La politique mise en ouvre pour atteindre ces objectifs est double. D’une part le gouvernement chinois déploie d’importants moyens administratifs pour mettre en place et faire respecter les objectifs et les standards par la régulation. D’autre part, il utilise les politiques industrielles pour dessiner les contours économiques du développement, en encourageant les secteurs qui augmentent l’efficacité énergétique tout en décourageant ceux qui sont inefficaces. En conséquence plusieurs institutions sont créées: en 1998, le Comité de coordination nationale sur le changement climatique, puis en 2007, le « National Leading Group » sur le changement climatique présidé par le Premier ministre Wen Jiabao lui-même. Enfin, la Commission nationale de réforme et de développement devient la principale entité du gouvernement central pour la planification et la mise en œuvre les réformes dans ces domaines. Le climat international actuel renforce la Chine dans ses choix : la hausse des prix du pétrole en 2007 et 2008 a démontré que la dépendance en matières premières peut avoir de graves conséquences économiques, qui pourraient s’étendre aux sphères politiques et sociales. Mais simultanément, la crise économique lui a montré une fois de plus qu’elle ne pouvait plus suivre le modèle de développement auquel elle se réfère depuis trente ans. Les leaders chinois ont donc saisi cette opportunité pour repenser leur modèle de développement économique, et lui ont inclus les questions d’efficacité énergétique et de développement d’une économie verte en y ajoutant les sources d’énergie renouvelables. Le plan adopté par les Chinois après la crise économique révèle donc leurs intentions : transformer les formes de dépense en énergie et réduire celles de consommation, et donc 8 MORALES Josselin_2010 Introduction contrôler les émissions de carbone. D’après le programme national sur le changement climatique, la conservation de l’énergie et l’optimisation de la structure de la production énergétique seront au cœur de cette nouvelle politique de développement. La dimension internationale. La Chine a longtemps été considérée par les pays occidentaux comme un mauvais élève se préoccupant peu des conséquences de sa quête effrénée de développement, laissant aux pays développés le soin de se consacrer à ces questions qu’elle considérait comme un luxe réservé au club des grands. Et la Chine ne s’est jamais privée de faire remarquer aux puissances occidentales leur responsabilité historique dans l’augmentation des gaz à effet de serre, suggérant sans nuance leur obligation d’en assumer aujourd’hui les conséquences. « Les pays développés doivent prendre leurs responsabilités pour l’accumulation tout au long de l’histoire des émissions et de l’actuelle importance de leurs émissions per capita pour changer leur façon de vivre peu durable et également réduire de façon conséquente leurs émissions et dans le même temps soutenir financièrement et par le transfert de technologies nécessaires les pays en voie de développement ». Les dirigeants chinois parlent ainsi de responsabilités partagées mais différentes, sousentendant que les pays développés doivent faire un effort plus grand que les pays en voie de développement. L’ Union Européenne et la protection de l’environnement, une longue tradition qui contraste avec les récentes préoccupations chinoises : L’Union Européenne – et avant elle toutes les autres formes de coopération économique et politique qui l’ont précédée sur le continent – a mis en place des instruments visant à réduire l’impact du développement sur la dégradation de l’environnement. En effet, bien avant la Chine, l’Europe a manifesté son intérêt pour ces problèmes sur la scène internationale et a toujours prétendu vouloir jouer un rôle déterminant dans leur règlement. Contrairement à la Chine, l’Union Européenne a pris part à des accords internationaux contraignants dont le plus emblématique est le protocole de Kyoto (UNFCCC et son secrétariat). L’Europe s’y est engagée à réduire de 5 à 8% d’ici à 2012 ses émissions de gaz à effet de serre, prenant comme base les chiffres de 1990. Il est intéressant toutefois de rappeler que les motivations de l’Union Européenne sont ici les mêmes que celles de la Chine, à savoir la question de la dépendance énergétique (sur le plan strictement économique bien sur). En 2000 est donc lancé le Programme Européen sur le changement climatique qui a pour but de coordonner les politiques visant à faire face au changement climatique. Les politiques européennes sont guidées par un principe, une approche de réduction des dépenses d’énergie par l’adoption de l’ETS. Il s’agit du principe du ‘crédit carbone’ ou encore du ‘commerce d’émissions’. Une approche à laquelle la Chine n’a pas encore adhéré. D’autres mesures ont été mises en place par le biais de directives, telles la directive communautaire relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution ou IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control directive) qui devient active en 2005. Elle couvre 11500 émetteurs européens majeurs qui représentent la moitié des émissions de l’Union Européenne. Cette directive impose également que l’entreprise émettrice fasse appel aux meilleures technologies possibles (en terme de réduction d’émission). MORALES Josselin_2010 9 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence 2008 voit l’adoption du Climate Action and Renewable Energy Package. Beaucoup plus ambitieux, il prévoit une réduction des émissions de 20% d’ici à 2020 toujours sur la base de 1990. Si les autres pays développés présents à Copenhague se fixent les mêmes objectifs alors l’Union Européenne augmentera son objectif jusque 30%. Le secteur des transports est l’un des secteurs les plus polluants. L’Europe s’est fixé des objectifs assez élevés dans ce domaine en signant un accord avec les constructeurs automobiles pour réduire les émissions de CO2 par véhicule à 140g/km à partir de 2009. L’énergie utilisée pour la construction de bâtiments est également un réel problème. Étonnamment, l’UE dépense de manière significative plus d’énergie pour la construction des bâtiments que ne le fait la Chine. Tout comme la Chine, elle s’est fixée des objectifs chiffrés et a adopté la labellisation des produits (même si elle le fit bien avant la Chine). Le plan prévoit aussi une refonte du système de l’ETS. Il met en place des objectifs de réductions des émissions par secteurs (transports, constructions, agriculture, déchets) qui ne sont actuellement pas inclus dans les crédits ETS. On est donc face à deux acteurs dont la nature même est très différente voire opposée. Il faut donc garder en mémoire que si notre étude sera d’étudier les stratégies de ces deux acteurs, il est évident que la différence de nature politique des deux régimes joue un rôle important dans la course aux écotechnologies. La Chine est aujourd’hui pour des raisons à la fois philosophiques mais également pragmatiques d’adhérer à l’objectif global d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. On peut résumer les faits ainsi : l’Union Européenne (et ses partenaires) est l’instigatrice d’une prise de conscience et à l’origine d’une mise à l’agenda politique mondial de ces questions. La Chine de son coté suit, de manière plus ou moins docile, les objectifs et les réflexions menées. Aujourd’hui elle espère profiter de cette opportunité pour créer de l’emploi et garantir une croissance élevée, condition de la paix sociale. Pour l’UE, le débat ne se pause pas en ces termes à première vue même si comme la Chine elle pense pouvoir tirer partie de ce nouveau marché pour soutenir sa croissance et permettre la création d’emplois. 10 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Il faut avant toute chose rappeler que la Chine et l’Union Européenne ne sont pas deux entités de même nature. Si ces deux pôles constituent les deux parties du monde les plus peuplées, l’une est un Etat et l’autre une union d’Etats. Il est évident que la centralisation du processus de décision en Chine constitue un avantage considérable dans la mise en œuvre des réformes, quelles qu’elles soient. Il convient donc d’analyser quels sont ces cadres pour mieux comprendre l’enjeu d’une telle compétition. Quels sont les moyens d’action de l’Union Européenne pour créer ces nouveaux pôles de compétitivité ? Une approche « top-down ou bottom-up » (C) ? Quant à la RPC, quels sont les cadres juridiques et financiers (voire policiers) qui permettent la création de ces pôles de compétitivité (B) ? Auparavant, on reviendra sur les enjeux d’une coopération mondiale dans ce domaine, tout en exposant de façon succincte les principaux défis que la communauté internationale devra affronter (A). A- Les enjeux d’une coopération mondiale dans le domaine des écotechnologies. Il convient tout d’abord de rappeler quels sont les principaux enjeux d’une coopération sur 1 des sujets tels que l’innovation et le transfert de technologies. L’institut européen E3G a produit cette annéeune analyse qui correspond bien notre problématique. Un retour sur la théorie et les idées qui circulent actuellement autour des problématiques de transferts de technologies éclaire de façon déterminante la suite de la réflexion, notamment quand il s’agit de savoir si l’éco-innovation est un bien public. D’après E3G, une innovation plus rapide et dans un spectre plus large serait cruciale pour parvenir à une sécurité climatique qui préserverait la sécurité énergétique. Mais les politique nationales ne sont pas à la hauteur des défis à relever. Plus loin, information intéressante dans le cadre de notre étude, on lit que si une coopération internationale doit se mettre en place, les pays développés devront dépasser leur stratégies de développement interne et s’ouvrir avec moins ambigüité. Toutes ces assertions ne sont bien sûr que des propositions, mais elles donnent le ton à la suite de notre travail : au delà du débat EuropeChine, les écotechnologies et leurs transferts posent un véritable débat de fond. Les pays 1 E3G est une organisation indépendante à but non lucratif fondée en 2004 qui travaille dans l’intérêt public pour accélérer la transition mondiale vers le développement durable. MORALES Josselin_2010 11 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence en voie de développement (PVD) auront besoin de mettre en place une véritable politique de l’innovation qui ne saurait attendre seulement le transfert de technologie des pays développés vers leurs territoires. Atteindre ce but dans un court laps de temps est un véritable défi. L’urgence du développement de nouvelles technologies est évidente. Dans les 20 années à venir, l’investissement dans les nouvelles technologies n’aura jamais été aussi important pour, d’une part, remplacer les installations vétustes et, d’autre part, accélérer le développement des technologies à basses émissions polluantes. L’UE, les Etats Unis et la Chine vont ainsi chacun construire de nouvelles sources d’énergie d’une capacité d’environ 800 à 1000 GW d’ici à 2030. L’innovation et la diffusion des technologies adaptées nécessiteront une action concertée à tous les niveaux de la chaîne de l’innovation. Cette innovation devra aussi changer radicalement les logiques de marché habituelles pour qu’une adaptation rapide aux conditions des PVD soit possible. Le fait positif dégagé par cette analyse est que les bases économiques et techniques existent déjà pour que de nouveau processus se mette en place. L’économie mondialisée a déjà montré ses capacités à apporter des transformations et des solutions dans des domaines tels que l’aérospatiale et l’industrie pharmaceutique par exemple. Le principal problème aujourd’hui est de savoir comment mettre en oeuvre le meilleur cadre politique, le meilleur agenda, le meilleur plan, pour permettre de faire face à tous ces défis ? Dans ce contexte, et toujours d’après l’étude de E3G, les politiques nationales sont peu susceptibles de parvenir seules à soutenir ces efforts. Est-ce que les innovations « lowcarbon » sont un bien public international ? Il y aura, et c’est un fait, des carences en approvisionnement dans certaines parties du monde. L’action multilatérale est une solution, elle procurera des aides complémentaires et adaptées à chaque pays, et conduira à une collaboration internationale qui permettra de corriger les erreurs de marché et les erreurs de politiques internes. Malgré une certaine grandiloquence dans les déclarations et les bons sentiments affichés, le rapport E3G est un rapport très fourni en statistiques et données chiffrées aux sources fiables. Les questions que ce rapport pose et met en exergue sont en effet fondamentales, mais dépassent les deux pôles que nous avons choisi d’étudier, à savoir l’Union Européenne et la Chine. Il semble essentiel de recentrer le débat sur quelques problèmes qui nous suivront tout au long de la réflexion. Où en est aujourd’hui la théorie ? Quelles sont les propositions que le monde scientifique et politique mais aussi celui de la recherche font à la communauté internationale pour résoudre le problème du réchauffement climatique sur un plan économique pur ? La réponse est-elle à chercher du coté des logiques de marché ? Faut-il changer nos habitudes commerciales ? Toutes ces questions sont au cœur de notre sujet puisqu’il s’agit bien de comprendre si les écotechnologies sont des biens (publics ?) qui échappent ou du moins devraient peutêtre échapper aux logiques de marché. 1) Restructurer le challenge du secteur de l’innovation des écotechnologies Pour parvenir aux objectifs que la communauté internationale s’est fixés, soit la stabilisation de l’augmentation de la température globale à 2°C, l’innovation et la technologie seront 12 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. deux des facteurs fondamentaux de la réussite d’une telle entreprise. Il y a urgence technologique pour éviter les crises humanitaires qu’une augmentation de la température globale provoquerait. Mais de quelles innovations avons nous besoin ? De quel type d’innovation avons-nous besoin ? Résoudre le problème du changement climatique requiert une combinaison d’innovations incrémentales et adaptatives ce qui aura des conséquences positives sur la régulation des marchés et leur structure. On entend par là par exemple le fait que, de plus en plus, l’effort devra être fourni par des partenariats financiers public-privé en même temps que par l’intervention à différents niveaux. On peut illustrer cela par le tableau ci-dessous, que l’on pourrait intituler « la chaîne de l’innovation » : Il faudrait ainsi une intervention des gouvernements nationaux et d’investisseurs privés à tous les stades de la chaîne de l’innovation. Ce schéma correspond exactement à la situation de la Chine aujourd’hui dans la mesure où elle a besoin des joint-ventures pour développer l’innovation, comme nous le verrons plus loin. Le processus d’innovation a plus tendance à se développer dans un contexte privé et grâce à l’investissement privé, un investissement qui est international par nature. Les dépenses du secteur privé dans l’innovation s’élevèrent à plus de 60% du total des dépenses mondiales en R&D en 2006 (fait à relativiser ces derniers mois avec la crise financière). Dans un autre temps, la coopération des différents gouvernements sera une condition importante au maintien de l’effort d’innovation et de sa diffusion. Pour parvenir à l’objectif de 2°C trois types d’innovation seront nécessaires d’après le rapport E3G: une innovation incrémentale (amélioration de technologies existantes), une innovation en fracture avec les tendances actuelles (création d’une technologie tout à fait nouvelle) et une innovation adaptative (pour permettre le déploiement de technologies existantes sur les différents marchés). L’innovation « low carbon » est elle un bien public mondial? MORALES Josselin_2010 13 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Cette question est fondamentale pour notre étude. Est-ce que les écotechnologies sont des technologies qui échappent aux considérations mercantiles classiques ? Est-ce que la logique de marché s’applique à elles ? Sont-elles un bien public mondial ? Le fait est que l’investissement est insuffisant dans le domaine des écotechnologies. Donc la réponse logique à ce manque d’investissements est une prise de conscience internationale qui corrigerait les carences provoquées par les logiques de marché et ses erreurs. L’acteur mandaté serait l’État. D’un point de vue très strict, les innovations écotechnologiques ont tout l’aspect de biens publics internationaux dans la mesure où les bénéfices de leur mise en œuvre profitent à tout le monde sans considération de frontière. En d’autres termes, l’utilisation par un pays d’une technologie permettant de réduire ses émissions n’empêche pas un autre pays d’en jouir et d’en bénéficier. Et quand un pays réduit son intensité carbone, tout le monde profite de la baisse globale. Ce qui veut dire qu’en l’absence d’un effort multilatéral, les marchés privés n’investiront pas assez dans l’innovation « low carbon » relative à l’atteinte de l’optimum social international. Pour que l’innovation « low carbon » se diffuse, trois problèmes transnationaux doivent être pris en compte et résolus : celui des droits de propriété intellectuelle (accords ADPIC), celui de la création de réseaux et de plateformes (networks) pour accompagner l’innovation par des infrastructures et un capital humain indispensable à la diffusion de l’innovation, et enfin celui de la gestion du risque relative aux différents environnements juridiques et sociaux. En effet, aujourd’hui des investissements massifs sont effectués autant par le secteur privé que par le secteur public. Pourtant ces investissements sont concentrés dans les pays développés et sont orientés vers la recherche de gains de compétitivité. Chose compréhensible, mais les écotechnologies ne devraient-elles justement pas suivre un autre modèle de développement ? « La concurrence est une chose fondamentale pour catalyser l’innovation mais elle ne couvre pas vraiment tous les aspects et les spécificités du bien public mondial que sont les écotechnologies. De plus, la communauté internationale devrait fournir des efforts supplémentaires pour créer un système d’innovation qui prend le risque de développer de nouvelles technologies, en rupture avec ce qui se fait, c’est à dire des technologies pour les pays développés et les PVD. Des innovations et une diffusion qui prennent en compte les institutions et les 2 habitudes commerciales de chaque pays » . Notons que le but demeure toujours une diffusion la plus rapide possible et à l’échelle. Donc à la question de savoir si les éco-innovations sont un bien public global la réponse est encore floue, du moins à ce stade de la réflexion. Il est pourtant évident que ces innovations constituent un bien aux spécificités propres, et surtout que le but qu’elles se fixent dépasse les frontières étatiques. L’action multilatérale devrait aider à corriger les erreurs nationales L’action à l’échelle nationale n’est pas la plus efficace possible, du moins elle ne l’est pas en ce moment. D’après plusieurs sources dont E3G encore, il est indispensable de créer une nouvelle balance des risques et avantages pour amener l’innovation à aller plus loin. 2 Shane Tomlinson dans le rapport E3G intitulé « Innovation and Technology Transfer » de 2008. 14 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Les politiques publiques peuvent avoir un impact très grand sur les écotechnologies. L’implication des gouvernements et leurs capacités à reconnaître à l’éco-innovation une portée publique globale est fondamentale ainsi que leurs capacités à pallier les manques d’une stratégie basée exclusivement sur un système de marché. Le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) est en faveur de grands changements en matière d’investissements et suggère qu’en « l’absence de forts mécanismes et initiatives de soutien, et quand les énergies fossiles sont peu chères et d’ores et déjà disponibles, le secteur public et le secteur privés sont peu susceptibles de délivrer les technologies nécessaires au prix et à l’échelle nécessaire pour faire face aux changements climatiques ». Voici un tableau qui expose les dépenses publiques relatives à la R&D dans le domaine de l’énergie dans les pays du G7 entre 1985 et 2005 Donc on voit bien que les dépenses publiques en R&D dans le domaine de l’énergie, du moins dans les pays du G7, ont baissé de manière significative pour la plupart des énergies. De plus il y a beaucoup de différences entre énergies : par exemple les dépenses en R&D pour l’énergie atomique ont reçu la moitié des fonds. L’innovation s’internationalise dans les domaines de la recherche mais aussi du financement. Par exemple aujourd’hui l’intensité moyenne de R&D contrôlée par des firmes étrangères est plus grande que celle contrôlée par les firmes des États en question. C’est 3 le cas du Japon, de la Suède, des Etats-Unis et du Royaume Uni . Cela confirme donc l’hypothèse selon laquelle les activités de R&D sont de plus en plus dispersées puisqu’elles se rapprochent des marchés et des pôles de savoir ou pôles d’excellence. 3 Commission Européenne (2004) : « Stimulating Technologies for Sustainable Development : An Environmental Technologies Action Plan for the European Union ». MORALES Josselin_2010 15 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Pourtant, les économies émergentes sont de très grands investisseurs dans le domaine de l’innovation et ont, dans le cas de la Chine par exemple, l’ambition de devenir de véritables pôles d’excellence à leur tour, des économies basées sur le savoir. En 2005 ème la Chine est devenu le 3 plus grand investisseur en R&D (en termes de parité à l’acquisition), juste après les Etats-Unis et le Japon avec une augmentation de 18 % par an entre 2000 et 2005. D’un autre coté, les firmes investissent de plus en plus dans les pays développés. Les firmes chinoises ont ainsi installé 37 unités de R&D à l’étranger, dont 26 se trouvent dans des pays développés (11 au Etats-Unis et 11 en UE). C’est également dans le but d’acquérir les règles de marché et de droit de propriété intellectuelles que ces firmes font cela. En tout cas, pour le moment la collaboration en R&D est très faible excepté dans le domaine de la fusion nucléaire. Et les stratégies nationales mises en place en ce moment travaillent contre une coopération effective puisque qu’elles sont focalisées sur la compétitivité nationale, et non sur la production de bien publics mondiaux évidemment. Par ème exemple, dans le 6 programme de recherche de l’UE, 209 programmes de recherche en collaboration d’une valeur de 1,3 milliards d’euros ont été signés avec les Chinois, pourtant seulement 35 millions d’euros ont finalement été alloués aux chercheurs chinois. L’action à l’internationale ne doit pas remplacer les politiques nationales mais les motiver et leur donner un cadre et les rendre efficaces. Ces propositions qui sont une compilation de discours relevés dans plusieurs travaux de différents Thinktanks ou rapports (Understanding China, E3G, site de la Commission européenne) ont ceci en commun qu’elles proposent une refonte de la pensée économique, c’est à dire repenser le marché en termes de vecteur de développement et non plus exclusivement en termes de compétitivité. On peut résumer l’exposé qui vient d’être fait de la manière suivante : II y a consensus sur le fait qu’il faille limiter la hausse des températures à 2°C d’ici à 2050 pour éviter une catastrophe humanitaire et environnementale de grande ampleur. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y aura un investissement de plus en plus grand dans les écotechnologies dans les décennies à venir. Et que cet investissement doit être accompagné d’un effort d’innovation. Pour faire face au changement climatique on aura besoin d’une innovation incrémentale, en rupture avec les pratiques actuelles pour que les effets sur le marché se fassent ressentir au plus tôt. Il y a un échec des politiques en termes d’investissement et de programmes de R&D : actuellement les institutions multilatérales ne prennent pas assez en compte les problèmes de manière transnationale. Il faut une réelle coopération à l’échelle mondiale, coopération dont les termes restent à définir, mais il semble évident que cette coopération devra résoudre les imperfections liées aux logiques de marché. Tout l’enjeu de notre démonstration sera donc de montrer si la Chine et l’UE ont mis en place cette coopération, s’elles sont en passe de le faire ou si au contraire les logiques de marchés priment. 16 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. 2) Propositions de solutions à l’échelle mondiale : diffusion de l’innovation dans les pays en voie de développement. La capacité d’innovation est concentrée dans les pays à hauts revenus L’innovation et l’invention sont deux activités dans lesquelles les pays développés sont à la pointe et assurent leur préséance sur les autres pays du monde. Un véritable effort doit être fait par les pays développés pour renforcer et construire une réelle capacité d’innovation en rupture avec les capacités actuelles mais aussi une innovation adaptable aux PVD. Le nombre de brevets techniques et scientifiques est corrélé au PIB per capita dans les pays à hauts revenus. Mais il y a peu d’activité dans les pays des autres groupes comme le montre ce graphique intitulé « invention et innovation scientifique » de la Banque Mondiale : En fait, la plupart des technologies utilisées dans les PVD sont des technologies importées avec tous les problèmes que cela pose comme nous le verrons plus loin (DPI, transfert de technologies principalement). La Chine estime que 85% des brevets qu’elle utilise dans les secteurs de haute technologie sont des brevets provenant de pays développés. La demande est elle aussi concentrée dans les pays à hauts revenus et dans les économies en transition. Dans cette optique, le secteur privé n’a d’intérêt qu’à investir dans le développement de ces innovations précisément, des innovations qui conviennent à ces marchés. Le manque de capacité d’innovation des PVD est susceptible d’avoir un impact très négatif sur leur habilité à limiter leurs émissions et à s’adapter. Par ailleurs, le manque de capacité d’innovation a provoqué ce qu’on appelle des aires de recherches ‘orphelines’ dans la mesure où aucun fonds ne leur est alloué puisqu’elles sont non rentables. Comme vu plus haut, l’effort des pays développés en matière d’investissement dans l’innovation incrémentale surtout est crucial. On peut considérer que cela aura trois implications importantes pour l’innovation dans les PVD : Créer les structures de marché et de régulation qui faciliteront la pénétration des nouvelles technologies sur les marchés. MORALES Josselin_2010 17 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence S’assurer que les pays receveurs ont la capacité d’adapter l’innovation pour qu’elle convienne aux circonstances locales. S’assurer que les secteurs dits ‘orphelins’ sont pris en charge par l’action internationale. Il est vrai que ces différentes assertions sont de grands principes qu’il sera difficile à mettre en place. Pour autant, il n’est pas inintéressant d’étudier ces points de vues dans la mesure où le problème du réchauffement climatique est le premier réel problème mondial sur un plan environnemental et humanitaire. Il faut des idées neuves et tenter de remettre en question le système de marché sans régulations. Il s’agit ensuite de voir si la Chine et l’UE ont d’ores et déjà commencé à mettre en place ce genre de stratégies ou si les deux entités les plus peuplées de la planète sont toujours dans des logiques de marché. Si oui pourquoi et quelles difficultés rencontrent-elles ? Apporter une innovation rapide et à l’échelle Fondamentalement, l’innovation « low carbon » atteindra les nouveaux marchés quand les entreprises seront sûres du ratio coûts/avantages. Pour cela, beaucoup de données entrent en considération. Une action est requise pour augmenter la taille et l’assurance des marchés et d’autre part dépasser les imperfections du marché pour permettre l’investissement privé. Il est essentiel de s’intéresser aux problèmes des barrières à l’innovation dues aux manques d’investissement en R&D et au problème des DPI. Mais il est également important de s’intéresser aux problématiques de création et de régulation du marché qui sont au moins aussi importantes pour apporter un changement aux tendances actuelles. « Facteurs clés concernant les marchés et affectant l’innovation » 18 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Source : E3G report on innovation L’innovation et sa diffusion sont affectées par des facteurs de marché variés. Les droits de propriété intellectuelle sont eux aussi très importants mais nous les traiterons plus loin. Dans le passé et dans d’autres secteurs des initiatives ont su dépasser ces barrières à l’entrée sur le marché : l’appui des gouvernements par l’allocation de garanties a été un facteur clé dans les innovations militaires ou spatiales par exemple. Et les problèmes de taille de marché et d’assurance ont été dépassés grâce à la création de fonds pour récompenser l’innovation ou par la régulation et la mise en place de standards. Tous ces exemples pourraient très bien être mis en place pour le secteur des écotechnologies. Utiliser les marchés pour permettre l’innovation Augmenter la taille des marchés et la sécurité du marché des écotechnologies est la condition sine qua non pour que les entreprises privées investissent de plus en plus dans ce domaine. MORALES Josselin_2010 19 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence En 2007 le marché mondial du carbone valait environ 64 milliards de dollars. Il avait déjà presque doublé depuis 2006 puisqu’à l’époque sa valeur s’élevait à 31 milliards de dollars. Les rapports les plus récents confirment cette tendance, puisque la valeur du marché avait déjà atteint 87 milliards dans les neuf premiers mois de 2008 et avait atteint la somme de 116 milliards de dollars à la fin de l’année. Et pour relever le défi de l’innovation « low carbon » il est essentiel que ces chiffres augmentent. Ce ne sera pas quelque chose de facile car il est toujours compliqué de créer ou de faire fusionner des marchés existants sans générer de volatilité. Dans la première phase des crédits ETS européens par exemple, les allocations d’émissions (EUA pour European Union Allowances) on perdu les deux tiers de leur valeur après avoir atteint une valeur de plus de 30 euros en avril 2006. Concernant le prix des Réductions Certifiées d’Emissions qui font partie des Mécanismes de Développement Propres, leur prix fut très stable durant l’année 2006. Elles se sont maintenues autour de 11 dollars pendant toute l’année. Cependant, un grand espoir était fondé sur la signature d’un renouvellement du protocole de Kyoto à Copenhague qui aurait permis une garantie de stabilité efficace. Il est en fait incontournable que les politiques s’accordent sur des objectifs communs pour que le marché soit sécurisé et stable. Les investisseurs sont habitués à prendre des risques sur la volatilité d’un marché, mais dans le cas précis de celui des écotechnologies, comme ce marché est extrêmement lié aux prises de décision politique, les investisseurs n’auront pas assez confiance pour faire des investissements à long terme. Le fait que Copenhague soit un échec partiel ne va pas favoriser la situation du marché des écotechnologies. Il n’y a pas de critères miracles pour qu’un marché soit stable et sécurisé. Mais on peut imaginer quelques facteurs qui pourraient rendre le marché des écotechnologies plus robuste : Il faudrait pouvoir mettre en place des accords sectoriels : aujourd’hui, le marché du crédit carbone est dominé par l’UE (voir graphique). Ce sera un long processus que de lier les différentes initiatives de pays volontaires pour créer un marché unique du crédit carbone avec un prix unique de celui-ci. On pourrait très bien imaginer la création d’accords sectoriels. Créer des standards internationaux : la création de standards internationaux serait bien sur un soutien au marché très important, plus particulièrement si ils mettent en place des standards dynamiques qui augmenteraient la prédictibilité des évolutions d’un tel marché. Beaucoup d’investissements existant en matière d’efficacité énergétique ne sont pas faits s’ils n’ont pas la garantie de retours positifs. C’est en fait souvent la conséquence d’imperfections du marché comme des coûts de transaction élevés, mais l’expansion du marché ne changera rien à ce fait. Des politiques bien conçues et la régulation ont prouvé leur efficacité à créer de nouveaux marchés, et par là, accéléré le déploiement et la diffusion de nouvelles technologies. Le financement public : le secteur public est un acteur vital pour proposer de nouvelles manières de consommer et de produire dans des domaines comme les infrastructures, les constructions, les standards de véhicules et les transports publics. La signature d’accords par le secteur public sur ces nouveaux standards sera un moteur essentiel pour permettre au marché des écotechnologies de se stabiliser. 20 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Donc un défi supplémentaire est à relever : rendre le marché des écotechnologies attractif et stable par la définition de standards internationaux, la signature d’accords sectoriels et le soutien du secteur public. Nous verrons ensuite si la Chine et l’UE ont d’ores et déjà mis en place de tels standards et si les logiques de marché sont une réalité ou bien si elles les contournent. Définir de nouveaux standards internationaux L’idée derrière la définition de nouveaux standards internationaux et la mise en place d’une régulation est toujours la même que dans la partie précédente à savoir rendre le marché stable pour des produits innovants et permettre une réduction des coûts pour un accès plus aisé. Cela pourrait en effet jouer un rôle clé dans la création de demande pour soutenir l’innovation et sa diffusion. Beaucoup d’investissements dans l’efficacité énergétique sont strictement ‘economic’ (s’assurer un retour sur investissement élevé). Alors que d’autres investissements ne sont pas faits à cause des incertitudes liées à ce marché, ou des coûts de transaction trop élevés. Ces coûts de transaction empêchent parfois les investisseurs de faire des transactions qui pourraient leur rapporter beaucoup. Souvent l’investissement n’est pas fait parce que celui qui supporte le coût de l’augmentation de l’énergie n’est pas le propriétaire. C’est l’exemple classique du propriétaire d’appartement qui n’investira pas dans l’efficacité énergétique de son appartement puisque c’est son locataire qui supportera les coûts d’une augmentation des prix de l’énergie. La puissance publique a une fois de plus un grand rôle à jouer dans ce genre de situation. En soutenant certains secteurs, en lançant des appels d’offres de grande ampleur, en imposant par la règle de nouveaux standards etc. Si c’est le cas pour l’État, cela pourrait également l’être à l’échelle mondiale. La puissance publique internationale doit imposer des standards stricts qui stabiliseront les marchés et permettront l’investissement à grande échelle dans ces secteurs. Il ne s’agit donc pas de révolutionner le capitalisme en le remettant en question de fond en comble mais bien d’utiliser les moyens que l’on possède pour impulser de nouvelles habitudes et créer de nouveaux standards. Nous verrons ainsi comment en interne chaque État peut par la règle, l’incitation ou l’imposition créer de nouveaux standards. En ce sens, la Chine et l’Union Européenne ont deux stratégies différentes du fait de leur nature même. B- RPC : quels moyens d’action sur la R&D et l’investissement des entreprises sur son sol Il convient alors de savoir si comme proposé plus haut, les différents pôles mondiaux échouent à mettre en place un environnement d’incitation à l’investissement ou non. Quelles mesures ont-ils mis en place ? Quelle place pour la collaboration dans leurs politiques nationales ou supra-nationales dans le cas de l’UE ? Pour cela, nous nous pencherons sur le cas de la Chine qui met en place un système d’incitation à l’investissement bien particulier, aux antipodes de l’incitation à l’européenne. Mais avant d’aller plus loin dans la réflexion il semble intéressant de se pencher sur les textes qui fondent la politique économique chinoise et le soutien aux entreprises sur son MORALES Josselin_2010 21 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence sol. Quels sont les moyens d’action dont dispose le gouvernement chinois pour mettre en place la politique économique générale qu’il souhaite ? Quels sont les liens qu’entretiennent le secteur public et le secteur privé, et dans quelle mesure cela concerne notre sujet ? Le secteur des écotechnologies profite bien évidemment de ces liens particuliers qu’entretiennent les entreprises avec le gouvernement : est-ce réellement un avantage pour la Chine ? 1) Bonne volonté et grandiloquence : la RPC à l’assaut des écotechnologies. La volonté de la Chine de faire face au changement climatique par la mise en place de politiques modératrices des émissions de CO2 est une chose évidente comme le prouvent les rappels qui suivent. La Chine se dote d’un arsenal juridique et communique sur sa volonté d’une Chine plus respectueuse de l’environnement par des « livres blanc » pour imposer de nouvelles règles en interne et prouver au monde sa bonne volonté. Le Livre Blanc sur les politiques et actions pour faire face au changement climatique : La promotion des investissements verts s’inscrit dans une dynamique beaucoup plus globale d’un effort affiché par les autorités chinoises pour faire face au changement climatique. L’information quant aux politiques que met en place la Chine dans ce domaine de lutte contre le changement climatique par la promotion de la technologies dites durables est très facilement accessible par internet (signe d’une grande volonté de communication), directement sur le site du gouvernement chinois par le biais des « White Papers » ou « Livres Blancs ». Prenons l’exemple du livre blanc intitulé : « China’s policies and Actions for adressing Climate Change ». Les principes énoncés sont clairs, la Chine compte sur l’avancée technologique et l’innovation scientifique. « Pour lutter contre le changement climatique la Chine adhère aux lignes de conduites suivantes : donner une importance primordiale au développement scientifique, adhérer à la politique nationale fondamentale qui est celle de la conservation des ressources et à la protection environnementale, au contrôle des émissions de gaz à effet de serre (…) s’appuyer sur l’avancée scientifique et technologique, augmenter la coopération internationale, constamment augmenter sa capacité à faire face au changement climatique et contribuer à la protection de l’environnement du monde ». Rien de précis pour l’instant donc, on reste dans l’énonciation de grands principes même si tout à fait louables. L’introduction au chapitre trois de ce livre blanc intitulé « Strategies and Objectives for Addressing Climate Change » n’a rien d’original. Il l’est pourtant dans la mesure où très rapidement dans ce chapitre il est fait référence à la coopération internationale. Non pas que la référence aux autres acteurs soit en soi une originalité, mais plutôt dans l’appel qui est fait au transfert des technologies. « En faisant la promotion de leurs propres avancées technologiques et leurs applications les pays développés (au premier rang desquels l’Union Européenne et les Etats Unis) doivent promouvoir la coopération et le transfert technologique et doivent matérialiser leurs promesses quant aux subventions financières, à la coopération et au transfert de techniques. Ces pays doivent concrètement 22 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. effectuer ces transferts de finances et de technologies vers les pays en voie de développement pour que ces derniers puissent obtenir les fonds dont ils ont besoin pour mettre en place des technologies respectueuses de l’environnement et leur capacité à décélérer et à s’adapter au changement climatique ». Plus loin on en revient à des références plus classiques : celle de la conservation énergétique par la loi, mais aussi la volonté de donner les mains libres aux lois et aux mécanismes de marché pour la conservation énergétique (« Giving full play to the role of new market-based mechanisms for energy conservation »). On ne saurait ignorer la mise en place également du « China National Plan for Coping with Climate Change » en juin 2007 qui s’est fixé plusieurs objectifs à atteindre d’ici à 2010 dont la promotion de la recherche scientifique relative au changement climatique. Tous ces exemples soulignent la bonne volonté du gouvernement chinois de montrer au monde que le premier émetteur de gaz à effet de serre travaille à la réduction de cellesci. Gardons en mémoire tout de même cette référence à la coopération internationale et au transfert des technologies qui est un thème récurrent dans ce Livre Blanc. On est donc bien dans la suite logique de ce qui fut énoncé dans la première partie à savoir que la Chine s’inscrit dans cette dynamique d’entraide internationale. Elle souhaite une coopération dans ces domaines avec les grandes puissances mondiales et plus particulièrement avec l’Union Européenne. Que cache ce discours ? Il n’est pas dans les habitudes chinoises de demander de l’aide. Demander de l’aide à l’Occident ne doit pas être chose aisée à moins que cela soit motivé par d’autres sentiments. Est-ce par pragmatisme que la Chine appelle au transfert de technologies, ou est-ce par opportunisme. Toujours est-il que la Chine se dit par ces textes prête à coopérer avec l’Union Européenne et les autres grandes puissances. Rappelons quand même que sur ce marché c’est bien l’Union Europénne qui détient la place dominante comme le rappelle le graphique suivant. « Le marché des crédits carbone : volumes et valeurs en 2007 » MORALES Josselin_2010 23 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence La loi et les politiques économiques : Pour continuer en ce sens, il est intéressant de s’arrêter un instant sur les moyens de mise en œuvre de reformes dans ce domaine. Comme vu plus haut, est-ce que la Chine dispose de moyens particuliers pour mettre en place des standards et attirer l’investissement en interne ou étranger ? Quels sont les moyens dont dispose le pouvoir central pour atteindre les objectifs que le pays se fixe à lui-même ? Ces moyens sont multiples et passent essentiellement par la loi comme nous allons l’étudier. Le Livre Blanc fait référence à l’amendement de la loi sur la Conservation de l’Energie. Le bureau général du Conseil d’État chinois a publié une circulaire sur le contrôle strict de l’augmentation de la température standard pour l’air conditionné dans les bâtiments publics. Il est fait référence à la mise en place d’une politique économique pour la conservation énergétique. Mais il s’agit surtout d’intensifier les efforts dans la R&D pour s’armer scientifiquement contre le réchauffement climatique. Plus loin sont également précisés des ème chiffres : « le gouvernement a investi durant le 10 plan quinquennal (2001-2005) plus de 2,5 milliards de yuan dans la recherche scientifique et le développement technologique. Et 24 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. ème à la fin de 2007 le 11 plan quinquennal (2006-2010) a alloué plus de 7 milliards de yuan pour la recherche scientifique dans la conservation énergétique et la réduction d’émission ». On voit donc bien qu’il y a en Chine une stratégie Top-Down de conservation de l’environnement qui passe en grande partie par la promotion de la recherche et de l’investissement dans les technologies et la recherche. Le gouvernement a les moyens à tous les niveaux de mettre en place ces politiques par un pouvoir centralisé très fort et qui s’applique équitablement à toutes les provinces et régions de la Chine. Il en est tout autrement pour l’Union Européenne comme nous le verrons plus loin. Ce qui marque à la lecture de ce livre blanc dans un deuxième temps est cette référence constante au transfert de technologies, à la nécessité d’une aide internationale dans ce domaine. Pourquoi ? La Chine a-t-elle réellement besoin de cette aide ou fait-elle preuve de fausse modestie (rappelons-nous que la Chine, malgré sa position dans l’économie mondiale ne cesse d’insister sur son statut d’économie en transition et de pays en voie de développement). Les documents sur la mise en place de politiques générales telle que le Programme National de la Chine sur le Changement Climatique (China National Climate Change Programme) pose les grandes lignes mais leur application est assurée par de nombreuses lois, règlements et de nombreux documents quant à leur mise en œuvre. En fait, le changement climatique n’est pas toujours au centre des préoccupations même s’il en résulte une baisse des émissions. Le gouvernement central promulgue des lois, et il s’assure quelles seront bien respectées par toutes une séries d’instruments de contrôle à tous les échelons. C’est par ces données nouvelles qu’on peut affirmer que la Chine se préoccupe de plus en plus de ces questions. Tous les secteurs sont concernés : la politique industrielle plus particulièrement sur les thèmes de l’efficacité énergétique, de la production de l’électricité et des énergies renouvelables mais aussi sur le thème des transports. Les transports seront un des défis majeurs que devra relever la Chine si elle souhaite réduire ses émissions. C’est un secteur qui prend de plus en plus d’ampleur (cf le marché automobile en Chine par exemple). Et c’est un secteur pour lequel il est aisé de fixer des standards de production comme l’a fait l’Union Européenne récemment. Contrairement à l’UE, la Chine fixe elle-même les prix de l’essence et depuis bien des années le gouvernement fixe des prix nettement en deçà des prix du marché réel. Mais de plus en plus la Chine essaie d’équilibrer ses prix avec ceux du marché mondial. Dans le même temps, les taxes sont utilisées à grande échelle pour orienter la vente des véhicules. Les voitures les plus consommatrices d’essence sont taxées à 20% et les moins polluantes à moins d’1%. En parallèle il y a un véritable effort de R&D dans le domaine des voitures hybrides et à basse consommation. Il y a bien une prise en compte politique de la « croissance verte » qui comme le prévoient la plupart des économistes pourrait être un relais majeur de croissance 4 dans un avenir proche. Comme le souligne le rapport de la China Greentech initiative , l’environnement politique est « favorable » à ce secteur comme le prouve la mise en place d’incitations fiscales et de subventions. Rappelons que le plan de relance adopté par la Chine fin 2008 et qui s’élevait à 586 milliards USD consacrait 37% de cette somme au secteur des technologies vertes (Cedric Teychené). Des moyens de mise en œuvre considérables jusqu’au plus petit niveau : 4 Le rapport Greentech est l’aboutissement d’une collaboration entre chercheurs et plus de 80 entreprises leaders dans les technologies, des entrepreneurs, des investisseurs, des ONG et des conseillers politiques. MORALES Josselin_2010 25 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence La Chine est un pays extrêmement centralisé. Dans le domaine de la protection de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique cette centralisation de la décision et la structure pyramidale qui l’accompagne est un avantage considérable par rapport à ces deux concurrents majeurs que sont les Etats-Unis et l’Union Européenne. Quand ces deux derniers ne peuvent qu’énoncer des principes à suivre, la Chine par un contrôle à chaque niveau peut vérifier si l’ordre a été suivi ou s’il ne le fut pas. Pour illustrer cela, il est intéressant d’observer la loi et de voir comment dans les faits le gouvernement central de Pékin s’appuie considérablement sur cette structure. La loi sur la promotion de la production propre en est un parfait exemple. er Loi adoptée le 29 juin 2002 et effective au 1 janvier 2003, elle prévoit à son article 5 que le gouvernement local du peuple ou le niveau du comté seront responsables de prendre l’initiative de promouvoir une production plus propre sur le terrain sous leur administration. Ils seront aussi responsables de la qualité et de la supervision technologique (voir annexe pour texte original). On voit mal l’Union Européenne prendre de telles décisions et imposer à la commune ou au département la prise en charge, la promotion et la supervision technologique d’une production plus propre. 2)Les liens publics/privés et l’internationalisation des firmes : un avantage certain dans la course aux écotechnologies Les avantages du système chinois pour mettre en place et contrôler les politiques économiques qu’il souhaite mettre en oeuvre Pour mieux comprendre les enjeux en présence, il est essentiel de souligner l’importance du rôle de l’État dans l’économie chinoise et notamment dans le développement des firmes. Parfois complètement sous la coupe de l’Etat, parfois en partie ou complètement privées ou encore en Joint Venture, les entreprises chinoises ont des stratégies assez opaques et qui laissent l’investisseur étranger seul face à ses doutes et interrogations quant aux réelles intentions des industriels. Par cette démonstration des liens entre l’État et les entreprises, le but est de montrer les instruments dont dispose la Chine pour influer sur la politique économique. Une fois de plus, l’imposition de standards, l’introduction et le soutien au marché des écotechnologies est une donnée stable en RPC. Dans le cadre de notre étude il était donc important de rappeler que si la Chine et l’Union européenne sont bien deux pôles qui entretiennent depuis l’origine des liens commerciaux, il faut bien se souvenir que tout en Chine est contrôlé par le politique, de près ou de loin. Lorsque l’Union Européenne ne peut qu’inciter, la Chine peut, elle, imposer, édicter comme bon lui semble. Nous tenterons donc dans cette partie d’évaluer à quel point les entreprises chinoises sont sous le contrôle de l’État mais surtout quelles en sont les conséquences sur les performances économiques de la Chine et sur le commerce avec ses partenaires, plus précisément avec l’Union Européenne. Les entreprises sont largement sous le contrôle de l’État depuis la création de la RPC en 1949. La constitution de l’État elle-même précisait que la propriété du sol et des moyens de production ne procédait que de l’État, sans aucune exception. Dans cette démonstration nous nous appuierons sur un rapport que l’institut HEC EURASIA a produit en 2007. 26 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. « L’État chinois est très souvent le grand, sinon l’unique décideur des stratégies d’entreprises à l’international, fussent-elles officiellement indépendantes ». La construction de la Chine s’appuie donc sur cet arsenal d’entreprises d’État, petites ou grandes, locales ou nationales. Même après le lancement des réformes des années 80 par Deng Xiaoping, même après qu’il eut imposé le slogan bien connu aujourd’hui « peu importe la couleur du chat tant qu’il attrape les souris » ou ce que la théorie économique chinoise appelle l’ « économie socialiste de marché », le système économique apparaissait massivement comme l’héritage étatique de la période maoïste. Même après la reconnaissance de la propriété privée dans la constitution de mars 2004 et après la loi sur la propriété de mars 2007 l’arbitraire étatique ne fait pas encore pencher le système vers un État de droit libéral. Au cours des année 90 un leader particulièrement actif du nom de M. Zhu Rongji (vice-Premier ministre en charge de l’économie puis Premier ministre de mars 1998 à mars 2003) a fait évoluer la direction de la production de manière déterminante. Les quelque 300.000 entreprises d’État (la plupart en situation d’obsolescence avancée) ont été largement incitées à se réformer. Certaines furent fusionnées contre leur gré, d’autres remises aux gouvernements provinciaux, les troisièmes vendues ou priées de constituer des joint-ventures avec des entreprises étrangères. Ces réformes furent douloureuses, transformant certaines régions en « champs de ruines sociales » pour reprendre les termes de l’analyse. Ces réformes à marche forcée ont fait apparaître une nouvelle catégorie d’acteurs avec de nouvelles structures et des ambitions d’entreprises modernes. Pour mieux encadrer et faire grandir des champions nationaux à été créée en 2003 une grande commission de rang ministériel, la SASAC (State Asser Supervision and Administration Commission) dépendant directement du Secrétaire Général du PCC et regroupant près de 196 entreprises « stratégiques » du pays, avec un habile dosage de secteur. On voit mal la Commission européenne faire de même. Les plus connues de ces entreprises sont China Mobile (téléphonie), COSCO (transport maritime), Sinopec (pétrole) Minmetals (ressources minières)… mais comme le souligne l’étude de HEC EURASIA, « il en existe beaucoup d’autres bien plus obscures ». Parmi les entreprises d’État réformées beaucoup étaient des acteurs locaux, d’autres « dans les profondeurs de l’appareil d’État ». Mais grâce à certains leaders charismatiques, qui ont profité d’une croissance économique euphorique, quelques firmes d’état se sont hissées au premier rang de leur secteur, d’abord sur le foisonnant marché intérieur, et à présent hors des frontières. Comme le rappelle l’étude : « qui se souvient que Haier était une toute petite usine de machines à laver de la province du Shandong au bord de la faillite lorsqu’un manager de 35 ans particulièrement doué, Zhang Ruimin, l’a prise en mains pour en faire un leader des produits blancs ? Qui peut imaginer que Legend, aujourd’hui Lenovo est une start-up concoctée avec des moyens insignifiants par l’Académie Chinoise des Sciences ? À coté de ceux-là, d’autres grands seigneurs de l’appareil d’état ont su aussi se faire une place au service d’une stratégie nationale menée au cordeau par Pékin que ce soit Baosteel, China Mobile ou les « trois sœurs » du pétrole (PetroChina, CNOOC et Sinopec). La production industrielle a doublé tous les cinq ans. L’ État et les entreprises main dans la main. On voit déjà se profiler des différences majeures entre les stratégies de développement chinoises et européennes. Il convient pour aller plus loin dans la réflexion de montrer à quel MORALES Josselin_2010 27 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence point l’État est complètement intégré dans le jeu de l’entreprenariat en Chine et de mettre en lumière la frontière très mince et parfois inexistante qui sépare la sphère publique de la sphère privée. L’État chinois est toujours présent dans l’actionnariat qu’il soit en première ligne ou « derrière le paravent ». L’État chinois, comme mentionné plus haut, est très souvent l’unique décideur des stratégies d’entreprise à l’international, fussent-elles officiellement « indépendantes ». Lorsque Petrochina lève en bourse (en 2000) 3,1Md. USD venant d’investisseurs comme Warren Buffet, chacun sait qu’il y a derrière la China National Petroleum Corp., dont l’État détient directement 90%. Lorsque les grandes banques publiques (China Construction Bank, Bank of China, Industrial and Commercial Bank of China) attirent les investisseurs sur la place de Hong Kong (en 2005 et 2006), chacun sait qu’un étranger ne peut négocier qu’une part très minoritaire dans leur capital. Lorsque Lenovo acquiert la division PC d’IBM (en 2003) la directrice financière de cette entreprise Mary Ma, a beau s’échiner à répéter qu’il s’agit d’une décision purement commerciale sans interférence de l’État, chacun sait que sa Holding de tête (Legend qui détient 60% de son capital) est détenu à 65% par l’Académie Chinoise des Sciences, sous étroit contrôle du parti. On le voit aussi dans les grandes décisions de management. La SASAC ne montre pas le moindre état d’âme ni n’offre la moindre explication, par exemple, à la permutation pure et simple des président des trois premières compagnies rivales de téléphonie : China Unicom, China Mobile et China Telecom (bien que celle-ci ne soit détenue par l’État qu’à hauteur de 17%). « Même lorsque les entreprises recrutent de nouveaux dirigeants formés en Occident aux meilleurs méthodes de management et autre gouvernance, ces derniers doivent s’initier rapidement aux arcanes du Parti et des guanxi (réseaux, relations) du pouvoir pékinois. Appelé à la direction générale de China Netcom, Edward Tian, docteur de l’Université Texas Tech et raider millionnaire d’Asia Info Holdings, a ainsi découvert l’actionnariat un peu particulier de ce géant (100 000 employés), formés à parts égales du Ministère des Chemins de fer, de la Municipalité de Shanghai, de l’Académie Chinoise des Sciences et de l’Administration d’état dela Radio, du Film et de la télévision. Le business et la politique, même pour des entreprises moins emblématiques ou plus locales, vivent en Chine en concubinage notoire ». En effet, un comité exécutif chinois comporte toujours le Secrétaire du Parti de l’entreprise, lequel est le dernier à s’exprimer lors des réunions dudit comité. L’administration tentaculaire chinoise dont procède toute autorisation est le décalque exact de la pyramide du PCC, forte de 72 millions de membres, avec les mêmes grades hiérarchiques. Aucune stratégie significative d’entreprise, surtout à l’international n’est donc pas menée dans l’aval du Parti. Il faut bien se rappeler que la distinction entreprises publiques/privées n’est pas toujours pertinente en Chine : de nombreuses entreprises avec un actionnariat « privé » restent en réalité largement tributaires du soutien politique ou financier de l’État central ou de leur province. Les multinationales chinoises au capital public ou privé ont un certain nombre d’obligation vis-à-vis du parti, de leur communauté de leur guanxi qui les rendent d’une façon ou d’une autre dépendantes de la sphère publique. L’obsession des champions nationaux 28 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Pour des raisons à la fois de puissance et de gloire nationale, la Chine souhaite à tout prix placer ses plus grandes entreprises dans le mythique classement du Fortune 500. Le secteur des écotechnologies n’échappe donc pas à cette tendance que ce soit dans le photovoltaïque ou l’éolien. Aujourd’hui elle en a 22, l’objectif est de parvenir au chiffre de 40 pour se placer juste derrière les Etats Unis (164 au classement). La Chine est atteinte du syndrome du « bi gis beautiful » et souhaite bâtir des champions nationaux. Cela passe parfois par l’internationalisation. Il y a aussi une arrière pensée de politique intérieure puisque depuis la session de mars 2005 de l’Assemblée Nationale Populaire, nombre de voix se sont élevées aux échelons les plus déterminants du Parti (et de la société civile) pour dénoncer la mainmise des étrangers sur des pans entiers de l’industrie chinoise. Ce thème est l’un des sujets forts du XVIIe congres du PCC d’octobre 2007. Il faut donc contrebalancer ce résultat trop brillant de l’ouverture massive aux investissements étrangers par la création entre autres de champions nationaux. La situation actuelle est bien contrastée d’un secteur à l’autre et les chiffres quant au secteur des écotechnologies ne sont pas clairement disponibles pour le moment. Ce qu’il faut retenir c’est qu’en général les largesses financières dispensées sont à la hauteur des ambitions de Pékin : rabais sur le taux d’imposition appliqué aux exportations, crédit à taux zéro (y compris pour les filiales à l’international), remboursement de la première traite prévu parfois dix ans après l’ouverture de la ligne de crédit, recours au « pactole » que constituent les réserves de change amassées sans relâche (1 330 Md USD fin juin 2007). Cette politique marque des points puisque sur les 100 plus importantes multinationales issues de pays émergents 44 viennent de Chine. De la à devenir des champions mondiaux il n’y a qu’un pas pour les dirigeants chinois ! Donc une fois de plus on voit à quel point les moyens dont dispose le pouvoir central chinois sont quasi illimités pour parvenir à ses fins économiques ou politiques. Il est évident que si la Chine décide aujourd’hui de devenir le leader mondial des écotechnologies elle investira le maximum pour parvenir à ce stade. En comparaison l’UE comme nous le verrons plus loin dispose de moyens bien moins étendus. China Huaneng signe un contrat de 1,2 milliard de dollars avec des partenaires chinois. L’essentiel de la capacité chinoise à l’innovation et au développement de son économie est cette capacité tout à fait inégalée qu’a le système communiste chinois de planifier un développement à long terme. Yang Jiemian, président des Instituts de Shanghai pour les études internationales, ajoute que « rares sont les pays qui peuvent se fixer des objectifs sur cinquante ans » avant de rappeler la doctrine officielle. En ce moment le pays a beau être en pleine croissance, il reste un pays « en développement ». En 2050 il sera un « pays développé » et à la fin du siècle, « une puissance mondiale » (Le Figaro, mardi 13 avril 2009). Ce mardi 25 mai 2010, le géant chinois China Huaneng a signé un contrat de 1,2 milliard de dollars avec 6 fabriquants chinois de turbines éoliennes. Le contrat représente une capacité totale de 1,8 gigawatts (GW). Les turbines éoliennes ont été commandées auprés des 6 plus grands constructeurs chinois soit Sinovel, Dongfang, Shanghai Electric Group, China Shinbuilding Industry Corp, Zhejiang Machinery, Electrical Group et un dernier constructeur dont le nom est inconnu. Chaque constructeur fournira une capacité équivalente à 300 mégawatts. China Huaneng envisage de produire 20 GW d’énergie éolienne d’ici à 2020, l’équivalent d’environ 10% de la capacité de production totale estimée. Le groupe produit aujourd’hui 2,8 GW grâce à l’éolien, principalement dans le nord de la Chine et les régions côtières. MORALES Josselin_2010 29 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Exemple typique d’association publique privé dans la mesure où Huaneng est une entreprise d’État et que les commandes qu’elle vient de passer à ces 6 fabricants sur son propre territoire, 6 entreprises privées. 3. L’appel au transfert des technologies vertes, l’aveu d’une stratégie bien pensée. Pourquoi la Chine demande-t-elle aujourd’hui le transfert des technologies vertes vers son territoire ? Nation on ne peut plus fière et déterminée à s’élever sur la scène internationale de manière autonome, pourquoi la Chine se considère-t-elle aujourd’hui toujours comme un pays en voie de développement ? ème Devenue 4 économie mondiale, avec l’une des croissances les plus stable et des plus élevées que l’histoire ait jamais connu, à l’heure où l’on parle d’instituer entre elle et les Etats-Unis un G2, pays qui jouit d’un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU, la Chine se considère toujours comme un pays en voie de développement. Bien sûr la Chine n’est pas un pays développé au sens où nous, occidentaux l’entendons. Bien sûr une partie de la population chinoise vit dans la pauvreté, les droits de l’homme n’y sont pas respectés et l’état « verrouille » un grand nombre de secteurs. Cependant, d’un point de vue politique la Chine aurait très bien pu faire le choix de se placer dans le camp des pays développés. Pourquoi à Copenhague, la Chine siégeait du coté des PVD ? La tactique est évidente et vise à conserver les avantages que confère le statut de PVD tout en se réservant le droit de brandir lorsque cela semble être nécessaire, son rang de quatrième puissance mondiale. Sur ce point, le secteur des écotechnologies est très représentatif comme nous allons le démontrer. La Chine : un pays en voie de développement ? Lorsque la Chine appelle au transfert des technologies vertes elle le fait en tant que pays leader des pays en voie de développement. Pourtant, la Chine n’aurait aucune difficulté à acquérir les brevets dont elle demande le transfert dans la mesure où elle dispose de grandes réserves de devises. Que cache donc cette stratégie ? La réponse à cette question semble évidente : oui, la Chine est toujours un pays en transition. Pourtant cette année la première université chinoise est entrée dans le top 200 des meilleures universités du monde, son économie est la quatrième de la planète et sa part dans le commerce mondial ne cesse d’augmenter. La Chine est-elle réellement un pays en développement ou se cache t’elle derrière cette dénomination pour mieux profiter des avantages que ce statut lui procure ? Il faut donc aller plus loin et dépasser les simples données numériques. Si socialement la question ne se pose pas (chômage, travailleurs migrants, pauvreté d’une grande partie de la population), elle se pose économiquement : est-il juste que la Chine se place du côté des pays en voie de développement lors de Copenhague alors qu’elle est numéro deux des émissions de gaz à effet de serre ? Alors que l’idée d’un G2 (USA-Chine) pourrait voir le jour ? Toujours est-il, calcul politique ou pas, que la Chine, par cette fausse modestie, appelle de plus en plus souvent au transfert de ces technologies vers son territoire de la part des pays industrialisés. C’est ainsi que les 7 et 8 novembre 2008 à Pékin, 800 participants venus de 67 pays ont appelé au transfert des technologies vertes vers la Chine pour relever les défis liés aux changements climatiques. Citons la déclaration faite par l’Organisation des Nations Unies : 30 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. « Les transformations technologies nécessaires qui permettent de répondre aux défis liés aux changements climatiques ne pourront se faire que par un transfert des technologies vertes des pays développés vers la Chine et les pays en développement ». Ban Ki-moon a déclaré qu’il fallait « penser différemment et prendre des mesures spécifiques pour éliminer les obstacles à la libre diffusion des technologies propres qui ont prouvé leur valeur à maintes reprises ». Cette déclaration est de bon augure pour la Chine qui n’en finit plus de payer le prix des brevets qu’elle doit acheter pour produire toutes sortes de technologies vertes (le brevet du processus de liquéfaction du charbon en est le dernier exemple). Cela milite en sa faveur dans le cadre des procès qui la concernent en matière de respect des droits de propriété intellectuelle. D’après un article du site internet Actu environnement de S. Fabregat, la Chine ne se place évidemment pas sur ce marché comme un pays développé dans la mesure où elle compte plus sur la quantité de la production et les bas coûts de ces produits pour inonder le marché mondial plutôt que sur la R&D (stratégie UE et USA). La Chine entretient avec ses entreprises des relations très proches qui empêchent donc l’investisseur européen d’y voir clair quant aux intentions des investisseurs et promoteurs chinois. Une stratégie de promotion des technologies vertes entièrement « top down » sous forme de directives et de lois et de rendu de compte très efficace. Quels sont les besoins technologiques de la Chine ? Il s’agit en fait dans cette partie de définir quels sont les besoins réels de la Chine dans le domaine des écotechnologies. On considère donc que la Chine a besoin d’une aide internationale pour atteindre les objectifs qu’elle se fixe à elle même sans remettre en cause son statut de pays en voie de développement . Pour définir les besoins technologiques de la Chine il faut d’abord rappeler quels sont ses objectifs en la matière et quelles sont les actions requises pour atteindre ces objectifs. Ceci est résumé par le tableau suivant : Quels développements technologiques et quels domaines nécessitent la coopération. L’UE peut d’après ce tableau intervenir dans la catégorie « Cooperation requirements ». Les éléments clés de cette stratégie sont déjà mis en place par une série de politiques gouvernementales et de lois comme vu plus haut. Rappelons les plus importantes : Le programme de développement scientifique et technologique de moyen et long terme qui couvre la période 2006-2020 : MORALES Josselin_2010 31 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Définit des secteurs clés dans lesquels les efforts doivent être fournis en priorité (la recherche de nouvelles sources d’énergie plus propres par exemple, l’industrie par l’efficacité énergétique mais également les transports, et la planification urbaine et la construction). Plan qui prescrit également dans quels domaines d’innovation et de développement il reste des efforts à fournir en R&D, tels que le manufacturing, le développement des matériaux avancés et les composants clés. ème Également le 11 plan quinquennal (2005-2010) qui prévoit la réduction de la consommation d’énergie par unité du PIB de 20%. Le plan de conservation d’énergie à moyen et long terme (2004-2020) qui tend à faire baisser la part de l’utilisation du charbon dans la production d’énergie chinoise. Et la loi sur les énergies renouvelables qui tend à faire passer de 8 à 15% les sources d’énergie renouvelable primaires (éolien, énergie par l’eau, la biomasse, nucléaire et solaire). De plus, le gouvernement chinois commence aujourd’hui à formuler de nouveaux objectifs en ce qui concerne la réduction de l’intensité énergétique, chose qui sera ème incorporée dans le 12 plan quinquennal. Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il inclurait une réduction de l’intensité carbone de 45% d’ici à 2020. L’institut de recherche sur l’énergie (ERI) sous la houlette de la commission de réforme et du développement national du gouvernement chinois (NDRC) a récemment publié un panel de scénarii pour l’horizon 2050. D’autres études extérieures telles que celle faite par l’université de Sussex et le centre pour la recherche sur le changement climatique de Tyndall sont des sources alternatives qui permettent d’étendre le champ de vision. Ces différents scénarii sont clairement visibles sur le graphique suivant : Le scénario chinois (Business as usual) renvoie à l’éventualité d’un non changement de politique énergétique. C’est sur cette base que les autres études plus ambitieuses s’appuient comme le montrent les deux autres scénarios gouvernementaux en vert en en 32 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. rouge. Le scénario vert fait la supposition d’un usage massif de technologie de captage et de stockage de carbone. Les scénarii Tyndall se fondent sur la mise en place potentielle d’un véritable budget carbone basé sur une allocation fournie aux pays membres d’une organisation d’un genre nouveau. Dans tous les cas, ce graphique présente les données et les analyses les plus récentes et les plus détaillées quant aux projections faites par le gouvernement chinois d’une part et les centres d’étude les plus réputés de l’autre. La Chine a besoin de mettre en place un panel de technologies en adéquation avec ces chiffres dans des secteurs variés dans le but de suivre un chemin (pathway) de développement plus écologique. La Chine doit agir concrètement dans cinq secteurs-clés qui sont : l’énergie, les transports, l’agriculture et l’exploitation des terres, la construction et l’industrie à forte émission. Le résultat net de ces activités proposées serait la réduction de 20% au total des besoins primaires en énergie pour le scénario « Enhanced Low Carbon » d’ici à 2050 au scénario BAU. Dans le même temps cela voudrait dire une augmentation significative de la part des énergies propres et renouvelables dans les sources d’énergies primaires. Les paris les plus grands sont faits sur l’hydropower et l’éolien, le nucléaire qui passeraient selon les estimations de 9GW en 2005 à 66GW en 2020 et à 338GW en 2050. Mais aussi sur l’accroissement des installations de gaz naturel de 2GW en 2005 à 66GW en 2020 et à 205GW en 2050. Quant aux technologies « coal burning » qui restent le problème majeur chinois, les objectifs sont d’une pénétration de 40% des installations en 2020 et 100% en 2050. Les réductions additionnelles seront atteintes en changeant certaines technologies de production industrielles telles que le ciment et le fer, mais aussi en utilisant de plus en plus les technologies de captage du CO2. Le problème reste que ces technologies ne seront pas mises au point avant 2020, mais elles contribueront à une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre de la Chine sur la période 2020-2050. MORALES Josselin_2010 33 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Ce qu’on peut retenir de ces faits est que des investissements majeurs vont devoir être fait dans la décennie à venir surtout si on ne veut pas voir la Chine se bloquer dans un chemin de développement figé sur une production encore plus émettrice en carbone. C- L’Union Européenne et la promotion des technologies vertes La stratégie de promotion des écotechnologies est bien sur complètement différente entre la Chine et l’Union Européenne. De natures différentes, les deux entités mettent en place des moyens différents, moyens qui diffèrent par la nature même des deux pôles. Système centralisé à l’extrême d’un coté, fédéralisme hybride de l’autre, contrôle social intense d’un côté et société civile au premier plan (très réactive sur des thèmes tels que ceux de l’environnement) de l’autre. Il ne s’agit donc pas de comparer ni de porter un jugement moral sur les faits mais bien de mettre en lumière les tendances et les avantages/inconvénients des deux parties. L’UE est a priori dans une optique moins offensive de ‘conquête du monde’ par les écotechnologies. Elle est plutôt dans une stratégie de long terme, envisageant les écotechnologies comme une source de croissance. La création d’emplois dans les nouvelles sources d’énergies permettrait une baisse de la facture énergétique dans l’UE. 1) Objectifs et lignes directrices pour une croissance verte : La Commission Européenne, un acteur primordial. Tout comme à l’échelle étatique, c’est le pouvoir exécutif qui met en place les politiques liées à la protection de l’environnement et à la promotion des écotechnologies. La Commission européenne prend donc en charge cette mission dans le cas de l’Union européenne. Rappelons que c’est aussi elle qui prend en charge la signature de contrats commerciaux avec des partenaires provenant d’États hors Union Européenne. La Commission communique beaucoup sur le sujet des écotechnologies et de leur promotion. Le dernier rapport date du 2 mai 2007 et rend compte du plan d’action en faveur des écotechnologies sur la période 2005-2006. Ce rapport est une communication de la part de la Commission aux autres pôles du pouvoir européen, c’est-à-dire au Conseil, au Parlement mais également au comité économique et social européen et au comité des régions. Il convient d’analyser ce rapport dans la mesure où il donne le ton général de ce que la Commission tend à mettre en place face au défi de la diffusion des écotechnologies, pour faire face aux objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto. Très vite l’éco-innovation est associée à la croissance et à l’emploi (c’est le titre de la première partie du rapport). La question posée est simple et claire : « est-il possible d’agir à temps et le plus efficacement possible, et comment s’y prendre ? » et les auteurs du rapport de répondre : « oui, c’est possible, tout en soutenant la croissance économique ». 34 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Le but n’est donc pas caché : on est bien dans une logique de profit et de moteur à la croissance. En bref, dans une logique de marché classique, les éco-innovations sont et seront un moteur de la croissance tout comme l’ont été en leur temps le charbon et le pétrole. Et dans la phrase suivante, le lecteur peut être surpris par l’affirmation suivante : « l’Europe peut montrer la voie ». Donc l’Europe comme leader mondial, l’Europe comme guide mondial dans ce domaine. « L’éco-innovation doit être au cœur de l’innovation européenne et être la norme dans tous les secteurs de l’économie. L’heure n’est plus à la complaisance ». On peine à ne pas se poser la question de savoir si ce genre d’assertion n’est pas qu’un discours. « Notre principal objectif est que l’éco-innovation pénètre tous les secteurs d’activité. Nous pourrons ainsi régler nombre des problèmes que nous avons actuellement grâce à des mesures appropriées telles qu’une aide financière ou une réglementation. Nous pouvons favoriser l’éco-innovation et guider les forces du marché vers une économie de premier rang à l’échelle mondiale, qui soit à la fois compétitive et écologique ». Tout est dit. L’Europe se donne comme objectif d’être le leader mondial des écotechnologies pour allier compétitivité et écologie. Les présidences du Conseil ont elles aussi souligné l’importance de l’éco-innovation qu’elles aient été autrichienne ou britannique. Les technologies environnementales sont bien vues comme des « instruments favorables à la croissance et à l’emploi ». Où en est-on, du moins à l’époque du rapport, en ce qui concerne l’état d’avancement des travaux et les priorités pour l’avenir ? Le rapport souligne que le plan d’action de l’UE en faveur des écotechnologies (PAET) a été lancé et qu’il esquisse les tendances et les évolutions, et recommande des axes prioritaires pour les actions futures. La voie choisie et favorisée par la Commission est celle de la réglementation qui d’après elle a porté ses fruits lorsqu’elle fut mise en place : « l’expérience a montré qu’une législation environnementale bien conçue sert de levier à l’innovation et aux technologies environnementales ». Il faut mettre en place une législation européenne relative à « l’écoconception ». Bref, les éco-industries doivent contribuer à l’économie de l’UE et à la création d’emplois mais aussi permettre une croissance soutenue. En 2007 les éco-industries représentent 2,1% du PIB de l’Union et en ajoutant les « éco-services » on atteint le nombre conséquent de 3,5 millions d’emplois à temps plein. Plus important, « selon les estimations », l’Union Européenne se taillerait un tiers du marché mondial des éco-industries : « l’indice de durabilité Dow Jones montre que, dans treize des dix-huit secteurs économiques principaux les entreprises européennes sont les plus ‘durables’ » (d’après le Dow Jones Sustainability Indexes Annual Review de 2006). Les investissements financiers augmentent (2 milliards d’investissements en capital risque de 2003 à 2006 soit 10% du capital risque en Europe), développer et centrer la recherche et la démonstration, créer des plateformes technologiques… les lignes de conduite sont claires. Comment améliorer la situation du marché et comment mobiliser les instruments financiers ? MORALES Josselin_2010 35 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Des études ont été menées afin d’établir un système d’objectifs de performance dans l’UE. Ces études incluent notamment l’analyse de programmes étrangers tel le programme Top runner. Cette analyse permettra d’identifier les meilleures modalités de fonctionnement et le rôle d’un label écologique, d’un label énergétique et l’étalonnage des produits. Il existe de nombreuses sources de financement. Nous rappellerons ici les plus importantes d’entre elles. Le programme pour la compétitivité et l’innovation Une enveloppe de 443 millions d’euros a été allouée à la promotion de l’éco-innovation dans le cadre du programme « Esprit d’entreprise et innovation ». Quelques 228 millions d’euros seront accordés à des instruments de financement, en particulier au mécanisme pour la croissance et l’innovation géré par le Fonds européen d’investissement (FEI) qui investiront ensemble dans des fonds de capital risque dans l’éco-innovation à concurrence de 205 millions d’euros pour des réseaux et des projets de première application commerciale et de 728 millions d’euros pour des projets relatifs à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. La banque européenne d’investissement En partenariat avec la Commission, la BEI met en place un Instrument de financement avec partage des risques (IFPR). Il s’agit d’améliorer l’accès au financement de la dette pour le secteur privé et le secteur public lorsque ces secteurs mènent des recherches à profil de risque élevé. Une enveloppe de 2 milliards d’euros sera disponible pour des projets ème sur les thèmes couverts par le 7 programme-cadre et l’instrument autorisera la Banque européenne d’investissements à accorder des prêts allant jusqu’à 10 milliards d’euros. Effet de levier de la politique de cohésion Actuellement environ 21% des ressources des Fonds structurels ont été alloués à l’innovation et la Commission a demandé aux États membres d’augmenter ce pourcentage dans la nouvelle période de programmation. L’éco-innovation, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les transports urbains non polluants sont des priorités de la politique de cohésion (2007-2013). Les orientations stratégiques de la Communauté sur la cohésion soulignent que les entreprises devraient investir dans l’éco-innovation pour disposer d’atouts puissants à l’avenir. LIFE Le programme LIFE-environnement a cofinancé quelque 2750 projets pilotes depuis 1992 ce qui représente un investissement total de 2,6 milliards d’euros. Environ deux tiers des investissements ont été consentis pour des projets assurant la promotion de technologies environnementales. Agir au niveau mondial Possibilités affichées de financement au niveau mondial. Le fond mondial pour la promotion et l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables fournira un capital d’amorçage à des projets concernant les énergies renouvelables dans plusieurs régions. Le rapport précise que la BEI et la Commission examinent actuellement les possibilités de coopération dans ce domaine. Le mécanisme relatif au changement climatique (MFCC) de la BEI permettra également d’accorder un financement à des projets à l’échelle mondiale. Investissements et commerce responsables 36 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. Dans le contexte de la libéralisation multilatérale des échanges dans le cadre du cycle de Doha pour le développement par exemple, la Commission a joué un rôle de premier rang en faveur de la réduction ou de l’élimination des tarifs et de l’abolition des barrières non tarifaires dans les échanges de biens, de technologies et de services environnementaux. Elle étudie également les possibilités d’un traitement rapide de ces questions dans les accords de libre-échange régionaux qui seront négociés au cours des prochaines années avec certains partenaires, en particulier en Asie. Quels axes prioritaires pour l’avenir ? Des progrès importants ont été effectués d’après la Commission, mais ceux qui restent à accomplir sont encore plus importants, nous communique la Commission. Pour faire face aux problèmes environnementaux qui se posent à l’échelle mondiale, pour que l’éco innovation permette de réaliser des bénéfices environnementaux et économiques à grande échelle, pour permettre à l’Europe de saisir les occasions qui s’offrent à elle, toutes les activités ont été intensifiées et ont été menées à une autre échelle, en mettant davantage l’accent sur la demande. La proposition de la Commission est donc de se concentrer sur cinq mesures qui augmentent la demande et sur trois mesures d’appui : il faut promouvoir les marchés publics écologiques, mobiliser des investissements financiers plus importants, établir des systèmes de vérification des technologies et des objectifs de performance et se fonder sur les pratiques prometteuses des États membres en se concentrant en même temps sur les secteurs les plus rentables. Quelles mesures d’appui ? Créer un réservoir de connaissances stratégiques dans le domaine de l’éco-innovation, promouvoir la sensibilisation et la participation active et utiliser la recherche. On arrive à peu près aux mêmes conclusions que celles du rapport E3G cité plus haut, à savoir la promotion de marchés publics écologiques, la mobilisation de l’investissement public mais également privé. Les PME, une cible majeure pour la promotion des écotechnologies au sein de l’Union Européenne. La littérature est très fournie sur ce point particulier et se traduit par une communication abondante de la part des autorités européennes. Le message est très clair, il y a une réelle volonté de transparence, et les documents sont très didactiques. La source de la discussion qui va suivre est une publication du Programme d’aide au respect de l’environnement pour les PME (ECAP), pour des PME propres et compétitives. On remarque les termes associés de propreté et de compétitivité : on est bien dans une volonté à la fois de protection de l’environnement mais également de recherche de compétitivité par l’obtention d’éco-labels par exemple. Les PME représentent en effet environ 99% de toutes les entreprises et 57% de la valeur ajoutée économique. Elles sont des acteurs majeurs de l’activité économique de l’Union Européenne. Cela signifie que bien que les entreprises considérées séparément aient probablement une incidence limitée sur l’environnement, leurs effets cumulés et combinés sont considérables. Pourtant elles ne le perçoivent pas toujours et ne mettent pas systématiquement en place les outils dont elles pourraient disposer pour une bonne performance environnementale. Plusieurs facteurs expliquent cette situation et relèvent du manque de moyens à consacrer à ce genre de problématique. Elles ont moins accès au capital que les grandes MORALES Josselin_2010 37 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence entreprises ce qui signifie qu’elles ne peuvent en général pas se permettre de faire des investissements de départ en écotechnologies pour des raisons économiques. En outre les PME atteignent rarement les plafonds fixés par les programmes environnementaux et les législations communautaires, tels que le système communautaire d’échange des quotas d’émission, le programme d’action européen de lutte contre le changement climatique ou la directive communautaire relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution (IPPC) contrôlant la pollution industrielle. Tout cela montre que les entreprises peuvent de ne pas tirer profit des avantages considérables que le passage à des activités respectueuses de l’environnement pourrait leur conférer : par exemple une meilleure gestion environnementale peut contribuer à réduire les coûts en améliorant l’efficacité des ressources et l’efficacité énergétique. Elle peut également améliorer les conditions de travail des travailleurs en réduisant leur exposition aux produits chimiques ou à la pollution de l’air. Quels sont les avantages que peuvent en tirer les entreprises qui respectent ces règles ? Elles peuvent obtenir des débouchés supplémentaires en tant que fournisseur d’entreprises de plus grande envergure ou des pouvoirs publics qui exigent que leurs fournisseurs exercent leurs activités dans le respect de l’environnement. Elles peuvent également se construire une image d’entreprise responsable et l’utiliser comme outil de promotion, un facteur qui gagne de plus en plus d’importance. La commission a donc instauré le programme d’aide au respect de l’environnement (ECAP) pour apporter aux PME les ressources et le savoir-faire dont elles ont besoin. Le programme prévoit une série d’actions qui visent à Réduire la charge administrative qu’impose l’application de la réglementation aux PME Favoriser leur accès aux systèmes de gestion environnementale Améliorer leur rapport coût-efficacité Fournir des financements spécifiques Offrir un meilleur accès à l’expertise environnementale disponible Un financement ciblé : Les entreprises ont donc besoin de financement pour mettre au point les technologies et les pratiques les plus innovantes dans le domaine de l’environnement. Pour la période 2007-2013 l’union européenne a prévu plusieurs instruments d’aide financière pour les PME qui souhaitent améliorer leurs performances environnementales. La commission est partie d’une donnée simple : les PME on besoin d’incitants financiers pour pouvoir innover car leurs capacités d’investissement dans les technologies environnementales sont limités et elles ont souvent besoin d’un soutien supplémentaire pour pouvoir participer à des programmes de recherche communs. Quels sont ces instruments, quelle exploitation des sources financières européennes ? Plusieurs instruments financiers de l’union européenne accordent des fonds pour des projets et des initiatives en faveur de l’environnement tels que (liste non exhaustive): LIFE + Principal instrument de financement de l’Union européenne destiné à garantir la mise en œuvre des politiques environnementales pour la période 2007-2013. Les 38 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. entreprises adressent leurs demandes de subventions directement aux autorités de l’Union européenne. Les PME ont largement bénéficié des programmes LIFE précédents. A titre d’exemple, en 2003-2004 quelque 30 millions d’euros ont été alloués au développement de techniques innovantes au sein des entreprises par l’intermédiaire de projets de démonstration. Fonds structurels et Fonds de cohésion Fonds destinés aux régions les moins avancées (Fonds structurels) et à contribuer au développement des infrastructures en Europe (Fonds de cohésion). Une grande partie du budget européen de financement y est consacré. Une grande partie de ces fonds est attribuée par l’intermédiaire des autorités nationales et régionales. JEREMIE L’initiative de ressources européennes conjointes pour les PME et les micro-entreprises (Jeremie), intégrée au programme de cohésion 2007-2013 permet aux Etats membres de mettre en place des instruments financiers pour les PME à l’échelle régionale. Les initiatives environnementales bénéficient de la priorité. La Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et le Fonds européen d’investissement fournissent les fonds. 2) Les leçons de l’UE que peut tirer la Chine dans les domaines du développement des écotechnologies et de l’expérience de la coopération. L’Union européenne a une longue tradition quant au développement des technologies de basse émission de CO2. Quelles sont les leçons que peut en tirer la Chine ? C’est la question fondamentale de l’apport potentiel et des retombées positives que pourraient avoir une coopération entre l’UE et la Chine. Le développement de nouvelles technologies Le développement de nouvelles technologies et l’amélioration des technologies à faible émission seront des aspects essentiels à prendre en compte dans la réduction des émissions dans le future, particulièrement dans les secteurs des énergies et des transports. Quelles sont les principales difficultés actuelles ? Le manque de moyens financiers Des ressources et des infrastructures insuffisantes Le manque de vision sur le long terme pour coordonner les nombreuses activités et leurs impacts. Pour faire face à ces défis, l’UE a établi le « Strategic Energy Technology Plan », plus connu sous le nom de SET-Plan. C’est un projet paneuropéen qui propose une approche globale quant à la stratégie à adopter sur les thèmes des technologies « low carbon » et de la R&D. Le but annoncé est de parvenir à coordonner les efforts du secteur public et du secteur privé pour parvenir à atteindre des objectifs chiffrés. La Chine fait face en ce moment aux mêmes problèmes à savoir le manque de soutien à la R&D, un développement faible des écotechnologies et faire face au défi de l’absorption de ces nouvelles technologies (sujet sur lequel nous reviendrons plus loin). MORALES Josselin_2010 39 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Dans la mesure où l’UE tout comme la Chine a du faire face au problème de la coordination de ces politiques de développement, le SET-Plan est un bon exemple de programme pour la Chine. Un modèle de développement et de coopération. C’est un modèle d’un nouveau genre, basé sur une approche collective de la recherche, du développement et de la mise en application (Research Developpement and Demonstration). L’idée avec le SET-Plan est de prendre le meilleur de chaque état membre et d’en faire la norme à l’échelle européenne. Au cœur du SET-Plan il y a plusieurs initiatives industrielles européennes (EIIs) qui tendent à rassembler l’industrie, la communauté des chercheurs et les institutions gouvernementales dans des logiques de partenariats public/privé (voir tableau n°1). Tableau n°1 La participation de l’industrie dans ces Europan Industrial Initiatives est une composante importante pour les technologies qui sont proches du stade de la commercialisation. Le SET-Plan expose de manière assez claire les opportunités pour une coopération stratégique entre l’UE et des partenaires internationaux (incluant la Chine bien 40 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. sûr). L’opportunité est d’autant plus grande dans des zones où l’apport d’une aide extérieure peut accélérer le développement de technologies. Le programme cadre pour la recherche, le développement technologique et les activités de « démonstration » est un programme qui couvre la période 2007-2013, doté de 1,9 milliards d’euros pour la R&D relative à l’environnement et 2,35 milliards pour l’énergie. Ces deux budgets sont ouverts à des pays non européens et la Chine a déjà commencé à s’engager dans la recherche aux côtés d’européens par ce biais. Les principales difficultés qui peuvent avoir des conséquences graves sur la coopération technologique sont la sensibilité de la technologie et le développement du savoir-faire. Comment transférer le savoir faire ? Surtout lorsque cela concerne des technologies dites sensibles ? Cela peut être dépassé comme nous le verrons un peu plus loin par la signature d’accords sur les droits de propriété intellectuelle. Les problèmes qui entourent la problématique des DPI pourraient devenir une véritable barrière à la coopération et à l’innovation si la question n’est pas traitée de la bonne manière. C’est le défi que la communauté scientifique devra relever, au moment où les technologies seront prêtes à sortir du laboratoire pour être développées et commercialisées. En Chine, la notion de propriété intellectuelle pour la communauté académique et de la recherche n’est pas encore quelque chose de primordial, même si cela est en train de changer graduellement, on y reviendra plus loin. La façon dont plusieurs pays européens ont résolu ces problèmes de DPI doit servir de leçon pour la Chine. Le Royaume Uni est un bon exemple de résolution des problèmes de DPI pour faciliter les transferts de technologie à l’industrie et permettre la commercialisation. En 2004, une initiative intégrant le bureau anglais de la propriété intellectuelle a développé un standard d’accord concernant les DPI (on appelle également ce modèle les ‘accord Lambert’) ayant pour but de faire collaborer de façon plus efficace les universités et les industries. Ce modèle offre un spectre d’options autour des droits et des usages des DPI assez large. Il est rédigé dans le but de garantir le respect des intérêts de chaque partie, en incluant les droits de licence et d’utilisation, des contributions financières de chaque partie etc. et les droits des institutions académiques à la publication. Ce type de modèle pourrait être un cadre potentiel pour une coopération entre l’UE et la Chine. Il existe par exemple sur ce modèle une organisation qui facilite la coopération en R&D entre la Chine et la GB. Cette organisation s’appelle Innovation China UK (ICUK). Dans le domaine de l’expérience de la coopération Un autre thème sur lequel l’exemple européen peut être bénéfique pour la Chine est l’introduction au marché par la commercialisation de nouvelles technologies et la création de nouveaux marchés. Et plus particulièrement l’introduction de technologies matures, prêtes à la commercialisation qui n’ont pas encore été commercialisées ou peu commercialisées en Chine. Plusieurs vecteurs commerciaux peuvent être utilisés comme le montre le tableau suivant. « Les vecteurs de commercialisation pour permettre le transfert de technologie entre la Chine et l’UE ». MORALES Josselin_2010 41 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Donc c’est surtout dans les domaines de l’industrie très fortement émettrice en CO2 que l’UE peut donner l’exemple et se placer sur le marché chinois, dans les domaines des transports, de la construction en particulier. Prenons l’exemple de l’introduction d’écotechnologies dans l’industrie chinoise du ciment avec l’exemple de l’entreprise Lafarge. Lafarge est le plus grand producteur mondial de ciment mais aussi le leader mondial dans beaucoup d’autres matériaux de construction. L’activité de Lafarge a commencé en 1994 avec la mise en place d’une Joint venture de ciment (Chinefarge). En peu de temps Lafarge est devenue le leader des producteurs du ciment en Chine et les activités de l’entreprise en Chine sont destinées au marché chinois directement. Leurs activités s’étendent du ciment, à la production d’aggloméré, aux matériaux nécessaires à la confection de toits et de plâtre. Par la modernisation des installations qu’il avait acquises, Lafarge a réduit ses émissions de CO2. Lorsqu’il a fusionné avec Shui-On en 2005, Lafarge a fermé des installations vieilles de 38 ans pour certaines, les remplaçant par de nouvelles pour un coût 42 MORALES Josselin_2010 I/ La Chine et l’Union Européenne : deux stratégies de soutien au marché des écotechnologies. de 3,6 milliards de RMB (soit plus de 400 millions d’euros). Ceci a permis à Lafarge de réduire de 20% ses émissions de CO2 par tonne de ciment produit dans les installations chinoises depuis 2005 (avec des performances actuelles proches des niveaux européens). Un graphique trouvé sur le site de Lafarge industrie illustre ceci. « La réduction des émissions de CO2 par les opérations de Lafarge ciment en Chine et en UE ». Le moteur d’une telle réussite fut l’installation de système de récupération de la chaleur produite par l’activité des industries installées à Lafarge Nanshan, Gongxiang and Kaiyuan, chacune pour un montant de 7 à 10 millions d’euros. Cet investissement a réduit les émissions de chaque installation de 70-90 milliers de tonnes de CO2 par an. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que l’investissement consenti par Lafarge en Chine le fut avec ses propres conditions de coûts et d’efficacité opérationnelle et fait partie d’une tendance générale de modernisation et de rationalisation de la production. Cela montre comment l’introduction de technologies modernes, en concordance avec la restructuration de l’entreprise, peut mener à l’efficacité énergétique et à la réduction des émissions d’énergie. La Chine et l’Europe mettent en place des stratégies très différentes du fait des moyens diamétralement opposés dont ils disposent. Incitation contre imposition, information contre rendu de compte. Les approches européennes nous apparaissent à la fois top down et bottom up alors que les moyens que mettent en œuvre les autorités chinoises sont exclusivement top down. De plus la Chine pour ne pas avoir de compte à rendre à l’étranger se cache derrière son statut de pays en voie de développement, se disculpant des dégâts qu’elle cause à l’environnement (même si des avancées notables viennent le nuancer). A l’opposé, l’Union Européenne se place dans le camp des leaders de la promotion des technologies vertes avec toutes les valeurs éthiques et « bien pensantes » qu’elle met derrière le terme. MORALES Josselin_2010 43 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Les besoins en écotechnologies de la Chine sont évidents et très divers, la coopération avec l’Union Européenne est plus que possible dans beaucoup de domaines comme nous le montre l’exemple de Lafarge ciment par exemple. 44 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. Du point de vue de l’UE, une coopération avec la Chine présente de nombreux intérêts et de nombreuses opportunités. Parmi les avantages que l’UE pourrait en tirer, il y a bien sur l’accès au marché chinois et les effets associés que cela aurait, c’est à dire la création d’emplois et des retombées positives sur l’économie de la région Europe. Cela accélèrerait la transition vers une économie à basses émissions, ou « low carbon » en UE grâce à la baisse des coûts que permettrait la localisation de la fabrication sur le territoire chinois et rendrait le marché de la technologie plus compétitif. De plus permettre à la Chine d’avoir accès à ce genre de technologies et de mode de collaboration aura un effet positif sur l’atténuation de l’effet de l’activité humaine sur le changement climatique. De la même façon, du coté chinois, la coopération avec l’UE apporte et provoque des bénéfices importants : l’accès aux technologies de pointe pour permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre un développement socio-économique à travers la création d’emplois et de l’arrivée d’IDE (même si l’on relativisera un peu plus loin cet aspect positif des arrivées d’IDE), l’exportation et le développement sur son propre marché des écotechnologies. Un développement grâce aux effets d’engrenage de la coopération internationale dans ces domaines. Néanmoins, comme nous le verrons dès le paragraphe suivant, de nombreux défis doivent être relevés. Loin d’être insurmontables, ils constituent à l’heure actuelle les principales barrières à une collaboration plus poussée sur ces domaines. Pour les deux régions, les enjeux majeurs d’une coopération s’articulent autour des problèmes d’accès aux marchés et du protectionnisme. Les deux parties ont des arguments valides et les difficultés sont réelles. On essaiera néanmoins dans cette discussion de dégager les enjeux majeurs et les difficultés qu’il faudra outrepasser en priorité pour un résultat équitable et partagé. MORALES Josselin_2010 45 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence A/ L’un des principaux défis pour une coopération efficace : résoudre le problème des droits de propriété intellectuelle (DPI) Les droits de propriété intellectuelle sont au cœur de la guerre commerciale que se livrent les principaux acteurs du commerce mondiaux avec la Chine pour la simple et bonne raison que la Chine peine à respecter ou à faire respecter ces droits. Malgré son arrivée récente dans la course au développement la Chine s’est elle-même imposée des règles dans ce domaine. Les écotechnologies ne sont pas épargnées par cette tendance, bien au contraire. Il convient donc de tenter d’en étudier les causes et les raisons s’il y en a de valides. Commercer, échanger c’est également transférer. Parfois les entreprises européennes choisissent même de s’implanter sur le territoire et effectuent cette opération complexe qu’est le transfert de technologies. Evident à première vue, le transfert de technologie, l’absorption par le pays récepteur de ces nouvelles technologies et la protection de la diffusion de cette technologie sont des enjeux primordiaux pour toute entreprise souhaitant s’implanter en RPC. Comment s’implanter sans perdre son avantage technologique ? Pourquoi s’implanter en Chine ? Une partie de la réponse réside dans la protection des droits de propriété industrielle mais pas seulement. Quelle stratégie une entreprise européenne doit adopter si elle souhaite protéger son savoir tout en profitant des avantages que l’implantation sur le territoire chinois apporte ? 1) Les droits de propriété intellectuelle et industrielle au cœur de la bataille commerciale sur les technologies vertes Quelles sont les particularités de ce droit ? Un droit jeune et très « occidental » qui s’applique désormais au monde entier : quels sont les difficultés et les spécificités de ce droit dans le cas particulier de la Chine ? La genèse d’un droit jeune. Les droits de propriété intellectuelle sont un des enjeux majeurs du commerce de la Chine vers le reste du monde. Source de tension, il est évident que cela pose un réel défi à tout partenaire commercial chinois. Malgré son adhésion à l’OMC la Chine peine à faire respecter ces droits. Mais ce problème des droits de propriété industrielle pose en fait un réel débat de fond, qui dépasse largement notre sujet à savoir le commerce UE-Chine. Il semble pourtant essentiel de revenir sur ce débat (pour ou contre les DPI ?) pour mieux comprendre le point de vue chinois, qui malgré les bonnes volontés affichées, semble ne pas consacrer tous les efforts possibles pour faire face à la contrefaçon et au non-respect des DPI sur son sol. Pour débuter la réflexion, rappelons qu’une organisation mondiale de la propriété intellectuelle a vu le jour, tant la problématique de la propriété intellectuelle est complexe. Rappelons que la Chine fait partie de cette organisation et que le premier texte qu’elle s’est imposée date de 1979. Voici une proposition de définition par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle : « Par propriété intellectuelle, on entend les créations de l’esprit : les inventions, les œuvres littéraires et artistiques, mais aussi les symboles, les noms, les images et les dessins et modèles dont il est fait usage dans le commerce. La 46 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. propriété intellectuelle se présente sous deux aspects : la propriété industrielle d’une part, qui comprend les inventions (brevets), les marques, les dessins et modèles industriels et les indications géographiques. Et le droit d’auteur d’autre part (…) ». Droits de Propriété Intellectuelle, droits de propriété industriels et compétitivité, à la recherche d’un nouvel équilibre pour protéger et partager l’innovation . La propriété industrielle qui relève de la propriété intellectuelle est un droit jeune, en France, le Code civil de 1804 ne l’envisage pas et traite exclusivement des immeubles et meubles corporels. C’est au XVIIIe siècle que la propriété intellectuelle devient une réalité d’abord nationale dans les Etats économiquement développés (Angleterre, Etats-Unis et France). Apparition qui coïncide avec la révolution industrielle et l’avènement du libéralisme. Les droits de propriétés intellectuelles se conçoivent exclusivement dans un contexte de liberté d’entreprise. Il est en effet admis que la propriété intellectuelle est un facteur de développement technique et de progrès économique. Rapidement, ce droit a du intégrer la nécessité d’une intervention juridique internationale. Signature de la Convention d’Union de Paris le 23 mars 1883 : première convention internationale pour la protection de la propriété intellectuelle. Ensuite vient la mise en place de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Le XXème siècle promeut l’harmonisation de la propriété industrielle avec la mise en place de cette institution (OMPI). Cette organisation instituée par la Convention de Stockholm du 14 juillet 1967 établie à Genève, a pour but d’assurer la protection internationale de la propriété intellectuelle et la coopération administrative entre unions internationales dans ce domaine. Plus récemment la convention de l’organisation Mondiale du Commerce signé à Marrakech le 15 avril 1994 dans le cadre du GATT comporte ce que l’on appelle les accords ADPIC (accords sur les Aspects des Droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (TRIPS en anglais). Pourquoi signer de tels accords ? On s’est aperçu que de plus en plus ces droits de propriété intellectuelle étaient susceptibles d’influer sur le commerce entre les Etats. Celui-ci a pour objectif de remédier à des problèmes tels celui de la piraterie internationale des droits de propriétés intellectuelles en obligeant tous les pays adhérents à respecter les normes de protection de ces droits. « Au sein de l’union européenne, règlements et directives se succèdent soit pour harmoniser les législations nationales soit pour instaurer directement une protection communautaire couvrant uniformément le territoire de tous les Etats membres. Harmonisation et élaboration par le parlement européen de titres communautaires de protection s’appliquant directement et uniformément dans tous les Etats de l’union européenne ». Quel est le rôle de la propriété intellectuelle ? Les enjeux tout d’abord : la mondialisation de l’économie et le rôle essentiel de la technologie comme moteur de la croissance économique d’un pays donné ont permis à la problématique des droits de propriété intellectuelle de prendre une place de plus en plus grande. Le brevet est un outil juridique à finalité économique dont l’utilisation est réservée au domaine de l’industrie et du commerce. Les brevets remplissent un rôle majeur dans la vie économique même si la question de l’opportunité de la réservation des créations industrielles divise partisans et adversaires. MORALES Josselin_2010 47 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Arguments en faveurs de la propriété intellectuelle : Un facteur de stimulation de l’innovation technique. Au sein d’une économie libérale les DPI accompagnent et stimulent l’innovation technique dans les secteurs de l’industrie innovation qui est à la base de la croissance économique. « Ainsi, la propriété intellectuelle qui appréhende l’effort incessant de création de l’homme en société apparaît comme instrument d’incitation à l’innovation technologique et au développement social. Dans la compétition mondiale les DPI constituent une arme puissante aux mains des industriels et ils sont devenus désormais des actifs stratégiques pour les entreprises innovantes quelles que soit leur taille ou leur secteur d’activité, où ils occupent une place primordiale. De grandes sociétés se sont développées à partir de l’exploitation d’une invention brevetée ». C’est également un instrument de concurrence. Au nombre des arguments en faveur de la propriété industrielle, on observe que ces droits tantôt récompensent le créateur en lui assurant un monopole temporaire sur l’invention (brevet), tantôt permettent de désigner et d’individualiser des produits ou des services (signes distinctifs). Le brevet est présenté comme un instrument d’incitation à la recherchedéveloppement : il est conçus pour favoriser la création et l’innovation puisque celui qui a investi dans la recherche se voit garantir par l’octroi du brevet un monopole d’exploitation de son invention, normalement de vingt ans qui lui permet de tirer un juste profit de son investissement. C’est un monopole en termes économiques et en termes juridiques. Les signes distinctifs sont indispensables au système économique et sont des instruments de concurrence. Mais c’est également un instrument juridique : les droits de propriété industrielle sont des droits exclusifs. Le brevet comme la marque sont des instruments juridiques, protégeant l’entreprise de la concurrence grâce à l’arme défensive qu’est l’action en contrefaçon. C’est donc bien sur une arme économique : les DPI sont des facteurs de domination de marché : le brevet est un élément important de développement économique car il permet la pénétration de nouveaux marchés, allant du monopole absolu à la position dominante, tandis que les licences de brevet vont permettre d’étendre les possibilités de coopération technique entre les entreprises. « Selon une approche libérale, la marque est une richesse du patrimoine industriel qui lui permet d’attirer et de conserver la clientèle. La marque en indiquant l’origine de ses produits assure une fonction publicitaire et elle est un instrument de la stratégie économique dans l’organisation des marchés et des circuits de distribution ». Arguments en défaveur de la propriété industrielle. Un frein au libre jeu de la concurrence : l’existence de droits privatifs constitue un frein au libre jeu de la concurrence. La liberté d’entreprendre et le jeu de la libre concurrence risquent d’être entravés par l’instauration de monopoles industriels. L’entreprise bénéficiant d’un monopole peut en effet empêcher l’entrée sur le marché de concurrents potentiels et fixer arbitrairement le coût des produits issus de la création nouvelle, sans redouter la concurrence des rivales puisqu’elles n’y ont pas accès. Cependant le respect de la libre entreprise et du libre échangisme conduisent aujourd’hui à limiter certains effets des droits 48 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. de propriété industrielle. La conciliation entre les deux types de règles a été organisée grâce à la doctrine de « l’épuisement du droit ». C’est également un facteur d’inégalités : se trouvent également dénoncés les inégalités ou l’asservissement que ces droits de propriété industrielles peuvent engendrer entre les pays du nord et du sud ayant peu de capacité à produire. Que dit le droit ? En droit international, les connaissances que possède une entreprise sur le plan scientifique et technique ne sont pas nécessairement brevetées ou brevetables. Lorsqu’elle souhaite faire bénéficier une autre entreprise de ces connaissances contre rémunération, elle ne peut dons pas utiliser la licence de brevet. Au sens strict, le transfert de technologie est donc la révélation contre rémunération de toute connaissance technique non immédiatement accessible au public et non brevetée. Dans un sens plus large, cependant, l’expression désigne également les contrats complexes comprenant à la fois une licence de brevet et la communication des éléments de savoir faire nécessaire à son exploitation. Eléments scientifiques et techniques mais aussi éventuellement savoir faire commercial. Des organismes tels que la CNUCED, l’ONUD ou l’OMPI ont publié de nombreux travaux relatifs au contrat de transfert de technologies en faveur des pays en voie de développement. De même, les Nations Unies assurent des prestations d’information en la matière auxquelles les entreprises peuvent avoir accès par l’intermédiaire de leurs gouvernements. De nombreux guides contractuels et modèles de contrats existent également. La rédaction d’un contrat de transfert de technologie doit être particulièrement soignée. Il faut, en premier lieu, tenir compte des législations en vigueur dans le pays d’exportation et dans le pays d’importation de la technologie. La consultation des textes pouvant être considérés comme d’application immédiate, et notamment des lois anti-trust, est indispensable. Au cours des négociations précontractuelles, la révélation de certains éléments du savoir à transmettre est inévitable. Il faudra donc rédiger un contrat préliminaire garantissant le secret sur ces révélations et l’interdiction de les utiliser en cas d’échec des négociations, avec des clauses pénales d’un montant élevé. Le contrat lui-même contiendra des clauses très variées, revêtant chacune une importance très particulière. On prévoira les modalités précises de chaque opération : communication de documents, formation professionnelle, communication de savoir-faire, licence de brevets… Enfin les obligations de chacun devront être précises notamment, concernant le bénéficiaire du transfert, l’obligation de secret, de communication des modifications et améliorations apportées à la technologie et l’interdiction d’exporter les connaissances (dans une filiale à l’étranger par exemple). Le contrôle de ces obligations n’est pas toujours facile et la meilleure protection sera l’avance technologique ce qui pousse à une accélération de l’obsolescence des produits et techniques. Tentative d’explication : les Droits de Propriété Intellectuelle et la culture chinoise. Article de Nicolas Occis, polytechnicien, annales des Mines de 1999. Il s’agit ici de mettre à bas les clichés sur la propriété intellectuelle et le respect de ce droit en République Populaire de Chine. Etudier la propriété intellectuelle en Chine c’est se poser plusieurs questions : pourquoi ce droit n’est apparu que récemment en Chine ? Est-ce réellement pour des causes MORALES Josselin_2010 49 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence culturelles que ce droit n’est pas respecté ? Et quels sont, pour reprendre les termes de Mr Occis, « les moteurs de son assimilation grandissante » ? D’après cet article, qui date déjà d’une dizaine d’années, les brevets déposés sont loin d’être respectés, bien au contraire, « on s’empare de processus brevetés (donc publiés) sans rémunérer leur inventeur ou on effectue sur le produit du commerce un véritable ‘désossage’ à l’aide des informations contenues dans la documentation de manière à les reproduire aussi fidèlement que possible (on parle de reverse engineering) ». Ce processus se substitue en fait à la recherche et développement qui aurait permis d’arriver aux mêmes résultats. Parmi ces contrefacteurs on trouve également des entreprises d’État. L’autre risque à propos des brevets plane sur les joint-ventures, la contrepartie d’une installation occidentale en Chine est souvent un transfert de technologie qui s’il est mal maîtrisé peut mettre en péril le secret des processus de fabrication étrangers (voir point suivant). Enfin le droit d’auteur subit des violations généralisées en matière de logiciels (une version non officielle de Windows 98 se vend pour une dizaine d’euros dans les rues de Shanghai d’après l’article). Point positif, des domaines tels que celui de l’édition est épargné. Le droit d’auteur s’y applique en général alors que dans les années 80 des sections spéciales interdites aux étrangers regroupaient dans les librairies les ouvrages occidentaux reproduits ou traduits sans autorisation. Pourtant la législation pour faire face à la contrefaçon est présente. Certes ces lois sont récentes puisqu’elles datent de l’ouverture de la Chine à l’étranger dans la fin des années 80 mais sont quasiment similaires à leurs homologues occidentaux. La Chine fut grandement conseillée dans ces domaines par des organisations telles que l’OMC ou l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Le problème réside plutôt dans leur application. « Même en réunissant des preuves manifestes de la violation de leur propriété intellectuelle, les entreprises victimes sont loin d’avoir systématiquement gain de cause. Les faits sont une chose mais les mentalités en sont un autre. Les violations de la loi ne renseignent pas sur l’assimilation du concept, qui peut être respecté sans être compris, ou violé en toute connaissance de cause. Le grand nombre des violations de ce droits n’est pas seulement explicable par des motivations économiques encouragées par une application laxiste de la loi ». Chose incompréhensible pour les occidentaux, la propriété intellectuelle ne va pas de soi pour les Chinois, « la notion même de propriété intellectuelle est loin d’avoir fait son chemin dans les esprits chinois » comme le rappelle Mr Occis. De profonds facteurs culturels font de la propriété intellectuelle en Chine un objet a priori difficile à appréhender. L’existence de celle ci paraît être indéniable, mais sa portée est discutable. Il est intéressant de revenir sur l’histoire de la copie en Chine, une histoire singulière puisque totalement imbriquée dans l’histoire de l’écriture et du savoir. Nicolas Occis lui reconnaît trois fonctions distinctes. D’abord, la copie est un mode d’apprentissage. N’importe quel étudiant désireux d’apprendre la langue chinoise devra copier des centaines et de centaines de fois des caractères, des textes classiques ou plus récents. D’autant plus que l’écriture a une 50 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. importance singulière en Chine puisqu’elle est le seul lien entre les chinois d’un bout à l’autre de la Chine, les dialectes et accents étant si variés. La place de la copie est toute aussi primordiale en poésie, en calligraphie ou en peinture : dans un premier temps on apprend toujours en reproduisant le travail du maitre. D’ailleurs, et cela donne une clé de lecture intéressante à notre étude, le caractère xue (�) qui signifie « apprendre », signifie également « imiter ». Copier est une manière de rendre hommage à des artistes aînés. On trouve par exemple de temps en temps sous des peintures cet éloge : « l’un des plus fameux artistes de son temps, si populaire qu’il fut copié de nombreuses fois ». Copier c’est aussi conserver le passé. Il existait autrefois en Chine un art consistant à copier (souvent à la demande de l’Empereur) les œuvres anciennes, en utilisant les techniques exactes de l’époque d’origine. La copie se voit également dotée en Chine de deux valeurs qui lui sont refusées en occident qui sont une valeur intellectuelle et une valeur marchande. Alors que la copie est valorisée en Chine pour les raisons que l’on vient d’expliquer, elle a été investie en Europe dès la civilisation grecque et en particulier depuis Platon d’une forte connotation négative. C’est en occident un « sous-degré d’être ». La copie d’une peinture est l’imitation de la représentation du monde matériel qui n’est lui-même que le pâle reflet du monde des idées. La seconde valeur attribuée à la copie en Chine est marchande. Il est vrai qu’en Chine une copie peut atteindre un prix très élevé (ce qui est rarement le cas en occident) à condition que l’imitation soit excellente et utilise des procédés d’époque : la qualité prime sur l’authenticité. Le deuxième facteur culturel rendant difficile l’assimilation de la notion de propriété intellectuelle est lié à sa nature même. En effet elle a ceci de particulier que son objet est fondamentalement intangible (à la différence de son support) alors que pour un Chinois la réalité est matérielle : « Le sentiment de propriété et de valeur est principalement attaché à des éléments visibles comme la maison ou des objets, mais pas à des technologies ou à des marques. L’exemple le plus frappant aujourd’hui est peut être celui de l’informatique : la plupart des Chinois sont prêts à payer pour du matériel hardware comme un ordinateur, mais en aucun cas pour des logiciels software. De même le prix de la technologie n’est pas toujours bien compris. On ne compte plus le nombre de fois où des Français engagés dans une joint-venture avec un Chinois on entendu de leur partenaire un discours ressemblant à ‘certes vous avez fait des dépenses pour obtenir cette technologie, mais maintenant que vous l’avez, elle ne vous coûte plus rien, elle est payée’ ». En occident la propriété intellectuelle est associée à l’idée d’affirmation individuelle de personnalité par la créativité. A l’opposé, la société chinoise traditionnellement articulée autour de deux principes fondamentaux : celui d’harmonie, qui passe par une primauté du groupe sur l’individu qui doit s’y fondre parfaitement, et celui de hiérarchie et de soumission aux strates supérieures. Dans ce contexte, quelle place accorder à la propriété intellectuelle qui repose sur un droit individuel qu’il s’agit de faire valoir devant toute la société ? Il est bien évident que de tels arguments ne sont pas suffisants pour justifier l’attitude de la Chine à l’égard de ce droit, surtout depuis qu’elle s’est elle-même imposée des règles par l’adhésion à des traités dans le cadre d’organisations internationales. Néanmoins comme le souligne l’auteur, il existe des tendances fortes et leur pertinence est souvent mise en MORALES Josselin_2010 51 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence avant par des responsables chinois ayant voyagé à l’extérieur de la Chine et donc devenus sensibles à l’existence de facteurs culturels. Une notion apparue très récemment en Chine La propriété intellectuelle n’est apparue que dans les années 80 en Chine, au moment où le pays s’ouvre à l’étranger. Qu’est ce qui a empêché l’émergence d’un tel droit avant et pourquoi la Chine a acceptée de se soumettre à ces lois après l’ouverture ? Il faut remonter en fait très loin dans l’histoire de la Chine pour retrouver les premières traces de protection de la propriété intellectuelle. Par exemple le droit d’auteur existait sous la dynastie Song (960-1279) à une époque où de nombreux hommes d’affaires possédaient les imprimeries. La loi restait muette sur le problème de la copie mais tout personne se sentant lésée pouvait émettre une plainte à la cour de l’Empereur et obtenir éventuellement la destruction des ouvrages incriminés et le versement de compensations. Il faut tout de même relativiser ce fait et bien savoir que la propriété intellectuelle a existé de manière discontinue en Chine Ancienne et que son impact sur la notion telle que nous l’entendons aujourd’hui fut assez faible. La technologie quant à elle était principalement protégée par les règles strictes de sa transmission de père en fils, ou de maitre en apprenti. En fait, avant 1949 et la fondation de la RPC, le contexte n’était pas favorable à l’émergence durable d’un droit de propriété intellectuelle puisque le commerce et l’industrie n’étaient pas suffisamment développés, que la primauté était donnée à l’agriculture et au contrôle idéologique et que le pays manquait de la stabilité politique nécessaire mais aussi stabilité économique et législative. Après 1949 et la fondation de la RPC la situation de la propriété intellectuelle s’est pour ainsi dire dégradée mais pour des raisons différentes. L’organisation communiste s’est révélée antithétique aux principes fondamentaux de la propriété intellectuelle. Tout d’abord parce qu’elle implique la notion de propriété individuelle, qui n’est pas une notion très mise en avant par le système communiste chinois. Aucune entreprise en Chine ne pouvait garder pour elle une innovation quelle qu’elle soit : la transmission de la connaissance devait se faire gratuitement pour le bien de tous. De plus la concurrence, facteur du développement des brevets et des marques n’existait pas, ni venant de l’intérieur puisque l’économie était planifiée, ni venant de l’extérieur puisque le pays avait fermé ses frontières au commerce international. L’innovation a donc été découragée par ce contexte économique législatif (basé sur le droit administratif) et politique : comment faire preuve d’initiative à un moment où les habitudes du régime se devinaient derrière le proverbe « c’est l’arbre qui dépasse les autres qui se soumet lui même au vent » ? Si les DPI se sont développés à partir de l’ouverture c’est bien sur parce que la tendance était inverse. Le message politique change, la Chine s’ouvre à l’investissement étranger et amorce une transition vers l’économie de marché, protégée par un vrai système légal. Apparaît donc une pression étrangère à la fois des gouvernements occidentaux (UE et Etats-Unis en particulier) lors des négociations commerciales internationales et de grandes entreprises dont la Chine verrait l’implantation sur son territoire d’un très bon œil. Mais la pression est aussi interne, en provenance des entreprises chinoises qui souffrent des violations de la propriété intellectuelle en Chine et dans toute l’Asie. C’est ainsi qu’une affaire célèbre a opposé l’une des marques de bière chinoise les plus connues et un contrefacteur, lui aussi chinois. De même des groupes chinois qui essaient de s’installer dans des pays proches découvrent que leur marque a déjà été déposée sur place par une entreprise qui exploite leur notoriété : c’est le cas par exemple au Japon avec le vin, les médicaments, ou en Malaisie pour les bicyclettes et les machines à coudre. 52 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. Toutefois, un système fort de protection des DPI est il dans l’intérêt de la Chine ? Cette question s’inscrit dans une controverse qui divise les experts du développement (comme abordé plus haut). Les avantages d’une protection forte de la propriété intellectuelle sont multiples : soutenir l’innovation interne, encourager le financement privé de la recherche, favoriser le transfert de technologie en provenance de l’étranger. Mais d’un autre coté, une protection faible de celle-ci, empêche quiconque de monopoliser un savoir utile au pays en plein développement et réduit le cout de la connaissance tout en augmentant sa disponibilité. Dans le cas particulier de la Chine, la volonté du gouvernement de rattraper son retard industriel est réelle. Or, pour assouvir cette soif de technologie, la Chine n’a ni le temps, ni les moyens de tout réinventer, d’où des « raccourcis » certains officiels (transferts de technologies, envoi d’étudiants à l’étranger) et d’autres plus officieux. Protection des DPI en Chine : réelle volonté du gouvernement ou totale hypocrisie ? Il existe trois thèses générales qui répondent à cette question. La première est celle du double jeu, la Chine jouerait un double jeu dans la mesure où la contrefaçon appuierait son développement bien plus qu’une protection de la propriété intellectuelle qui ne servirait que des intérêts étrangers. D’où une bonne volonté de façade masquant un appui des autorités aux contrefacteurs. La deuxième qui traduit la position officielle du gouvernement est que la Chine fasse preuve d’une volonté ferme qui se heurte à des difficultés internes de mise en œuvre. Ceci trouverait sa confirmation dans l’amélioration progressive de la situation de la propriété intellectuelle en Chine. La troisième thèse voudrait que la Chine fasse preuve de bonne volonté juste pour satisfaire les puissances étrangères mais sans vraiment comprendre les raisons de l’importance que l’occident accorde à la propriété intellectuelle. Au delà de ces trois hypothèses, la Chine est dans une phase de transition évidente en termes économiques mais également sur ce genre de sujet. Il faut donc avoir une vision plus globale et comprendre le problème du respect des DPI comme étant quelque chose qui mêlerait ces trois hypothèses, à la fois de la bonne volonté mais de l’incompréhension pour un pays qui n’a pas hérité cette tradition. Mais c’est également un moyen de pression et un baromètre : lors des tensions récentes avec les États Unis la vente des DVD piratés en Chine a augmenté de manière significative. Faut il y voir un lien direct ? Il est en tout cas certain que si la Chine avait la volonté politique de se battre contre le piratge de DVD par exemple elle pourrait le faire comme elle l’a fait durant les JO de 2008. Aucune échoppe de vente de DVD piratés n’était ouverte pendant la durée des jeux. Echoppes qui dès le départ de la flamme se sont rouvertes comme par magie et en toute impunité. 2) Propriété intellectuelle et compétitivité a) La propriété des brevets dans un monde globalisé La mondialisation a eu pour effet de tempérer de manière sensible les assertions faites plus hauts sur les notions de DPI en général. La mondialisation a eu cet effet dans la mesure où de plus en plus de brevets ont été mis en place par des firmes de nationalités différentes, en coopération, augmentant ainsi le rôle de l’action multilatérale et assurant une régulation effective de ces droits. L’activité internationale en matière de co-invention augmente elle aussi de manière exponentielle. Pourtant la grande majorité des brevets sont toujours en possession des firmes privées. Les possessions de brevets partagés par des firmes de plusieurs nationalités a augmenté de 13,7% des demandes d’acquisition de brevets à 15,7% dans le cadre du Traité sur la Coopération des Brevets entre 1993-1995 et 2003-2005 respectivement. De plus MORALES Josselin_2010 53 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence en plus d’entreprises investissent dans la R&D dans des pays différents du pays siège de l’entreprise. C’est le cas par exemple de Philips qui a investi 50 millions de dollars en R&D sur le territoire chinois et a établi 15 laboratoires de recherche en 2004. La part des brevets co-inventés a augmenté de 5,8% dans le milieu des année 90 et de plus de 7% en 2003-2005. Le meilleur exemple est celui de Taiwan : 50% des brevets déposés sur son territoire l’ont été par des entreprises étrangères ou en co-invention. La grande majorité des brevets appartiennent aujourd’hui à des firmes privées, laissant les gouvernements et les universités loin derrière. En moyenne, 80% des brevets appartiennent au secteur privé sur la période 2003-2005. Pour les nouveaux entrants, les interactions entre les opportunités de financement et la possession ou l’accès aux brevets sont devenues un problème majeur, une condition sine qua non à l’entrée sur les marchés. Une étude effectuée par Ernst & Young révèle que la part des investissements dans les énergies renouvelables dans les investissements mondiaux a augmenté de manière considérable de 1,6% des investissements totaux en 2003 et 11% en 2008. Les fonds de capitaux préfèrent en effet investir dans des entreprises naissantes de type start-up parce que leur capital en brevets est en général assez élevé : la possession de brevets est donc devenu une condition d’attractivité des capitaux. Le fait que la R&D s’internationalise de plus en plus s’accompagne d’un retrait progressif des gouvernements sur ce terrain. Dans le monde actuel, la recherche va vers les endroits qui paraissent les plus propices. Les politiques nationales peuvent bien sûr influencer ce fait (exonérations fiscales par exemple) mais de plus en plus les questions de R&D seront gérées à un niveau global plutôt que national. Les technologies du climat et les systèmes qui les accompagnent offriront en ce sens des industries à haute valeur ajoutée pour les pays qui obtiendront un avantage comparatif dans leur développement et leur production. Il y a une tension d’ores et déjà visible entre le désir de sécuriser les bénéfices économiques et la R&D, et le besoin de maximiser la diffusion de la technologie pour protéger le climat du monde. Et c’est là tout l’objet de la discussion à savoir si les écotechnologies et leur commerce doivent ou non obéir à des règles classiques de marché. Ce que montre en tout cas cette rapide démonstration c’est le lien direct qui existe entre possession de brevets et attractivité des financements pour une firme ou un territoire. Les brevets sont de moins en moins le fait des gouvernements mais celui des firmes, reléguant le rôle de l’État à celui d’hôte de firmes qui possèdent, elles, les brevets et les licences d’utilisation. « Part des brevets déposés en co-invention » 54 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. « Part des dépôts de brevets par les différentes institutions ». On voit donc très clairement que les dépôts de brevets sont de plus en plus le fait des firmes comme le confirme ce graphique. Notons qu’en Chine la part de l’industrie est loin du niveau de l’Union Européenne et que le gouvernement n’est étonnamment pas très présent sur ce secteur. Donc un lien évident entre la propriété intellectuelle, dans notre exemple, l’obtention de brevets et la compétitivité des firmes à l’échelle mondiale. C’est bien en ce sens que les questions de propriété intellectuelle sont essentielles à notre sujet : comment rendre les firmes chinoises attractives pour les investisseurs européens dans le domaine particulier MORALES Josselin_2010 55 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence des écotechnologies. Un « contrat social » approprié et efficace devrait être envisagé autour de l’innovation ‘low carbon’ pour équilibrer la part du secteur privé et les intérêts du secteur public. Réduire le débat aux transferts et aux acquisitions des DPI polarise les intérêts des différentes parties et empêche l’émergence de solutions créatives, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’avenir du débat. b) Les préoccupations de compétitivité ne devraient pas limiter la diffusion Pourquoi paraît-il nécessaire d’aborder ce type de question dans le cadre de notre étude ? Parce le thème est au cœur des problèmes de transfert de technologie dans la mesure où c’est bien la concurrence qui empêche le transfert gratuit de technologies. Des transferts gratuits qui amélioreraient la situation globale dans les domaines de la réduction des gaz à effet de serre. En effet, les problèmes de DPI ont limité certaines entreprises dans les investissements qu’elles auraient pu effectuer dans des pays en voie de développement. Pourtant, même si le risque existe, dans certains cas les entreprises conservent leurs avancées technologiques pour elles-mêmes pour conserver leur avantage comparatif, stratégie toutà-fait compréhensible. L’action est requise dans ces domaines. A savoir un renforcement de la protection des DPI qui récompenserait l’innovation tout en assurant que des initiatives de diffusion rapide existent. Et dans ce contexte, une action de gouvernement à gouvernement peut être un outil très utile. Les acteurs ont tous suivi des stratégies différentes pour conserver le plus possible les technologies qui leur donnaient un avantage comparatif dans le but de conserver également leur capacité d’innovation. Certains ont renforcé la protection des DPI sur leur sol pour encourager l’arrivée d’IDE, certains ont encouragé les entreprises en joint venture à maximiser le transfert de technologie. C’est le cas du Japon dans les années 50 et 60 et de la Chine aujourd’hui. La peur du non respect des DPI pousse donc les entreprises en joint-venture à ne transférer que les plus vieilles innovations pour lesquelles le risque de fuite et de copie est moins grand. Et ce même si des accords ont été signés auparavant. Ce fut le cas en Chine pour un contrat passé entre une entreprise européenne (pays d’origine non précisé dans le rapport de la banque mondiale) à propos d’équipements anti pollution. Mais une étude de Harvey et Morgan datant de 2007 a montré qu’il était possible d’investir dans la création de liens forts au sein même de la Chine et met à bat les mythes qui entourent la Chine et le respect des DPI (voir paragraphe suivant). Dans quelle mesure les problèmes de compétitivité peuvent être surmontés grâce à la puissance publique ? L’action gouvernementale peut être utilisée pour atténuer les peurs liées à la compétitivité et à la concurrence. Cela peut être mis en place par le biais d’accords bilatéraux à propos de DPI. De tels accords permettraient à des entreprises d’avoir confiance et d’investir sur des marchés où le risque en ce qui concerne les DPI est grand. Le gouvernement chinois a signé des accords bilatéraux de ce type, accords que l’on appelle des Mémorandums de compréhension : Chine et Etats-Unis par exemple sur la protection de la propriété intellectuelle en 1992 et une feuille de route sur des contrôles réguliers et sur des mécanismes de consultation en 2000. Entre l’UE et la Chine également sur le sujet des DPI également par la mise en place d’un groupe de travail sur les mécanismes de dialogue en 2005 56 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. Pour résumer, les problèmes de DPI ne devraient plus être un frein au transfert de technologie. Les instances de dialogues doivent travailler sur ces questions puisqu’elles freinent les entreprises à investir dans le domaine des technologies de pointes et des écotechnologies. L’action au niveau multilatéral est donc impérative pour répondre aux besoins d’innovation et de diffusion. C) Innovation, DPI et compétitivité en Chine Provoquer et déclencher la capacité des PVD à innover est d’un grand intérêt pour les pays développés dans la mesure où ces pays seront des marchés futurs très importants en termes de débouchés pour les entreprises et les investisseurs. Néanmoins, comme vu plus haut il va falloir aller au delà des questions de compétitivité et de DPI et le cas de la Chine est un très bon cas d’étude. L’intensité en R&D (augmentation des dépenses en R&D par rapport au PIB) a plus que doublé entre 1995 et 2005, passant de 0,6 à 1,3%. Le plan à moyen et long terme pour la recherche scientifique et technique qui s’étend sur la période 2006-2020 prévoit un indice à 2% en 2010 et 2,5% en 2020. Un autre objectif de ce plan est celui d’atteindre le chiffre de 60% de l’augmentation du PIB grâce à l’innovation et les sciences et techniques. En ce qui concerne les brevets, il y a eu une augmentation très rapide des dépôts de brevets sur son sol par des Chinois. Dans le même temps, les brevets déposés par des étrangers ont augmenté eux aussi de manière significative, tout en restant moins nombreux que les brevets chinois. Les pays leaders dans le nombre de brevets déposés au Bureau chinois des Brevets sont le Japon, l’UE et les Etats-Unis. Voir la figure suivante : « Brevets accordés aux étrangers par le Bureau chinois des brevets entre 1985 et 2006 » Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que même si les dépôts de brevets sont en majorité des dépôts chinois, les dépôts de brevets dans les domaines de l’innovation sont eux largement dominés par les dépôts étrangers. « Brevets d’invention garantis par le bureau des brevets contre brevets étrangers » MORALES Josselin_2010 57 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence En ce moment, la plupart des technologies de base sont soit importées soit contrôlées ème par des entreprises étrangères. La Chine est la 3 puissance commerciale du monde, mais la part des hautes technologies inventées sur son sol s’élève à seulement 2% de son commerce extérieur. Plus de 85% des brevets considérés comme étant de haute technologie sont entre les mains de compagnies étrangères. Prenons quelques exemples : Ce taux atteint 100% dans l’aviation civile En ce qui concerne l’équipement médical il est en grande partie importé également C’est également le cas de 80% de l’équipement pétrochimique Et c’est aussi le cas de plus de 50% des technologies de base des télévisions couleur et des téléphones portables. La Chine est donc très ambitieuse dans ses objectifs et compte bien remédier à ce problème de dépendance si elle souhaite devenir une puissance mondiale à part entière. Le rapport Harvey et Morgan remet en cause comme dit plus haut quelques mythes qui subsistent autour de la Chine et de sa politique en ce qui concerne les DPI. La plus significative de ces démonstrations est celle qui met à bas le mythe d’une Chine qui ne respecte les DPI que pour favoriser ses entreprises. Ils affirment qu’il n’y a aucune faille dans le système juridique et légal chinois en ce qui concerne ces droits, et qu’au contraire même, ce système n’a rien à envier aux standards internationaux. Pourtant, et c’est là la faille du système, les juges en première instance n’ont aucune expérience de ces droits et de la façon dont il faut les appliquer et les faire respecter. A cela s’ajoutent les problèmes de corruption. C’est ainsi que les autorités chinoises ont conseillé aux entreprises étrangères de déposer leurs recours directement aux autorités fédérales (sorte de Cour Suprême). 58 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. B/ Innovation et transfert de technologie entre UE et Chine : proposition pour une stratégie gagnantgagnant. La coopération de l’Union Européenne et de la Chine dans le domaine des écotechnologies peut entraîner toute une série d’opportunités pour un résultat gagnant gagnant. C’est une réalité que nous avons tenté de démontrer tout au long de notre présentation. On peut regrouper ces défis autour de trois pôles d’après ce qui a été dit plus haut : l’innovation, l’introduction au marché et le développement des marchés. La coopération dépendra des stages de maturité des technologies. La Chine et l’UE devront aller au delà des différences culturelles et organisationnelles qui pourraient poser de véritables problèmes et mettre au défi la collaboration. En fonction des terrains de coopération, les conditions peuvent être définis autour de 5 problèmes clés : le défi technologique et les DPI, le financement, les capacités locales, les infrastructure et la régulation gouvernementale et les politiques. 1) Proposition de modèle pour une coopération réussie La coopération entre la Chine et l’UE peut prendre des formes très diverses en fonction des zones de coopération (innovation, l’introduction au marché et le développement du marché). Aller au delà des concepts traditionnels de transfert des technologies. Aller au delà des concepts traditionnels c’est dépasser le simple transfert et ouvrir la coopération à d’autres domaines. Tout comme il est important d’aller au delà de la compétitivité au niveau national, il faut bien comprendre que les PVD dont la Chine ont besoin d’un soutien plus large pour créer en leur sein de réelles capacités d’innovation. L’innovation n’est pas un processus linéaire et concerne une multitude d’acteurs qu’ils soient publics ou privés. Les concepts traditionnels de transfert de technologie ont toujours suivi une vision assez étroite de ce processus, considérant les capacités de financement toujours assez limitées qui est peu à même de transformer la manière dont les technologies sont diffusées dans les PVD. La banque mondiale note que « lorsqu’une nouvelle technologie mettait prés d’un siècle pour atteindre 80% des pays du globe au XIXème siècle, aujourd’hui il faut en moyenne une vingtaine d’années et ce fait ne fera que s’accélérer (…) mais en fin de compte le plus important dans la réussite technologique est bien sur la rapidité à laquelle cette technologie est diffusée ». Il faut tout de même relativiser cette affirmation dans la mesure où les inégalités d’absorption sont très grandes entre pays, même entre pays aux revenus similaires. D’après la banque mondiale, les preuves ont été faites quant à la lenteur de la diffusion des innovations technologiques dans les pays en voie de développement. La diffusion est en fait autant le fait des institutions et des organisations à l’intérieur du pays que le fait d’un manque de financement à l’accession à de nouvelles technologies. De plus, permettre la diffusion de l’innovation et le transfert de celle ci vers les PVD nécessitera un effort global et de tous les acteurs en présence. Les systèmes d’innovation sont des systèmes dynamiques et qui répondent à des conditions elles aussi dynamiques MORALES Josselin_2010 59 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence comme l’incitation, les conditions de capacités initiales, l’environnement entrepreneurial et gouvernemental. Innovation, introduction et développement des marchés. Modèle de coopération dans le domaine de l’innovation. Les objectifs clés dans le domaine de l’innovation sont d’accélérer le développement et la commercialisation des nouvelles technologies (travailler sur la fin de la chaine de l’innovation donc). Cela pourrait être fait dans un cadre tel que celui de programmes communs de recherche et développement mais aussi de mise en place sur le terrain, et dans le cadre d’un soutien financier apporté par l’UE à l’innovation chinoise. L’UE et la Chine pourraient conjointement financer des initiatives pour développer de technologies spécifiques en s’appuyant sur les forces et les domaine de compétence de chacun, sur leurs capacités complémentaires. Ceci pourrait permettre à la Chine d’obtenir des brevets et des licences d’utilisation pour des technologies qui lui sont essentielles, et permettre à l’UE de partager les coûts et les dépenses de développement et de commercialisation et par la bénéficier de la coopération. Les institutions chinoises pourraient par exemple se lier avec les plateformes de recherches européennes ou développer des relations plus proches avec différentes institutions européennes (on peut penser à la commission et aux plans qu’elle met en place). Dans tous les cas de figure que les deux partenaires choisiront, les relations comprenant une éventualité de co-développement en matière de technologie requerront un niveau de soutien approprié pour dépasser la complexité de la coopération internationale. Tout d’abord, examinons dans quelle mesure l’Union Européenne pourrait soutenir l’innovation chinoise par les financements. Au lieu d’un co-développement, l’Union Européenne pourrait agir en tant que co-investisseur dans des institutions basées en Chine qui ont pour but de soutenir le développement de technologies ou soutenir des entreprises qui souhaiteraient commercialiser de nouvelles technologies. Cela pourrait passer par un soutien aux entreprises naissantes, par le soutien à des initiatives de R&D ciblées ou encore par le soutien à des programmes universitaires. Un exemple de ce modèle est le modèle Carbon Trust en Grande Bretagne. Dans le domaine de l’introduction au marché Le défi de l’introduction au marché et d’identifier les technologies dont la Chine a besoin et les adapter à la Chine. Cela peut être atteint de plusieurs façons comme faciliter l’obtention de licences de technologies aux compagnies chinoises et faciliter l’entrée des compagnies européennes aux technologies innovantes en Chine. Pour faciliter l’obtention de licences, on peut très bien imaginer qu’un intermédiaire se mette en place et identifie les technologies qui pourraient être intéressantes pour la Chine. Intermédiaire qui dans un second temps faciliterait l’obtention de licences pour les compagnies chinoises. Cette organisation agirait donc en temps qu’organisation neutre et serait en contact avec les entreprises européennes et chinoises. L’intérêt européen est grand dans la mesure où l’accès au marché chinois est un enjeu de taille. Si les firmes européennes se placent des le départ sur ces marchés, elles bénéficieront d’un avantage certain sur leurs concurrents. La Chine a elle aussi besoin de voir arriver sur son territoire ces technologies. Cette organisation potentielle serait un acteur majeur dans la mise en œuvre d’une stratégie gagnant/gagnant. 60 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. Pour ce qui est de l’entrée des compagnies européennes aux technologies innovantes sur le marché chinois, la stratégie est à peu près la même. Beaucoup de PME européennes ont développé des technologies intéressantes mais n’ont pas le financement et les ressources des firmes multinationales pour se déployer sur le marché chinois. L’organisation potentielle dont nous avons parlé plus haut pourrait très bien mettre à disposition de ces entreprises des fonds et des ressources pour leur permettre de se diffuser sur le marché chinois. En développant l’expertise locale et la création de liens avec les institutions et entreprises chinoises stratégiques, ce centre, cette organisation serait un grand plus pour les entreprises européennes. Le financement d’un tel projet pourrait être public et privé à la fois, permettant à la commission par exemple de conserver son rôle d’impulsion tout en laissant au secteur privé le soin de dégager les pistes les plus intéressantes pour le développement d’une telle entreprise. Facteurs clés de succès L’UE et la Chine ont un agenda de développement en ce qui concerne les écotechnologies et les moyens qu’elles comptent mettre en œuvre pour faire face aux changements climatiques. Cela est une opportunité extraordinaire pour un partenariat dans ce domaine. Les deux parties ont intérêt à commercialiser les nouvelles technologies, que ce soit pour des projets à petite échelle (R&D entre universités par exemple) ou à une échelle plus grande. Les mécanismes de coopération à grande échelle n’ont pas encore été mis en place, mais des plateformes existantes peuvent prendre ce rôle comme le SETPlan (initiative industrielle européenne). Management des DPI Malgré le fait que les DPI soient la plus grande difficulté à surmonter dans la coopération mondiale pour faire face aux changements climatiques (comme on l’a vu à Copenhague), l’union Européenne et la Chine utilisent des modèles pour protéger et partager ces DPI permettant un développement en commun et la commercialisation de technologies. Cela s’applique à des coopérations entre secteurs publics (modèle ICUK) mais aussi des partenariats public-privé ou des consortiums privés. Provoquer le succès Il est plutôt aisé d’identifier les intérêts communs pour une telle collaboration, mais une collaboration concrète, sur le terrain n’est souvent pas si aisée. Il ne faut pas oublier les difficultés relatives aux différences culturelles, à la barrière de la langue, mais également aux différents systèmes de gouvernance et au financement du secteur de la recherche, à l’opacité de certain contrôles ou à l’obtention de fonds pour l’investissement du côté chinois. Citons aussi les attentes différentes sur les rôles à jouer de chaque acteur et sur les responsabilités, les bénéfices de la coopération. Dans le but de surmonter ces défis, un mécanisme doit être établi pour faciliter de manière efficace la communication et s’attaquer aux difficultés lorsqu’elles émergent à n’importe quel stage de la collaboration. Cela requiert de solides arrangements institutionnels et de gouvernance, mais aussi des équipes efficaces et qualifiées qui seront capables de faire face et de répondre aux défis de la culture et de la langue. Pour provoquer le succès, il faut également bien mettre en évidence quelles sont les attentes des deux parties et s’assurer que les moyens prévus pour y parvenir sont alignés. MORALES Josselin_2010 61 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence 2) Exemple de réussites d’acquisition de technologies européennes par des firmes chinoises. L’acquisition d’une firme allemande par la Chine En 2008, Xinjiang Goldwind Science & Technology Co a acquis 70% de parts (41 millions d’euros) d’une entreprise allemande fabricante de turbines éoliennes qui avait précédemment vendu ses licences d’inventions à Goldwind. L’acquisition permet donc a Goldwind d’acquérir dans le même temps la technologie de base et les DPI de ce genre de turbines appelées turbines « direct-drive ». Un développement futur de l’entreprise prévoit l’ouverture sur le territoire allemand d’une usine de fabrication de turbines éoliennes d’une valeur de 5 millions d’euros, ce qui permettra à l’entreprise de s’implanter d’autant plus rapidement sur le marché européen. L’acquisition de Vensys par Goldwind a donc permis à ce dernier de s’internationaliser sur ce marché, d’acquérir des droits sur les technologies et de se positionner de manière stratégique face à ses concurrents qui avaient eux aussi utilisé des technologies provenant de Vensys. Établir des standards communs : une piste pour la réussite d’une collaboration entre l’ue et la Chine Etablir des standards communs de manière rigoureuse est un des enjeux de la coopération Europe-Chine. Cela permettra d’étendre les marchés pour les entreprises chinoises mais également pour les entreprises européennes, et permettre la diffusion. Ces derniers années, la Commission Européenne œuvre de manière intensive avec le secteur de l’industrie pour établir des standards pour des technologies et des produits qui sont vendus et utilisés en UE. Ces standards incluent les thèmes de la réduction des émissions et de l’efficacité énergétique. On peut faire un tableau pour résumer ces standards : 62 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. Standard mis en place La directive « éco-design » de l’Union Européenne de 2005 Description L’UE a adopté cette directive qui impose l’utilisation de certains standards d’efficacité énergétique pour les équipements qui utilisent, génèrent, transmettent ou mesure l’énergie. Cela inclus des biens de consommation (chauffe-eau, ordinateurs, télévision…) aussi bien que des produits industriels (ventilateurs industriels…) Directive sur la performance énergétique de la Cette directive s’applique aux constructions construction aussi bien résidentielles que professionnelles, et impose des standards d’efficacité énergétique et des contrôles quant à la consommation en énergie des chauffe-eau et des systèmes d’air conditionné. Proposition sur la limitation des émissions des La Commission se propose de limiter les nouveaux véhicules émissions de CO2 des véhicules. Pour ce faire elle impose au fabricant une moyenne de 130g de CO2 au km. Si les véhicules excèdent ce taux, le fabricant se verra imposer des pénalités financières. Il est important que la Chine et l’UE coopèrent et que cette coopération porte ses fruits rapidement dans un contexte de développement d’autres partenariats (entre la Chine et les Japon ou les États Unis par exemple). Cela évitera que l’UE et la Chine travaillent en coopération avec le « plus petit dénominateur commun », il faut que les deux partenaires s’imposent à l’un et à l’autre des standards, des habitudes pour qu’ensuite, face à leurs concurrents leurs partenariat paraisse être le plus évident. L’harmonisation et la mise en place de standards en UE a permis d’impulser les marchés et de les vivifier, chose qui aujourd’hui permet la diffusion et le développement de ces technologies sur le territoire de l’UE. De la même manière, la coopération entre l’UE et la Chine sur l’établissement de standards de performances relatifs à l’efficacité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre sera mutuellement bénéfique pour un développement à long terme de l’économie « low-carbon » dans les deux régions. L’UE et la Chine doivent se positionner dans ces domaines comme les leaders mondiaux. C/ Sur le terrain, une concurrence de fait En ce qui concerne le secteur des énergie propres, c’est sur le marché de l’énergie solaire qu’on entend le plus souvent parler de compagnies chinoises à l’assaut de marchés dans les pays développés. La concurrence entre l’Union Européenne et la Chine se joue bien plus sur le territoire des pays développés dans la mesure où l’investissement dans les pays en développement est beaucoup moins élevé. La compétition se joue donc entre la Chine et l’UE au sein même pays développés. Le 17 mai 2010, lors d’une rencontre entre dirigeants chinois et américains, le ministre du commerce américain Gary Locke sommait la Chine de garder son marché MORALES Josselin_2010 63 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence des écotechnologies ouvert aux technologies étrangères. Dans le discours qu’il a tenu à HongKong, Locke affirme : « il est plus efficace pour des compagnies et des Etats de rechercher les meilleures technologies disponibles plutôt que d’acheter quelque chose de moins bon en terme de qualité et de devoir tout racheter quelques années après ». L’Occident s’inquiète en effet de la politique de soutien aux innovations locales que mettent en place les autorités chinoises. Ils craignent que ces politiques freinent la participation étrangère dans le domaine des écotechnologies. Les analyses récentes montrent que la part des compagnies étrangères sur le marché des turbines éoliennes par exemple est passée de 75% en 2004 à 24% en 2008 et qu’elle pourrait chuter à moins de 5% en 2010. Que faut il penser de telles observations ? Les Chinois semblent dans leur droit lorsqu’ils protègent leur marché intérieur. Dans le même temps, les entreprises chinoises sont de plus en plus offensives sur les marchés occidentaux : état des lieux. 1) Le marché de l’éolien : exemple d’une concurrence saine ? Tout d’abord il est intéressant de faire un rapide état des lieux du marché de l’éolien en Chine et de l’industrie éolienne en Chine. L’objectif de la Chine est d’atteindre une production de 100 gigawatts en 2020. Le nombre de fabriquants de turbines éoliennes en Chine dépasse le chiffre de 70 (alors qu’il n’y en avait que 6 en 2004). Les 5 leaders sur le marché chinois : Goldwind, Sinovel, Gamesa, Vestas et Dongfang Les acteurs étrangers clés dans ce marché : Gamesa, Vestas, GE, Suzlon and Nordex 5 Le potentiel de production d’énergie éolienne en Chine : de 700 à 1200 GW On est donc dans une situation d’expansion du marché de l’éolien à une vitesse fulgurante (on passe de 6 fabriquant de turbines en 2004 à plus de 70 aujourdh’ui). Un potentiel en terme de débouchés lui aussi extraordinaire (700 à 1200 GW de potentiel de production). Quelle sont les particularités de ce marché ? comment l’UE et ses partenaires parviennent à se positionner sur ce marché ? L’avis du Global Energy Council Steve Sawyer, le secrétaire général du Global Wind Energy Council, personnalité qui fait autorité dans son domaine, invite les fabricants et les acheteurs à ne pas s’inquiéter quant à une hypothétique hausse de la demande chinoise et explique : « si Sinovel (entreprises chinoise) veut dépasser Vestas ou GE, le marché de l’éolien offshore chinois devra faire un effort de grande ampleur et conquérir de nouveaux marchés comme le marché américain par exemple ». « Je pense que la croissance rapide qu’a connue la Chine (un marché qui double tous les ans) n’est pas amenée à continuer sur cette lancée. Ils ne vont pas installer une capacité de 25 gigawatts tous les ans ! ils le pourraient, mais cela paraît improbable ». Sawyer prévoit que le marché chinois va continuer à grandir de façon plus mesurée, et que la concurrence interne va prendre de plus en plus d’ampleur (entre Sinovel, Goldwind et Dongfang en particulier). D’après les derniers rapports du cabinet danois BTM, les chinois Sinovel et Goldwind sont maintenant dans le top 5 des fabricants mondiaux, reléguant les compagnies 5 64 Sources : China’s National Development and Reform Commission, Research In China (Beijing), and Climate Srategies (UK). MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. européennes Gamesa ou Siemens loin derrière. 3 autres compagnies chinoises sont dans le top 15. La course pour la suprématie chinoise est conduite par Sinovel, en troisième position avec 9,4% du marché mondial, juste après Vestas (12,5%) et GE (12,4%). Goldwind est en ème 5 position avec 7,2%. La croissance de ces entreprises chinoises est due en majorité au marché intérieur et aux commandes publiques comme vu plus haut. Mais à l’échelle mondiale, les fabricants ont vu leurs parts sur le marché mondial réduire à grande vitesse, même lorsque leurs ventes augmentent. Les parts de Vestas sur ce marché sont tombées l’an dernier de 19,8%, en parallèle, les parts de marché de GE chutaient de 18,6%. L‘espagnol Gamesa est ainsi ème ème passé de la 3 position à la 6 en l’espace de quelques mois. L’opportunité existe néanmoins pour les entreprises européennes dans la mesure où l’État chinois change petit à petit de stratégie, passant de la qualité à la quantité. « Le gouvernement a atteint ses objectifs pour le secteur éolien, objectif qui était d’établir un secteur chinois de fabrication de turbines éoliennes ». Mais ce succès amène également toutes les complications auxquelles les entreprises européennes se sont d’ores et déjà confrontées c’est à dire tout ce qui relève des problèmes électriques liés à l’éolien. Et sur ce terrain les européens sont mieux placés. « Les entreprises chinoises vont maintenant être confrontées à une augmentation des matières premières et devront respecter des normes mondiales si elles souhaitent conquérir de nouveaux marchés, ce qui engendre des coûts conséquents. Dans cette perspective, les choses vont en quelque sorte s’équilibrer ». Cependant, Sawyer souligne aussi le fait que les turbines chinoises s’améliorent rapidement en terme de qualité. Il qualifie les tubines 1.5-megawatts de Sinovel de « machines très fiables » et ajoute « nous sommes dans une période de compétition très saine avec des prix qui baissent de manière globale ». Les représentant européens présents à cette conférence ne sont pas inquiets quant à l’arrivée massive de turbines chinoises sur le sol européen, ou quant à la diminution du soutien à l’industrie par la Commission. « Je ne suis pas persuadé que nous verrons des milliers de turbines chinoises débarquer sur le sol européen » explique le président Zervos de l’association de l’énergie éolienne. « Dans tous les cas, que la compagnie soit allemande, chinoise ou américaine la production restera locale et la création de postes continuera ». Mais le marché chinois ne sera pas facile à conquérir. Les plus gros fabricants européens de turbines éoliennes sont peu susceptibles de conquérir des parts du marché chinois d’après G. Hassan, de l’entreprise GL qui travaille beaucoup en Chine. « C’est plutôt difficile de s’installer sur ce marché de manière confortable si l’entreprise étrangère n’a pas un partenariat important avec une firme chinoise. Le gouvernement chinois veut fournir le marché intérieur en priorité avec des turbines chinoises. Ce n’est pas parce qu’on construit en Chine que l’on vendra en Chine. Pourquoi les fabricants sontils présents en Chine ? Sûrement pour profiter des coûts réduits de production et exporter ailleurs, sur d’autres marchés. Il dit qu’il est difficile pour des firmes occidentales de faire des affaires là-bas : « les entrepreneurs ne s’implantent pas toujours pour avoir un retour sur investissement mais pour d’autres raisons ». Garrad se réfère en fait à la stratégie gouvernementale chinoise qui tend à augmenter en terme quantitatif le nombre de turbines et de mégawatts au dessus de toutes autres considérations. Comme l’efficacité n’a pas été la priorité, 60% des turbines chinoises installées produisent de l’électricité. Il explique que les compagnies locales peuvent être divisées en deux catégories quant aux problèmes MORALES Josselin_2010 65 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence d’efficacité et de fiabilité : « il y a Sinovel et Goldwind qui regardent vers l’ouest et pensent à vendre là-bas, et les autres qui n’ont pas ces prétentions ». Finalement, les compagnies qui sont les plus anciennes sur le marché dans la liste des 10 premières ont perdu des parts de marché de manière significative. Il faut toutefois relativiser ces chiffres puisque comme le dit le Mr Hassan, il n’y a pas d’arrivée massive de produits chinois sur le sol européen. La part des constructeurs occidentaux diminue à l’échelle mondiale mais c’est surtout grâce aux débouchés qu’offre le marché chinois pour l’instant et non parce que les entreprises exportent et vendent à l’étranger. Soulignons enfin cette affirmation qui est celle d’une différence de positionnement sur le marché, à savoir l’offre d’un produit haut de gamme d’un côté et d’un produit souvent moins fiable de l’autre (chose de moins en moins vraie). On assistera sûrement à une montée en gamme des produits chinois, mais à une baisse des coûts de production du côté européen. On peut prédire sans trop prendre de risque que sur le marché de l’éolien, la place que prennent les trois principaux acteurs va s’équilibrer. Mettre à mal la concurrence européenne Les fabricants locaux, comme vu supra, sont parvenus à réduire leurs coûts de production par rapport aux prix que pratiquent les entreprises étrangères sur le sol chinois. Du même coup, les entreprises chinoises remportent le plus souvent les appels d’offres. Aujourd’hui en Chine, toutes les fermes éoliennes sont développées par des compagnies 6 dont le lien avec le gouvernement n’est plus à démontrer et leur politique est d’accepter le contrat le moins onéreux. Par ailleurs, le stimulus gouvernemental de 2009 mis en place pour répondre à la crise a inclus une motion « acheter chinois » qui a bien aidé les fabricants chinois. Entre mars et mai de l’année 2009, 7 milliards de dollars ont été investis dans 25 grands projets de développement de l’énergie éolienne. Parmi ces 25 projets, seuls 5 d’entre eux ont retenu des entreprises étrangères : Vestas, GE, Gamesa et Suzlon ont été rejetés dès le premier tour des sélections. Et finalement tous les contrats sont allés à des entreprises chinoises. Les fabricants étrangers de turbines éoliennes ont commencé à faire pression sur ce qu’ils considèrent comme étant des critères injustes de sélection et tentent d’ajouter au critère de prix les critères de qualité, retour sur investissement et fiabilité. Après cet épisode, le président de Suzlon avoua que le gouvernement rendait impossible la concurrence 7 étrangère sur le sol chinois . Jorge Wuttke, le Président de la Chambre du Commerce de l’Union Européenne en Chine ajoute qu’il semble y avoir une directive claire de la part des autorités chinoises, refuser systématiquement le projet européen s’il est en concurrence avec un projet chinois. « Même si les fabricants chinois ont très rapidement répondu à la demande de turbines éoliennes, ils doivent encore s’améliorer en terme de qualité, fiabilité, longévité et design » 8 explique le Dr. Zhangbin Zheng . 6 7 8 Keith Li, analyste en énergie éolienne à CIMB GK à Hong Kong Sources : China’s National Development and Reform Commission, Research In China (Beijing), and Climate Srategies (UK). Docteur en économie au bureau du développement asiatique, spécialisé dans le financement des projets d’énergie renouvelables. 66 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. 2) Stratégie offensive : photovoltaïque, et stratégie du géant éolien Sinovel. Sinovel : une stratégie offensive Sur ce marché précisément les entreprises chinoises ont pris une avance considérable sur les entreprises occidentales, se positionnant en véritable leader mondial. Les entreprises qui en ont le plus souffert sont en majorité allemandes, mais c’est tout le secteur qui a du se restructurer intégralement pour faire face à l’arrivée de la concurrence chinoise. Suntech est le principal acteur du côté chinois (338,8 millions de dollars de recettes en 2009) quand d’autres perdent, des pertes en majorité dues à la crise mais aussi à cause de la forte dépendance de certaines firmes chinoises aux fluctuations de la monnaie européenne. Le 19 mai 2010 Suntech annonçait que l’entreprise allait perdre de 24 à 25 millions de dollars à cause des taux de change au premier trimestre de 2010 à cause de la parité euro/ dollar. Par exemple, ChinaSunergy, une autre entreprise chinoise a perdu 3,6 millions de dollars dans les seuls trois derniers mois de l’année 2009. Suntech développe une stratégie très offensive, jusqu’à concurrencer sur leur propre territoire des entreprises européennes comme nous le montre l’exemple suivant. L’une des difficultés majeures que rencontrent les fabricant chinois à l’entrée aux marchés dans les pays occidentaux est souvent la réglementation souvent très stricte de ces pays. Suntech dont 80% des bénéfices sont effectués à l’étranger (68% des exportations de Suntech vont vers l’UE et en particulier vers l’Allemagne)vient pourtant de pénétrer le marché anglais, concurrençant directement de grands constructeurs européens. Le MCS (Microgeneration Certification Scheme) est incontournable pour vendre sur le marché anglais. Délivré par le British Board of Agreement, le certificat affirme que les modules de Suntech sont conformes aux standards requis pour la vente en Grande Bretagne. Le processus de validation de MCS inclut une inspection des usines, pour s’assurer du respect de normes de sécurité et si les critères de fiabilité sont également respectés. Jerry Strokes, vice-président de Suntech pour la stratégie de développement en Europe explique : « nous voyons la Grande Bretagne comme étant un marché d’importance stratégique et nous n’avons eu aucune hésitation à soumettre nos installations au BBA pour obtenir une certification MCS ». Les prédictions quant aux potentialités que peuvent offrir le marché anglais sont très prometteuses d’après Suntech qui est, rappelons-le, leader mondial et le plus grand producteur de modules photovoltaïques en silicone. Pour prendre le contre-pied de ce qui a été dit plus haut quant à la concurrence saine qui se joue sur le marché de l’éolien, l’exemple du partenariat entre une entreprise chinoise (Sinovel) et une entreprise américaine (AMSC) vient tempérer l’analyse faite par Steve Sawyer. Le chinois Sinovel est en effet en train d’approfondir ses relations avec l’américain American Superconductor (AMSC) et s’embarque pour la quete de la premiere position mondiale, devenir « le plus grand producteur de turbines éoliennes au monde » comme l’a annoncé Han Junliang les président de Sinovel. Les deux compagnies qui coopèrent sur la fabrication des turbines depuis 2005 vont maintenant travailler sur de nouveaux modèles de turbines offshore. Cette nouvelle fut annoncée lors de la commande faite par Sinovel de 445 millions de dollars pour l’achat de MORALES Josselin_2010 67 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence composants électroniques à AMSC pour un modèle de turbine spécifique (1,5 mégawatts SL 1500 wind turbines). L’objectif affiché par le président du groupe est de dominer le marché mondial le plus rapidement possible, avec l’aide de la compagnie américaine. ème Après sa création en 2004, la compagnie a atteint la 3 place mondiale en 2009 en terme de parts de marché. La croissance fulgurante de l’entreprise a bien sûr été soutenue par les énormes commandes du gouvernement chinois et également grâce au soutien de AMSC dans l’approvisionnement en composants électroniques. Greg Yurek, le fondateur et chef exécutif de AMSC affirme que Sinovel (de loin son plus gros client) est prêt à révolutionner le marché mondial « grâce à des turbines d’une grande fiabilité et à des prix défiant toute concurrence ». Le secteur de l’énergie solaire et, comme on le voit avec ce dernier exemple dans une certaine mesure, le secteur de l’éolien sont deux secteurs dans lesquels la compétition à l’échelle mondiale est en marche. La Chine fait preuve d’une agressivité certaine dans ces domaines, attaque ses concurrents sur leur sol, s’allie à eux pour conquérir le monde. On revient à ce qui a été dit précédemment à savoir cette obsession constante de créer des champions nationaux. Une obsession qui permettra sans doute à la Chine de se positionner durablement sur ces marchés très prometteurs en terme de soutien à la croissance et à la création d’emplois. Est ce que les joint-ventures permettront une sortie par le haut aux entreprises étrangères ? Est-ce la stratégie qui mettra fin à la concurrence déloyale chinoise ? Stratégie de joint-ventures : mettre fin à la concurrence déloyale chinoise Est-ce que les joint-ventures sont le moyen de dépasser les difficultés que rencontrent les entreprises étrangères à s’implanter en Chine ? Incapables de battre leurs concurrents, les firmes multinationales considèrent désormais l’option joint-venture pour atteindre leurs objectifs. Par exemple GE Drivetrain Technologies, une unité de production de General Electric, a signé en août dernier un contrat avec l’entreprise de Chongqing Xin Xing Gear Co pour la fabrication d’une pièce spécifique qui permet la construction de turbines éoliennes. L’entreprise américaine Timken Bearings construit en ce moment une installation dont la valeur est de 38 millions de dollars dans la province du Hunan pour produire des caissons eux aussi indispensables à l’assemblage des turbines éoliennes dans le cadre d’une jointventure avec Xiangtan Electric Manufacturing Company. Les joint-ventures peuvent se révéler avoir des effets très positifs dans la mesure où elles augmentent l’accès aux technologies pour les entreprises chinoises et offrent des opportunités aux partenaires étrangers. Mais pour le Dr. Zhend, les fabricants chinois devraient maintenant considérer la possibilité d’acquérir des firmes étrangères, dont la plupart seraient faciles à acheter dans ce contexte de récession. Pour Zheng l’acquisition ou la fusion d’entreprises chinoises avec des entreprises étrangères peuvent apporter un meilleur accès aux technologies. Une acquisition plus rapide est moins onéreuse que le long processus qu’est celui de l’acquisition de licences et de brevets, qui impose parfois à l’acquéreur des restrictions importantes en terme de quantité et sur l’étendue des modifications du processus de production ou du produit lui-même. Même si les avancées chinoises sur le marché des écotechnologies sont rapides, les fabricants chinois manquent de compétences en ce qui concerne les turbines de plus grande 68 MORALES Josselin_2010 II/ Union Européenne et RPC : les domaines de coopération à envisager pour une stratégie gagnant-gagnant, problèmes à résoudre et proposition de solutions. capacité. Zheng souligne le fait que la taille moyenne en terme de production des turbines éoliennes pars exemple est de 1.07 MWt en Chine alors qu’elle est de 2 MW en Europe. Cela ouvre une fenêtre pour les fabricants étrangers qui devraient directement se placer sur ce marché des turbines à grande capacité de production d’énergie. L’éolien offshore est un autre domaine prometteur dans lequel les entreprises étrangères devraient se concentrer. La Chine n’a pas encore la capacité de fabriquer et d’installer des turbines éoliennes offshore d’après une note de recherche par Climate Strategies, une organisation de recherche basée en Grande Bretagne. Il ne faudra pas longtemps aux entreprises chinoises pour s’exporter et devenir des acteurs importants sur ce marché. Les entreprises étrangères doivent désormais trouver le moyen non seulement de concurrencer les entreprises chinoises sur leur sol, mais aussi de conserver leur rang sur le marché mondial dans un futur proche. MORALES Josselin_2010 69 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Conclusion. Les pages qui précèdent ne sauraient suffire à trancher irréfutablement la question du rapport Union Européenne – Chine sur le marché des écotechnologies. Il y a sans doute deux raisons à cela : d’une part le jeune marché des technologies vertes est encore – et sans doute durablement – en pleine expansion, d’autre part le régime politique chinois est lui-même en lente mais profonde mutation. Notre étude permet cependant de dégager quelques grandes tendances. La Chine est à l’évidence en quête d’une nouvelle légitimité internationale et a bien compris son intérêt à accepter les lois d’un commerce irréversiblement mondialisé. Elle est donc prête à se conformer aux règles qui lui permettent de s’approprier par des moyens légaux le fruit des programmes de recherche et développement notamment européens. Par le jeu des investissements industriels effectués sur son sol par les 27, elle contribue même indirectement au R&D européen et l’on peut parler de coopération entre les deux grandes puissances économiques. Simultanément, l’Union Européenne apparaît divisée, ralentie par ses dissensions internes, et empêtrée dans les contraintes sociales qu’elle se crée à elle-même. Dans de nombreux secteurs industriels, elle cède lentement son rang de deuxième puissance économique à une Chine certes plus laborieuse mais surtout plus agressive sur les marchés. Enfin et surtout, la pérennité du régime chinois, c’est à dire de son système politique et de ses dirigeants, repose sur l’adhésion d’une population qui a de plus en plus accès à l’information et dont l’opinion peut de moins en moins être négligée. Consentant à troquer une contrainte militaro-policière (sans doute inconsciemment tolérée par atavisme) pour un bien-être en constante progression – il suffit de se promener dans Pékin pour s’en convaincre – le peuple chinois pousse indirectement ses dirigeants à la compétition et au succès, fut-ce au prix de quelques contorsions sur les marchés internationaux. Il n’est donc pas à douter que de l’évolution du régime politique chinois d’une part et d’une meilleure définition des objectifs de l’Union européenne de l’autre dépend l’orientation du marché des écotechnologies. Le fragile et tacite équilibre entre puissance technologique européenne et puissance industrielle chinoise ne résistera ni aux transferts de technologie, ni à la coercition intérieure chinoise, ni au droit légitime des PVD de partager au plus tôt un savoir essentiel à leur survie. Nous sommes donc dans une phase transitoire. En tant qu’européens, il est à souhaiter que les 27 prennent conscience de l’opportunité à saisir. D’une coopération équilibrée et rationnelle sur le marché des écotechnologies dépend probablement la pérennité d’une certaine indépendance européenne, et d’une certaine vision du monde. 70 MORALES Josselin_2010 Annexes Annexes « Le problème de l’innovation et de sa diffusion dans les PVD » La Chine est un pays en voie de développement. Malgré l’ambigüité du terme comme souligné plus haut, les problématiques qui s’y associent s’appliquent également à la Chine. Parmi elles, le problème du transfert des technologies qui nous intéresse plus particulièrement dans cette étude dans le cadre du transfert des écotechnologies. Les dirigeants chinois appellent régulièrement au transfert des technologies de pays développés vers les PVD pour leur permettre de mieux répondre à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre tout en soutenant le rythme de leur développement. Il s’agit donc dans cette partie de s’interroger sur ce qui se cache réellement derrière ce discours politique, à savoir si cet appel chinois ne cache en fait pas d’autres velléités. Estce qu’en conservant son statut de PVD la Chine obtient des avantages qui ne lui seraient pas conférés si elle avait un statut différent sur la scène mondiale ? Comment opérer ce transfert, quelles en sont les limites ? Les principaux canaux de diffusion technologique L’innovation et la technologie seront des facteurs cruciaux pour parvenir à stabiliser les émissions de CO2 à l’échelle mondiale. Atteindre une réduction du réchauffement climatique de 2°C requerra une augmentation rapide et à grande échelle du déploiement et du développement de ces nouvelles technologies. Assimilation et absorption Il est évident que l’investissement financier par l’IDE est essentiel pour que le domaine des écotechnologies se développe en Chine. Il est par ailleurs évident que la Chine doit se rendre attractive et que passées les difficultés concernant les DPI le secteur privé assume en grande partie l’effort dans ce domaine. Pourtant le lien entre IDE et retombées positives sur la productivité n’est pas évident. Bien sur la présence des Firmes multinationales dans les PVD facilite l’accès aux technologies avancées et constitue une étape essentielle au transfert de technologie. Pourtant l’assimilation par les entreprises locales est bien plus lente et compliquée. Les retombées positives des IDE sont étroitement liées à la « capacité d’absorption » du pays hôte. « Bien que l’IDE transfère des connaissances explicites, les savoirs tacites devraient être développés dans le pays d’accueil de manière endogène » comme nous l’explique Selin Ozyurt dans son article intitulé « les investissements directs à l’étranger entraînent-ils des effets de débordement vers les pays en développement ? ». En fait, « les entreprises locales qui reçoivent la nouvelle technologie devraient compléter le processus de transfert par des efforts internes qui nécessitent du temps et la mobilisation de ressources financières ». Cette rapide démonstration pour introduire une notion clé de la discussion : le transfert de technologie que demande la Chine n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Les firmes ont tendance à internaliser le transfert des connaissances les plus complexes et difficilement transférables. Dans la mesure où les technologies « matures » sont relativement plus faciles à codifier, leurs transferts et leurs absorptions se réalisent de manière plus aisée et moins MORALES Josselin_2010 71 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence onéreuse. En revanche la transmission des connaissances tacites nécessite davantage de contact physique entre les partenaires. Il faut en outre ne pas sous-estimer l’importance du capital humain et de l’effet de seuil. C’est à dire que les auteurs s’accordent à dire qu’il y a un effet bénéfique de l’arrivée d’IDE dans le pays d’accueil à condition que ces pays aient déjà atteint un certain seuil de développement du capital humain. Le rôle de l’écart technologique dans la diffusion de la technologie L’écart technologique entre le pays hôte et le pays investisseur détermine étroitement l’ampleur du processus du transfert de technologie. Il y dans la littérature deux types d’arguments : d’un coté l’hypothèse de « rattrapage technologique » fondé sur le postulat que les gains de productivité se réalisent de manière proportionnelle à l’écart technologique entre le pays investisseur et le pays récepteur. Dans cette optique on suppose donc que plus le pays d’accueil est en retard par rapport aux pays développés, plus le processus de rattrapage économique sera rapide. En revanche, la deuxième approche s’articule autour de l’idée selon laquelle lorsque l’écart technologique entre les deux pays est trop grand, les potentialités de retombées positives à travers l’IDE se trouvent limités (dans le cas de notre étude la première hypothèse est la plus adaptée). Pourquoi ? Parce que la capacité d’absorption est limitée dans le pays d’accueil. « La capacité d’absorption de la firme récipiendaire se détermine en fonction de ses efforts en R&D ainsi que par la complexité du savoir à assimiler (dans notre cas, la complexité est parfois très grande). A mesure que les entreprises locales se rapprochent de la frontière technologique internationale, il leur devient plus difficile d’imiter la technologie des FMN. A ce stade de développement les technologies à transférer contiennent un fort contenu tacite, les connaissances sous-jacentes nécessaires au transfert deviennent particulièrement complexes. Bien entendu, lorsque le savoir devient complexe, pour un niveau constant de R&D la firme assimile de moins en moins de technologies. Autrement dit, plus les pays avancent dans le processus de rattrapage que la quantité des technologies 9 susceptible d’être assimilées ou imitées diminue » . Il faut un écart technologique, mais il ne doit pas être trop grand. On peut donc se demander si un PVD tel que la Chine, qui souhaite se positionner sur le marché à haute contenance technologique qu’est le marché des écotechnologies, est une stratégie viable dans la mesure où la théorie invalide d’effet positif des transferts de technologies entre deux pays à l’écart de développement trop grand. L’écart de développement est il si grand ? On peut se demander si la Chine ne fait justement pas exception à la règle dans la mesure où la main d’œuvre qualifiée est en croissance exponentielle sur son territoire. L’impact des politiques à l’égard des IDE sur la diffusion technologique Est ce que les politiques incitatives permettent vraiment de tirer le meilleur parti de l’IDE ? C’est la question que pose l’auteur dans son article. Il souligne le fait que depuis quelques années (l’article date de 2008) on a une vision plutôt sceptique vis-à-vis des répercussions économiques des politiques préférentielles qui s’est progressivement instaurée parmi les chercheurs et les décideurs politiques. On constate que la prolifération des ZES dans les PVD a déclenché une surenchère internationale. Dans les pays hôtes l’instauration de ZES a généralement donné lieu à 9 Rapport E3G 72 MORALES Josselin_2010 Annexes une concurrence imparfaite entre les entreprises locales et étrangères. En général, les avantages créés pars les zones franches restent inférieurs aux coûts qu’elle impliquent. Et le cas de la Chine illustre parfaitement ce débat. Certes les ZES ont aidé la Chine à devenir la destination privilégiée des flux d’IDE dans le monde. L’établissement de ces ZES a également joué un rôle « catalyseur d’exportations ». Toutefois, lorsque l’on regarde l’économie chinoise dans son ensemble il en ressort qu’à long terme les ZES ont aussi entraîné des effets défavorables : elles ont causé de fortes distorsions commerciales qui ont sévèrement pénalisé les entreprises chinoises. De plus elles ont engendré une répartition inégale de l’IDE tant au niveau régional qu’au niveau sectoriel et ont creusé les inégalités salariales en faveur des villes et des provinces côtières. « Ces disparité régionales véhiculées par les politiques d’ouverture préférentielles pèsent aujourd’hui sur les perspectives de croissance économique harmonieuse et entraînent des tensions sociales. Ceci explique également le changement de politique d’ouverture du gouvernement chinois à l’égard de l’IDE. Depuis environ une décennie nous constatons qu’en Chine les politiques sélectives ont progressivement laissé place aux politiques d’ouverture 10 à l’échelle nationale » . Malgré le consensus établi sur les effets positifs des IDE dans les PVD et pour ce qui nous intéresse en Chine, la littérature ne parvient pas à démontrer systématiquement l’existence des retombées positives sur l’économie locale. Comment pallier ces manques ? La diffusion des technologies possédées par les FMN dépend étroitement des capacités d’absorption interne. De la même manière les initiatives politiques visant à stimuler les efforts d’innovation domestique ainsi que la coopération internationale avec les acteurs locaux permettraient d’assurer une diffusion effective des technologies modernes (dont les écotechnologies bien sûr) vers l’économie locale. Par ailleurs, les politiques publiques qui visent à améliorer les infrastructures de transport et de communication, et dans le cas de la Chine à lutter contre la corruption ainsi qu’à consolider les institutions, deviennent cruciales pour instaurer un environnement politique et macroéconomique propices aux retombées positives. Est ce que la Chine est capable de surmonter ces challenges ? Comment aider la Chine à absorber de manière efficace l’arrivée des écotechnologies ? 10 Rapport E3G MORALES Josselin_2010 73 La Chine et l Union Européenne sur le marché des ecotechnologies : Coopération, Confrontation Concurrence Bibliographie Ouvrages CANAL-FORGUES Eric, Le règlement des différends à l’OMC , Bruylant 2ème éd, Bruxelles, 2004. GARIBALDO Francesco, MORVANNOU Philippe, THOLEN Jochen, Is China A Risk Or An Opportunity For Europe ?: An Assessment of the Automobile, Steel, and Shipbuilding Sectors , éd Peter Lang Pub Inc, 23 novembre 2007, 123 pages. GRAUMANN-YETTOU, Commerce international guide pratique , LexisNexis Litec, 6ème éd, Paris, 2005. GAUMONT-PRAT Hélène, Droit de la propriété intellectuelle , LexisNexis Litec, 1ere éd, Paris 2005. 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