Le dépistage est un élément clé de la lutte contre les cancers

Date: 21.06.2015
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Le dépistage est un élément clé
ela lutte contre les cancers
Prevention Des outils imparfaits mais essentiels permettent de dépister précocement certaines tumeurs.
Avec toutefois des risques de surdiagnostic ou de surtraitement à mettre en balance avec les effets positifs.
De quoi on parle Stéphany Gardier
Istockphoto
Les faits
De nombreux pays font le choix de mettre en
place des programmes de dépistage organisé
pour les cancers les plus fréquents ou les plus
graves. Mais leur pertinence est parfois remise
en question, les experts opposant souvent
les bénéfices à l'échelle de la population
aux risques individuels.
Bilan
Un groupe d'experts piloté par le Centre inter-
national de recherche sur le cancer (CIRC)
vient de publier dans le New England Journal
of Medicine, revue médicale de référence,
une analyse qui confirme le bénéfice du dépis-
tage du cancer du sein par mammographie
chez les femmes après 50 ans.
iminuer la mortalité due
aux cancers passe par
une amélioration des
traitements, mais égale-
ment par un dépistage
aussi efficace que possi-
ble. En effet, dans la plu-
part des cas, le pronostic est meilleur quand
la maladie est détectée à un stade précoce.
Or c'est tout le paradoxe du dépistage: re-
chercher chez une personne en bonne santé
les premiers signes d'une maladie, dont on
ne sait pas comment elle évoluerait sans
traitement, comporte le risque de surtraiter
ou de découvrir des informations dont on ne
sait que faire. C'est pourquoi, pour chaque
type de cancer, les experts mettent en ba-
lance les bénéfices, les effets néfastes, ainsi
que le coût des dépistages avant de fournir
des recommandations. Le point sur la situa-
tion actuelle.
1. Cancer du sein
Il touche environ 5500 femmes par an en
Suisse dont 1400 en meurent. Plusieurs
cantons romands proposent des mammo-
graphies de dépistage destinées aux fem-
mes de 5o à 69 ans - période de la vie où le
risque est maximal -à réaliser tous les deux
ans. Le dépistage opportuniste, plus fré-
quent en Suisse alémanique, consiste à ef-
fectuer une mammographie en fonction du
suivi médical. «Ce dépistage a été critiqué
mais les conclusions du groupe d'experts du
Centre international de recherche sur le
cancer (CIRC) publiées dans le New England
Journal of Medicine réaffirment un rapport
Les femmes
entre
50 et 69 ans
qui réalisent
régulière-
ment une
mammogra-
phie voient
leur risque
de mourir
d'un cancer
du sein
diminuer
de 40%
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bénéfices risques favorable pour la mam-
mographie», commente Idris Guessous,
médecin et épidémiologiste aux Hôpitaux
universitaires de Genève et au CHUV. Les
scientifiques estiment en effet que les fem-
mes entre 5o et 69 ans qui réalisent réguliè-
rement une mammographie voient leur ris-
que de mourir d'un cancer du sein diminuer
de 40 %.
2. Cancer colorectal
Hommes et femmes sont concernés par ce
cancer encore associé à une importante
mortalité. Pourtant, il se guérit dans 90%
des cas quand il est détecté tôt. Malheureu-
sement, pour beaucoup de patients, le dia-
gnostic est posé à un stade avancé et les
traitements sont alors peu efficaces. Les
tests de recherche de sang dans les selles,
s'ils sont effectués tous les deux ans, com-
me cela est recommandé, sont un outil de
dépistage utile. Réaliser une coloscopie
(examen du rectum et du côlon par endos-
copie) tous les dix ans est une option égale-
ment reconnue.
3. Cancer de la prostate
C'est le cancer le plus fréquent chez les
hommes mais c'est aussi une maladie qui
évolue lentement. «Beaucoup d'hommes
âgés ont un cancer de la prostate mais ne
mourront pas de cela», souligne Idris Gues-
sous. Le dépistage par dosage du taux de
PSA (antigène prostatique spécifique) dans
le sang a été accusé de conduire à un large
surdiagnostic. «On ne sait pas aujourd'hui
prédire sur la base du seul taux de PSA quel-
le tumeur va mettre la vie du patient en dan-
ger ou pas, explique Idris Guessous. Ce dé-
pistage n'est donc sans doute pas le meilleur
moyen de faire baisser la mortalité liée à ce
cancer.» Pour sa part, la Ligue suisse contre
le cancer ne recommande pas de doser le
PSA de manière systématique.
4. Cancer du poumon
Il est celui qui tue le plus: 2000 hommes et
1000 femmes chaque année en Suisse. Pa-
radoxalement, il n'existe pas de dépistage.
«C'est un sujet délicat, reconnaît Jakob Pas-
sweg, président de la Ligue suisse contre le
cancer. Ce cancer est majoritairement lié au
tabac. La position actuelle consiste à mettre
plus de moyens dans la lutte contre le taba-
gisme. La société estime qu'il est de la res-
ponsabilité des fumeurs de prendre en char-
ge ce risque.» Pourtant des études montrent
que l'imagerie par CT-scan permet de dé-
pister tôt ce cancer, dont le pronostic se pé-
jore avec le temps.
5. Les patients à haut risque
«Si les recommandations valent pour M. et
Mme Tout-le-monde, le suivi est différent
pour les personnes dites à haut risque, rap-
pelle Jakob Passweg. Il est notamment im-
portant que chacun informe son médecin
des antécédents familiaux de cancer, car il
existe des prédispositions génétiques héré-
ditaires pour certains cancers, comme le
mélanome, le cancer du côlon, du sein et de
la prostate.»
«Le dépistage peut alors débuter plus
tôt, explique Idris Guessous, même si les
modalités de la détection peuvent varier
selon les cas.» Pour le cancer du sein par
exemple, la densité des tissus mammaires
avant 5o ans n'est pas idéale pour la mam-
mographie, c'est donc l'IRM qui est préco-
nisée. Quant au cancer du côlon, la colos-
copie reste l'examen de référence. «Selon
les cas, une consultation de médecine gé-
nétique est aussi importante afin que les
personnes aient le plus tôt possible toutes
les données en main», ajoute Jakob
Passweg. a
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Développement du cancer
Le cancer peut toucher tous les types de tissus. Il se
caractérise par une division non contrôlée des cellules
touchées qui envahissent peu à peu d'autres tissus
de l'organisme, soit localement par extension directe,
soit à distance par dissémination via le sang ou le
réseau lymphatique (métastases). Les cellules
cancéreuses sont issues de la transformation par
mutations ou instabilité génétique (en relation
avec des facteurs héréditaires ou environnementaux)
de cellules initialement normales.
O Hyperplasie
Des cellules normales
d'un tissu ou d'un organe
prolifèrent de manière
anormale.
Dysplasie
Des cellules hyperplasiques
se transforment en cellules
anormales et prolifèrent
localement.
Cancer in situ
La tumeur, peu étendue,
reste localisée dans le tissu
d'origine. Elle peut d'ailleurs
y rester à l'état latent
pendant de nombreuses
années.
OTumeur maligne
Les cellules commencent
à se répandre dans les
couches plus profondes
et la tumeur envahit
progressivement
les tissus et organes
environnants; elle peut
aussi migrer vers d'autres
tissus (métastases).
SOURCE: LMD
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Informer sur les conséquences des dépistages
En matière de dépistage, les inévitables
faux positifs (tests positifs alors qu'il n'y a
pas de maladie) et faux négatifs (tests néga-
tifs alors que la maladie existe) sont les re-
vers de la médaille. Se faire dépister impli-
que donc d'accepter les suites possibles
d'un test avec des risques de surdiagnostic.
Si, statistiquement, un dépistage bénéficie
à une population et permet de faire globale-
ment reculer la mortalité par cancer, parmi
les personnes dépistées certaines n'en ti-
rent pas d'effets positifs ou subissent des
interventions alors qu'elles n'en auraient
pas eu besoin. «Nous sommes aujourd'hui
à l'ère de la décision partagée, explique
Idris Guessous. Avant un dépistage, qu'il
soit organisé en routine ou décidé lors
d'une consultation, le médecin se doit de
traduire au mieux les informations disponi
bles, car les notions de risques et bénéfices
sont très abstraites. Il n'y a pas de bonne
ou de mauvaise décision, mais il faut être
clair sur les différentes facettes du dépista-
ge, et les incertitudes quand il y en a.»
Plusieurs groupes travaillent actuellement
au développement d'outils qui permet-
traient de faciliter ce dialogue entre
médecins et patients.
Mammographie: la controverse suisse
En février 2014, un rapport rédigé
par le Swiss Medical Board (SMB) a suscité
de nombreuses réactions. Révélées
par la NZZ am Sonntag, les conclusions
de ce petit groupe d'experts alémaniques
remettaient en cause l'intérêt des
mammographies de dépistage.
Un avis critiqué par de nombreux spécialis-
tes de la lutte contre le cancer, qui avaient
entre autres souligné des biais dans la
méthodologie du SMB. L'article publié
dans le New England Journal of Medicine, qui
s'appuie sur les données les plus
récentes de la littérature scientifique,
rappelle une nouvelle fois l'intérêt de
cet examen. Un autre article scientifique,
publié à la fin mai, a analysé précisément
les données helvétiques.
Les auteurs concluent que le SMB
a surestimé (de 4 à 10 fois) les risques
de la mammographie et sous-estimé
(2 ou 3 fois) les bénéfices.
La période choisie par le SMB pour mener
son analyse serait trop restreinte (13 ans):
«Il est important de regarder les effets
positifs et négatifs sur une période longue,
pour faire une évaluation pertinente»,
concluent les auteurs.
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