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Certes, en cinquante ans, l’agriculture marocaine a fait des progrès remarquables qui ont
concerné pratiquement toutes les productions, animales comme végétales. La production globale
a pratiquement triplé en valeur constante. L’agriculture, malgré la forte urbanisation, représente
encore 15 % de la richesse nationale produite chaque année, et elle a un effet multiplicateur,
en amont et en aval, important et croissant sur le reste de l’économie. Son importance sociale
est centrale : le secteur occupe 46 % des actifs du pays, et son évolution est déterminante
dans les équilibres ou les déséquilibres de la société rurale, et donc dans la stabilité du pays
dans son ensemble. L’agriculture a également une très grande importance sociétale et culturelle
car elle reste le dépositaire de valeurs, de savoir-faire, de paysages et de diversité qui constituent
l’ossature centrale du patrimoine du pays. Elle est enfin le principal utilisateur et gestionnaire
de ressources et milieux naturels, l’eau notamment qui va devenir la clef du développement
du pays.
Cependant, en dépit de son importance stratégique et de ses progrès depuis l’Indépendance,
force est de constater que les performances sont insuffisantes et que son évolution reste
problématique. La productivité par actif et par hectare reste parmi les plus faibles de la région,
la balance commerciale agricole est nettement déficitaire. En outre, depuis une quinzaine
d’années, l’irrégularité de la production est devenue de plus en plus marquée tandis
qu’apparaissent des signaux inquiétants de ralentissement de la croissance alors que l’agriculture,
qui avait depuis toujours développé des solutions remarquables d’adaptation au milieu, est
devenue de plus en plus insensible aux impératifs de l’environnement.
Face à ces difficultés croissantes, les stratégies sont depuis longtemps restées surtout réactives.
On voit s’affirmer, dans un tel contexte, des indices préoccupants de développement non
durable. En témoignent la faiblesse des capitaux investis dans l’agriculture, le déficit de
l’innovation, l’extension de la pauvreté, la faible productivité, la dégradation des ressources,
en particulier celle de l’eau, des sols et des écosystèmes. La diversification de l’économie rurale
est par ailleurs très limitée, comme le montre le faible nombre des emplois ruraux non agricoles.
La population active agricole représente encore 46 % de la force de travail. Cette proportion
est très lourde et souligne de façon brutale la divergence d’évolution, au cours des cinquante
dernières années, de la démographie, de la productivité et des politiques agricoles entre pays
industrialisés et pays en développement. Les écarts de productivité sont devenus tels qu’ils
peuvent rendre bien problématique une libéralisation équitable du commerce agricole. C’est
dans ce contexte que le Maroc doit faire face à l’ouverture sur les marchés internationaux.
Notre pays est en effet résolument engagé dans une politique d’ouverture dans le cadre de
son ambition de réussir le triple pari de la libéralisation, de l’insertion la plus avantageuse
pour sa croissance dans les chaînes de valeurs internationales et du développement humain
durable.
Face à ce triple pari, l’ouverture comporte de toute évidence des risques certains. Elle peut
en effet être la cause d’un creusement des déséquilibres régionaux, d’une accentuation de la
pauvreté rurale et de bouleversements environnementaux ; elle peut avoir de graves conséquences
sur les finances publiques et sur la problématique de l’émigration. De nombreux autres exemples
montrent cependant que la mondialisation peut être aussi l’occasion de progrès structurels
pour l’agriculture. L’ouverture, selon la façon dont elle sera gérée et accompagnée, pourra
avoir des effets très contrastés.
L’analyse comparée des pays méditerranéens permet d’affirmer qu’un renouveau agricole et
rural est possible. Le Maroc dispose en effet d’atouts forts par rapport aux autres pays de la
Présentation
Agriculture 2030
Quels avenirs pour le Maroc ?